M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Véran, ministre. Monsieur le rapporteur, ce ne serait en aucun cas la première décision de cette nature : sinon, je serais conduit à la prendre cinquante fois par jour depuis le déconfinement !

Il ne vous aura pas échappé que des clusters sont détectés tous les jours ; heureusement, nous en maîtrisons les chaînes de contamination. Il ne vous aura pas échappé non plus que nous n’avons pas édicté d’interdiction de circulation : nous sommes parfaitement au fait de cet enjeu.

Je puis faire miennes certaines de vos analyses ; mais quand vous dites que, si nous avons confiné, c’est parce que nous n’avions ni masques ni tests, vous faites au mieux un raccourci. Il me semble que, dans cette assemblée, l’on a cité en exemple un certain nombre de pays ayant opté pour le confinement.

Ainsi, la Chine n’a jamais connu de pénurie de masques ou de tests : elle en est la première productrice au monde. Or, il y a trois jours, j’ai lu dans la presse que Pékin avait fermé ses écoles, suspendu son trafic aérien et interdit les sorties de la ville.

M. Bruno Retailleau. Ce n’est pas notre modèle !

M. Olivier Véran, ministre. Je ne dis pas le contraire ! Je mentionne simplement des pays que vous avez régulièrement cités en exemple…

M. Bruno Retailleau. Nous n’avons jamais cité la Chine !

M. Olivier Véran, ministre. Alors Singapour, si vous préférez, ou encore l’Allemagne ! Quoi qu’il en soit, on ne peut pas voir les choses par le petit bout de la lorgnette. Il faut avoir une vue d’ensemble.

Mesdames, messieurs les sénateurs, personne ici n’a envie de reconfiner. Nous mettons tout en œuvre pour ne pas être réduits à cette extrémité pour le pays tout entier, ni même pour une ville. Nous sommes donc tous d’accord quant à l’objectif. Néanmoins – j’y insiste –, il faut avoir de la suite dans les idées.

Vous avez été très nombreux à nous dire de suivre les avis du conseil scientifique. Or ce dernier nous certifie qu’il faut rester armé.

Je ne citerai pas de ville en particulier – dès que je le fais, tout le monde prend peur. Imaginez une magnifique ville de France qui s’appellerait Atlantide, avec ses rivières et ses parcs ; imaginons qu’elle connaisse un cluster, que ses habitants subissent une super-contamination. Tout d’un coup, on découvre que 150 personnes sont malades. Imaginez que la population inquiète se dise qu’il faut faire ses valises au plus vite, monter dans sa voiture et quitter la ville, alors même que nous mettons en place des opérations de traçage…

M. Philippe Bas, rapporteur. État d’urgence sanitaire !

M. Olivier Véran, ministre. Monsieur le rapporteur, qu’ai-je entendu sur l’état d’urgence sanitaire dans cette assemblée ? Aujourd’hui, on m’assure qu’il y avait consensus. Mais, pour avancer, il a fallu reprendre l’ouvrage un certain nombre de fois, et – je le répète –, c’est tout à fait naturel.

Cela étant, si l’on déclenche l’état d’urgence sanitaire dans tout le pays, on donne aux autorités tous les pouvoirs qui vont avec, même localement ; on doit assumer une nouvelle limitation des libertés…

M. Jérôme Bascher. Ne refaites pas l’histoire !

M. Olivier Véran, ministre. Je ne refais pas l’histoire, monsieur le sénateur : je l’ai vécue, avec vous !

Je souhaite bel et bien n’avoir jamais à appliquer une telle mesure, mais je pourrais être conduit à la mettre en œuvre. Si je vous affirmais le contraire, vous ne seriez pas les derniers à me dire : « Vous n’avez pas anticipé. » Autour de nous, plusieurs pays ont déconfiné, mais, temporairement, ont été obligés d’instaurer des mesures de limitation de circulation sans pour autant revenir à l’état d’urgence sanitaire.

