M. Joël Labbé. Je présente cet amendement au nom de mon collègue Ronan Dantec, qui en est le premier signataire.
Il a pour objectif de garantir que tout projet ayant des incidences notables sur l’environnement fasse l’objet d’une évaluation environnementale, conformément aux dispositions de la directive Projets, et à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, qui estime qu’un projet, de dimension même réduite, peut avoir de telles incidences et doit donc être soumis à évaluation environnementale.
Il s’agit aussi de répondre à la mise en demeure, en date du 7 mars 2019, de la France par la Commission européenne, laquelle considère que la législation française n’est pas conforme à la directive européenne en ce qu’elle exclut des projets ayant des incidences sur l’environnement de toute évaluation et fixe des seuils d’exemption inadaptés.
Le présent amendement vise donc à se conformer au droit européen et reprend la proposition du rapport du groupe de travail présidé par Jacques Vernier, intitulé Moderniser l’évaluation environnementale, qui recommande d’instaurer une « clause de rattrapage ».
Il permet de soumettre à évaluation environnementale tout projet qui serait en deçà des seuils et/ou critères retenus pour l’application de cette obligation.
Il permet également à l’autorité compétente, ou au maître d’ouvrage, de saisir l’autorité environnementale afin de procéder à un examen au cas par cas, et donc de sécuriser juridiquement les projets.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteure. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je précise que la mise en demeure de la Commission ne concerne pas l’absence de clause-filet, puisque cela est autorisé dans le cadre du droit européen.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 152 rectifié, présenté par MM. Dantec et Labbé, Mme N. Delattre et M. Jeansannetas, est ainsi libellé :
Après l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 122-1 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa du II est ainsi rédigé :
« Lorsque l’autorité environnementale décide de soumettre un projet à évaluation environnementale dans le cadre d’un examen au cas par cas, la décision précise les objectifs spécifiques poursuivis par la réalisation de l’évaluation environnementale du projet. » ;
2° Au premier alinéa du IV, les mots : « l’autorité en charge de l’examen au cas par cas » sont remplacés par les mots : « l’autorité environnementale » ;
3° Le V bis est ainsi rédigé :
« V bis. – L’autorité environnementale ne doit pas se trouver dans une position donnant lieu à conflit d’intérêts. À cet effet, ne peut être désignée une autorité dont les services ou les établissements publics relevant de sa tutelle sont chargés de l’élaboration du projet ou assurent sa maîtrise d’ouvrage. Les conditions de mise en œuvre de la présente disposition sont précisées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Le présent amendement vise à garantir l’indépendance de l’autorité environnementale, à l’instar de ce que prévoient les dispositions en matière de plans et de programmes, en la dissociant de l’autorité compétente en matière d’autorisation. Il vise à prévenir les contentieux en la matière et donc à sécuriser les projets.
Il s’agit également de répondre à la mise en demeure de la France par la Commission européenne, laquelle considère que la législation nationale exclut des procédures d’évaluation certains types de projets ayant des incidences sur l’environnement et fixe des seuils d’exemption inadaptés, et que les moyens sont insuffisants pour l’examen des autres évaluations pertinentes.
L’absence de clause de rattrapage constitue une régression dans l’application du principe de prévention des atteintes à l’environnement et un recul en matière d’acceptabilité des projets. Elle représente donc un risque d’insécurité juridique pour les porteurs de projet. Or le Conseil d’État, dans sa décision du 8 décembre 2017, a confirmé qu’« une réglementation exemptant de toute évaluation environnementale un type de projets antérieurement soumis à l’obligation d’évaluation environnementale après un examen au cas par cas n’est conforme au principe de non-régression de la protection de l’environnement que si ce type de projets, eu égard à sa nature, à ses dimensions et à sa localisation et compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, n’est pas susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine ».
Il s’agit là d’éviter les contentieux, qui risquent de se multiplier si l’on continue d’agir ainsi, car la population accepte de moins en moins ces pratiques. Puisqu’il faut bien réaliser les projets, sécurisons-les au maximum !
Mme la présidente. L’amendement n° 66, présenté par Mmes Brulin et Cukierman, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° L’article L. 122-1 est ainsi modifié :
a) Au dernier alinéa du II, les mots : « autorité chargée de l’examen au cas par cas » sont remplacés par les mots : « autorité environnementale » ;
b) Le V bis est abrogé ;
2° Après le 3° du II de l’article L. 122-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Il attribue la compétence d’autorité environnementale mentionnée à l’article L. 122-1 soit au ministre chargé de l’environnement, soit à la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable, soit à la mission régionale d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable de la région sur le territoire de laquelle le projet concerné doit être réalisé. »
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Je disais précédemment que ce texte donnait une interprétation quelque peu unilatérale du rapport Kasbarian. Nous proposons de rééquilibrer les choses, en prenant en compte des éléments contenus dans ce rapport. Je pense notamment à la nécessité d’acculturer les industriels aux enjeux environnementaux et à la réglementation, ainsi qu’à l’importance de donner véritablement davantage de poids à la consultation du public, ce que certains qualifient de « redevabilité », c’est-à-dire la justification de la prise en compte des avis des citoyens et de l’autorité environnementale.
