M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Au terme de ce débat, je tiens à saluer l’excellent travail du rapporteur. Cette proposition de loi fait partie de ces textes qui contribuent à faire progresser, au fil du temps, la nécessaire régulation du numérique.
Monsieur le ministre, vous savez que je milite pour cette cause depuis 2011. Les propositions de loi sur ce sujet, qu’elles émanent du Sénat ou de l’Assemblée nationale, la font avancer bon an mal an. Cela étant, vous l’avez souligné, c’est une ambition européenne qui permettra in fine de résoudre structurellement cette question de la régulation du numérique.
Je me réjouis que Thierry Breton commence à évoquer un réexamen de la directive « e-commerce ». Nous avions abordé le sujet dans cet hémicycle il y a quelques mois, à la faveur de la discussion de la loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information. Le Sénat a voté, sur mon initiative, une proposition de résolution européenne sur ce sujet.
Le modèle économique de ces plateformes en ligne, fondé sur l’économie de l’attention et le « clic » rémunérateur, est selon nous pervers. Il ne s’agit en effet que d’entraîner les jeunes vers un monde virtuel qui n’est ni des plus vertueux ni des plus satisfaisants, comme nous avons pu le voir. La redevabilité et la responsabilité des plateformes ne sont toujours pas établies ; c’est au niveau européen que l’on pourra y remédier.
Je salue la présence en tribune de l’auteur de cette proposition de loi, mon homologue de l’Assemblée nationale Bruno Studer. Comme lui, j’ai commis des rapports sur l’éducation et la formation au numérique des plus jeunes. Je veux, à cet égard, remercier mes collègues qui ont voté à l’unanimité la proposition de loi visant à lutter contre l’exposition précoce des enfants aux écrans. Dieu sait si la récente période de confinement a mis en lumière, une fois de plus, cette problématique ! J’espère que la proposition de loi précitée, que le Sénat a votée voilà dix-huit mois, pourra être adoptée à l’Assemblée nationale. Ainsi, la boucle du travail réalisé par nos deux commissions sur ce sujet très important sera bouclée.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Je me félicite de la discussion de cette proposition de loi. Dès juin 2018, à la suite du travail mené sur la protection de l’enfance, j’avais pointé le vide juridique qu’elle vient combler fort à propos. Je me réjouis qu’une réponse adaptée et adéquate soit apportée aux parents et à l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (OPEN) concernant la protection des mineurs contre l’exploitation et le travail dissimulé. Je voterai bien évidemment cette proposition de loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements.)
M. le président. Je constate que le texte a été adopté à l’unanimité des présents.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinquante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
7
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
8
Statut de citoyen sauveteur
Adoption définitive en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture, à la demande du groupe La République En Marche, de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à créer le statut de citoyen sauveteur, lutter contre l’arrêt cardiaque et sensibiliser aux gestes qui sauvent (proposition n° 316, texte de la commission n° 522, rapport n° 521).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd’hui pour examiner cette proposition de loi au-delà des clivages partisans.
Vous le savez, chaque année, 40 000 Français sont emportés par un arrêt cardiaque. À ce drame qui nous concerne tous, nous devions apporter des réponses collectives.
Je tiens à saluer la qualité des débats, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, qui ont permis de solidifier et de mûrir ce texte, ainsi que le travail et l’implication de son auteur, le député Jean-Charles Colas-Roy.
Je remercie Mme la rapporteure et la commission des lois du Sénat pour leur examen minutieux de la proposition de loi en première lecture, et pour l’esprit de responsabilité et de consensus qui a présidé à l’adoption en l’état du texte par la commission en deuxième lecture.
Cette proposition de loi part d’un constat : en France, 3 % ou 4 % seulement des victimes d’arrêt cardiaque survivent, alors que ce taux est bien plus fort – il peut atteindre 40 % – dans certains pays anglo-saxons ou scandinaves. Comment expliquer cette différence ? Plusieurs facteurs peuvent entrer en jeu, mais l’un d’entre eux est incontestablement la formation insuffisante des Français aux gestes qui sauvent. Puisque plus des deux tiers des arrêts cardiaques surviennent en présence de témoins, une meilleure formation de la population permettrait sans aucun doute de sauver des vies. Nous sommes pleinement conscients de cet enjeu ; c’est la raison pour laquelle le Président de la République s’est engagé à ce que 80 % de la population soit formée aux premiers secours dans un délai de dix ans.
