M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable pour les raisons invoquées par M. le rapporteur général.
Ces discussions autour de l’impôt sur le revenu me permettent de répondre à la question de la baisse des recettes attendues dans ce deuxième PLFR, évoquée lors de la discussion générale. Cette baisse n’est pas encore pas tout à fait bien cadrée par la direction du budget ou par la direction de la sécurité sociale, mais il est prévu près de 6 milliards d’euros d’impôt sur le revenu en moins par rapport au PLF présenté en décembre dernier et environ 4,5 milliards d’euros en moins par rapport au premier PLFR.
Cela me permet de souligner également devant vous la grande vertu du prélèvement à la source, puisque, aujourd’hui, des centaines de milliers de contribuables peuvent moduler le taux qui leur est applicable, afin de payer moins d’impôts s’ils sont au chômage partiel, et ce même sans modifier le taux d’imposition. En outre, plus de 100 000 indépendants ont depuis trois semaines supprimé ou reporté des acomptes : soixante-dix fois plus de reports ont été enregistrés depuis les quinze derniers jours qu’au cours de toute l’année dernière.
L’impôt à la source s’adapte à la vie des Français pour le meilleur et pour le pire – en l’occurrence pour le pire : on supprime des impôts, on baisse des recettes pour aider les Français à maintenir leur trésorerie.
M. le président. L’amendement n° 291, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1 du I article 223 sexies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, le taux : « 3 % » est remplacé par le taux : « 8 % » ;
2° Au dernier alinéa, le taux : « 4 % » est remplacé par le taux : « 10 % ».
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. On a discuté plusieurs fois de la question de l’impôt et des recettes de l’État. Vous l’avez dit vous-mêmes à plusieurs reprises lors de nos échanges politiques dans le cadre de la loi de finances, mais aussi sur d’autres sujets, il existe deux lignes de partage, des stratégies et des explications différentes.
Pour notre part, nous pensons que nous sommes depuis assez longtemps dans un cycle politique, avec des réductions d’impôts telles que certains sont de moins en moins contributeurs, et avec des baisses de cotisations sociales qui ont participé à la progression de la dette publique – les comptes sont là, mais je ne vais pas faire l’inventaire ici – sur plusieurs décennies.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons la contribution des plus riches, sans demander de les imposer pour le principe et sans les « mettre sur la paille » – excusez cette expression familière –, d’autant qu’une part seulement d’entre eux investissent dans l’économie.
Cet amendement, nous vous l’avions déjà proposé lors du premier projet de loi de finances rectificative, afin de faire passer le taux de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus de 3 % à 8 % sur la fraction du revenu fiscal de référence situé entre 250 000 euros et 500 000 euros, et de 4 % à 10 % pour les revenus supérieurs à 500 000 euros pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés, et pour les revenus supérieurs à un 1 million d’euros pour les contribuables soumis à l’imposition commune. Honnêtement, où est la catastrophe ? Ne croyez-vous pas que cela remontera le moral des Français et leur redonnera un peu d’espoir quand ils constateront qu’on se retrousse tous les manches ? À un moment, il faut un effort de solidarité exceptionnel, qui ne viendra pas spontanément.
Donc, peut-être que vous allez rejeter notre amendement, mais il faut comprendre ce qui va se passer, qui n’a évidemment pas une valeur universelle : le premier projet de loi de finances rectificative visait à traiter les urgences, qui ont toujours un caractère politique ; aujourd’hui, au moment du deuxième projet de loi de finances rectificative, cette question revient dans le débat. Si on nous oppose une fin de non-recevoir en nous expliquant qu’il est irresponsable de passer de 3 % à 8 %, et de 4 % à 10 % pour de tels revenus, ce n’est pas du dogme, ce n’est pas de la posture, mes chers collègues ; ce sera un élément identitaire qui justifiera, pour nous, le fait de ne pas voter ce projet de loi de finances rectificative.
