M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Comme l’a rappelé M. le Premier ministre, votre préoccupation telle que vous l’avez exprimée, monsieur le sénateur, rejoint celle du Gouvernement : les maires doivent pouvoir prendre pour leur commune les décisions qui sont nécessaires au déconfinement, sans crainte de voir leur responsabilité pénale engagée.
Ainsi que je l’ai rappelé la semaine dernière à M. le sénateur Bockel, les règles du code pénal qui sont prévues pour retenir la responsabilité pénale en cas d’infraction involontaire sont très restrictives. Elles reposent sur la recherche d’un comportement sciemment dangereux, d’une prise délibérée de risque, au mépris de la sécurité d’autrui.
Ces dispositions font en outre l’objet d’une approche très encadrée par la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui retient la nécessité de prendre en compte les compétences propres à chacun des élus concernés, d’une part, et l’état des connaissances générales sur tel ou tel domaine, d’autre part, le tout pour apprécier in concreto l’existence d’une éventuelle faute.
Ce cadre juridique étant général, je ne vois pas comment un décideur, un élu qui donnerait des instructions afin d’assurer notamment le respect des dispositifs barrières pourrait voir sa responsabilité engagée.
Il nous appartiendra toutefois de vérifier si la codification de la jurisprudence est nécessaire. Il s’agirait, en opérant ainsi une clarification et une réaffirmation du droit, de prévenir une incertitude qui pourrait être préjudiciable à la prise des décisions qu’imposent les circonstances.
Dans ce cadre-là, nous sommes évidemment tout à fait décidés à conduire ce travail avec le Parlement.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, la crise que nous traversons est sans précédent. Elle est sanitaire, mais aussi économique et sociale, et même simplement alimentaire.
La pandémie et le confinement ont rendu plus visibles que jamais les inégalités rongeant notre société. Pour les plus fragiles, l’épreuve traversée a été plus redoutable encore : enfants privés d’un repas à faible coût à la cantine, foyers confrontés à une quasi-famine, étudiants, migrants, mineurs non accompagnés, chômeurs, sans-abri, travailleurs précaires, familles monoparentales, pour qui il s’agit moins de vivre que de survivre !
Le déconfinement en soi n’effacera pas magiquement ces inégalités criantes ni ne corrigera leurs effets aggravés par cette crise. Il ne s’agit pas seulement de panser les blessures immédiates, de répondre à l’urgence, mais il convient, pour une fois, d’appréhender la question sociale et celle des inégalités dans leur globalité et sur le long terme.
Le déconfinement doit être accompagné d’un plan d’urgence sociale redonnant à l’État-providence tout son rôle.
Monsieur le Premier ministre, quelles mesures sociales concrètes et immédiates d’envergure comptez-vous mettre en œuvre ?
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, vous avez posé le diagnostic : la période de la crise et du confinement a été encore plus difficile pour les Français, surtout pour ceux qui connaissent des conditions de vie plus difficiles au quotidien. Nous partageons le même constat, dont vous avez cité quelques éléments : l’absence de cantine, la difficulté à joindre les deux bouts, avec l’absence d’activité complémentaire destinée à s’ajouter à des revenus déjà faibles ou, parfois, l’obligation d’aller faire les courses à la supérette du quartier dans laquelle les prix pratiqués sont plus élevés que ceux des grands distributeurs alimentaires discount.
Tout cela, madame la sénatrice, a été pris en compte, et le Premier ministre en a parlé dans son intervention. Au 15 mai, 4 millions de ménages en France, parmi les plus pauvres et les plus précaires, percevront une aide exceptionnelle. Les bénéficiaires du RSA et de l’ASS recevront chacun 150 euros, et 100 euros supplémentaires par enfant. Tous les bénéficiaires de l’APL toucheront 100 euros par enfant. Cette aide sera versée directement par les caisses d’allocations familiales (CAF) sans qu’il soit besoin d’effectuer la moindre démarche, car nous ne voulions pas introduire le risque de non-recours.
J’en viens au maintien de l’aide alimentaire.
Je suis allé en Seine-Saint-Denis, voilà une dizaine de jours, à la rencontre d’associations qui interviennent auprès des familles dans un département où la précarité est plus importante qu’ailleurs. L’aide alimentaire va faire l’objet d’un soutien de l’État à hauteur de 39 millions d’euros, et sera assortie de mesures territorialisées au travers de chèques alimentaires qui sont désormais versés aux familles, puisque le dispositif est opérationnel.