C’est un délai raisonnable, mais exigeant. Il appelle tous les acteurs – administrations, entreprises, associations – à travailler ensemble et il invite à former à tout âge. Nous nous y attelons depuis le début du mandat, et nous n’avons pas l’intention d’arrêter.
Notre objectif est d’améliorer le taux de survie en cas d’arrêt cardiaque en le faisant passer à 10 %, ce qui permettrait de sauver 3 000 vies par an. Aussi la multiplication prévisible des interventions de citoyens pour prêter assistance à des victimes méritait-elle une attention particulière et devait-elle être prise en compte dans la loi.
La principale disposition de ce texte permet la création du statut de citoyen sauveteur, qui a vu son champ et sa portée précisés au cours des débats, ce que je veux saluer. La création de ce statut est également un signal, une garantie, une protection supplémentaire pour toutes celles et tous ceux qui pratiqueraient les premiers secours sur une victime, en ce que les citoyens sauveteurs seront exonérés de toute responsabilité civile, sauf en cas de faute lourde ou intentionnelle.
Ce texte comporte également d’autres avancées.
Par ses dispositions relatives à la formation à l’école, il s’inscrit dans la droite ligne de l’action engagée par le Gouvernement. Cette année, 80 % des élèves de troisième devaient recevoir une formation aux premiers secours, et 100 % des élèves devraient être formés dès l’année prochaine. J’ajoute que le service national universel (SNU) sera l’occasion de renforcer la formation de notre jeunesse aux gestes qui sauvent.
L’article 4 du texte, quant à lui, répond à un enjeu de poids en permettant de garantir la formation et la sensibilisation à tous les âges, y compris en milieu professionnel.
La proposition de loi instaure également une journée nationale de lutte contre l’arrêt cardiaque, qui permettra de renforcer l’attention de chacun à cette question et d’inciter encore davantage de Français à se former.
Enfin, le texte permet de renforcer les pouvoirs de contrôle du Parlement. C’est une bonne chose, et je suis satisfait que le Parlement puisse disposer des éléments utiles pour évaluer les résultats de notre action dans cette lutte si nécessaire contre les arrêts cardiaques.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte fait, je crois, l’objet d’un large consensus, que nous devons saluer. Il permet des avancées, notamment une meilleure protection des Français qui interviendraient pour sauver des victimes. Il offre l’assurance d’une attention plus forte à la question des arrêts cardiaques et répond aux enjeux de la formation aux premiers secours en milieu scolaire ou en milieu professionnel.
Le Parlement peut être satisfait de ce beau travail collectif. Le Gouvernement appuiera naturellement l’adoption de cette proposition de loi qui va dans le bon sens. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture la proposition de loi relative au statut de citoyen sauveteur, sur laquelle nous nous étions déjà penchés au mois d’octobre dernier.
Pour rappel, cette proposition de loi a été déposée sur l’initiative de notre collègue député Jean-Charles Colas-Roy, membre du groupe La République En Marche de l’Assemblée nationale, qui est également rapporteur de ce texte.
Par le biais de diverses mesures, la proposition de loi vise à faire décroître le taux de mortalité très important des arrêts cardiaques en France. En première lecture, le Sénat avait naturellement souscrit à cet objectif, mais une analyse juridique scrupuleuse avait conduit la commission des lois à supprimer sept des douze articles que comportait le texte transmis.
En effet, les dispositions que tendaient à introduire ces articles n’entraient pas dans le champ matériel que l’article 34 de notre Constitution confie à la loi. En outre, certains de ces articles étaient déjà satisfaits par les règlements en vigueur.
Le superflu ayant été ôté, nous nous étions attelés à parfaire la rédaction et l’efficacité des dispositions restantes. Ainsi, nous avions récrit l’article 1er, relatif au régime de responsabilité civile et pénale du sauveteur.
Nous avions également précisé la rédaction de l’article 11, tendant à inscrire dans le code pénal des circonstances aggravantes pour le vol ou la détérioration de matériels de secours.
Nous avions également profité du dispositif de l’article 7 pour autoriser certains personnels de santé, dont la liste sera fixée par décret, à accomplir les actes de sensibilisation au secourisme aux côtés des acteurs de la sécurité civile.
C’est donc un véhicule bien plus léger, mais beaucoup plus efficace, que nous avions renvoyé à l’Assemblée nationale pour examen en deuxième lecture. Le texte qui nous parvient aujourd’hui atteste que notre démarche a été comprise par nos collègues députés, lesquels ont conservé la majeure partie des modifications que nous avions apportées.