Il faut le reconnaître : il existe plusieurs options et une façon de construire les urgences politiques du moment et de préparer l’après. Croyez-moi : nous avons le souci de la croissance en mettant un peu à contribution ceux qui, d’après ces chiffres-là, sont tout de même assez riches.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je me suis déjà exprimé sur la concentration de l’impôt sur le revenu, rappelant que 20 % des contribuables payaient précisément 85,1 % de l’impôt en 2017. Au-delà, je pense que nous avons une différence d’approche très nette, car nous considérons, au sein du groupe majoritaire, que la réponse ne réside pas dans l’augmentation de la fiscalité pour un pays qui détient le record des pays membres de l’OCDE. Il existe sans doute d’autres moyens d’assurer la relance comme l’épargne, qui est un vrai sujet, de redonner de la confiance, de faire en sorte que l’épargne, au lieu de rester contrainte du fait de l’absence de consommation ou de devenir une épargne de précaution du fait de la peur, soit utilisée pour la consommation et les investissements.
En tout état de cause, augmenter les prélèvements obligatoires, dans un pays qui est aujourd’hui le plus fiscalisé d’Europe, serait totalement déraisonnable. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Les débats que nous avons sur les premiers amendements de ce PLFR ont un petit goût d’été 2012. Pourtant, à l’époque, on n’entrait pas dans la crise, on commençait, en tous les cas on l’espérait, à pouvoir en sortir. Mais souvenez-vous de ce que vous avez fait cette année-là. Sur les mêmes arguments, à l’été 2012, après la victoire de François Hollande – vous vous en souvenez, monsieur Savoldelli ? –, qu’avez-vous fait ? Vous avez dit : il faut réduire les déficits, il faut dépenser plus, et pour cela, on va utiliser le levier fiscal de 30 milliards d’euros.
Que s’est-il passé dix-huit mois plus tard, en décembre 2013, lors des vœux du Président de la République au Français : machine arrière toute ! Si, pendant les dix dernières années – je veux bien exclure la période 2007 –, si, pendant le quinquennat de François Hollande, nous n’avons pas réussi à relancer la croissance ni à inverser la courbe du chômage et de la dette, c’est certainement parce que, à l’été 2012, vous vous êtes trompés en écrasant les entreprises et les particuliers d’impôts.
Ayez un peu de mémoire ! De grâce, ne commettons pas les mêmes erreurs, surtout au moment où nous entrons dans une crise qui est encore plus grave que celle de 2008 !
Au demeurant, alors que je suis sénateur depuis 2004, je me réjouis d’avoir entendu mon collègue Fabien Gay vanter les mérites des niches fiscales ! (Sourires.) Vous avez dit que l’ISF-PME n’était pas si mal, car il permettait d’orienter…
Au fait, pourquoi a-t-on créé autant de niches fiscales dans ce pays ? Parce que les impôts étaient trop lourds et que les dispositifs créés visaient à les alléger – nous avons suffisamment critiqué ce procédé les uns et les autres.
Mes chers collègues, nous ne discutons pas aujourd’hui d’un projet de loi de finances. La situation, c’est l’urgence ; il faut répondre à cette crise, mais de grâce, n’assommons pas de nouveau les Français d’impôts ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Puisque vous parlez de mémoire, monsieur Dallier, je vous répondrai que l’été 2012 a été précédé par le printemps 2012, qui connaissait un déficit de 5,1 %. Vous ne pouvez pas le nier. En outre, à l’époque, la croissance était de 0 %, et à la fin du quinquennat, elle était de 1,7 % et un déficit ramené au-dessous de 3 %.
M. Philippe Dallier. À quel prix !
M. Patrick Kanner. Alors, si votre mémoire est sélective, sachez que, chaque fois, nous vous rappellerons votre propre bilan « à l’époque ».
M. Jean-François Husson. Le vôtre ne mérite pas d’être rappelé !
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. On a effectivement la mémoire sélective. Nous n’allons pas continuer longtemps à vous l’opposer, monsieur Dallier, mais puisque vous citez la date de 2012, qui est certes intéressante, je vais en citer une autre : 2009,…
Mme Sophie Primas. Et la crise ?
M. Claude Raynal. … le choc fiscal à l’origine duquel on trouve « à l’époque » des amis à vous – je ne les citerai pas –, et qui a représenté 40 milliards d’euros.
