M. Pascal Savoldelli. Vous vous souvenez, mes chers collègues, que nous nous sommes abstenus sur le premier projet de loi de finances rectificative. En effet, nous nous attendions à ce que soient proposées des mesures exceptionnelles, notamment pour mettre à contribution les plus riches. À situation exceptionnelle, effort exceptionnel de l’État et impôt exceptionnel !
M. Pascal Savoldelli. Vous verrez Che Guevara plus tard, monsieur le ministre. Moi, c’est Savoldelli ! (Sourires.)
Votre Président de la République finit son intervention télévisée par une référence aux « jours heureux » et, de votre côté, monsieur le ministre, vous répondez à une question sur l’ISF lors d’une interview sur France Inter – vous voyez donc bien que cette question n’émane pas seulement du groupe communiste, elle intéresse aussi l’opinion publique en général –, en disant que le rétablissement de l’ISF va démoraliser les Français. (Sourires sur les travées du groupe CRCE.)
M. Pascal Savoldelli. Franchement, il y a bien d’autres choses qui démoralisent les Français en ce moment…
M. Darmanin nous dit que garder la situation telle qu’elle est aujourd’hui va créer des recettes, relancer l’économie et permettre de rembourser la dette… Chiche ! Monsieur le ministre, mettez devant leurs responsabilités tous ceux qui seraient assujettis à l’ISF. Demandez à chacun d’entre eux, s’ils vont effectivement réinjecter leur argent dans l’économie productive !
Nous avons déjà eu ce débat et vous nous dites en permanence : « Pas d’impôt, pas d’impôt, pas d’impôt ! », parce que selon vous les investisseurs vont partir.
Pourtant, l’idée de rétablir l’ISF n’appartient pas seulement au groupe communiste, elle est répandue dans une grande partie de la population française. Certes, cela ne rapporterait que 3 milliards d’euros, mais le symbole serait très important et, de toute façon, nous avons besoin de ces 3 milliards.
Je vais le dire de manière plus solennelle, monsieur le ministre : mettre un mois et demi pour obtenir des masques et ne pas accepter de rétablir l’ISF, cela crée un réel problème de crédibilité.
M. Pascal Savoldelli. Cela vous apprendra à invoquer Che Guevara… (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 293, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est institué pour l’exercice budgétaire en cours une contribution exceptionnelle ainsi établie :
I. – Les articles du code général des impôts modifiés par l’article 31 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
II. – Les articles du livre des procédures fiscales modifiés par l’article 31 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
III. – L’article du code de la défense modifié par l’article 31 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 est rétabli dans sa rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
IV. – Les articles du code monétaire et financier modifiés par l’article 31 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
V. – L’article L. 122-10 du code du patrimoine abrogé par l’article 31 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 est rétabli dans sa rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
VI. – L’article 25 quinquies de la loi n° 83-634 portant droits et obligations des fonctionnaires modifié par l’article 31 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 est rétabli dans sa rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
VII. – Les articles de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique modifiés par l’article 31 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
VIII. – L’article 16 de l’ordonnance n° 2017-1107 du 22 juin 2017 relative aux marchés d’instruments financiers et à la séparation du régime juridique des sociétés de gestion de portefeuille de celui des entreprises d’investissement modifié par l’article 31 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 est rétabli dans sa rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Mon collègue Pascal Savoldelli vient de proposer de rétablir l’ISF et j’entends déjà les dents grincer…
Selon Mme Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, le rétablissement de l’ISF serait nocif pour les investissements en direction des TPE et des PME. Pourtant, l’ISF incluait une niche fiscale destinée spécifiquement au financement de ce type d’entreprises.
Je ne suis pas sûr qu’elles aient retrouvé l’équivalent lorsqu’on a supprimé l’ISF de la niche fiscale – ce serait un débat intéressant à mener avec vous. Du coup, je suis un peu moins révolutionnaire que mon collègue Pascal Savoldelli et je deviens même pragmatique – j’ai dû être touché par quelque chose… (Sourires.) Vous pouvez toujours rigoler, mais si vous n’êtes pas d’accord avec l’amendement que vient de présenter Pascal Savoldelli, nous vous proposons dans cet amendement de repli que celles et ceux qui étaient touchés par l’ISF soient soumis cette année à une contribution exceptionnelle, comme celle que Jean-François Husson appelle de ses vœux. Pour le moment on expérimente, et puis si le dispositif fonctionne, on le pérennisera – cela vous arrive très souvent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement n° 85 rectifié de Mme Sophie Taillé-Polian devrait être retiré, car il soulève un petit problème de correspondance sur lequel nous reviendrons sans doute.