Vous m’avez donné vos arguments, je vous donne les miens ; le Sénat va sans doute voter contre l’amendement du Gouvernement. Je reviendrai à la charge en seconde lecture, parce que j’y crois. Si je n’y croyais pas, je vous dirais : il est tard, passons à autre chose.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez toujours été très vigilants, parfois piquants, en nous disant de mettre en œuvre les mesures qui s’imposent pour protéger les Français. Il m’est arrivé un certain nombre de fois de vous demander un certain nombre de mesures, et vous ne les avez pas votées. Je reste cohérent !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, que je remercie par avance de sa concision…

M. Philippe Bas, rapporteur. Monsieur le président, vous le savez, je suis toujours vos conseils avec beaucoup de déférence ; vous avez la charge de nous faire accoucher du texte avant que nous ne nous couchions. (Sourires.) Néanmoins, nous sommes ici pour débattre.

Monsieur le ministre, je me contenterai de quelques remarques.

Tout d’abord, je citerai un grand pays moderne, celui qui obtient les meilleurs résultats dans la lutte contre le Covid-19 : la Corée du Sud. Cet État a maîtrisé l’épidémie sans confinement.

Je ne prétends pas qu’il s’agit d’un modèle pour nous : chacun sa culture. Toutefois, cet exemple le prouve : on pouvait obtenir ce résultat sans porter atteinte aux libertés publiques si fortement que nous avons dû le faire – je l’ai dit, nous avons donné notre accord à ce titre, faute de mieux, mais les libertés publiques ont été réduites dans des proportions sans précédent dans l’histoire de notre République – et sans mettre en péril l’économie, à un degré tel que nous nous attendons tous à une vague de chômage dont les conséquences sociales et sanitaires, liées à la précarité, sont l’horizon des Français pour les années à venir.

M. Philippe Bas, rapporteur. Si vous, ministre de la santé, considérez qu’il n’y a rien de mieux que le confinement face à une nouvelle propagation du virus, nous vous répondrons que nous avons encore beaucoup de travail à faire conjointement pour trouver de meilleures solutions !

M. Olivier Véran, ministre. Il n’est pas question de confinement, vous le savez très bien !

M. Philippe Bas, rapporteur. Ensuite, si, dans un territoire donné, il faut porter fortement atteinte aux libertés publiques, vous disposez de l’état d’urgence sanitaire. On ne l’a pas conçu pour rien, tout de même !

D’ailleurs, si la situation sanitaire du pays ne justifiait pas l’état d’urgence sanitaire, le Conseil constitutionnel ne vous permettrait pas de prendre des mesures attentant si fortement aux libertés publiques. Vous avez entendu un certain nombre de signaux forts venant du Conseil d’État comme du Conseil constitutionnel : il y a des limites à la restriction des libertés publiques ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 18.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 23.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 19, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. L’alinéa 3 de cet article confie au Premier ministre la capacité de réglementer le fonctionnement des établissements pouvant recevoir du public. Ce pouvoir lui serait confié après la fin de l’état d’urgence sanitaire, le 10 juillet, et jusqu’au 30 octobre prochain en cas de rebond du nombre de contaminations liées au coronavirus.

Ces dispositions pourraient notamment être appliquées aux monuments historiques, aux lieux de culte et aux restaurants.

Une telle mesure semble disproportionnée et peu raisonnable au regard de la conjoncture économique. Les secteurs du tourisme et de la restauration ont été durement frappés par la crise liée au Covid-19. Leurs pertes s’élèvent aujourd’hui à plusieurs milliards d’euros.

Il est vital que ces pans de l’économie puissent reprendre une activité normale dans les plus brefs délais. Si l’on peut concevoir de maintenir, quelque temps, certaines réglementations par précaution – je pense notamment au respect des gestes barrières –, il semble excessif de confier ces prérogatives au Premier ministre, à l’heure où le Gouvernement estime qu’il est temps de mettre fin à l’état d’urgence sanitaire.

Nous appelons l’exécutif à faire preuve de cohérence : si la situation sanitaire est propice à la fin de l’état d’exception, elle l’est également à la fin des mesures qui y ont trait. Ainsi, nous proposons de supprimer l’alinéa 3 de l’article 1er.