M. Philippe Dallier. Était-ce une raison pour en rajouter ?
M. Claude Raynal. Donc, je vous en prie, arrêtons avec ça !
Quel est l’objet de ces amendements ? On ne peut pas se contenter de dire : « Travaillons plus ! » Ce sujet peut être débattu, mais ça ne peut pas être le seul. On ne peut pas dire non plus : « Il va falloir demain diminuer la dépense publique et donc les services publics. » C’est un sujet, mais ce n’est pas le seul. En revanche, il faut mettre sur la table un certain nombre de sujets concernant la fiscalité du capital. Tel n’est peut-être pas l’objet du débat d’aujourd’hui, mais nous voulons qu’on en parle !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 96 est présenté par M. P. Joly, Mme Perol-Dumont, MM. Raynal, Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, Lalande et Lurel, Mme Taillé-Polian, MM. Lozach et Antiste, Mmes Conconne, Meunier et Rossignol, MM. Duran, Tissot, M. Bourquin, Montaugé et Vaugrenard, Mmes Tocqueville, Guillemot et Grelet-Certenais, MM. Joël Bigot et Houllegatte, Mme Préville, MM. Leconte, Bérit-Débat, Courteau et Daunis, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mme Monier, MM. Temal, Todeschini et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 290 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au V de l’article 235 ter ZD du code général des impôts, le taux : « 0,3 % » est remplacé par le taux : « 0,5 % ».
La parole est à M. Patrice Joly, pour présenter l’amendement n° 96.
M. Patrice Joly. Notre amendement vise à augmenter le taux de la taxe sur les transactions financières, de manière à dégager une ressource qui pourrait s’élever à plus de 1 milliard d’euros et être réorientée sur l’aide publique au développement en faveur des pays en difficulté, en Afrique ou en Asie, pour qu’ils puissent mener une politique sanitaire à la hauteur de l’urgence et des enjeux actuels, sachant que la pandémie touche le monde entier.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 290.
M. Fabien Gay. Notre amendement vise à augmenter le taux de la taxe sur les transactions financières à 0,5 %, ce qui pourrait rapporter 1,2 milliard d’euros.
En réalité, le débat est maintenant de savoir qui va payer la crise. Vous avez commencé à y répondre, puisque le Gouvernement, la droite et le Medef portent depuis dix jours des propositions en vue d’alléger les 35 heures, de rogner les RTT et les congés payés dans la prochaine période pour relancer l’économie. Autre option : il va falloir, comme l’a indiqué M. Husson au début de notre discussion, que les plus riches contribuent.
Nous avons proposé plusieurs séries d’amendements : le retour de l’ISF, vous nous dites non ! Partiellement, pour une année : non ! La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus : non ! Toujours non… Là, j’attends la réponse, mais je sais déjà que, même à une augmentation du taux de la taxe sur les transactions financières à 0,5 %, vous direz non !
Donc, allez au bout de votre raisonnement et dites que les mesures que nous avons prises dans le PLFR 1 sur l’allégement du code du travail vont se prolonger, y compris après la crise sanitaire, et que vous ferez peser sur les salariés de ce pays la relance économique. C’est ce que vous voulez et, à un moment, il faudra que vous soyez francs.
Vous refusez systématiquement toutes nos propositions, comme c’est le cas depuis la reprise de la séance, mais vous continuez à dire qu’il va falloir que tout le monde se retrousse les manches et contribue à l’effort général. Pascal Savoldelli vous propose de faire appel aux plus hauts revenus, soit 1 % des salariés, dont les salaires dépassent 250 000 euros – ce n’est pas donné à tout le monde –, car il est normal, dans les moments que nous traversons actuellement, de les solliciter un peu plus que d’habitude.
La question des dividendes est en train de monter partout. Il faut décider leur annulation pure et simple pour cette année, comme au Danemark, au lieu de moduler les options.
Pour finir, vous aviez dit que les entreprises qui profiteraient du chômage partiel ou du prêt garanti par l’État (PGE) ne pourraient pas verser de dividendes. Or Vivendi distribuera 695 millions de dividendes, alors que ses deux filiales, Canal Plus et Vivendi village ont fait appel au chômage partiel. Donc, pour Vivendi, c’est fromage et dessert ! Acceptez-vous cela, monsieur le ministre ?