Sur les amendements qui rétablissent l’ISF et, plus généralement, qui vont augmenter la fiscalité par un certain nombre de contributions, deux raisons nous conduisent à émettre un avis défavorable.
La première est une raison de tempo. Lors de la discussion générale, j’ai indiqué très clairement que c’est dans un esprit de responsabilité que nous abordions ce texte d’urgence, qui constitue un élément du sauvetage des entreprises, notamment pour apporter des moyens aux salariés très gravement touchés par cette crise sanitaire.
Il ne s’agissait sans doute pas, à ce stade, de réécrire la totalité du projet de loi de finances, puisque nous débattrons inévitablement au moment de l’examen du prochain budget de la soutenabilité de la dette et des moyens de financer notre économie. En l’occurrence, nous sommes dans l’extrême urgence, la relance fera d’ailleurs l’objet d’un texte ultérieur qui sera inscrit assez vite à l’ordre du jour, peut-être dès le mois de mai. Aujourd’hui, vouloir réviser la totalité de la fiscalité serait à mon sens contre-productif.
La seconde raison porte plus sur le fond.
Nous estimons de manière générale, et ce raisonnement ne s’applique pas simplement à ces deux amendements, que la réponse ne doit pas être recherchée du côté de l’augmentation de la fiscalité, dans un pays qui détient déjà le record de l’OCDE en termes de pression fiscale.
En revanche, la relance par la mobilisation d’une épargne qui est aujourd’hui en très forte augmentation avec 45 milliards d’euros déposés sur les livrets depuis le début de la crise, est un vrai enjeu : il est plus important de réfléchir à la manière de libérer cette épargne que de penser à augmenter encore le taux de prélèvements obligatoires dans notre pays. Cela ne ferait qu’ajouter de la crise à la crise.
Cet impôt n’est pas spécialement en cause, mais de manière plus générale, l’addition des amendements portés par votre groupe qui visent à créer des surtaxes et à prévoir des augmentations de barème irait totalement à l’encontre des pratiques ayant cours chez nos voisins. Certains regrettent aujourd’hui l’absence de convergence des politiques économiques européennes : en adoptant de telles mesures, la France ferait exactement le contraire de ce que font ses voisins.
M. Jean Bizet. Absolument !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La réponse ne réside pas dans les augmentations d’impôts.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je rejoins les arguments de M. le rapporteur général.
D’abord, ce PLFR 2 ne prévoit pas de mesures fiscales supplémentaires : il comprend des baisses de fiscalité conformément au souhait du Parlement, notamment pour la TVA à 5,5 %, mais aucune mesure de rendement, puisque nous sommes dans l’urgence. Demain, nous proposerons des solutions de relance, mais nous avons déjà eu l’occasion de le dire très clairement, pour nous, la relance ne peut pas se traduire par une augmentation de fiscalité, quelle qu’elle soit.
Donc, sur la forme, pardon de le dire, nous ne sommes pas là pour « récupérer » – si j’ose dire –, par une fiscalité particulière, de l’argent pour le budget.
En revanche, sur le fond, je rejoins les arguments de M. le rapporteur général, car les choses ne nous apparaissent pas aussi claires que vous le dites.
Monsieur Savoldelli, je suis désolé de vous réveiller le matin avec ma voix, mais vous n’avez pas l’air particulièrement choqué… (Sourires.) Puisque vous avez cité mes propos, permettez-moi, puisque j’en suis l’auteur – si modeste soit-il –, d’apporter quelques rectifications à certains raccourcis, qui ne sont pas toujours honnêtes.