La continuité du travail social a été renforcée grâce au soutien de la plateforme en ligne mise en place par Gabriel Attal à destination des jeunes du service civique. Par ailleurs, le versement des aides sociales se poursuivra pendant toute la période, avec une prolongation de l’accès aux droits sans aucune démarche administrative. Enfin, nous avons organisé, avec Julien Denormandie, la mise à l’abri des personnes sans abri, avec le développement de nouveaux foyers et logements.
Je saisis cette occasion pour tirer un grand coup de chapeau à tous les travailleurs sociaux, qui n’ont pas chômé depuis le début de cette crise ; nous leur devons beaucoup !
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour la réplique.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le ministre, vous avez l’air de connaître très bien la situation, mais vous comprendrez également que ce n’est pas avec des mesurettes comme les 150 euros versés aux allocataires du RSA ou les 200 euros en faveur des étudiants, alors que le loyer dans les cités universitaires est beaucoup plus élevé, que vous allez régler le problème de la famine et de la pauvreté. Honnêtement, ce n’est pas sérieux, et vous le savez bien ! Il faut repenser entièrement la question en vue d’élaborer un plan global d’urgence.
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Dans cette crise, on remarque des acteurs clés, des organisateurs qui sont indispensables. Je parle des maires, dont je veux saluer ici l’action. Ils sont aux avant-postes, au contact direct de la population, et, comme l’a dit le Premier ministre, avec les préfets, c’est sur eux que repose le succès du déconfinement.
C’est grâce à eux que les déchets sont collectés, que l’eau est distribuée, que les repas sont servis aux plus fragiles. C’est aussi grâce à eux que, demain, les enfants retourneront à l’école avec le plus de sécurité possible. Le Gouvernement a raison de leur faire confiance pour organiser la réouverture des classes, qui est si indispensable à la reprise de notre pays comme à nos enfants.
Toutefois, la confiance n’exclut pas l’assurance ni la légitimité. Les maires, en première ligne, ont besoin d’être rassurés, vis-à-vis de leur responsabilité civile et pénale, bien sûr – ce sera l’un de nos sujets de discussion ce soir. Ils ont aussi besoin que leur légitimité soit renforcée.
À cet égard, dès lors que le déconfinement commence, pouvez-vous rassurer les maires sur la date prévisible d’installation des conseils municipaux qui ont été élus au premier tour ? Monsieur le Premier ministre, puisque vous avez anticipé fort justement l’avis du conseil scientifique qui devait être rendu le 23 mai, ma question est encore plus précise : quand peut-on espérer que cet avis sera rendu ? Et après quel délai l’installation des conseils interviendra-t-elle ? Concrètement, ceux-ci pourront-ils être installés dans les quinze jours, en tout état de cause avant la fin du mois de mai ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Excellent !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, le plus tôt sera le mieux, je ne peux pas vous le dire autrement, car l’installation des conseils municipaux qui ont été définitivement élus au premier tour est non pas un impératif, mais présente une utilité évidente, je l’ai dit, du point de vue démocratique et économique.
Il a été jugé collectivement que, pendant la période de confinement, ce n’était pas possible, car non approprié, nonobstant le souhait de certains. Si nous avons fixé cette date du 23 mai, ce n’est pas par fétichisme, c’est parce que nous étions le 23 mars et que nous voulions attendre deux mois. Heureusement, le Parlement a écrit : « au plus tard ». Par conséquent, dès lors que nous avons pris la décision de procéder au déconfinement à partir du 11 mai, si nous saisissons le conseil scientifique et qu’il peut rendre un avis rapide, le rapport que j’aurai à remettre au Parlement sera relativement simple à écrire, et nous serons en mesure, je l’espère, d’installer le plus vite possible ces conseils municipaux.
Tout le monde en est parfaitement conscient ici, ce n’est pas tant l’installation des conseils municipaux élus au premier tour qui est problématique, que les conséquences de celle-ci sur les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et la coexistence, au sein des EPCI, de conseils municipaux, donc de représentants des communes élus au premier tour, et de conseillers communautaires qui n’ont pas été définitivement élus au premier tour et dont la légitimité, bien que n’étant pas contestable, puisque la loi a prévu la prorogation de leur mandat, les place dans une situation différente, de surcroît lorsque la liste sur laquelle ils figuraient a été battue au premier tour.