M. le président. En attendant, mon cher collègue, vous avez pris de la TVA sur le temps de parole… (Sourires.)
Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Aujourd’hui, le CAC 40 a terminé en baisse de 3,7 %, me semble-t-il. Assurément, c’est le bon moment pour taxer davantage les achats d’actions françaises… C’est le meilleur signal pour inciter les Français à revenir vers la bourse !
On l’a maintes fois rappelé : dans une économie ouverte, une Europe ouverte, la France se distingue par une taxe sur les transactions financières que nos voisins ne connaissent pas. On fait en ce moment beaucoup de comparaisons, notamment avec l’Allemagne, qui semble avoir de meilleures recettes que la France sur le plan sanitaire, mais aussi économique. Eh bien, l’Allemagne, comme la plupart des autres pays européens, n’a pas de taxe sur les transactions financières.
Alors que nos compatriotes se défient des achats d’actions, il serait totalement contre-productif d’aggraver cette taxe, qui frappe, je le répète, non pas les ventes, mais les achats de valeurs. Avis défavorable sur les amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Ce débat n’est pas médiocre : comme toujours avec les élus communistes, deux pensées, donc deux stratégies s’affrontent – M. Savoldelli a eu raison de le souligner. Le Parlement, le Gouvernement sont là pour mener la controverse en essayant de comprendre les arguments des uns et des autres.
En somme, deux questions sont posées.
La seconde, un peu accessoire : faut-il supprimer les dividendes ou cela fragilisera-t-il l’économie de notre pays ? Le rapporteur général a répondu sur ce point. Au reste, monsieur Gay, on verra ce que vous direz des 20 milliards d’euros que nous ouvrons à l’Agence des participations de l’État pour entrer au capital de certaines entreprises, parfois pour les nationaliser – ceux qui me connaissent savent que cette idée n’est pas à mes yeux négative, quand bien sûr elle ne procède pas d’une idéologie.
Je ne dis pas qu’il ne faut pas prévoir des modérations et des conditions ; d’ailleurs, c’est ce que le Gouvernement a fait. Mais vous savez bien, monsieur le sénateur, que la suppression générale de la distribution des dividendes, touchés certes par des personnes très riches – je vous l’accorde bien volontiers –, mais aussi par de nombreux petits porteurs attendant parfois le complément d’une vie de travail – petits porteurs très nombreux dans certaines entreprises –, fragiliserait certaines grandes entreprises françaises, qui, dès lors, risqueraient d’être attaquées par d’autres entreprises, ce qui nous obligerait à mettre sur la table des milliards d’euros pour les soutenir. Je ne suis pas sûr que ce serait faire bon usage de l’argent public dans les quelques semaines qui viennent.
Je n’ai pas un amour fou pour la bourse, mais vous comprenez bien que nous ne pouvons pas risquer de fragiliser certaines de nos grandes entreprises. Quant aux excès, il faut les condamner et, comme l’a fait le Gouvernement, prendre des mesures pour les tempérer.
Je rappelle tout de même, monsieur Gay, que ne pas recourir au chômage partiel pénaliserait non pas les actionnaires, mais les salariés. Les aides directes de l’État – reports de charges, avances, prêts remboursables, prêts garantis – ne relèvent pas de l’accord qu’a signé le ministre de l’économie et des finances avec les entreprises de plus de 5 000 salariés. (M. Fabien Gay proteste.)
La première question est une question importante, que certainement les Français se posent : faut-il augmenter les impôts pour combler le déficit et la dette que nous choisissons presque unanimement d’alourdir, parce que l’heure est grave ? Telle n’est pas notre position.
En effet, en sauvant de la faillite le plus grand nombre possible d’entreprises et en « nationalisant » le salaire de près de 10 millions de Français à travers le chômage partiel, donc en évitant les licenciements massifs que nombre de pays occidentaux connaissent, nous faisons un pari, dont nous savons que nous le remporterons, même si cela doit prendre du temps, parce que les entreprises, les salariés pourront redémarrer l’activité économique et recréer de la richesse, donc des recettes fiscales et sociales qui rembourseront une partie de la dette créée.
