Mme Monique Lubin. L’amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. L’alinéa que cet amendement tend à supprimer contient des dispositions relatives aux horaires de travail, qui peuvent être précisés dans les conventions de prêt, là encore avec l’accord du salarié. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 127, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
3° L’information et la consultation préalables du comité social et économique mentionnées aux douzième et quatorzième alinéas dudit article L. 8241-2 peuvent être remplacées par une consultation sur les différentes conventions signées, effectuée dans le délai maximal d’un mois à compter de la signature de la convention de mise à disposition ;
4° Lorsque l’intérêt de l’entreprise utilisatrice le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19 et qu’elle relève de secteurs d’activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale déterminés par décret, les opérations de prêt de main-d’œuvre n’ont pas de but lucratif au sens de l’article L. 8241-1 pour les entreprises utilisatrices, même lorsque le montant facturé par l’entreprise prêteuse à l’entreprise utilisatrice est inférieur aux salaires versés au salarié, aux charges sociales afférentes et aux frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de sa mise à disposition temporaire ou est égal à zéro.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. L’objet de cet amendement est de compléter les dispositions qui ont été introduites par la commission des affaires sociales pour faciliter le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif et autoriser, dans des secteurs définis par décret, le prêt de main-d’œuvre sans refacturation intégrale des coûts salariaux à l’entreprise utilisatrice.
De fait, de nombreuses initiatives ont été prises, depuis le début de cette crise, pour assurer le maintien de l’emploi et éviter le chômage partiel et les licenciements. Le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif est l’un des outils à la disposition des entreprises et des associations. Si elles sont confrontées à une baisse ou à une interruption de leur activité, elles peuvent prêter temporairement un ou plusieurs de leurs salariés à une autre entreprise qui aurait des besoins de main-d’œuvre. Cela se fait évidemment avec l’accord des salariés.
Les coûts salariaux – salaire, cotisations sociales et frais professionnels – sont refacturés à l’entreprise utilisatrice pour garantir le caractère non lucratif : il ne s’agit pas d’organiser une sorte de nouveau marché du travail.
Cependant, malgré l’appui du ministère du travail et les conventions types mises à disposition, notamment les avenants aux contrats de travail disponibles en ligne, certaines initiatives se heurtent à des difficultés d’application du cadre légal dans un contexte d’urgence économique.
L’amendement du Gouvernement vise à compléter les dispositions introduites sur l’initiative du rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, de manière à adapter les modalités de consultation et d’information des instances représentatives du personnel, afin d’accélérer la mise en œuvre des dispositions relatives au prêt de main-d’œuvre.
Nous proposons également, par l’insertion d’un nouveau 4°, de déroger à l’interdiction du prêt de main-d’œuvre à but lucratif, dans un champ qui sera limité par décret, en permettant des mises à disposition qui ne donneront pas lieu à une refacturation intégrale des coûts salariaux. Cela peut concerner une entreprise voulant aider une association sans refacturer intégralement les coûts salariaux ou des établissements sociaux et médico-sociaux souhaitant mettre des personnels formés, disponibles et volontaires à disposition d’autres établissements du même groupe connaissant des besoins temporaires et hétérogènes de main-d’œuvre liés à une surcharge de travail mais ne pouvant pas assumer la totalité des coûts salariaux.
Cette faculté s’exercera sous la surveillance des instances représentatives du personnel et sur la base du volontariat des salariés concernés. Dans un contexte de crise, cela permettra de répondre à des besoins de main-d’œuvre et de sauvegarder des emplois, pour que l’ensemble du marché du travail puisse fonctionner le mieux possible dans la situation actuelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Ces dérogations complémentaires vont dans le sens de l’assouplissement. Il s’agit d’essayer de trouver des solutions dérogatoires au droit dans une situation difficile. Il s’agit bien de dérogations liées à la crise, et non de dispositions pérennes. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er novodecies, modifié.
(L’article 1er novodecies est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er novodecies
M. le président. L’amendement n° 278, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 1er novodecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’entreprise ou l’établissement, mentionné au I de l’article L. 5122-1 peut bénéficier d’un régime d’activité partielle spécifique sous réserve de la conclusion d’un accord collectif ou de l’élaboration d’un plan d’activité réduite pour le maintien en emploi définissant le champ d’application de l’activité partielle spécifique, les réductions de l’horaire de travail pouvant donner lieu à indemnisation à ce titre et les engagements spécifiquement souscrits en contrepartie, notamment pour le maintien de l’emploi.
Un décret en Conseil d’État précise le contenu de l’accord ou du plan.