Je n’y reviendrai pas longuement, mais ce qu’a aussi montré l’accident industriel de Lubrizol, c’est la nécessité de tenir compte des inquiétudes légitimes et des avis des populations, voire de construire avec elles un certain nombre de réponses. Le rapport contient plusieurs propositions allant en ce sens, comme la création d’un portail numérique de suivi des dossiers. Il faut aussi citer la présentation de l’action 9 sur l’accélération des procédures, et ce regret, formulé sur la question plus large de la consultation du public : « La mission constate et regrette une prise en compte trop limitée de l’avis des citoyens lors du processus d’enquête publique. Pour y remédier et sans aller vers des solutions contraignantes, il conviendrait de concevoir et d’envisager des mécanismes plus innovants pour associer davantage les citoyens. »
Nous voulons pour notre part, aller en ce sens, et respecter l’esprit de la convention d’Aarhus en passant d’une simple consultation à une réelle prise en compte de l’avis des citoyens et de l’autorité environnementale.
Nous proposons de prendre en compte la position de cette autorité de deux manières : premièrement, en lui permettant de réagir à la réponse écrite du maître d’ouvrage à son avis en formulant un avis complémentaire à la demande du commissaire enquêteur ; deuxièmement, en obligeant l’autorité chargée de l’autorisation du projet à justifier la non-prise de mesures en cas d’incidences résiduelles négatives significatives.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteure. Ces amendements visent à revenir sur la loi relative à l’énergie et au climat. Ils prévoient en effet que c’est l’autorité environnementale qui doit être compétente en matière de décision de soumission d’un projet à évaluation environnementale. L’objectif est que l’autorité chargée de décider de cette soumission ne soit pas la même que celle chargée de donner l’autorisation.
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable avait déjà souligné, à l’occasion de l’examen de la loi relative à l’énergie et au climat, que cette solution continuait de poser problème, dans la mesure où elle permettait à un préfet d’être à la fois celui qui décide si un projet doit faire ou non l’objet d’une évaluation environnementale et celui qui est compétent pour autoriser ce projet. Elle avait d’ailleurs proposé que l’autorité désignée pour assurer l’examen au cas par cas des projets dispose également d’une autonomie fonctionnelle par rapport à l’autorité compétente pour autoriser le projet, mais cette modification n’avait malheureusement pas été retenue.
Néanmoins, il ne semble pas utile de revenir sur cette législation récente.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le Sénat a effectivement voté, dans le cadre de la loi relative à l’énergie et au climat, une disposition qui permet de trouver un juste équilibre entre autorité environnementale et autorité chargée de l’examen du projet au cas par cas.
Je précise, pour rassurer Mme la rapporteure, qu’un décret précisera les conditions de déport, ce qui permettra de répondre aux questionnements exprimés lors de l’examen de ce texte.
Par ailleurs, concernant la question posée sur la mise en demeure, j’ajoute que c’est bien la loi relative à l’énergie et au climat qui, opérant cette distinction entre autorité environnementale et autorité chargée de l’examen au cas par cas, répond à l’essentiel de la mise en demeure.
D’autres sujets ont été abordés par les auteurs des amendements, notamment à propos des seuils. Il nous a aussi été reproché de ne pas avoir transposé la directive, mais comme il n’y a aucun cas en France, nous devons nous mettre d’accord avec la Commission européenne. Quoi qu’il en soit, le point essentiel est réglé.
L’avis est donc défavorable sur les deux amendements.
Mme la présidente. L’amendement n° 82 rectifié, présenté par MM. Wattebled, Guerriau, Menonville et Chasseing, Mme Mélot, MM. Malhuret, Lagourgue, Capus, A. Marc et Decool, Mmes Vullien et Noël et MM. Raison, Perrin, Canevet, Grosdidier, Le Nay, Segouin, de Nicolaÿ, Louault, Laménie, Bonhomme, Bouloux et H. Leroy, est ainsi libellé :
Après l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Le second alinéa du IV de l’article L. 122-1 par les mots et une phrase ainsi rédigée : « dans un délai de deux mois. Le silence gardé par l’autorité à expiration de ce délai vaut acceptation. » ;
2° À la première phrase du 3° du IV de l’article L. 211-3, après les mots : « peut demander », sont insérés les mots : « , dans un délai de deux mois, ».