Nous allons trouver les moyens de surmonter cette difficulté, mais je le redis, mon objectif, comme celui du Gouvernement, est de faire en sorte que les conseils municipaux élus au premier tour soient installés d’ici… disons, le plus rapidement possible ! (Sourires.) J’ai bon espoir que nous y parvenions avant la fin du mois de mai.
M. le président. Nous sommes le 4 mai, donc il vous reste quelques jours, monsieur le Premier ministre !
La parole est à Emmanuel Capus, pour la réplique.
M. Emmanuel Capus. Je souhaite juste vous remercier, monsieur le Premier ministre, de cette réponse si précise ! (Rires.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le Premier ministre, à la suite de l’annonce par le Président de la République du retour à l’école, le Sénat, constructif, a pris ses responsabilités. La commission de la culture a créé en son sein un groupe de travail pour évaluer les enjeux de cette reprise. Animé par notre collègue Jacques Grosperrin, ce groupe, dont je salue l’excellent travail, a émis onze préconisations, lesquelles ont été rendues publiques, sur le fondement de deux prérequis : l’avis de la communauté scientifique sur la situation sanitaire et ses recommandations, l’urgence d’une concertation avec les acteurs de terrain, notamment les collectivités territoriales.
Interpellé par le refus de plusieurs maires, et pas uniquement dans les départements rouges, et après avoir écouté les familles et des enseignants, le groupe Union Centriste veut des réponses précises, d’abord sur les risques épidémiologiques, les services pédiatriques dans toute la France se faisant l’écho d’un nombre anormalement élevé de pathologies cardiaques affectant des enfants, lesquelles pourraient être liées au Covid-19. Avez-vous des études sur ce sujet, mais aussi sur la contagiosité des enfants ?
Quel suivi sanitaire et médical, y compris du personnel, sera mis en place localement, compte tenu de l’état de notre médecine scolaire ?
Les maires ne se cachent pas derrière leur petit doigt. Un certain nombre d’entre eux acceptent souvent de s’organiser, avec les moyens du bord, mais la question de leur responsabilité pénale et juridique est en effet posée. Sur l’initiative d’Hervé Maurey, notre groupe a d’ailleurs le premier soulevé ce sujet. J’ajoute que certains maires se sentent fragilisés par une élection municipale non achevée.
Le bon sens veut en effet que le déconfinement se fasse de manière progressive et qu’il soit totalement adapté aux contextes locaux. Il faut donc bien clarifier les obligations et les responsabilités du scolaire et du périscolaire, la question des surcoûts. Il vous reste à nous dire comment traiter le mieux possible les ruptures d’égalité entre les enfants qui iront à l’école et ceux qui resteront à la maison. Quid également des enfants en situation de handicap ?
Le flottement du début a laissé place à un peu plus de méthode, mais nous avons tous le sentiment d’avancer à marche forcée, avec le 11 mai en ligne de mire. Il reste à peine quatre jours ouvrés pour mettre en œuvre le protocole sanitaire discuté vendredi. Avec quels moyens humains et financiers ?
De quelle souplesse disposons-nous pour adapter le calendrier ? Les maires d’Île-de-France, mais pas uniquement eux, ont demandé un sursis, certains, trop prudents ou réalistes – à vous de nous répondre, monsieur le ministre – allant même jusqu’à réclamer une réouverture des écoles en septembre. N’était-ce pas d’ailleurs l’avis du conseil scientifique ? Nous aimerions le savoir. (Mme Sophie Joissains et M. Hervé Maurey applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Votre question en comprend en fait plusieurs, madame Morin-Desailly.
Votre première question s’adressait plutôt au ministre des solidarités et de la santé. Nous évoquons ensemble très régulièrement ce sujet afin de suivre en détail la situation sanitaire.
Le Premier ministre a répondu à votre deuxième question dans son discours. Le régime de responsabilité ne doit pas susciter d’inquiétude de la part des maires. Nous nous emploierons bien entendu à les rassurer sur ce point, si c’est nécessaire.
