compte rendu intégral

Présidence de Mme Laurence Rossignol

vice-présidente

Secrétaires :

M. Jacques Grosperrin,

M. Joël Guerriau.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures quarante.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article additionnel après l'article 54 ter -  Amendement n° II-479 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Seconde partie

Loi de finances pour 2021

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Moyens des politiques publiques et dispositions spéciales - Relations avec les collectivités territoriales - Compte de concours financiers : Avances aux collectivités territoriales

Suite de la discussion d’un projet de loi

Seconde partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Relations avec les collectivités territoriales - État B

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2021, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 137, rapport n° 138, avis nos 139 à 144).

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

SECONDE PARTIE (suite)

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Relations avec les collectivités territoriales

Compte de concours financiers : Avances aux collectivités territoriales

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 57 à 64) et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».

La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Charles Guené, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’année 2020 qui s’achève et l’année 2021 qui vient sont très particulières du point de vue des relations, notamment financières, entre l’État et les collectivités territoriales.

La crise sanitaire et économique a provoqué un effet ciseaux qui continuera de se faire sentir en 2021 et qui a justifié que le Parlement et le Gouvernement s’accordent sur des mesures de compensation, lesquelles doivent très certainement être approfondies.

Je ne reviens pas davantage sur ces enjeux, que nous connaissons tous ici et dont Claude Raynal dira quelques mots.

Je rappelle toutefois l’attachement de notre commission, madame la ministre, à ce que les collectivités locales soient en mesure d’être au rendez-vous de la relance. Cela implique un certain volontarisme de la part du Gouvernement – je sais que vous-même n’en manquez pas – pour mieux compenser les pertes de recettes et les hausses de dépenses.

Je dirai à présent quelques mots sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (RCT) stricto sensu.

Pour 2021, ceux-ci s’élèveraient à 3,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 3,9 milliards d’euros en crédits de paiement, ce qui ne représente qu’une très faible part des transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales, lesquels s’élèveraient à 104,4 milliards d’euros en 2021.

La première caractéristique du budget qui nous est proposé est – une fois n’est pas coutume ! – sa stabilité. En effet, les hausses de crédits constatées tiennent, pour l’essentiel, à des mesures de périmètre.

La principale action de la mission concerne les dotations d’investissement au bloc communal, au premier rang desquelles la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et la dotation politique de la ville (DPV). Comme les années précédentes, les crédits alloués à ces dotations s’élèvent à 1,8 milliard d’euros.

La mission RCT porte une partie du plan de relance puisqu’elle permet de couvrir, à hauteur de 100 millions d’euros, les crédits de paiement afférents au milliard d’euros d’autorisations d’engagement consommées en 2020 au titre de la DSIL exceptionnelle votée dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative. Cette dernière devait permettre de financer des projets relevant de trois priorités : la transition écologique, la résilience sanitaire et la rénovation du patrimoine. Au 15 octobre, 1 749 projets ont été programmés, pour un montant de 320 millions d’euros.

Je le rappelle, sur l’initiative du Sénat, il avait été prévu que, à titre exceptionnel, ces crédits puissent financer des projets éligibles à la DETR. Ces derniers représentent à date environ 14 % des projets subventionnés.

Nous regrettons néanmoins que, malgré son caractère présenté comme « exceptionnel », ce dispositif ne fasse l’objet d’aucun indicateur de performance dédié. Un tel indicateur aurait permis de mesurer la rapidité de consommation des crédits, d’établir la typologie des projets financés ou encore d’évaluer leur effet de levier sur l’investissement local, qui doit être un pilier de la réponse à la crise économique.

Mes chers collègues, comme les années précédentes, nous vous proposons d’adopter les crédits de la mission.

Nous examinons également le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales », qui voit notamment transiter le produit des impositions locales versées mensuellement par l’État aux collectivités territoriales : 111,5 milliards d’euros sont prévus à ce titre pour 2021.

On constate une baisse de 1,3 % du montant de ces avances en 2021, cette baisse traduisant les effets de la crise sur les impôts locaux, après plusieurs années de dynamisme.