La commission des lois a donc considéré que le texte qui nous a été transmis représente un compromis acceptable, que le Sénat pourrait adopter conforme.
En effet, l’Assemblée nationale n’est pas revenue fondamentalement sur notre réécriture de l’article 1er, relatif au régime de la responsabilité, mais elle y a apporté deux modifications.
La première consiste en la réintroduction des termes « citoyen sauveteur », que nous avions remplacés par ceux de « sauveteur occasionnel et bénévole », car le terme « citoyen » est consubstantiel à des droits civiques et politiques reconnus par le droit positif et sans lien avec l’objet de la présente proposition de loi. La commission des lois maintient sa position à ce sujet, mais elle considère qu’il ne s’agit pas d’une malfaçon rédhibitoire, a fortiori depuis que le rapporteur de l’Assemblée nationale a clarifié, dans son rapport, la manière dont le terme « citoyen » doit être entendu s’agissant de ce texte.
La seconde modification réside dans la réintroduction du détail des diligences devant être mises en œuvre par le citoyen sauveteur portant assistance à la victime d’un arrêt cardiaque. Nous avions supprimé cette mention, considérant que son exhaustivité pourrait décourager les sauveteurs à agir. Ici aussi, la commission des lois maintient sa position et regrette cette réintroduction, mais elle n’entend toutefois pas en faire un grief insurmontable.
Les suppressions ou adoptions conformes de six articles dans la version du Sénat sont aussi à compter au nombre de nos satisfactions, mais tous les articles écartés par le Sénat en première lecture n’ont pas connu ce destin, heureux selon nous, puisque quatre d’entre eux ont été réintroduits par l’Assemblée nationale. Ainsi, les articles 2 et 4, relatifs respectivement à la sensibilisation des élèves au secourisme et au droit à la formation aux premiers secours pour tout salarié, ont été réintroduits. Nous les avions écartés, au motif qu’ils sont de nature réglementaire et déjà satisfaits, en outre, par les règlements en vigueur.
Il en va de même de l’article 6, tendant à créer une journée nationale de lutte contre l’arrêt cardiaque, réintroduit par l’Assemblée nationale en deuxième lecture. Je maintiens que la création d’une journée nationale n’est pas du domaine de la loi et que de nombreuses journées de ce type existent déjà.
Enfin, l’Assemblée nationale a réintroduit l’article 12 bis, qui enjoint au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport annuel. Nul besoin de vous rappeler, chers collègues, la position du Sénat à ce sujet…
La commission des lois considère que ces réintroductions, si elles ne sont pas souhaitables juridiquement, constituent néanmoins un prix raisonnable pour obtenir un compromis avec l’Assemblée nationale sur l’adoption du texte. Je regrette toutefois que, dans une certaine mesure, la qualité de la loi soit la victime collatérale de l’accord que je vous propose. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi examinée aujourd’hui en deuxième lecture nous redonne l’occasion d’évoquer le sujet essentiel de la lutte contre les décès consécutifs à un arrêt cardiaque et de la sensibilisation de nos concitoyens aux gestes qui sauvent.
Cela a été rappelé, entre 40 000 et 50 000 personnes sont victimes, chaque année, d’un arrêt cardiaque, ce qui représente environ 120 décès par jour. Un tiers de ces victimes sont âgées de moins de 60 ans. Les chances de survie sont d’environ 4 % et elles diminuent rapidement ; en l’absence de secours, chaque minute passée représente une diminution de 10 % des chances de survie. Il est donc nécessaire d’intervenir rapidement.
À cet égard, s’il est important de souligner que le délai d’action des secours est déjà très court – environ treize minutes, en moyenne –, l’enjeu est d’accroître sensiblement le nombre d’interventions de personnes ayant bénéficié de la formation aux premiers gestes qui sauvent et se trouvant à proximité immédiate de la victime. Cela nous permettrait de nous rapprocher des taux de survie de 20 % à 40 % observés dans les pays anglo-saxons et scandinaves, où les citoyens sont massivement formés au massage cardiaque.
La formation aux gestes de premiers secours doit être fortement améliorée dans notre pays ; moins de la moitié des Français y est initiée, alors même qu’une formation de ce type est simple à suivre et peu onéreuse et qu’elle peut être reçue sur une période très brève. En quelques heures, il est effectivement possible de se familiariser avec la pratique d’un massage cardiaque, la mise en position latérale de sécurité ou le maniement du défibrillateur.