M. le président. L’amendement n° 24, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Avant le mot :

Réglementer insérer les mots :

Ordonner la fermeture provisoire et

La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Véran, ministre. Comme tout à l’heure, le Gouvernement souhaite, à l’inverse, rétablir la faculté d’ordonner la fermeture provisoire de certaines catégories d’établissements recevant du public, laquelle figure dans le texte adopté par l’Assemblée nationale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, une telle faculté est nécessaire pour maintenir fermés les établissements d’une certaine catégorie, compte tenu des risques sanitaires associés, au-delà du 10 juillet prochain.

Croyez-moi, nous ne faisons pas ce choix de gaieté de cœur. J’ai entendu que les responsables de lieux de sortie nocturne, comme les discothèques, devaient se mobiliser cette semaine, et je les comprends. Ils aspirent légitimement à vivre de leur activité en rouvrant leurs établissements. On sait aussi l’aspiration des Français à aller danser.

M. Olivier Véran, ministre. Madame Benbassa, on peut considérer qu’il n’y a plus de danger ni de situation à risque, et que tout va pour le mieux ! On peut aussi considérer que, même si c’est un crève-cœur, il faut prendre certaines mesures, car toute autre décision exposerait les Français à des risques beaucoup trop lourds.

Monsieur le rapporteur, vous avez cité l’exemple de la Corée du Sud. Vous le savez, nous n’aspirons absolument pas au confinement, et rien dans ce texte ne nous permet de confiner le pays, en aucune façon. C’est justement la grande différence entre ce projet de loi et l’état d’urgence sanitaire. Nous ne pourrons plus confiner et nous ne le voulons pas. Je le dis, et je le redirai autant que nécessaire.

En Corée du Sud, en fréquentant des lieux de sortie nocturne, un seul individu a contaminé plusieurs dizaines de personnes, qui en ont contaminé d’autres encore : l’épidémie, jusqu’alors parfaitement maîtrisée, est ainsi repartie. Certaines situations sont plus à risques que d’autres.

N’y voyez aucune volonté d’empêcher les gens de danser : moi-même, j’aime beaucoup danser, surtout quand l’été vient ! (Sourires.) Mais il est important de conserver une capacité d’action, tout en accompagnant les responsables de discothèques, pour leur permettre de les reconvertir en bars ou en salles de spectacles, et tout en les soutenant financièrement. Il est hors de question de laisser qui que ce soit au bord du chemin.

Ces dispositions sont importantes : elles permettent au Gouvernement de fermer des lieux a priori, même si l’épidémie a décru.

De surcroît, pour déclencher l’état d’urgence sanitaire, il faut être placé face à une catastrophe sanitaire. La contamination de quarante personnes dans une commune ne peut pas être considérée comme telle. Mais si l’on attend la catastrophe pour déclencher l’état d’urgence, on est sûr qu’elle surviendra. Encore une fois, mieux vaut prévenir que guérir : ce vieil adage médical se vérifie souvent !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Pour des raisons de principe, que j’ai déjà développées, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 19 ?

M. Olivier Véran, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 19.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 24.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 25, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

4° Imposer aux personnes souhaitant se déplacer par transport public aérien à destination ou en provenance du territoire métropolitain ou de l’une des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution de présenter le résultat d’un examen de biologie médicale.

I. – Alinéa 17

Rétablir le IX dans la rédaction suivante : IX. – À la première phrase du premier alinéa du II de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, le mot : « national » est remplacé par le mot : « hexagonal ».

La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Véran, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, avant tout, je tiens à aborder un point important relatif au quatrième alinéa, qui a pour objet les rassemblements et manifestations.

À ce titre, le Gouvernement n’a pas déposé d’amendement pour modifier le texte de la commission, mais les enjeux sont importants : il faut s’assurer que nous en avons la même compréhension.

La commission propose d’écrire que, « sans préjudice des articles L. 211-2 et L. 211-4 du code de la sécurité intérieure », le Premier ministre peut « réglementer les rassemblements de personnes, les réunions et les activités sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public ».