Le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » comporte également en 2020 un nouveau programme retraçant les avances remboursables versées aux départements sur leurs recettes de droits de mutation à titre onéreux (DMTO), en application de la troisième loi de finances rectificative pour 2020. Le montant provisionné pour 2020 et 2021, de 2,7 milliards d’euros, pourrait être bien supérieur aux besoins. En effet, seuls quarante départements ont décidé de faire appel à ces avances à ce jour.

Je rappelle que, sur l’initiative du Sénat, une clause de retour à meilleure fortune a été introduite : la période de remboursement ne démarrera qu’à compter de l’année suivant celle au cours de laquelle le montant des recettes fiscales de DMTO sera égal ou supérieur à celui qui a été constaté en 2019.

Mes chers collègues, nous vous proposons également d’adopter les crédits de ce compte de concours financiers.

Je dirai à présent quelques mots du mécanisme, prévu à l’article 58, de neutralisation des effets de la suppression de la taxe d’habitation sur les indicateurs de péréquation.

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, notre commission des finances avait alerté sur ce que nous avions qualifié de « réforme cachée » dans la réforme de la taxe d’habitation, anticipant par là d’importantes variations des indicateurs de péréquation, compte tenu de la suppression de la taxe d’habitation. Sur ce point, les travaux du Comité des finances locales nous ont donné raison.

Ce mécanisme de neutralisation, qui est une bonne nouvelle, fonctionne en deux étages.

D’une part, il introduit une nouvelle méthode pérenne pour le calcul du potentiel fiscal afférent à la taxe foncière.

D’autre part, il institue une fraction de correction du potentiel fiscal et des indicateurs financiers, laquelle permettra de neutraliser, par exemple, les effets du remplacement d’un produit potentiel par un produit réel. Cette fraction sera pérenne pour les départements et dégressive pour les autres collectivités.

Le mécanisme proposé est donc à la fois une première solution et une invitation à engager une réforme ambitieuse de la péréquation.

En conclusion, je rappelle que, compte tenu de la réforme de la taxe d’habitation et des impôts de production, ce sont 35 milliards d’euros d’impôts territorialisés qui pourraient être remplacés par des fractions d’impôts nationaux ou des dotations.

Ce montant représentant plus du tiers des impôts locaux, nous assistons à une sorte de tsunami pour les finances locales, qui impose une incontournable et urgente réflexion dans trois directions : la mise en œuvre d’une véritable correction du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) faisant appel à des charges réelles – j’y tiens – et préfigurant les critères d’une réforme nouvelle ; l’identification des impôts locaux reliant le contribuable et la cité, que nous souhaitons conserver – il sera difficile de la réinstaurer une fois qu’elle aura été supprimée ; la mise en place d’une nouvelle gouvernance du système réunissant l’État, les collectivités et le Parlement.

À défaut, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, il nous deviendra difficile d’évoquer encore ensemble la libre administration des collectivités territoriales et le rôle du Parlement en matière de finances locales… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC – M. Alain Richard applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Claude Raynal, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Charles Guené ayant dit l’essentiel, il me revient d’évoquer le reste ! (Sourires.)

L’année 2021 sera une année charnière pour les collectivités territoriales. À cet égard, j’aimerais à mon tour attirer votre attention sur quelques points de vigilance.

Je commencerai par évoquer les autorités organisatrices de la mobilité (AOM). Vous savez, madame la ministre, que ce sujet me tient à cœur. Les mécanismes de compensation prévus pour les AOM ne me paraissent toujours pas satisfaisants.

Trois régimes de compensation se distinguent.

Le premier, le plus favorable, concerne Île-de-France Mobilités, qui bénéficie d’une compensation des pertes de versement mobilité calculée en référence à son taux de l’année 2019. Cette AOM percevra ainsi 1,2 milliard d’euros d’avances remboursables au titre de ses pertes de recettes tarifaires.

Le deuxième régime s’applique aux AOM constituées en syndicat mixte, qui voient leurs pertes de versement mobilité compensées en tant que telles, en référence à une moyenne. Elles bénéficieront par ailleurs du versement d’avances pour tenir compte des pertes de recettes tarifaires.

Enfin, le troisième régime s’applique aux EPCI qui exercent en propre la compétence d’AOM. Pour eux, la compensation est plus que sommaire puisque les pertes de versement mobilité sont forfaitisées au milieu d’un panier de ressources globalisées, même s’ils pourront également bénéficier du versement d’avances, lesquelles risquent toutefois d’être insuffisantes.