La parole est à M. Dany Wattebled.
M. Dany Wattebled. Cet amendement vise à obliger l’administration à apporter une réponse lorsqu’elle est saisie de demandes, notamment en matière d’environnement. En effet, nous constatons souvent sur le terrain que l’administration laisse fréquemment les entrepreneurs sans réponse, alors qu’ils ont déjà engagé des frais et mobilisé des ressources pour lancer de nouveaux projets.
Ainsi, dans le Nord, un entrepreneur a demandé à l’autorité compétente s’il devait engager une étude d’impact. Sans réponse de l’État pendant un an, il a décidé d’engager les travaux, et c’est seulement à ce moment-là que l’administration s’est réveillée pour le sanctionner ! Une telle situation est inacceptable, car l’administration doit être au service du citoyen, et non l’inverse.
Il faut obliger l’administration à apporter des réponses dans des délais raisonnables. C’est pourquoi je propose de fixer un délai de réponse, en l’occurrence de deux mois, au-delà duquel le silence gardé par l’administration vaut acceptation en matière environnementale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteure. Ma première remarque concerne la lisibilité du dispositif proposé par l’amendement : je ne suis pas sûre de comprendre ce que voudrait dire une « acceptation » dans le cas d’une procédure de cas par cas. En effet, l’autorité compétente doit décider si, oui ou non, un projet doit être soumis à évaluation environnementale. Que voudrait donc dire un silence valant acceptation ? Le projet serait-il soumis à évaluation environnementale en cas de silence ?
Deuxième remarque, je rappelle que ce qui justifie la règle du refus implicite en cas d’absence de réponse correspond à des enjeux de sécurité publique et de protection de l’environnement.
Enfin, l’autorité environnementale dispose d’un délai de trente-cinq jours à compter de la réception du formulaire complet pour informer, par décision motivée, le porteur de projet de la nécessité ou non de réaliser une évaluation environnementale.
La préoccupation exposée dans l’amendement étant en partie satisfaite, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 64, présenté par Mmes Brulin et Cukierman, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa du V de l’article L. 122-1 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Le commissaire enquêteur peut demander à l’autorité environnementale un avis complémentaire sur cette réponse écrite. Elle le lui communique avant le démarrage de l’enquête publique. » ;
2° Le deuxième alinéa du I de l’article L. 122-1-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle précise les motivations qui ont conduit à ne pas prescrire de mesures, en cas d’incidences résiduelles négatives significatives. »
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteure. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié quater, présenté par Mme Noël, M. Bascher, Mme Puissat, M. D. Laurent, Mmes Berthet et Chauvin, MM. Lefèvre, J.M. Boyer, Vial, Chatillon, Perrin et Raison, Mme Raimond-Pavero, M. Calvet, Mme Deromedi, M. Laménie, Mme A.M. Bertrand et M. H. Leroy, est ainsi libellé :
Après l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 122-3 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 122-…. ainsi rédigé :
« Art. L. 122-…. – Pour les projets ou aux parties de projet ayant pour objet le strict remplacement de remontées mécaniques ou de téléphériques transportant plus de 1 500 personnes par heure, une dérogation par décision de l’autorité compétente peut dispenser le maître d’ouvrage de l’étude d’impact telle que prévue par la présente section. »
La parole est à Mme Sylviane Noël.
Mme Sylviane Noël. Aujourd’hui, le remplacement d’une remontée mécanique sur un même tracé est considéré comme une création de remontée mécanique, selon la législation en vigueur. Il fait donc l’objet d’une étude d’impact systématique dès que le débit de l’appareil projeté dépasse les 1 500 personnes à l’heure, ce qui est le cas de tous les téléportés créés actuellement.
Néanmoins, le remplacement d’une remontée mécanique s’accompagne bien souvent d’une diminution du nombre de pylônes, compte tenu des progrès de la technique, et n’entraîne pas d’impact significatif supplémentaire sur une zone déjà aménagée.
Lors des consultations et échanges avec l’administration sur le décret de 2017 relatif à la procédure de création ou d’extension des unités touristiques nouvelles (UTN), Domaines skiables de France a proposé de dispenser ce type de projet d’étude d’impact. Cette proposition avait semblé recueillir l’assentiment de la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) et de France Nature Environnement.