Nous comprenons ainsi que le Premier ministre pourra réglementer tous les rassemblements mentionnés au quatrième alinéa, y compris, le cas échéant, pour les soumettre, non à autorisation préalable, comme c’est aujourd’hui le cas en vertu de l’état d’urgence sanitaire, mais à une simple déclaration préalable.

Le préfet aurait dès lors la possibilité de les interdire en cas de troubles graves à l’ordre public, au sens de l’article L. 211-4, lequel inclut les risques sanitaires, comme l’a jugé le Conseil d’État dans son ordonnance du 13 juin dernier. (M. le rapporteur le confirme.) Nous sommes donc d’accord.

J’en viens à l’amendement n° 25, qui vise à rétablir la faculté d’imposer des tests virologiques avant l’embarquement en avion, sous conditions particulières, et la faculté de prescrire des mesures de mise en quarantaine pour les voyageurs arrivant dans l’Hexagone depuis l’outre-mer.

Ces mesures de précaution pour l’entrée en métropole sont justifiées par la situation épidémique dans certains territoires ultramarins, que je déplore sincèrement ; elles sont de nature à limiter les risques de reprise épidémique sur le territoire métropolitain.

M. le président. L’amendement n° 5 rectifié bis, présenté par MM. Artano, Requier et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Jeansannetas, Mme Laborde et MM. Roux et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

4° Imposer aux compagnies de transport aérien de prévoir un examen de biologie médicale préalable pour les passagers en provenance du territoire métropolitain vers l’une des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Introduit par l’Assemblée nationale, l’alinéa 4 de l’article 1er vise à imposer aux personnes ayant séjourné au cours du mois précédent dans une zone de circulation de l’infection et qui souhaitent se déplacer par transport public aérien à destination ou en provenance de l’Hexagone ou de l’une des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution de présenter le résultat d’un examen biologique de dépistage ne concluant pas à une recontamination par le Covid-19.

Bien sûr, toutes les mesures doivent être prises pour protéger les citoyens qui, en raison de leur situation aux confins du territoire national, sont particulièrement vulnérables face à un risque épidémiologique.

En revanche, comme l’a pointé notre collègue Stéphane Artano, qui a inspiré cet amendement, qui, en ce moment, nous écoute et que je salue, soumettre nos concitoyens ultramarins à un test avant d’entrer en métropole nous semble particulièrement discriminant. En effet, ces derniers n’ont pas d’autre solution de transport que l’avion.

À la veille des grandes vacances, nous nous interrogeons également sur la capacité actuelle de dépistage. Nous craignons que, faute de tests, beaucoup ne renoncent à leurs déplacements. Une telle entrave à la liberté d’aller et venir serait susceptible de porter atteinte au secteur touristique insulaire et d’infliger un grave manque à gagner aux compagnies aériennes.

C’est pourquoi nous proposons que ces compagnies contribuent à l’organisation des tests propres aux déplacements aériens : chacun semble y avoir intérêt.

M. le président. L’amendement n° 22, présenté par M. Menonville, est ainsi libellé :

Alinéa 5, première phrase

Après le mot :

Dépistage

insérer le mot :

virologique

La parole est à M. Franck Menonville.

M. Franck Menonville. Cet amendement de précision vise à clarifier l’obligation de présentation d’un résultat d’examen biologique de dépistage lors d’un déplacement à destination ou en provenance du territoire national.

D’une part, le dépistage virologique semble le plus pertinent pour savoir si une personne est, ou non, contagieuse. Dans ce cas, le test sérologique serait trop complexe et son résultat serait trop long à obtenir.

D’autre part, un voyageur peut être déclaré positif par un test sérologique sans être encore contagieux pour autant. Il ne faut pas contraindre les déplacements de telles personnes, dont les tests ne font que révéler une contamination antérieure.

Pour prévenir de graves conséquences pour les déplacements des individus comme pour l’économie des territoires, nous proposons de simplifier le dispositif proposé, tout en gardant à l’esprit l’enjeu sanitaire.