Au bilan, ces trois régimes constituent autant de sources d’iniquités qu’un risque sérieux de réduire les capacités d’investissement des AOM en matière de transport. Malgré les apports du Sénat, je pense que le compte n’y est toujours pas.

Se pose par ailleurs la question de la juste compensation des pertes de recettes fiscales subies par les collectivités territoriales.

Lors de l’examen de la première partie du présent projet de loi de finances, le Sénat a adopté plusieurs mesures importantes afin de combler des lacunes du texte initial. Malgré la proposition de Jean-René Cazeneuve, le Gouvernement n’a pas reconduit en 2021 le mécanisme de garantie des ressources pour le bloc communal. Le Sénat s’en est donc chargé !

La question de la compensation des pertes de recettes tarifaires n’est toujours pas résolue à ce jour. J’ai conscience qu’elle pose certaines difficultés techniques puisqu’il faudrait pouvoir définir précisément le périmètre de la compensation en neutralisant les choix de gestion, très variables selon les communes. Ma conviction est néanmoins que nous devons collectivement trouver les moyens techniques, juridiques et politiques de les surmonter et engager un travail sur ce sujet dès que possible.

Je dirai maintenant quelques mots dans la perspective de la discussion que nous allons engager aujourd’hui. Comme chaque année, le nombre élevé d’amendements qui a été déposé témoigne de notre souci commun d’agir en faveur des collectivités territoriales.

Chers collègues, nous souhaitons attirer votre attention sur certains points.

Je rappelle tout d’abord que le débat sur le niveau et le montant des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales a été tranché en première partie. Nous sommes donc désormais contraints de raisonner à enveloppe fermée : tout dispositif en faveur d’une catégorie de collectivités ne pourra être financé qu’au détriment des autres. Des choix politiques devront donc être faits.

Par ailleurs, de nombreux amendements concernent le mode d’attribution des dotations de l’État, diverses propositions étant faites pour renforcer le rôle des commissions d’élus ou pour « départementaliser » la DSIL. De façon constante, nous ne sommes pas favorables à de telles évolutions, qui alourdiraient les procédures sans toutefois apporter des solutions bien meilleures.

Il s’agit là d’un débat que nous avons chaque année. Certaines années, nous parvenons à vous convaincre et les amendements en ce sens sont rejetés ; certaines années, nous n’y parvenons pas, et ces mêmes amendements sont adoptés. La seule chose qui ne varie pas, c’est leur absence totale dans le texte final ! (Sourires.)

Concernant plus spécifiquement la DETR, un article modifie les règles de calcul de l’enveloppe accordée aux départements, afin de rediriger la dotation vers les territoires les plus ruraux et de lisser l’évolution des montants d’une année sur l’autre. Il nous semble indispensable de revenir à l’objectif de la DETR, qui est de préserver et de soutenir l’investissement dans les territoires ruraux. Cette ambition, nous la partageons tous, me semble-t-il.

En outre, nous nous sommes assurés qu’aucune commune ou qu’aucun EPCI ne sera écarté du bénéfice de la DETR. Il s’agit simplement de donner plus de poids aux communes rurales dans le calcul de la subvention. Nous soutiendrons donc l’amendement adopté à l’Assemblée nationale et nous rejetterons les autres.

J’évoquerai à présent la réforme de la taxe d’habitation, qui entre cette année dans la phase « dure » puisque le nouveau schéma de financement des collectivités locales est en train d’être mis en œuvre. Je pense que les effets de bord de cette réforme n’ont pas tous été identifiés et que nous sommes loin d’avoir trouvé une solution à tous les problèmes qui se posent.

D’une part, si les travaux du Comité des finances locales ont été plus que consistants, certaines simulations montrent que d’importantes variations des indicateurs et des dotations pourraient malgré tout se manifester, en dépit des dispositifs de neutralisation introduits à l’article 58. Nous avons toute l’année pour éventuellement corriger le mécanisme, ou à tout le moins nous convaincre de son intérêt.