II. – À défaut d’accord mentionné au I du présent article, un document élaboré par l’employeur après consultation du comité social et économique, lorsqu’il existe, fixe le contenu du plan d’activité réduite pour le maintien en emploi et précise les éléments prévus au même I.
Les conditions d’application et de renouvellement du plan sont précisées par décret.
III. – L’accord collectif mentionné audit I ou le plan mentionné au II est transmis à l’autorité administrative pour validation de l’accord ou homologation du plan.
IV. – L’autorité administrative valide l’accord collectif mentionné au I dès lors qu’elle s’est assurée :
1° des conditions de validité et de la régularité de la procédure de négociation et le cas échéant, de la procédure d’information et de consultation du comité social et économique ;
2° de la présence dans l’accord de l’ensemble des dispositions mentionnées au I.
La procédure de validation est renouvelée en cas de conclusion d’un avenant de révision.
V. – En l’absence d’accord collectif, l’autorité administrative homologue le plan élaboré par l’employeur mentionné au II, après avoir vérifié :
1° la régularité de la procédure d’information et de consultation du comité social et économique ;
2° la présence et la conformité de l’ensemble des dispositions mentionnées au I ;
3° l’adéquation des mesures retenues avec la situation de l’entreprise.
La procédure d’homologation est renouvelée en cas de reconduction ou d’adaptation du plan.
VI. – L’autorité administrative notifie à l’employeur la décision de validation dans un délai de quinze jours à compter de la réception de l’accord collectif mentionné au I et la décision d’homologation dans un délai de vingt et un jours à compter de la réception du plan élaboré par l’employeur mentionné au III.
Elle la notifie, dans les mêmes délais, au comité social et économique et, si elle porte sur un accord collectif, aux organisations syndicales représentatives signataires. La décision prise par l’autorité administrative est motivée.
Le silence gardé par l’autorité administrative pendant les délais prévus au premier alinéa du présent VI vaut décision d’acceptation de validation ou d’homologation. Dans ce cas, l’employeur transmet une copie de la demande de validation ou d’homologation, accompagnée de son accusé de réception par l’administration, au comité social et économique et, si elle porte sur un accord collectif, aux organisations syndicales représentatives signataires.
La décision de validation ou d’homologation ou, à défaut, les documents précités et les voies et délais de recours sont portés à la connaissance des salariés par voie d’affichage sur leurs lieux de travail ou par tout autre moyen permettant de conférer date certaine à cette information.
VII. – Pour l’application du présent article, le pourcentage de l’indemnité et le montant de l’allocation peuvent être majorés dans des conditions et dans les cas déterminés par décret.
VIII. – Le présent article est applicable aux accords collectifs et aux plans d’activité transmis à l’autorité administrative pour validation ou homologation, dans les conditions prévues au III, au plus tard le 30 juin 2022.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je reviens ici sur un sujet particulièrement important.
Nous avions présenté, mardi dernier, un amendement qui visait à permettre la mise en œuvre d’un dispositif alternatif à l’activité partielle de manière à accompagner les entreprises durablement affectées par la situation sanitaire et économique. Le Sénat a jugé que l’objet de cet amendement, dont le dispositif prenait la forme d’une habilitation à légiférer par ordonnance, manquait de précision.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous vous avons écoutés, nous vous avons entendus. Je vous présente donc ce soir un amendement afin de préciser clairement « en dur » le dispositif que nous envisageons de mettre en œuvre.
Nous avons su transformer l’activité partielle rapidement et efficacement, pour en faire le dispositif le plus protecteur d’Europe : il a permis de protéger 12 millions de salariés et 1 million d’entreprises.
Toutefois, l’État ne saurait payer durablement les salaires de millions d’employés du secteur privé. Il ne vous aura pas échappé que nous entrons à présent dans une autre phase de la crise. Dans cette nouvelle phase, les contraintes économiques pesant sur les entreprises pourront conduire à des arbitrages affectant l’emploi. Nous avons tous conscience que le retour à la pleine activité sera plus ou moins rapide selon les secteurs ; dans bien des cas, il ne pourra être immédiat, ni même rapide. Selon la durée des cycles de production, il pourra prendre plusieurs mois, voire plusieurs années. On a parlé de l’industrie automobile ; on pourrait tenir les mêmes propos au sujet du secteur aéronautique, du tourisme, de la culture ou du sport, secteurs dont l’activité est largement saisonnière. Il est clair que ces secteurs seront très affectés, non seulement en 2020, mais encore en 2021.