Tout ce que nous faisons, nous le faisons ensemble. J’observe que la reprise de l’école suscite certes de nombreuses polémiques – elles sont sans doute inévitables –, mais aussi que beaucoup de maires sont passés à l’action, y compris d’ailleurs certains de ceux qui ont signé la pétition, ce que je trouve un peu étonnant. Je préfère de toutes les façons qu’ils agissent, et c’est ce qu’ils font.
Sur ce sujet, comme sur d’autres, je me demande pourquoi ce qui est faisable dans un endroit ne l’est pas dans un autre. Aujourd’hui, ceux qui se sont mis en route démontrent que la reprise de l’école est faisable.
Comme l’a dit le Premier ministre, le protocole sanitaire est très exigeant, mais si tel n’était pas le cas, on nous le reprocherait. Donc oui, le protocole est exigeant. Il nous appartient, tous ensemble, de le faire respecter.
J’ai participé ce matin à une visioconférence avec les représentants des médecins scolaires : ils travailleront évidemment avec les communes sur ces sujets, comme d’ailleurs d’autres corps de métier de l’éducation nationale. Il faut faire preuve d’un esprit d’équipe dans ce genre de circonstances, c’est d’ailleurs ce qui se passe dans la majorité des cas.
Vous dites qu’il y a un problème de méthode. En réalité, nous faisons face, comme tous les pays, à un problème considérable. Les autres pays sont attentifs à notre protocole sanitaire et, de façon générale, regardent plutôt favorablement ce qui s’est passé en France en matière d’éducation pendant la période de confinement. Nous comptons par exemple moins de décrocheurs que l’Allemagne. Il y a toujours des comparaisons avec l’Allemagne dans les situations dans lesquelles nous pensons être moins bons qu’elle, mais personne ne s’y intéresse quand nous sommes meilleurs.
Mon propos n’est pas de nous adresser des compliments. Ce qu’il faut, c’est faire preuve d’un esprit d’équipe, ce qui n’exclut pas la critique.
Sur le protocole sanitaire, comme sur les sujets pédagogiques, nous avançons en faisant preuve d’un esprit d’équipe, avec les élus locaux en particulier.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Bas. Monsieur le Premier ministre, vous avez rappelé que, le 11 mai, c’est dans un peu plus de six jours – personne ne le contestera. Pour ma part, je m’interroge : les Français seront-ils suffisamment préparés le 11 mai pour le déconfinement ? Leurs écoles, leurs entreprises, leurs administrations seront-elles prêtes ? Vous-même, serez-vous prêt ?
Vous avez dévoilé votre stratégie de déconfinement. Elle s’inspire d’une philosophie que je ne conteste pas. Vous avez annoncé un certain nombre de décisions, mais pas toutes les décisions. Il reste de mon point de vue trop de flou pour que le compte à rebours qui va nous conduire dans quelques jours au 11 mai soit suffisant pour que tout soit prêt ce jour-là. Cela m’inquiète.
Je poserai trois questions.
Singulièrement, personne en France ne sait quelles conséquences juridiques s’attacheront au fait qu’un département sera classé rouge. Le confinement sera-t-il maintenu dans les départements de cette catégorie ?
Le système d’information que vous nous demandez de vous permettre de mettre en œuvre sera-t-il prêt le 11 mai ? J’en doute !
Ma troisième question porte sur les transports en commun, notamment en Île-de-France. Allez-vous demander à nos concitoyens de se munir d’une attestation justifiant leur présence dans les transports en commun afin d’éviter leur saturation et la propagation de l’épidémie du fait de la promiscuité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous posez trois questions, monsieur le président Bas.
Quel est l’effet juridique d’un classement en vert ou en rouge ? J’ai indiqué que, de façon certaine, la réouverture des collèges, des classes de sixième et de cinquième, ne serait pas engagée dans les départements rouges, qu’elle ne serait possible que dans les départements verts. De même, les parcs et jardins resteront fermés dans les départements rouges, mais pourront être ouverts dans les départements verts. Pour l’instant, ce sont les seules différences qui ont été décidées.
À l’évidence, un certain nombre des décisions que prendront les préfets et les maires, les adaptations de certaines règles qu’ils prévoiront dépendront du fait qu’ils sont ou non dans un département rouge, où le virus circule plus vite et où il faudra être encore plus prudent, sachant qu’il faut être prudent partout.