D’autre part, il me semble que les inquiétudes manifestées par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale qui ont été conduits à augmenter le taux de la taxe d’habitation entre 2017 et 2019 dans le cadre d’un pacte financier n’ont donné lieu qu’à de très rares réponses de la part de l’État.

Par ailleurs, je rappelle que la réforme pourrait désinciter très fortement la construction de logements sociaux, ce qui serait désastreux. En effet, alors que, jusqu’ici, les communes et les EPCI percevaient une recette, même marginale, de taxe d’habitation, ils ne bénéficieront plus d’aucune recette à compter de 2021, alors même que les constructions neuves de logements sociaux sont exonérées de taxe foncière parfois pendant trente ans.

Il est absolument nécessaire d’agir. À cette fin, j’ai déposé un amendement en seconde partie du projet de loi de finances visant à transformer les actuelles exonérations de taxe foncière sur les constructions neuves de logements sociaux en dégrèvements.

Certes, la mesure coûterait plus cher à l’État que ce que rapportait la taxe d’habitation acquittée par les ménages résidant dans des logements sociaux, mais le débat doit être posé : les communes et les EPCI perdent chaque année près de 525 millions d’euros de produit de taxe foncière au titre des logements sociaux et l’État entend les priver de plus de ressources encore, du fait de la suppression de la taxe d’habitation.

De mon point de vue, ce n’est pas acceptable – ce n’est d’ailleurs pas accepté –, mais, pour l’instant, les propositions du Gouvernement tardent à venir. (Applaudissements sur le banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les crédits inscrits au titre de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » connaissant une hausse significative pour 2021, la commission des lois n’a pu qu’émettre un avis favorable à leur adoption, sous réserve de l’adoption de trois amendements que je vous présenterai.

S’il est effectivement heureux que, dans le contexte d’une crise sanitaire et économique inédite, l’État manifeste son appui à des collectivités territoriales dont les perspectives financières apparaissent plus incertaines que jamais, ce soutien financier ne rend que plus actuels les appels à la vigilance émis par la commission des lois, année après année, sur les élans recentralisateurs dont il s’accompagne.

Ces élans me semblent se manifester tout d’abord dans le contexte actuel des finances locales que nous connaissons tous, celui de la crise sanitaire, évidemment, au cours de laquelle le soutien financier de l’État aux collectivités a pu paraître faillible ou incomplet.

Si ces critiques ne sont pas toutes dénuées de fondement, certains des manquements de l’État me semblent néanmoins totalement compréhensibles, en ce qu’ils peuvent être attribués à l’environnement de très grande incertitude financière dans lequel celui-ci agit.

Il n’en va pas de même pour le second élément de contexte sur lequel je souhaite insister aujourd’hui : je veux parler du recul toujours plus prononcé du pouvoir fiscal des collectivités, qui voient les ressources sur lesquelles elles ont un pouvoir de taux ou d’assiette progressivement remplacées par des dotations ou des parts d’impôts nationaux. La réforme des impôts économiques proposée cette année ne fait pas exception à cette règle. Comment ne pas voir dans ce contrôle progressif des ressources des collectivités territoriales les prémices d’une recentralisation insidieuse, permettant à l’État de manier la subvention ou la dotation comme une « forme financière du contrôle », pour reprendre les mots du juriste Guy Braibant ?

Ces élans recentralisateurs se manifestent également dans les modalités d’attribution par l’État des dotations de soutien à l’investissement. Je souhaiterais donc renouveler à cette tribune, au nom de la commission des lois, un appel à la plus grande vigilance sur l’association insuffisante et l’information parcellaire dont disposent les élus quant aux choix de l’État en la matière.

Je vous sais, mes chers collègues, attentifs à cette question. J’en veux pour preuve la proposition de loi, déposée par notre collègue Hervé Maurey, pour laquelle notre collègue Bernard Delcros était rapporteur, et récemment adoptée par le Sénat, relative au renforcement des commissions DETR. Se fondant sur des constats que la commission des lois émet depuis plusieurs années, elle formule des solutions dont nous aurons de nouveau à débattre, et je m’en réjouis.

Si elles sont perfectibles, les commissions DETR ont du moins le mérite d’exister et de permettre une association des élus aux décisions de subvention. Il semble donc de bon sens d’en généraliser la pratique à d’autres dotations qui, comme la DSIL (dotation de soutien à l’investissement local) ou la DSID (dotation de soutien à l’investissement des départements), ne bénéficient pas d’une telle instance.