Selon la Croix-Rouge, si l’on doublait le nombre de personnes formées au massage cardiaque, 2 000 vies pourraient être sauvées chaque année. Des initiatives innovantes, issues de la société civile, se sont d’ores et déjà développées, telles que des applications, comme « SAUV Life » ou « Permis de sauver », qui permettent à des personnes volontaires de porter assistance, après avoir été géolocalisées par le SAMU, à des victimes se trouvant à proximité immédiate, en lien permanent avec les services de secours, jusqu’à l’arrivée de ces derniers sur place.
Au regard de ces actions prometteuses, les pouvoirs publics se doivent de mettre l’accent sur une meilleure formation de l’ensemble de la population aux gestes qui sauvent, dès le plus jeune âge. Cette proposition de loi, telle qu’issue de la navette parlementaire, me paraît constituer, à cet égard, un texte équilibré. Pour rappel, le Sénat en avait récrit plusieurs dispositions en première lecture et avait écarté un certain nombre d’entre elles qui ne lui semblaient pas justifiées ou ne relevaient pas du domaine de la loi. En deuxième lecture, l’Assemblée nationale a pris en considération une partie importante des apports et modifications sénatoriaux, tout en rétablissant plusieurs mesures, dont la portée symbolique paraissait importante, sans nuire à l’efficacité du texte.
L’expression de « citoyen sauveteur » a notamment été maintenue, ce que je soutiens pleinement, ayant moi-même déposé deux amendements en ce sens en première lecture. En effet, il me semble que, tout en respectant l’encadrement juridique lié à cette nouvelle implication en tant que sauveteur, cette appellation permet de concourir à l’affirmation du sentiment d’appartenance à la communauté nationale. Le terme de « collaborateur » conserve une connotation technique ; la notion de citoyen recouvre celles d’engagement et de fierté. Il paraît donc important de maintenir la dimension citoyenne nécessaire pour réaliser cette ambition concrète de sensibiliser davantage la population aux gestes qui sauvent.
Ont également été rétablies les dispositions relatives à l’instauration d’une journée nationale de lutte contre l’arrêt cardiaque, ainsi que la sensibilisation des élèves du second degré aux gestes qui sauvent. Je souscris pleinement à ce rétablissement ; j’avais, pour ma part, proposé de réintroduire un module d’apprentissage des gestes de premiers secours dans le cadre de la journée défense et citoyenneté.
Cela dit, nous nous rejoignons quant aux objectifs et je me félicite de l’instauration d’un continuum éducatif entre le premier degré et le second, qui favorisera un réel apprentissage des gestes de premiers secours.
Par ailleurs, les salariés qui le souhaitent pourront également bénéficier d’une sensibilisation à ces gestes avant leur départ à la retraite, ce que je salue également. En effet, en la matière, nos concitoyens doivent pouvoir bénéficier d’une formation tout au long de la vie, avec des remises à niveau régulières, afin de ne pas perdre la maîtrise de ce qu’ils ont appris ; ils doivent également pouvoir bénéficier de l’apprentissage de nouvelles techniques. C’est d’ailleurs ainsi que le sentiment d’appartenance à la communauté des citoyens sauveteurs prendra tout son sens.
Je veux de nouveau saluer, pour conclure, la philosophie de cette proposition de loi, que le groupe socialiste et républicain votera bien évidemment, et rappeler l’importance de se mobiliser avec force en faveur d’une meilleure formation de nos concitoyens à ces gestes essentiels, qui permettent de sauver des vies. (M. Ronan Dantec applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture prévoit de mieux former les Françaises et les Français aux réflexes de premiers secours, tout au long de leur vie, et de créer un statut de « citoyen sauveteur ». Ce texte va dans le bon sens, et il est difficile de ne pas être convaincu de son bien-fondé.