Voici le verbatim de France Inter, monsieur le sénateur, lorsque j’ai répondu à la réponse sur l’ISF : « Personnellement, je trouve que les retours en arrière ne font pas de bonnes politiques en avant, et que poursuivre les chimères ne mène à rien. La suppression de l’impôt sur la fortune, remplacé par l’impôt sur la fortune immobilière – je le rappelle, celui-ci rapporte plus que prévu, nous avons d’ailleurs eu l’occasion d’en parler –, a permis, je crois, en partie la baisse du chômage et l’une des meilleures croissances de l’Union européenne. […]
« On a besoin aujourd’hui que les gens qui possèdent de l’argent – pardonnez-moi le style, mais il s’agissait d’une intervention orale – puissent le mettre dans les entreprises pour relancer l’économie. On ne va pas en effet décourager ceux qui veulent investir dans nos TPE et nos PME. Je constate qu’aucun pays en Europe n’a un tel impôt. »
Voilà mes propos exacts ; je n’ai pas fait de lien particulier entre le rétablissement de l’ISF et le découragement de la population française.
M. Pascal Savoldelli. Faible argument !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 94 est présenté par MM. Raynal, Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, P. Joly, Lalande et Lurel, Mme Taillé-Polian, MM. Bérit-Débat, Joël Bigot, M. Bourquin, Courteau et Daunis, Mmes Grelet-Certenais et G. Jourda, MM. Kerrouche et Jacquin, Mmes Préville et Monier, MM. Temal, Todeschini et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 299 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les articles du code général des impôts modifiés par les articles 28 et 29 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
II. – Les articles du code monétaire et financier modifiés par l’article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
III. – Les articles du code de la construction et de l’habitation modifiés par l’article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
IV. – Les articles du code de la sécurité sociale modifiés par l’article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
V. – Les articles du livre des procédures fiscales modifiés par l’article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
VI. – Les articles 28 et 29 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont abrogés.
La parole est à M. Thierry Carcenac, pour présenter l’amendement n° 94.
M. Thierry Carcenac. Il est question ici non de l’ISF, mais du prélèvement forfaitaire unique (PFU). En matière de solidarité, si l’on veut rendre la confiance à nos concitoyens, il faut tout de même évoquer les ressources, puisque 15 % des ménages ont bénéficié d’une baisse importante du prélèvement forfaitaire unique. L’objectif n’est pas de revenir en arrière ; il s’agit, par la suppression du prélèvement forfaitaire unique, de faire participer ses bénéficiaires à la solidarité nationale.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 299.
M. Éric Bocquet. Dans la droite ligne de ce qu’a dit Thierry Carcenac, je pense que cette proposition fera souffrir certains d’entre vous, j’en suis désolé : après la fortune, les dividendes ! Pourquoi revenir sur le passé ? Parce que 2019 aura été, en France, l’année record en matière de distribution de dividendes, quasiment 50 milliards d’euros, le même niveau qu’en 2007, avant la crise financière. La France est ainsi devenue le premier rémunérateur d’actionnaires d’Europe ! Ce n’est tout de même pas mal… Au nom de la solidarité, on peut faire des appels à la modération de manière très courtoise, mais cela ne marche pas. Il faut des lois pour créer des impôts. C’est pourquoi nous proposons d’abroger ce dispositif du PFU.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Éric Bocquet vient de faire un bref rappel sur l’année 2019. Moi, je ferai un retour en arrière jusqu’en 2013, année où l’on a expérimenté ce que vous proposez. Concrètement, la gauche avait supprimé le prélèvement forfaitaire et réintégré les dividendes dans les revenus soumis au barème de l’impôt.
Or, contrairement à ce que l’on pense, le rapport d’information que j’ai cosigné avec Vincent Éblé à ce sujet a démontré tout simplement que le retour au barème avait produit non pas une augmentation, mais une baisse du rendement de l’impôt.
Par conséquent, si on soumettait les dividendes au barème et non pas au prélèvement forfaitaire unique, on risquerait d’observer le même phénomène qu’en 2013, c’est-à-dire une contraction de nos recettes, ce que nous ne souhaitons pas en ce moment. Voilà la raison de fond.