M. le président. L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par MM. Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme Costes, MM. Gabouty et Guérini, Mme N. Delattre, M. Jeansannetas, Mme Laborde et MM. Labbé, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 5, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et de s’y soumettre après leur déplacement

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Les dispositions de cet amendement ont également été inspirées par notre collègue Stéphane Artano, sénateur de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Dans la même logique – adapter les règles de santé publique aux besoins des populations les plus vulnérables –, cet amendement vise à imposer un test obligatoire sept jours après l’arrivée outre-mer.

Un tel dispositif est demandé par les résidents ultramarins. Il permettrait d’établir un filtre sanitaire en remplaçant la quatorzaine par une septaine.

Cette contrainte paraît nécessaire pour les populations ultramarines. Le test serait aussi sensible que celui qui est imposé avant de prendre l’avion. Dans la pratique, le passager s’engagerait à faire ces deux tests lors de sa réservation auprès de la compagnie aérienne.

Les informations apportées à l’Assemblée nationale concernant ce second test ne paraissent pas suffisantes à nos compatriotes ultramarins ; en l’état, il ne s’agirait que de simples recommandations des préfets. Pourquoi ne pas inscrire ce second test dans la loi ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Monsieur le ministre, les mesures figurant dans notre texte nous paraissent suffisantes. Vous voulez imposer une obligation générale, sans distinction entre collectivités : présenter le résultat d’un examen de biologie médicale avant de se déplacer en avion, à destination ou en provenance du territoire métropolitain ou d’une collectivité d’outre-mer. Mais cette rédaction est beaucoup trop large !

Il faut préciser que ce dispositif s’applique uniquement aux personnes venant de zones encore infectées ; c’est la règle pour les quarantaines ou pour les mesures d’isolement. En prenant une mesure générale, on s’exposera aux reproches que le Conseil d’État a pu faire à un certain nombre de restrictions décidées dans le cadre de l’urgence sanitaire.

Ainsi, le Conseil d’État s’est opposé à l’interdiction des cérémonies religieuses en général : il convenait – a-t-il indiqué – de les réglementer pour faire en sorte qu’elles n’entraînent pas de contamination. Nous sommes face au même enjeu : vous ne pouvez pas édicter une obligation de test pour tous les voyageurs circulant entre la métropole et l’outre-mer. Vous devez tenir compte des zones encore infectées.

Votre arrêté du 22 mai dernier met en œuvre une disposition de l’état d’urgence sanitaire relative aux zones infectées.

Or il couvre l’ensemble du territoire national, et même du monde. On peut le comprendre lorsqu’il y a beaucoup de contaminations, mais cet arrêté devrait très rapidement devenir illégal. Quand la loi impose de déterminer des territoires, on ne peut pas englober le monde entier ! Il faudra délimiter précisément les zones dangereuses.

La commission est donc défavorable à l’amendement n° 25, étant entendu que notre texte vous permet déjà d’appliquer les mesures qui s’imposent où elles sont nécessaires. Dans les territoires ultramarins en situation d’urgence sanitaire, comme la Guyane et Mayotte, vous pourrez évidemment interdire les déplacements : la sécurité sera donc assurée.

Nous sommes également défavorables à l’amendement n° 5 rectifié bis de M. Artano. En vertu de ces dispositions, les compagnies aériennes seraient tenues de faire respecter l’obligation de procéder à des tests de dépistage, alors que c’est la responsabilité de l’État.

Avec son amendement n° 22, M. Menonville pose une question à laquelle je ne suis pas capable de répondre, n’ayant pas, à cet égard, de conviction personnelle. Monsieur le ministre, je ferai donc mienne votre réponse : faut-il préciser que le dépistage dont nous parlons est le dépistage virologique ?

M. Olivier Véran, ministre. Oui !

M. Philippe Bas, rapporteur. Dans ce cas, je donne un avis favorable à cet amendement !

Enfin, l’obligation de réaliser un second test à l’arrivée sur le territoire, proposée via l’amendement n° 4 rectifié bis, nous paraît excessive : nous émettons donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 5 rectifié bis, 22 et 4 rectifié bis ?

M. Olivier Véran, ministre. Malgré leurs qualités, les dispositions de l’amendement n° 22 sont d’une portée moindre que celles de l’amendement n° 25.