Il y a quelques instants, M. Kanner a reproché à M. Dallier d’avoir la mémoire sélective. La sienne ne l’est pas moins, car il n’a pas rendu des comptes publics avec un déficit à moins de 3 % du PIB – ou alors, ces comptes étaient très éloignés des vérités objectives relevées par la Cour des comptes, qui a établi le déficit à 3,4 %.
Au reste, monsieur Kanner, notre stratégie est totalement inverse de celle du gouvernement précédent : nous avons baissé les impôts, ce qui nous a été fortement reproché ici, et, malgré cela, augmenté largement les recettes. De fait, comme nous le pensions, des taux plutôt bas et la suppression d’impôts idiots qu’aucun de nos voisins n’applique ont stimulé la création de richesses.
Résultat : comme la Cour des comptes et la Commission européenne l’ont fait observer, et même si la crise du coronavirus l’a rendu moins visible, nous avons amélioré les comptes publics au-delà même de ce que prévoyait la loi de finances initiale.
Excusez-moi d’être un peu long, monsieur le président, mais je tiens à insister : tout en baissant largement les impôts, nous avons presque ramené le déficit à 2 %, hors l’effet one-off du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ; nous avions l’une des meilleures croissances de l’Union européenne et le chômage le plus bas depuis vingt ans – à cet égard, monsieur Kanner, point n’est besoin de rappeler la courbe du chômage qui a empêché le représentant de votre famille politique de se représenter…
Bref, notre stratégie fiscale et économique commençait à porter ses fruits, et des centaines de milliers de personnes retrouvaient le chemin de l’emploi. En revanche, augmenter les impôts est une stratégie de court terme dont je puis comprendre l’idéologie, mais qui n’a jamais fait qu’aggraver le chômage dans notre pays !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 96 et 290.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 174 rectifié, présenté par MM. P. Joly et Antiste, Mme G. Jourda, MM. Daudigny, Marie et Lozach, Mme Conconne, M. Jacquin, Mmes Meunier et Rossignol, MM. Duran, Tissot, M. Bourquin, Montaugé et Vaugrenard, Mmes Tocqueville, Guillemot et Grelet-Certenais, MM. Joël Bigot et Houllegatte, Mme Harribey, M. Gillé, Mmes Préville et Taillé-Polian, M. Devinaz, Mme Jasmin et MM. Mazuir et Jomier, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le b du 1 de l’article 265 bis et le a de l’article 265 septies du code des douanes sont abrogés.
La parole est à M. Patrice Joly.
M. Patrice Joly. Tout le monde s’accorde à considérer que la crise que nous vivons aujourd’hui a des origines en partie liées aux problèmes environnementaux. Il s’agit donc d’accélérer la transition écologique et sociale.
Dans cette perspective, nous proposons la suppression des niches fiscales bénéficiant aux secteurs polluants, en particulier de la niche sur le kérosène, qui coûte environ 3 milliards d’euros, sur un total de dépenses fiscales défavorables à l’environnement évalué à 13 milliards d’euros dans un récent rapport de la Cour des comptes. Ces fonds pourraient financer les actions qui ont commencé à être mises en place pour répondre à l’urgence économique et sociale.
Nous devons tirer les leçons de cette crise et concevoir une nouvelle mondialisation, fondée non plus sur la concurrence et la recherche du moins-disant, mais sur la coopération. De manière plus immédiate et concrète, il faut nous demander dès à présent quels secteurs doivent être relancés intelligemment et quels sont ceux qu’il faut faire décroître au profit de secteurs moins polluants – je pense au développement des transports ferroviaires, qui contribuerait aussi à la relocalisation de certaines activités. Le présent amendement est une contribution à cette réflexion.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est surtout, mon cher collègue, une contribution à la disparition d’Air France… Et, plus largement, des transports aériens et routiers, qui se portent déjà très mal.