Alors, que faire pour protéger l’emploi, pour permettre aux entreprises de préserver leurs compétences et aux salariés de garder leur emploi ?
Il nous paraît nécessaire de mettre très rapidement en place de nouveaux dispositifs de préservation de l’emploi et des compétences. Ces dispositifs permettront aux entreprises d’ajuster à la baisse leur capacité de production, en fonction de la demande, et de limiter les coûts économiques et sociaux, tout en préservant l’emploi et les compétences pendant cette période.
Très concrètement, ces entreprises pourront, par accord avec les organisations syndicales, diminuer le temps de travail et pratiquer la modération salariale, à condition de maintenir intégralement l’emploi. Une aide de l’État viendra compenser en partie la perte de pouvoir d’achat des salariés, sur une durée assez longue.
Cela représente un effort pour les salariés, pour les entreprises et pour l’État, mais tout le monde y gagne aussi. En effet, quelle serait l’alternative pour ces entreprises qui vont connaître six, douze ou dix-huit mois difficiles, sinon le licenciement d’une partie de leur personnel ?
Une réduction du temps de travail, compensée en partie par un système d’activité partielle financé par l’État, vaut mieux que des licenciements. À la fin, il y aura moins de chômeurs et nos entreprises garderont leurs compétences : l’argent public aura été bien investi.
Cette mesure présente un certain caractère d’urgence. En effet, on constate, dès aujourd’hui, que des entreprises, des secteurs entiers, commencent à éprouver de lourdes difficultés en dépit des prêts garantis par l’État, du recours massif au chômage partiel et des reports de charges sociales. Il y a des limites à l’exercice : à un moment donné, il faut un marché et des clients pour pouvoir préserver l’activité économique et l’emploi.
Dès lors, pour prévenir le risque d’une multiplication des PSE, nous vous proposons de mettre en place un dispositif d’activité partielle de longue durée, reposant sur un effort partagé entre les entreprises, les salariés et l’État. Il est très important de pouvoir disposer de ce dispositif pour répondre de manière pragmatique aux demandes de secteurs et d’entreprises qui, dans quelques semaines, risquent de se trouver en difficulté. Ainsi, des négociations pourront s’ouvrir dès maintenant au sein des entreprises concernées.
Le décret d’application précisera que, dans les entreprises où un accord majoritaire pourra être trouvé, le taux de prise en charge par l’État sera plus important. Nous voulons encourager un dialogue social renforcé.
Notre boussole, c’est la préservation de l’emploi. Nous voulons permettre à ces entreprises et à ces salariés de continuer de croire en l’avenir. Nous sommes dans une situation de crise et d’urgence, ce qui requiert agilité et réaction. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous vous avons écoutés ; j’espère que vous nous soutiendrez dans cette approche, car il y a beaucoup d’emplois à la clé !
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Madame la ministre, vous nous donnez les précisions que nous appelions de nos vœux. Vous voyez : quand vous le voulez, tout se passe bien ! Il convient de travailler en bonne entente avec le Parlement : votre projet était flou, et le Sénat, sous l’égide du président de sa commission des lois, l’avait balayé d’un revers de main, mais cela vous permet aujourd’hui de nous apporter ces précisions.
Cet amendement prévoit donc un régime d’activité partielle spécifique, conditionné à la conclusion d’un accord collectif ou, à défaut, à l’élaboration par l’employeur d’un plan d’activité réduite pour le maintien en emploi. Cet accord ou ce plan devra comporter des engagements en matière d’emploi en contrepartie des aides reçues ; il devra être homologué par l’autorité administrative, ce qui nous paraît tout à fait normal.
Ce dispositif spécifique coexistera avec le régime d’activité partielle ordinaire. Il vise à apporter un accompagnement de plus long terme à des entreprises confrontées à une baisse d’activité durable, mais disposant de réelles perspectives de reprise.
Dans ce cadre, l’indemnité d’activité partielle et l’aide versée par l’État et l’assurance chômage pourront être majorées par rapport au dispositif d’activité partielle ordinaire.
L’aide pourrait également être majorée en cas d’accord collectif par rapport à un document élaboré par l’employeur. Par ailleurs, le contrôle de proportionnalité de l’administration pourrait être plus poussé en cas de plan d’activité unilatérale. Bien que le texte ne le précise pas, nous vous incitons à aller dans ce sens, madame la ministre.
De tels accords ou plans pourront être conclus ou établis jusqu’au 30 juin 2022. Nous tenions à cette précision : ainsi, ce dispositif rentre bien dans le cadre du plan d’urgence. Il s’agit d’un délai suffisant, me semble-t-il, pour que le mécanisme soit opérant.