Prenons un exemple. De mon point de vue, dans les départements verts, le travail effectué entre les mairies et l’éducation nationale doit permettre de rouvrir partout les écoles primaires, dans des conditions parfois un peu différentes de celles qu’on aimerait avoir, soit des conditions dégradées, c’est vrai, mais partout.
Dans les départements rouges, comme j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer en réponse à des questions qui m’ont été posées au Sénat la semaine dernière, lorsqu’un maire, comme Mme le maire de Mulhouse par exemple – j’en parle, car c’est la ville qui a malheureusement connu un embrasement, la première vague –, nous dira : « Compte tenu de ce que nous avons connu, compte tenu du fait que nous sommes toujours en rouge, je vous garantis qu’il ne va pas être possible de rouvrir les écoles », nous examinerons la situation. Le classement teintera forcément la capacité d’appréciation du maire et du préfet.
Je suis en train de dire non pas que les écoles ne doivent pas rouvrir dans les départements rouges, mais que la qualification rouge ou verte donne à ceux qui doivent prendre des décisions une indication du sens dans lequel ils doivent aller s’ils ont des hésitations. C’est, me semble-t-il, utile.
Par ailleurs, à partir du 2 juin, lorsque nous gravirons la deuxième marche, lorsque, je l’espère, nous aurons relancé notre économie, rouvert notre pays, et que nous aurons montré notre capacité à maîtriser l’épidémie, la distinction entre vert et rouge pourra donner lieu à d’autres différenciations. Au fond, cet indicateur, qui nous permet de savoir si les choses sont parfaitement sous contrôle ou si la menace reste très présente, nous permettra de différencier au fil du temps les mesures qui peuvent être prises dans les départements verts et celles qui ne peuvent pas l’être dans les départements rouges.
Vous avez ensuite évoqué le système d’information. Notre objectif est évidemment qu’il soit prêt. La vérité, et vous le savez très bien, c’est que nous faisons face moins à une difficulté technique pour créer le fichier qu’à un problème juridique, lié aux droits d’accès. Alors que ce fichier contiendra des données à caractère médical, la question est moins de savoir si nous saurons le faire fonctionner, mais qui pourra y avoir accès. La vérité, c’est que l’on a prévu l’article 6 non pas parce que nous voulons créer un fichier, mais parce que nous avons besoin de permettre à des gens qui ne sont pas médecins d’avoir accès à des données médicales. Tel est l’objet de cet article.
Techniquement, je n’ai pas de doute sur le fait que le système fonctionnera. La question est de savoir si, juridiquement, il pourra fonctionner. Le Parlement autorisera-t-il ce mécanisme qui permet efficacement de remonter les chaînes de contamination ? C’est pour cela que le vote de l’article 6 sera de mon point de vue important.
Enfin, l’attestation pour les transports en commun n’est pas un sujet. Nous avons simplement dit, là encore afin de faire preuve du plus grand pragmatisme, que si les autorités organisatrices de transport avaient besoin d’un certain nombre de mesures pour mieux réguler la demande, là où elles doivent augmenter l’offre, nous étions prêts à en discuter avec elles. Peut-être nous demanderont-elles dans certaines agglomérations de les aider, par exemple, à mieux réguler les arrivées dans les transports ou les horaires de travail ? Nous essaierons de le faire, dans la limite des instruments juridiques à notre disposition. Il n’est en revanche pas prévu à ce stade – je n’en ai parlé ni à l’Assemblée nationale ni au Sénat – une quelconque attestation pour avoir accès aux transports publics.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour la réplique.
M. Philippe Bas. Je m’attendais, monsieur le Premier ministre, à ce que vous me répondiez aussi sur le maintien éventuel du confinement dans les départements rouges. J’interprète votre réponse ainsi : le confinement ne sera pas maintenu dans les départements rouges.
M. Philippe Bas. Par ailleurs, je trouve qu’il y a beaucoup trop d’incertitudes concernant l’organisation des transports. Je vous mets en garde sur les risques de contamination, notamment dans les transports parisiens, si des mesures plus sévères ne sont pas prises.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail, un peu à M. le ministre de l’éducation nationale et peut-être aussi à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Elle porte sur les effets des annonces de Mme Pénicaud sur la dégressivité du chômage partiel à partir du 2 juin.