Je suis donc défavorable à l’amendement n° 22, ainsi qu’aux amendements n° 4 rectifié bis et 5 rectifié bis.

M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.

M. Michel Magras. Je souscris pleinement aux propos de M. Bas et je saisis cette occasion pour apporter quelques précisions.

Personne en France ne l’a contesté : le pouvoir de nous confiner est du ressort du Gouvernement. C’est indiscutable, même si nous, Ultramarins, pouvons regretter d’avoir été confinés alors même qu’aucun cas n’était recensé dans nos territoires.

Monsieur le ministre, à l’inverse, le déconfinement ne peut pas être appliqué de manière unilatérale aux outre-mer. Il doit être différencié, collectivité par collectivité – c’est absolument indispensable. Cette différenciation doit s’appliquer partout, y compris entre Saint-Barthélemy et Saint-Martin, même si ces deux îles ne sont séparées que par vingt kilomètres de mer. On ne peut pas imposer à tels ou tels des mesures qui ne sont plus valables chez eux.

Il y a quelques jours, je me suis rendu de Saint-Barthélemy à Saint-Martin : on ne m’a demandé ni test ni attestation. De Saint-Martin à Pointe-à-Pitre et de Pointe-à-Pitre à Paris, il en a été de même.

Or, si votre amendement était adopté, en retournant chez moi la semaine prochaine, je devrais fournir le résultat d’un test – j’ai bien l’intention de le faire – et, surtout, rester chez moi pendant quinze jours. Trouvez-vous que ce soit normal ?

De plus, serait-il normal d’imposer aux personnes se rendant dans nos territoires de subir des tests, puis d’être confinées pendant sept jours, lorsque, entre les territoires ultramarins eux-mêmes – je pense par exemple à quelqu’un qui partirait de Saint-Barthélemy pour aller à Pointe-à-Pitre ou à Fort-de-France –, l’on n’impose pas la même exigence ? Il y a une véritable difficulté : vous ne pouvez pas appliquer le déconfinement de manière unilatérale. Vous ne pouvez pas faire autrement que de le décliner collectivité par collectivité.

Actuellement, à Saint-Barthélemy, seul le BTP travaille : en d’autres termes, vous avez créé les conditions pour couler l’économie touristique. On ne peut pas se contenter du tourisme intérieur sur vingt-cinq kilomètres carrés : nous dépendons du tourisme extérieur.

Or vous dites à un Américain devant passer une semaine de vacances à Saint-Barthélemy qu’il devra d’abord rester quinze jours confiné. Cela n’a pas de sens ! De grâce, traitez les collectivités d’outre-mer de manière différenciée ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Antoine Karam applaudit également.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 25.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 22.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 20, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. En vertu de l’alinéa 12, le Parlement est informé « sans délai des mesures prises par le Gouvernement » dans le cadre de la mise en application de l’article 1er du présent projet de loi.

Bien sûr, il est nécessaire que l’Assemblée nationale et le Sénat puissent exercer un suivi des lois votées.

Toutefois, avec cet amendement d’appel, nous dénonçons l’attitude du Gouvernement à l’encontre du pouvoir législatif. En effet, cet alinéa est particulièrement révélateur du rôle que l’exécutif souhaite confier au Parlement dans le cadre de la sortie progressive de l’état d’urgence sanitaire. Alors que le Premier ministre serait habilité à légiférer par décret, le Parlement, lui, serait cantonné dans un rôle d’observateur, que l’on informe par courtoisie institutionnelle.

Faut-il le rappeler ? C’est bien le Gouvernement qui est responsable politiquement devant le Sénat et l’Assemblée nationale, et c’est bien le Parlement qui a pour mission constitutionnelle de légiférer. Il n’est pas acceptable que les chambres soient réduites à un rôle d’enregistrement et d’habilitation de l’exécutif à légiférer par ordonnances ou par décrets.

En conséquence, nous demandons la suppression de l’alinéa 12. Le Gouvernement n’a pas, envers le Parlement, un simple devoir d’information : il doit garantir les conditions lui permettant d’exercer ses fonctions législatives et il est urgent que les élus de la Nation et des territoires retrouvent leur capacité d’édicter les lois !