Madame la ministre, vous avez précisé vos intentions. Nos échanges ont été constructifs. Toutefois, je regrette qu’un dispositif aussi important soit présenté par le biais d’un amendement de séance déposé il y a quelques minutes. Reste qu’il est nécessaire d’avoir des dispositifs couvrant toutes les situations. Si celui-ci peut aider un certain nombre d’entreprises, nous en serons très heureux !
La commission des affaires sociales n’ayant pu examiner cet amendement, j’exprime, à titre personnel, un avis favorable.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Madame la ministre, le dispositif que vous proposez est intéressant, dès lors qu’il s’agit de sauvegarder des emplois en évitant des licenciements secs. Pour autant, prévoyez-vous des garde-fous ? L’exemple d’Air France cité par Fabien Gay est parlant : les entreprises qui verseront des compléments de salaire exorbitants pourront-elles aussi bénéficier de ce type d’aide ? Ces entreprises seront également confrontées à des difficultés et elles feront certainement appel à un tel dispositif, sous le prétexte, légitime, de sauvegarder les emplois. Y aura-t-il une contrepartie ou va-t-on continuer à verser des aides aussi importantes, au nom du maintien de l’emploi, à des entreprises qui se livrent à de telles pratiques ?
Par ailleurs, les contrôles seront-ils accrus ? Nous sommes aujourd’hui presque quotidiennement saisis – et ce n’est sans doute qu’un début – par des salariés qui, n’ayant jamais cessé de travailler, ont découvert, par exemple en consultant leur bulletin de salaire, qu’ils avaient été placés en chômage partiel, avec tout ce que cela implique.
M. Albéric de Montgolfier. Il y a énormément de fraude !
Mme Monique Lubin. Je suis favorable à ce genre de dispositif, mais quels garde-fous et quels contrôles avez-vous prévus ? La fraude existe dans toutes les strates de la société.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Monique Lubin a posé la question la plus importante : au respect de quels critères ce dispositif sera-t-il conditionné ?
Nous sommes tous conscients qu’il va falloir trouver un système pour accompagner la reprise de l’activité. Pour notre part, nous proposons par exemple que le chômage partiel puisse être un temps de formation pris en charge. Voilà une idée innovante pour faciliter le retour à l’emploi et la conversion des emplois !
Madame la ministre, vous nous dites que le recours au dispositif sera conditionné à un accord d’entreprise. Or le texte de l’amendement précise que, à défaut d’accord, c’est l’employeur qui a la main. Qu’en est-il précisément ? En cette période, ce sont les employeurs qui ont la main dans la négociation des accords d’entreprise, pas les salariés. Vous insistez beaucoup sur les accords d’entreprise et le dialogue social, mais, vous le savez fort bien, le dialogue social est actuellement extrêmement défavorable aux salariés. Beaucoup d’entreprises vont profiter de la crise pour licencier : c’est le cas de Camaïeu, d’Alinéa ou de General Electric, pour ne citer qu’elles. Des dizaines de milliers d’emplois sont en jeu.
Enfin, madame la ministre, vous avez déclaré que, en cas de conclusion d’un accord majoritaire, l’État mettra davantage au pot. Quid en l’absence d’accord ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le dispositif prévoit une validation en cas d’accord et une homologation renforcée par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, du travail et de l’emploi (Direccte) dans tous les autres cas. C’est un premier garde-fou.
Le second garde-fou, c’est le dialogue social. Par expérience, j’y crois beaucoup. Dans le contexte que nous connaissons, le dispositif fonctionnera le mieux quand il y aura un accord. Tout accord doit être majoritaire : je vous rappelle que nous avons renforcé le rôle du dialogue social dans les entreprises au travers des ordonnances de 2017. L’accord peut être négocié à l’échelon d’une entreprise ou à celui d’une branche. Voilà quelques jours, un accord très intéressant, dont le contenu est très proche de ce dispositif et qui offre un cadre de référence pour l’ensemble de la branche métallurgie, a été signé par une majorité d’organisations syndicales et par les organisations patronales. Il prévoit notamment un engagement de maintien de l’emploi et une négociation sur la réduction du temps de travail.
Monsieur Gay, je ne l’ai pas indiqué tout à l’heure, mais il sera également possible d’utiliser le temps de travail libéré pour la formation. Je prendrai l’exemple du secteur automobile. Dès avant la crise sanitaire, il était en profonde mutation, du fait de la transition écologique et de la transformation numérique. Puisque l’on va réduire le temps de travail, autant profiter du temps libéré pour accélérer les montées en compétences. Le soutien de l’État portera à la fois sur la formation et sur le complément de rémunération.