Sur la forme, comme je l’ai dit à l’instant, ce PLFR d’urgence ne comporte pas de mesures fiscales, et il n’est pas souhaitable de réintroduire le débat sur l’ensemble de la fiscalité, qui aura sans doute lieu au moment de l’examen du projet de loi de finances. Au-delà, il faut être extrêmement prudent, puisque cette contraction de l’assiette fiscale, comme on l’a constaté par le passé, entraînerait des pertes de recettes, contrairement à l’objectif visé.
Dans la mesure où nous ne souhaitons pas reproduire la même erreur qu’en 2013, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 94 et 299.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 289, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du 1 du I de l’article 117 quater du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, en période d’état d’urgence sanitaire tel que défini aux articles L. 3131-12 et suivants du code de la santé publique et jusqu’au 31 décembre de l’année suivante, ce taux est porté à 57,8 %. »
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Dans le prolongement de notre amendement précédent, nous proposons de porter ce prélèvement forfaitaire unique à 75 %,…
M. Philippe Dallier. Allons bon !
Mme Sophie Primas. Rien que ça ?
M. Éric Bocquet. … sachant que les dix premiers groupes du CAC 40, l’an dernier, ont distribué 35 milliards d’euros de dividendes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. En comparant la fiscalité sur les dividendes en Europe, on s’aperçoit que la plupart de nos voisins se sont dotés d’un système de prélèvement forfaitaire afin que les capitaux circulent. Or, si la problématique de l’imposition de la fortune immobilière ne se pose pas dans les mêmes termes, rien n’est plus mobile que les actions et les obligations.
Face à la question de l’attractivité de notre fiscalité, la France a mis en place le PFU et s’est globalement alignée sur un système de prélèvement qui existe dans la plupart des pays en Europe. Le remettre en cause par un taux aussi important – 75 % – serait totalement contre-productif et pourrait soulever des difficultés juridiques en étant considéré comme confiscatoire par le Conseil constitutionnel, comme la jurisprudence nous l’a montré.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je formulerai deux remarques sur cet amendement.
En premier lieu, on voit bien en quoi ce PFU est démocratique. En quoi consisterait l’alternance fiscale, avec l’arrivée d’un gouvernement qui serait, comme vous le souhaitez, monsieur Bocquet, inspiré par une augmentation de fiscalité, notamment sur le capital ? Il n’aurait qu’à ouvrir le robinet du PFU, et ce serait sans doute l’une de ses premières mesures fiscales pour augmenter le rendement.
Nous avons d’ailleurs essuyé beaucoup de critiques au moment de la mise en place du PFU dans notre premier projet de loi de finances, car, en introduisant une flat tax, nous aurions limité le pouvoir du Parlement de fixer le taux de l’impôt. On voit bien qu’il est possible, sous réserve d’une validation par le Conseil constitutionnel, de le moduler pour augmenter le débit du « robinet » du PFU.
En second lieu, monsieur Bocquet – j’espère que l’avenir ne nous le démontrera pas –, une augmentation du taux du PFU ferait sans doute fuir beaucoup de rendement, car, comme l’a très bien dit M. le rapporteur général, nous ne vivons pas dans un monde clos et le capital ne stagne pas. Il y a fort à parier que, si vous augmentez fortement le taux, votre rendement diminuera fortement, peut-être même au point que le prélèvement vous rapportera moins qu’avec le taux actuel fixé par le Gouvernement et par le Parlement.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 171 rectifié, présenté par MM. P. Joly et Antiste, Mme Meunier, M. Marie, Mme Rossignol, MM. Duran, Tissot, M. Bourquin, Montaugé et Vaugrenard, Mmes Tocqueville et G. Jourda, M. Daudigny, Mme Grelet-Certenais, MM. Joël Bigot et Houllegatte, Mmes Préville et Taillé-Polian, M. Devinaz, Mme Jasmin et M. Mazuir, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.– Les deuxième à dernier alinéa du 1 du I de l’article 197 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de l’article 2 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, sont remplacés par sept alinéas ainsi rédigés :
« – 9 % pour la fraction supérieure à 10 064 € et inférieure ou égale à 25 659 € ;
« – 24 % pour la fraction supérieure à 25 659 € et inférieure ou égale à 49 514 € ;
« – 31 % pour la fraction supérieure à 49 514 € et inférieure ou égale à 73 369 € ;
« – 44 % pour la fraction supérieure à 73 369 € et inférieure ou égale à 157 806 € ;
« – 49 % pour la fraction supérieure à 157 806 € et inférieure ou égale à 280 000 € ;
« – 54 % pour la fraction supérieure à 280 000 € et inférieure ou égale à 480 000 € ;
« – 60 % pour la fraction supérieure à 480 000 € ».