La ministre a annoncé que, à partir du 2 juin, le dispositif de chômage partiel serait moins « généreux ». Je ne sais pas si j’aurais employé ce mot si j’avais été à sa place et je ne sais pas si les Français ont eu l’impression de bénéficier d’une générosité quelconque quand ils ont été mis au chômage partiel, mais bref… Cette remarque est incidente.
La ministre a également dit que les parents devront fournir une attestation lorsqu’ils seront contraints de continuer à garder leurs enfants.
Ces déclarations soulèvent plusieurs questions.
Mes premières questions portent sur l’attestation : qui devra la fournir ? l’école ? le maire ? à qui devra-t-elle être remise ? à l’employeur ?
Ma deuxième question porte sur la dégressivité du chômage partiel. Vous considérez qu’en baissant les indemnités de chômage, les gens sortiront de chez eux pour reprendre le travail et fournir les efforts nécessaires. Je vois que la logique et la philosophie qui sont bien ancrées depuis le début au sein de ce gouvernement – ce sont elles qui ont prévalu lors de la réforme de l’assurance chômage – sont également à l’œuvre dans le traitement de la crise sanitaire !
Dans l’hypothèse où le nombre d’enfants qui se présenteraient à l’école serait supérieur aux capacités d’accueil des établissements, sachant en outre que certains maires envisagent que les enfants ne puissent être accueillis qu’une ou deux demi-journées par semaine afin de permettre une rotation des élèves, qui fera le tri entre ceux qui pourront aller à l’école et les autres, et selon quels critères ?
J’ai posé la question récemment lors d’une conférence téléphonique que le représentant de l’État organise chaque semaine et j’ai obtenu deux réponses spontanées différentes. On m’a d’abord dit que seraient accueillis les enfants dont les parents travaillent, puis que seraient d’abord pris les élèves décrocheurs. Il se trouve malheureusement que les enfants décrocheurs ont plus souvent des parents au chômage de longue durée qu’au chômage partiel.
Quel message adressez-vous aux maires, aux enseignants et aux parents salariés concernant le système de chômage partiel que vous comptez mettre en place dès le 2 juin ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la sénatrice Laurence Rossignol, vous posez plusieurs questions.
Premièrement, le dispositif de chômage partiel doit-il continuer indéfiniment tel qu’il existe actuellement ? Le Premier ministre et moi-même l’avons déjà dit, il nous semble normal, dès lors que l’activité économique reprendra de l’ampleur, que le dispositif décroisse afin d’accompagner la reprise. Nous envisageons, mais rien n’est décidé – la discussion est en cours avec les partenaires sociaux –, que le remboursement à l’employeur de la totalité du chômage partiel, comme c’est le cas actuellement – 100 % du coût lui est remboursé par l’État, jusqu’à 4,5 fois le SMIC – soit moindre. J’indique qu’on autorisera la poursuite du chômage partiel pour les salariés dont le contrat de travail ne sera pas tout de suite réactivé.
Deuxièmement, vous m’interrogez sur les parents. Jusqu’au 1er mai, lorsqu’ils ne pouvaient pas faire garder leurs enfants, faute d’école ou de crèche, les parents bénéficiaient d’un arrêt de travail et d’indemnités journalières. Nous avons remplacé ce système par le dispositif de chômage partiel afin de leur éviter de voir leurs revenus passer de 90 % à 66 % de leur salaire, ce qui aurait impliqué une grosse perte de pouvoir d’achat.
Pour maintenir les revenus à hauteur de 100 % pour les salaires au niveau du SMIC et de 84 % au-dessus, le meilleur système est le chômage partiel. Les parents ont donc basculé au chômage partiel depuis le 1er mai.
Troisièmement, vous posez également la question de la transition. Évidemment, nous ne changerons rien au mois de mai, car la reprise des écoles sera progressive. Elle est, on le voit, un élément de construction de la confiance générale afin de permettre le retour au travail de tous. Dans ce contexte, il n’y aura pas de changement en mai. Un parent qui ne souhaite pas ou qui ne peut pas mettre son enfant à l’école, quel que soit le motif, continuera à bénéficier du chômage partiel.
Ensuite, en fonction de la situation générale, que nous évaluerons à la fin du mois, il est possible que l’on demande aux parents de fournir une attestation de l’école. Mais nous verrons cela fin mai.