Madame Lubin, la question du contrôle est effectivement importante. Dès la mise en place du chômage partiel, j’avais déclaré que nous faisions confiance a priori et que nous contrôlions a posteriori. Si nous n’avions pas fait confiance a priori, pensez-vous que nous aurions pu étudier en quelques semaines les dossiers d’un million d’entreprises ? Non, ce qui signifie que nous aurions alors laissé de très nombreux salariés sur le carreau. Le chômage partiel est en effet un dispositif d’aide à l’entreprise qui ne sert qu’à protéger l’emploi, donc les salariés.
Par conséquent, il était important de faire confiance a priori et de mettre en place un dispositif accessible de manière systématique, ouverte et rapide. D’ailleurs, je salue à cette occasion les services de mon ministère, à l’échelon tant régional que central, et l’agence de paiement. En huit jours, ils ont mis en place un système à la hauteur des besoins.
Vient maintenant le temps du contrôle. J’ai demandé à mes services de mettre en place un important plan de contrôle, sur pièces ou sur place selon les cas, qui permet de vérifier que l’argent public est bien utilisé comme il se doit. (M. Fabien Gay s’exclame.)
Si une entreprise pratique la fraude au chômage partiel, il s’agit de travail illégal et elle s’expose à des sanctions financières, administratives et, potentiellement, pénales. Certaines entreprises, notamment parmi les plus petites, qui recouraient au chômage partiel pour la première fois, ont pu commettre de bonne foi des erreurs dans le calcul du taux horaire. Nous regarderons ces situations avec bienveillance, dans l’esprit de la loi pour un État au service d’une société de confiance, et les entreprises concernées rembourseront les aides perçues.
Mais il y a aussi des entreprises qui organisent la fraude.
M. Fabien Gay. Cela représente 28 % des cas !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. C’est de la délinquance et, dans ce cas, les sanctions s’appliqueront. Nous avons commencé à procéder à un certain nombre de recoupements, notamment administratifs, qui nous permettent de réaliser des contrôles à distance. Nous procédons aussi à des visites d’entreprise. Quand nous sommes alertés par des comités socio-économiques, des organisations syndicales ou des salariés, nous contrôlons systématiquement.
Je ne crois pas du tout que la majorité des entreprises fraudent, mais, dans tout secteur, il s’en trouve toujours quelques-unes qui trichent. Il n’est pas question que l’argent public soit détourné et serve à autre chose qu’à la protection de l’emploi. Ces entreprises seront évidemment sanctionnées.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Madame la ministre, sur le fond, j’entends l’intérêt du dispositif, mais, sur la forme, il est difficilement acceptable qu’une mesure aussi importante nous soit soumise par voie d’amendement, à cette heure. Il nous aurait fallu beaucoup plus de temps pour l’examiner correctement. Cette situation est tout à fait regrettable.
M. Fabien Gay. C’est vrai !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er novodecies.
L’amendement n° 46 rectifié, présenté par Mme Lubin, MM. Daudigny, Kanner, Kerrouche et Marie, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er novodecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Par dérogation à la durée fixée à l’article L. 3262-5 du code du travail, les titres émis en 2020 qui n’ont pas été présentés au remboursement par un restaurant ou un détaillant en fruits et légumes avant la fin du quatorzième mois suivant l’expiration de leur période d’utilisation sont définitivement périmés.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Si nous partageons l’objectif de soutenir le secteur de la restauration au travers du fonds imaginé par le Gouvernement et financé par les titres-restaurant périmés, le mécanisme présente un double inconvénient.
D’une part, il ne sera effectif qu’à la date d’expiration des titres émis en 2020, soit au mois de mars 2021. Or nombre de restaurateurs risquent malheureusement d’avoir mis la clef sous la porte avant cette date.
D’autre part, il fait reposer ce geste de solidarité sur les salariés, y compris les plus mal payés, alors que les titres-restaurant sont un avantage acquis lié au contrat de travail qui doit leur revenir.
C’est pourquoi nous proposons un dispositif nettement plus simple, plus rapide et plus efficace, qui permettrait de conjuguer soutien aux restaurateurs et maintien du bénéfice des titres-restaurant pour les salariés : il s’agit tout simplement de prolonger d’un an la validité des titres émis en 2020. Cela donnerait du pouvoir d’achat aux salariés, tout en profitant directement aux restaurateurs et aux commerces habilités.