Personne ne peut ignorer la situation des compagnies aériennes, notamment d’Air France. Dans ce contexte, le Gouvernement a dû supprimer la taxe de solidarité sur les billets d’avion, inscrite en loi de finances contre l’avis du Sénat. À peine entrée en vigueur, la voilà suspendue : il faut dire qu’il n’y a plus de trafic aérien, donc plus de contribuables… Si l’on veut définitivement tuer le transport aérien, il faut appliquer des idées comme celle qui vient d’être exposée !
S’agissant du transport routier, les statistiques sont très claires : 51 % des camions sont au garage, et 86 % des entreprises du secteur sont confrontées à un arrêt total ou partiel de leur activité. Or, comme nous l’avons déjà souligné dans la discussion du projet de loi de finances, nombre de ces entreprises sont de très petites entreprises : elles seraient tuées par l’adoption du présent amendement.
Alors qu’il n’y a plus de transport aérien et presque plus de transport routier, alourdir la fiscalité ne ferait qu’ajouter de la crise à la crise. Essayons plutôt de nous mettre d’accord pour relancer l’activité… Que les camions puissent circuler dans notre pays, le transport aérien désenclaver des régions, ce n’est pas juste du luxe ; c’est une question de survie économique dans de nombreuses régions !
L’avis de la commission est totalement défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 314, présenté par MM. Savoldelli et Bocquet, Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article 278-0 bis, les mots : « taux réduit de 5,5 % » sont remplacés par les mots : « taux réduit de 0 % » ;
2° Après le B du I de la section V du chapitre premier du titre II de la première partie du livre premier, est insérée une division ainsi rédigée :
« B …
« Taux supérieur
« Art. 279-…. – Le taux supérieur de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 33,33 % en ce qui concerne :
« a) Les prestations hôtelières de luxe ;
« b) L’argenterie et la vaisselle de luxe ;
« c) Les jets privés et automobiles de luxe ;
« d) Les cosmétiques et parfums de luxe ;
« e) Les vêtements et maroquinerie de luxe ;
« f) Les chaussures de luxe ;
« g) Les spiritueux et alcools de luxe. »
II. – Le 1° du I est applicable à compter de la publication de la présente loi jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire.
Toutefois, il ne s’applique pas aux encaissements pour lesquels la taxe sur la valeur ajoutée est exigible avant cette date.
III – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par l’augmentation du taux prévu par le taux supérieur de la taxe sur la valeur ajoutée
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, je dois reconnaître que, lorsque j’ai pris connaissance du projet de loi de finances rectificative, y compris dans sa version initiale, avant son examen par l’Assemblée nationale, je lui ai trouvé un aspect très positif : le Gouvernement a tenu son engagement de ne pas percevoir les dividendes de ses participations dans un certain nombre d’entreprises.
Ces temps-ci, on parle beaucoup de transparence et de solidarité. Vous me direz si je me trompe, monsieur le ministre, mais, à ma connaissance, plus de 40 % des grandes sociétés ont décidé, par mesure de solidarité exceptionnelle dans la crise que nous vivons, de reporter leur assemblée générale, afin de ne rien décider… C’est qu’il va bien falloir payer la crise ! D’où cette décision courageuse, offensive et inédite…
Nous avons tous, dans notre département, des sièges de grands groupes. Nous connaissons la vie de ces entreprises, qui ont besoin des collectivités territoriales et le reconnaissent. Celles que j’ai interrogées m’ont répondu : l’assemblée générale va être reportée à septembre, à octobre, à novembre. Je suis prêt à citer les noms des grands groupes concernés – ce que vous ne faites pas, monsieur le ministre, quand vous annoncez 20 milliards d’euros d’investissements en capital.
Je le répète : plus de 40 % des grandes sociétés à dividendes de notre pays ont décidé de reporter le versement des dividendes.
Le présent amendement – que nous appelons avec un peu d’humour « Robin des bois », même si le sujet est grave – vise à opérer un basculement de TVA des produits de luxe vers les produits de première nécessité.
Le rapporteur général lui aussi a déposé un amendement pour baisser la TVA sur tous les produits de première nécessité et de sécurité sanitaire, et nous le voterons sans difficulté. En l’occurrence, on ne s’embête pas avec les dogmes européens…