Pourtant, la modification n’a pas été prise en compte dans les textes. Aussi, cet amendement a pour objet de permettre une dispense d’étude d’impact systématique lors du remplacement d’une remontée mécanique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteure. Les projets de remontées mécaniques transportant plus de 1 500 personnes sont aujourd’hui soumis à évaluation environnementale systématique. Cet amendement vise à déroger à cette systématicité en prévoyant la possibilité de dispenser le maître d’ouvrage d’une étude d’impact pour les projets de remplacement de remontées mécaniques ou téléphériques.
Tout d’abord, le champ des projets soumis à étude d’impact est de nature réglementaire : il est défini dans un tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement, à la rubrique 43 pour les projets de remontées mécaniques et de téléphériques.
En outre, il est prévu que les travaux de remplacement à l’identique des remontées mécaniques, qui sont assimilables à des travaux de maintenance ou de grosses réparations, sont exemptés de l’obligation de soumission à évaluation environnementale.
En revanche, les travaux de remplacement qui ont pour effet d’augmenter la capacité de transport de la remontée mécanique peuvent être considérés comme des extensions et, dès lors, soumis à examen au cas par cas dans la grande majorité des cas et, pour les augmentations les plus importantes, à évaluation environnementale systématique.
L’amendement proposé étant satisfait, j’en demande le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Compte tenu du métier que j’exerçais précédemment, je me contenterai de lire la fiche de banc préparée par les ministres compétents.
En premier lieu, je souhaite rappeler que le champ de l’évaluation environnementale relevant du domaine réglementaire, il ne revient pas à la loi de préciser les exemptions en la matière.
En second lieu, sur le fond, les travaux de remplacement à l’identique des remontées mécaniques sont déjà exemptés d’évaluation environnementale, en application de l’article R. 122-2 du code de l’environnement, dans la mesure où ils sont assimilables à des travaux de maintenance ou de grosses réparations. Permettez-moi de citer cet article : « Sauf dispositions contraires, les travaux d’entretien, de maintenance et de grosses réparations, quels que soient les projets auxquels ils se rapportent, ne sont pas soumis à évaluation environnementale. »
Le droit actuel permet donc déjà de répondre pleinement au souhait des auteurs de cet amendement.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Noël, l’amendement n° 3 rectifié quater est-il maintenu ?
Mme Sylviane Noël. Oui, madame la présidente. En effet, contrairement à ce qui vient d’être dit, cet amendement n’est pas satisfait, puisque l’évaluation environnementale s’applique pour les téléportés qui ont une capacité supérieure à 1 500 personnes à l’heure, ce qui est le cas aujourd’hui de tous les nouveaux tracés téléportés. La question n’est donc pas réglée du tout.
Selon son intitulé, le présent projet de loi vise à la simplification de l’action publique. On est là en plein dedans, si vous me permettez cette expression ! Imposer une étude d’impact pour une installation ayant moins d’impact que celle que l’on supprime, cela ne me semble pas aller dans le bon sens.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié quater.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 26 rectifié bis, présenté par Mme C. Fournier, M. Kern, Mme Guidez, MM. Canevet, Le Nay et Louault et Mmes Férat, Billon et Gatel, est ainsi libellé :
Après l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la référence : « L. 122-1 », la fin du premier alinéa de l’article L. 181-8 du code de l’environnement est ainsi rédigée : « lorsqu’elle est requise. »
La parole est à Mme Catherine Fournier.
Mme Catherine Fournier. Cet amendement concerne les études d’impact environnemental.
Sans justification par rapport au droit européen, cette exigence générale d’une étude d’incidence pour tout projet qui ne fait pas l’objet d’une évaluation environnementale constitue une surtransposition. Si l’obligation d’une étude d’incidence peut se justifier, sa généralisation à tous les cas pour lesquels il n’y a pas obligation d’évaluation environnementale semble excessive et injustifiée.
En effet, ce n’est qu’au terme d’un examen au cas par cas que le porteur de projet saura, dans le cas où cet examen conclura à l’absence de nécessité de réaliser une évaluation environnementale, qu’il doit faire une étude d’incidence environnementale. Cela conduit le pétitionnaire à supporter deux fois une procédure sans aucune justification légale, tant au niveau européen que national.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteure. Supprimer ici l’obligation d’une étude d’incidence, dans une autorisation qualifiée d’environnementale, ne permettrait pas à l’autorité décisionnaire – le préfet – de prendre la décision d’autorisation ou de refus en toute connaissance de cause. En effet, l’absence d’étude d’impact ne signifie pas que le projet n’a absolument aucune incidence sur l’environnement, et ce d’autant que les seuils relatifs à l’étude d’impact ont été relevés ces dernières années.