II.– La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Patrice Joly.
M. Patrice Joly. Cet amendement, comme le suivant, vise à la fois à trouver des ressources pour que l’État puisse faire face à ses dépenses nouvelles et à améliorer la justice fiscale dans notre pays.
L’amendement n° 171 rectifié a pour objet de diminuer la fiscalité pesant sur les ménages les plus modestes, qui sont les plus durement touchés par la crise, et, en contrepartie, d’augmenter l’impôt sur le revenu des Français les plus aisés.
L’amendement n° 170 rectifié est un amendement de repli qui vise simplement à créer des tranches supplémentaires jusqu’à 54 % pour les ménages les plus aisés.
Cela dit, nous sommes très loin de la fiscalité qui a été appliquée à l’époque de Roosevelt – jusqu’à 81 % –, et nos perspectives économiques sont à peu près les mêmes que lors de la crise de 1929, voire pires si l’on en croit les annonces qui nous sont faites. Sous Kennedy, le taux de 75 % est encore applicable pour la tranche supérieure de revenus. De plus, en France, le taux moyen de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu a avoisiné les 60 %, pendant une cinquantaine d’années, et les 65 % dans les années 1980.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Sans la CSG !
M. le président. L’amendement n° 170 rectifié, présenté par MM. P. Joly, Antiste et Joël Bigot, Mme Grelet-Certenais, MM. Marie et Lozach, Mme Conconne, M. Jacquin, Mmes Meunier et Rossignol, MM. Duran, Tissot, M. Bourquin, Montaugé et Vaugrenard, Mmes Tocqueville et Guillemot, M. Houllegatte, Mme Préville, M. Leconte, Mme G. Jourda, M. Daudigny, Mme Taillé-Polian, M. Devinaz, Mme Jasmin et M. Mazuir, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les deuxième à dernier alinéa du 1 du I de l’article 197 du code général des impôts, dans leur rédaction résultant de l’article 2 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, sont remplacés par six alinéas ainsi rédigés :
« – 11 % pour la fraction supérieure à 10 064 € et inférieure ou égale à 25 659 € ;
« – 30 % pour la fraction supérieure à 25 659 € et inférieure ou égale à 73 369 € ;
« – 41 % pour la fraction supérieure à 73 369 € et inférieure ou égale à 157 806 € ;
« – 45 % pour la fraction supérieure à 157 806 € et inférieure ou égale à 280 000 € ;
« – 49 % pour la fraction supérieure à 280 000 € et inférieure ou égale à 480 000 € ;
« – 54 % pour la fraction supérieure à 480 000 €. »
Cet amendement a été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’entends bien ce qui a été dit à l’instant, mais ces taux marginaux aussi élevés ont été fixés à une époque où la contribution sociale généralisée (CSG) n’existait pas. Par conséquent, à cette fiscalité de tranche marginale doit s’ajouter la CSG, qui est applicable à l’ensemble des revenus. En effectuant ce cumul, on arrive à des taux d’imposition qui sont sans commune mesure avec ceux que vous citez, monsieur le sénateur.
Je rappelle, comme je le fais lors de l’examen de chaque projet de loi de finances, l’hyperconcentration de l’impôt sur le revenu, puisque 20 % des foyers les plus aisés ont acquitté 85,1 % de l’impôt en 2017, taux qui était plus proche de 84 % en 2016.
Donc, cette concentration a augmenté, notamment dans le dernier projet de loi de finances où le Gouvernement a, au contraire, baissé l’imposition des ménages les plus modestes. Aller au-delà de 85 % semblerait déraisonnable : d’une part, nous ne sommes pas dans le tempo du projet de loi de finances, et, d’autre part, le PLFR doit être limité aux mesures d’urgence qui sont les plus attendues par nos concitoyens.
La commission émet un avis défavorable sur ces amendements.