Selon le rapport d’avril 2017 de la mission de préfiguration sur la généralisation au plus grand nombre de nos concitoyens de la formation aux gestes qui sauvent, conduite par Patrick Pelloux et Éric Faure, « le taux de formation de la population française est parmi les plus bas du monde. Pourtant, le citoyen est le premier maillon de la chaîne des secours. »
Selon les chiffres de la Fédération française de cardiologie, sans une prise en charge immédiate, plus de 92 % des arrêts cardiaques sont fatals. Dans sept cas sur dix, l’arrêt cardiaque survient devant des témoins, mais seulement 40 % de ceux-ci prodiguent les gestes de premiers secours. En outre, si les défibrillateurs trônent aujourd’hui dans tous les lieux publics – cela a été rendu possible grâce, notamment, à la loi du 28 juin 2018 relative au défibrillateur cardiaque, issue d’une proposition de notre collègue Jean-Pierre Decool –, encore faut-il savoir s’en servir et ne pas craindre d’empirer l’état d’une personne inconsciente.
D’après l’Association française des premiers répondants, l’AFPR, une question revient souvent lors des présentations au grand public des gestes de secourisme, celle des risques encourus si la victime vient à décéder ou présente des séquelles irréversibles malgré l’intervention d’un sauveteur occasionnel. Ainsi, la création du statut de « citoyen sauveteur », visant à protéger juridiquement les personnes qui pratiquent les premiers secours – en particulier le massage cardiaque – en modelant un régime de responsabilité favorable à l’intervention, représente une avancée importante.
À cet égard, nous saluons le travail de la commission des lois, qui s’était attachée, en première lecture, à garantir aux citoyens des « instruments juridiques lisibles, fiables et robustes ». L’Assemblée nationale a su reconnaître ses apports en en conservant une bonne partie.
Donner un véritable statut à ces citoyens responsables –je pense, comme Jean-Luc Fichet, que l’emploi du terme « citoyen » correspond tout à fait à l’esprit de cette loi – est donc bienvenu, mais il nous faut tout autant favoriser le développement d’une culture commune du secourisme. C’est le deuxième pilier que l’on se propose, au travers de ce texte, de renforcer.
Cela a été rappelé plusieurs fois, notre pays souffre d’un retard considérable dans la formation aux premiers secours, alors que celle-ci permet de sauver des vies, ainsi que de renforcer le sentiment de citoyenneté et la cohésion de nos sociétés, point sur lequel je veux insister.
La sensibilisation des élèves au secourisme et le droit à la formation aux premiers secours pour tout salarié sont, certes, déjà prévus par les règlements en vigueur, mais ils mériteraient d’être plus largement diffusés et mis en œuvre. Nous avons des marges de progrès, tant l’apprentissage de ces gestes constitue aussi une porte d’entrée dans la citoyenneté. Nous devons absolument mettre en place une politique ambitieuse et cohérente, permettant aux individus d’être formés lors de toutes les grandes étapes de la vie. Il s’agit d’un sujet tout à fait fondamental pour l’ensemble de nos concitoyens, notamment pour ceux qui, bien que déjà formés, ne se sentent pas capables, faute de pratique, d’accomplir les gestes qui sauvent.
Plus encore, l’apprentissage de ces gestes a vocation à faire partie intégrante du bloc de compétences citoyennes à définir pour développer le sens de la citoyenneté et la cohésion sociale. Se savoir en capacité de sauver quelqu’un est de nature à modifier notre rapport à l’autre et au monde : j’en suis profondément convaincu. Il n’est pas neutre de savoir que l’on peut sauver une personne en détresse. Cette capacité à aider autrui peut conduire, à mon sens, à s’interroger, plus largement, sur son impact sur le monde. Le massage cardiaque est relié à tous les fils d’une citoyenneté plus responsable. Il convient de mener, avec l’éducation nationale, une réflexion pour constituer, autour de l’éducation physique, un bloc de citoyenneté qui soit plus fort, plus cohérent, aux fins de préparer les citoyens de demain. De ce point de vue, ce texte contient des apports importants, au-delà même des milliers de vies qu’il permettra de sauver.
Enfin, si l’engagement bienveillant et la responsabilité citoyenne sont très importants, je tiens à rappeler qu’il est également essentiel de pouvoir bénéficier de la présence d’un service public de santé de proximité à la hauteur des enjeux. Treize minutes en moyenne de délai d’intervention, c’est déjà assez remarquable, mais il existe là aussi de véritables fractures territoriales : les temps d’intervention ne sont pas les mêmes en ville et à la campagne. Assurer l’égalité des citoyens en matière de premiers secours est un grand enjeu de cohésion sociale.
Cette proposition de loi est nécessaire en ce qu’elle répond à des enjeux majeurs de santé publique, de citoyenneté et de cohésion sociale. Le groupe RDSE votera donc en faveur de son adoption.