En conséquence, la commission des lois vous présentera des amendements, déjà proposés l’année dernière sous une rédaction légèrement différente, tendant à mieux intégrer les élus locaux aux décisions de la DSIL. L’attribution d’une part significative de la DSIL au niveau départemental, selon des modalités proches de celles de l’attribution de la DETR, permettrait non seulement de mieux inclure les élus aux décisions de subvention, mais également de rapprocher celles-ci des besoins réels du terrain. À défaut, il pourrait être envisagé de créer une commission de suivi des investissements locaux.

J’en ai conscience, mes chers collègues, ces sujets ne sont pas nouveaux. Ils prennent néanmoins cette année une actualité toute particulière. Je tiens à vous rassurer, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, l’État n’a rien à perdre à mieux associer les élus locaux aux décisions de subvention. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans cette mission « Relations avec les collectivités territoriales » du projet de loi de finances (PLF) pour 2021, nous nous réjouissons que les concours financiers de l’État envers les collectivités territoriales soient en hausse de manière conjoncturelle, mais la baisse du montant des impôts économiques dont disposent les collectivités territoriales correspond structurellement à une perte d’autonomie grave.

À court terme, avec cette crise sanitaire, le Gouvernement accorde une augmentation de circonstance aux collectivités, qui ont été complètement oubliées pendant le premier confinement. Quoi de plus normal en définitive ? Elles ont été la seule digue démocratique et efficace qui tenait debout, face à l’État jacobin qui, lui, passait d’En Marche à la déshérence, croulant sous la bureaucratie, l’impréparation et l’incapacité à saisir le réel et à prendre des décisions d’urgence claires, pour finir par sombrer dans la restriction de libertés individuelles, économiques et démocratiques.

À long terme, la fiscalité économique locale devient une variable d’ajustement et les collectivités se voient privées durablement de leurs marges de manœuvre propres. Que les maires en soient ici informés : la diminution de 10 milliards d’euros d’impôts de production est une fausse bonne nouvelle, car ce sont les communes qui vont payer !

Une fois de plus, l’État se montre généreux, mais avec l’argent des autres ! Pour que cesse la fiscalité confiscatoire, c’est à l’État de prendre ses responsabilités et de réduire son train de vie, car la dépense publique est tournée, non plus vers le citoyen, mais vers l’État lui-même.

Pour relocaliser et redevenir compétitif, il faut aussi que l’État accepte une baisse des charges salariales, mais aussi une TVA réduite sur les produits « Made in France ». Ce n’est pas l’Union européenne et son ultralibéralisme qui nous le permettront.

C’est cette même Union européenne qui, avec son obsession de l’harmonisation des tarifs, veut que le taux de la taxe sur la consommation finale d’électricité soit centralisé et fixé à son niveau plafond. On a beau dire ce que l’on veut dans cet hémicycle, ce sont les règles de Bruxelles qui s’imposent à chaque échelon de notre organisation territoriale. Incarcérés dans cette geôle européiste que vous appelez Union européenne, vous nous privez de la liberté nécessaire pour insuffler une stratégie incitative d’avenir.

Enfin, avec les restrictions que nous vivons encore aujourd’hui dans nos cafés, hôtels, restaurants et dans notre liberté de circuler, ce PLF 2021 devrait prendre en compte les nouvelles dépenses engendrées par la crise sanitaire, devenue crise économique et sociale, dont l’impact atteint les collectivités locales les plus fragiles. On ne donne donc pas assez les moyens aux collectivités de participer à l’effort de relance.

Combien faudra-t-il d’échecs et de projets de loi de finances rectificative en 2021 pour que l’on accepte une réforme financière et territoriale en profondeur ? Pour s’administrer librement, encore faut-il que les communes soient libres, et ce n’est pas ce PLF 2021, qui restreint leurs libertés fiscales, qui le leur permettra !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis le mois de mars, les collectivités locales - qu’il s’agisse des communes, des intercommunalités, des départements ou des régions - sont en première ligne dans cette crise sanitaire sans précédent. Cette épidémie a souligné le caractère indispensable de l’échelon de proximité.