Un projet qui n’est pas soumis à évaluation environnementale n’est pas pour autant dénué de tout impact sur l’environnement.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je tiens à préciser que le porteur de projet commencera par renseigner un formulaire « cas par cas » comportant les informations nécessaires à l’autorité compétente pour décider si l’étude d’impact est requise. Ce n’est que lorsqu’il est dispensé d’étude d’impact que le porteur de projet devra fournir une étude d’incidence environnementale.
Il n’est donc pas avéré, comme cela est affirmé dans l’exposé des motifs de l’amendement, que le pétitionnaire doit supporter deux fois une procédure. Le formulaire « cas par cas » permettra d’orienter le demandeur vers la procédure qui est la plus adaptée à sa situation, et donc vers une seule procédure.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 26 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Chapitre III
Modalités des consultations
Article 24
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° La dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 512-7-3 est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Dans ces deux cas, le préfet en informe l’exploitant préalablement à la clôture de l’instruction de la demande. Dans le second cas, il consulte la commission départementale consultative compétente. » ;
2° À l’article L. 512-7-5, les mots : « , après avis de la commission départementale consultative compétente, » sont supprimés ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 512-12, les mots : « et après avis de la commission départementale consultative compétente » sont supprimés ;
4° À la fin du dernier alinéa de l’article L. 555-1, les mots : « , et de l’avis de la commission consultative compétente en matière de risques technologiques » sont supprimés ;
5° À la fin de la dernière phrase de l’article L. 555-12, les mots : « et de la commission consultative compétente en matière de prévention des risques technologiques » sont supprimés.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, sur l’article.
M. Jean-Claude Tissot. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’associerai à ce propos ma collègue Nicole Bonnefoy.
Je souhaitais prendre la parole sur l’article 24 pour m’exprimer plus largement sur les dispositions du présent projet de loi relatives au régime des installations classées pour la protection de l’environnement.
Comme vous le savez, madame la secrétaire d’État, le Sénat a créé, à la demande de l’ensemble des présidents de groupes et de commissions, une commission d’enquête pour analyser la gestion des conséquences de l’incendie de l’usine Lubrizol du 26 septembre 2019, et en tirer des enseignements pour l’avenir. J’ai l’honneur d’en être l’un des vice-présidents.
Mon objectif est, à cet instant, non pas de m’exprimer au nom de la commission d’enquête, qui présentera ses conclusions d’ici au début du mois d’avril, mais de vous faire part, à titre personnel, de certaines réserves par rapport à ce projet de loi.
Je regrette vivement le signal qu’envoie le Gouvernement en proposant des mesures guidées par le seul souci de simplifier la vie des industriels. Ces propositions proviennent d’un rapport remis au Gouvernement par notre collègue député Guillaume Kasbarian le 23 septembre 2019, c’est-à-dire trois jours avant l’accident de l’usine Lubrizol.
Ce rapport était guidé par le souci d’alléger les contraintes administratives des entreprises. À mon sens, le contexte et les attentes de la population ont profondément changé depuis : c’est peu dire que la population de Rouen a été très mécontente du manque d’information sur les risques industriels liés, notamment, à la présence d’une industrie chimique puissante au sein même de l’agglomération.
L’article 24 du projet de loi prévoit de limiter le rôle consultatif du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst). Aussi, je m’interroge sincèrement sur l’importance qu’accorde le Gouvernement à l’information du public par rapport aux considérations d’ordre économique. D’autres dispositions du projet de loi, aux articles 22, 23 et 25, malmènent également notre démocratie environnementale.
Traiter les procédures de consultation du public comme un fardeau ne contribuera pas à améliorer l’acceptabilité des activités industrielles. Au contraire, les réactions à l’accident de l’usine Lubrizol témoignent d’une véritable crise de confiance dans nos territoires à l’égard de la maîtrise des risques industriels.
Les mesures proposées ne vont pas dans le bon sens. J’observe d’ailleurs qu’elles entrent en contradiction avec les propos tenus devant notre commission d’enquête par plusieurs ministres, qui ont déploré le manque de culture du risque dans notre pays.
En outre, sur la forme, je m’étonne que le Gouvernement propose dès à présent des dispositions sur ce sujet, alors que plusieurs prises de parole avaient laissé entendre que l’exécutif attendrait les conclusions des travaux des deux assemblées avant de proposer des évolutions. Force est de constater que cette méthode n’a pas été respectée.
Permettez-moi donc d’espérer qu’à l’avenir le Gouvernement prêtera plus d’attention aux travaux de contrôle du Parlement et saura mieux mettre en cohérence ses actes avec ses paroles. Nous serons ravis de lui offrir une nouvelle occasion de le faire, lors de la présentation de nos conclusions dans quelques semaines.