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi dont l’examen en deuxième lecture nous réunit aujourd’hui est particulièrement bienvenue. Je souhaite saluer son auteur et rapporteur à l’Assemblée nationale, mon collègue isérois Jean-Charles Colas-Roy. Ce texte, tel qu’il a été consolidé en première lecture par le Sénat sous l’égide de notre rapporteur, Catherine Troendlé, dont je salue l’approche particulièrement rigoureuse, contribue à mettre en lumière un fait essentiel : l’arrêt cardiaque inopiné n’a rien d’une fatalité et ne doit pas être perçu comme tel.
À ce titre, le taux de survie à la suite d’un arrêt cardiaque inopiné, extrêmement faible en France – il est de l’ordre de 5 % à 7 % –, constitue une injonction à agir, surtout au regard du fait que seulement 30 % des Français sont formés aux gestes qui sauvent ; nous sommes bien loin de l’objectif de 80 % fixé par le Président de la République.
La proposition de loi, dans la rédaction que nous examinons aujourd’hui, résultant d’un compromis sur le fond entre nos deux chambres, favorise une faculté d’assistance réciproque, qui fait pleinement sens dans notre pacte social.
Elle crée tout d’abord le statut de « citoyen sauveteur », qui ouvre droit à la qualité de collaborateur occasionnel du service public. Elle sanctuarise un régime de responsabilité protecteur du citoyen intervenant à titre bénévole, laquelle doit être appréciée, sur le plan pénal, au regard de l’urgence de la situation et des informations à la disposition de l’intéressé. Sur le plan civil, le citoyen se voit exonéré de toute responsabilité, sauf en cas de faute lourde ou intentionnelle de sa part.
Je veux saluer l’accord dont ce régime équilibré, pierre angulaire du texte, a fait l’objet entre les deux assemblées. Une telle démarche a pour effet utile de garantir une meilleure accessibilité du droit pour les personnes mises en cause et d’assurer la sécurité juridique de celles-ci. Je ferai une ultime remarque à propos de l’article 1er : la terminologie de « citoyen sauveteur » reflète l’acte de civisme de la personne qui porte secours. Je remercie Mme la rapporteure d’y avoir consenti en deuxième lecture.
Le texte vise ensuite à renforcer les dispositifs de sensibilisation aux gestes qui sauvent, construisant ainsi un vecteur de solidarité entre les citoyens. Cette sensibilisation n’est pas négligeable, puisque personne n’est à l’abri du risque d’arrêt cardiaque inopiné ; chaque citoyen constitue un maillon de la chaîne de survie et peut être appelé, en toutes circonstances, à se draper des habits du sauveteur, bien avant l’arrivée des secours.
Ainsi, le texte, clarifié sur ce sujet grâce à notre rapporteur, a conservé, à l’issue de son examen à l’Assemblée nationale, la mise en œuvre d’un continuum de formation aux gestes qui sauvent entre plusieurs lieux structurant la trajectoire de la majorité de nos concitoyens : l’école, le club sportif ou encore l’entreprise.
Je vous sais réservée, madame la rapporteure, pour des raisons de droit que nous entendons bien, sur la création d’une journée nationale dédiée. Cette disposition a le mérite de mettre en lumière une problématique de santé publique particulièrement préoccupante. Je vous remercie d’avoir accepté son maintien.
Il en va de même pour ce qui concerne la demande de rapport figurant à l’article 12 bis. Les indicateurs mentionnés pourraient permettre d’identifier clairement les facteurs expliquant que, dans notre pays, l’arrêt cardiaque inopiné cause encore entre 40 000 et 50 000 décès par an.
Enfin, je veux souligner deux dispositions dont on ne peut nier la portée pratique : le renforcement des peines prévues en cas de vol ou de dégradation de défibrillateur et la faculté d’encadrement de la formation aux premiers secours, par les services d’établissements de santé. Ces mesures donnant à l’enjeu de santé publique l’importance qui doit lui revenir sont en pleine cohérence avec l’objet du texte.
À l’issue de son adoption conforme par la commission des lois, sur la proposition de la rapporteure, dans une version dont le Sénat a conforté l’assise juridique, cette proposition de loi est de nature à faire honneur au triptyque évoqué par son auteur : elle encourage, elle désacralise, elle protège mieux.
Pour toutes ces raisons, le groupe La République En Marche votera bien sûr cette proposition de loi.