En effet, les collectivités furent nombreuses à distribuer gratuitement des masques à leurs habitants ou aux Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), alors que l’État peinait à assumer l’équipement des établissements de santé. Ce sont elles, aussi, qui ont imaginé des solutions pour prendre en charge les enfants en accueil périscolaire et dans les crèches, ou pour les maintenir à l’école. Ce sont elles, encore, qui ont assuré la tenue des marchés ou appuyé le déploiement des campagnes de tests. Enfin, ce sont leurs services publics de proximité qui demeurent souvent le seul ancrage de la République, en répondant aux besoins quotidiens des habitants.

Parallèlement, les collectivités locales subissent une baisse importante de leurs recettes fiscales, domaniales ou tarifaires. L’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité estime ainsi que le coût de la crise sanitaire s’élèvera pour les communes à 8 milliards d’euros sur trois ans, dont près de 6 milliards pour l’année 2020. Quant aux départements, ils vont probablement enregistrer à court terme une forte progression de leurs dépenses sociales, que ce soit pour le financement du revenu de solidarité active (RSA), pour la contribution aux tarifs des Ehpad, ou encore pour le soutien aux associations et aux entreprises.

Cette discussion budgétaire s’inscrit donc dans un contexte très particulier, car la crise sanitaire liée au covid-19 frappe douloureusement l’ensemble de nos collectivités territoriales. Aussi, les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » que nous examinons aujourd’hui doivent être mobilisés plus que jamais au service de nos territoires, d’autant que les inquiétudes des élus locaux sont très importantes.

En effet, la baisse des impositions économiques et leur compensation par une part d’impôt national s’inscrivent dans la tendance lourde d’une perte d’autonomie fiscale pour les collectivités territoriales, au travers du remplacement de produits d’impositions sur lesquelles les collectivités disposent d’un pouvoir de taux ou d’assiette par des produits d’impôts nationaux.

La suppression de la taxe d’habitation, la baisse de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la cotisation foncière des entreprises (CFE), ou encore, cette année, la réduction de la moitié de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et la recentralisation auprès de la direction générale des finances publiques (DGFiP) de taxes diverses comme celle sur l’électricité donnent aux collectivités territoriales le sentiment de n’être plus que les gestionnaires de dotations de l’État. Nous déplorons donc l’étouffement progressif de leur autonomie financière.

Donner aux élus locaux la possibilité d’actionner les leviers fiscaux est un impératif démocratique dans le cadre d’une République pleinement décentralisée. Vous l’avez compris, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous attendons avec impatience le projet de loi 3D (déconcentration, décentralisation, différenciation), ou 4D (décomplexification), dans lequel nous plaçons beaucoup d’espoir pour remettre à plat les ressources fiscales des collectivités, mais également les concours financiers de l’État.

Concernant plus précisément la mission « Relations avec les collectivités territoriales », c’est avec satisfaction que je constate que ses crédits connaissent une augmentation significative, de l’ordre de 6,82 % en autorisations d’engagement et de 12,88 % en crédits de paiement, pour s’établir respectivement à 4,09 milliards d’euros et à 3,9 milliards d’euros.

Je souhaite également saluer l’article 57, qui prévoit l’entrée en vigueur progressive de l’automatisation du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Déjà reportée à deux reprises, cette mesure devrait faciliter sa gestion à tous les niveaux.

Nous savons que certaines collectivités étaient remboursées par le FCTVA en année n+2, d’autres en n+1 parce qu’elles avaient conventionné avec l’État après la crise de 2008. Certaines communes ne pouvaient donc pas réinvestir ce FCTVA dans d’autres projets. Or le FCTVA constitue l’une des principales aides aux collectivités territoriales en matière d’investissement et un solide levier qu’il convient d’exploiter dans le cadre de la relance économique.

J’ai entendu avec plaisir Charles Guené évoquer la redéfinition du FPIC. En effet, il existe de grandes injustices. Des communes riches ont pu participer à la création d’une communauté de communes qui ne l’était pas forcément, accueillant des communes pauvres qui se retrouvent, dans le cadre de l’agrégation du potentiel fiscal, contributrices au FPIC alors qu’elles en étaient auparavant bénéficiaires.