M. Philippe Bas, rapporteur. Merci, madame !
Mme Vanina Paoli-Gagin. … me semble fondée : d’une part, ne pas prolonger l’état d’urgence sanitaire au-delà du mois de mai sans l’adoption d’une nouvelle loi par le Parlement ; d’autre part, soumettre la durée d’un confinement lorsqu’elle est supérieure à un mois à l’autorisation du législateur.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au sein de cet hémicycle, nous partageons tous le même constat sur l’ampleur de cette crise. Celle-ci impose de prendre des mesures de protection de nos concitoyens et de maîtrise de nos capacités hospitalières, avec chaque jour le même mantra : sauver des vies !
Nous sommes ici également tous porteurs d’une exigence démocratique.
Pourtant, les discussions au cours de la réunion de la commission mixte paritaire ont mis en exergue une différence d’appréciation, s’agissant notamment de l’organisation d’un débat sur l’application dans le temps du confinement.
Je veux rappeler ici que le confinement est la plus sévère des mesures de l’état d’urgence sanitaire pour nos libertés. Aussi, il m’apparaît primordial, dans un État de droit, qu’un éventuel reconfinement ne puisse pas être prolongé au-delà de trente jours sans autorisation législative expresse. Cela vous protège aussi, monsieur le secrétaire d’État. L’intervention régulière du législateur pour s’assurer que les droits de nos concitoyens sont autant que possible préservés est indispensable.
Nous ne pouvons pas donner un blanc-seing au Gouvernement et nous dessaisir ainsi de nos prérogatives élémentaires, comme le contrôle de l’exécutif, qui – ne l’oublions pas – est l’un des volets du mandat que nous ont confié nos concitoyens.
Le rôle de la démocratie pendant la crise sanitaire et dans sa gestion devient une question cruciale ! L’esquiver, c’est, me semble-t-il, fragiliser ce qui fait Nation.
Pour notre liberté, « liberté chérie », et pour toutes les raisons que je viens d’exposer, le groupe Les Indépendants votera la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Le Rudulier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à quatre reprises, en mars, en mai, en juillet et, enfin, en novembre dernier, le Sénat a accepté d’accorder au Gouvernement des pouvoirs exceptionnels pour faire face à la crise sanitaire que nous traversons. Nous voici de nouveau réunis aujourd’hui pour discuter de la prorogation de telles mesures. Ces derniers jours ont été riches en rebondissements et en confusion sur ce sujet pourtant crucial et essentiel !
En votant la semaine dernière le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, nous avions bon espoir que les ajustements proposés par le Sénat puissent trouver un écho chez nos collègues députés.
Or cet espoir ne s’est pas concrétisé, les divergences entre nos deux assemblées étant trop fortes, mais il n’en demeure pas moins hautement regrettable qu’aucune position commune n’ait été trouvée alors qu’il y va de la santé et des libertés fondamentales des Français.
Pourtant, le texte voté initialement par les députés traduisait une forme d’infléchissement dans le sens de la position du Sénat. Car, depuis l’origine, notre Haute Assemblée a manifesté une certaine circonspection à l’égard du régime transitoire de sortie de l’urgence sanitaire, que nous nous félicitons d’ailleurs de ne plus voir figurer dans le projet de loi.
De même, le Sénat a, dans sa majorité, retenu le principe de la prorogation tant du régime de l’état d’urgence que de son application.
À l’issue de travaux très fouillés, le rapporteur Philippe Bas a fait le constat d’une situation sanitaire préoccupante, comme en attestent les indicateurs. Car si l’explosion des contaminations qui a été observée au mois d’octobre dernier était sans commune mesure avec la situation actuelle, il n’en demeure pas moins que l’appareil hospitalier reste fortement sollicité.
En outre, la mortalité cumulative est – hélas ! – beaucoup plus importante actuellement, 2 567 décès ayant été dénombrés la troisième semaine de janvier, contre 1 318 avant le confinement d’octobre.
Mais l’élément nouveau par rapport au mois d’octobre est la découverte et la production d’un vaccin, qui nous permet d’entrevoir la fin du tunnel. Et c’est une véritable course contre la montre qui est dès lors engagée !
C’est pourquoi la durée pendant laquelle nous sommes prêts à autoriser le Gouvernement à user de ses pouvoirs exceptionnels dépend non seulement de l’efficacité de la stratégie vaccinale mise en œuvre, mais également de l’approvisionnement en doses de vaccin sur l’ensemble du territoire national afin d’atteindre l’objectif fixé voilà deux jours par le Président de la République : permettre à la totalité des personnes souhaitant être vaccinées de l’être avant la fin du mois d’août.
Pour cela, monsieur le secrétaire d’État, il vous faudra davantage tenir compte des offres de service qui vous sont faites par bon nombre de collectivités, communes, départements, régions, ainsi que par des médecins de ville, des pharmaciens, voire des infirmiers.
Certes, le confinement n’est pas une fatalité. Mais, reconnaissons-le aujourd’hui, le rationnement du vaccin et les difficultés d’accès aux centres de vaccination risquent d’enrayer la campagne vaccinale, qui, pour l’heure, n’a permis la vaccination définitive que de 150 000 de nos compatriotes. Cette situation, si elle perdure, pourrait malheureusement vous forcer dans quelques semaines ou quelques mois à revenir vers nous pour nous demander une nouvelle autorisation de restreindre nos libertés fondamentales.
Certes, le Gouvernement nous informe régulièrement du contenu des mesures qu’il prend. Il a été brièvement question d’un débat en application de l’article 50-1 de la Constitution. J’ose espérer qu’il s’agit d’un commencement de contrôle parlementaire. Mais cela n’est manifestement pas suffisant, car le contrôle parlementaire doit de préférence se traduire par un acte positif, suivi de conséquences.
Comprenez-moi bien : notre intention n’est pas de priver l’exécutif des outils de maîtrise de la crise sanitaire dont il a fait jusqu’ici l’usage. Nous avons d’ailleurs consenti très largement à la proposition du Gouvernement de prolonger l’état d’urgence eu égard à la situation.
Mais cette acceptation prudente du principe du prolongement des pouvoirs exceptionnels ne signifie pas pour autant que nous souscrivons à leur emploi tous azimuts sans un contrôle parlementaire fin. Ces pouvoirs doivent être limités dans le temps et le Parlement doit être appelé à se prononcer régulièrement sur un éventuel prolongement au regard de l’évolution de la situation.
Ajoutons qu’en dernier ressort, les juges constitutionnel et administratif doivent s’assurer de la proportionnalité des mesures prises.
Pour toutes ces raisons, notre position s’est toujours articulée autour de deux idées-forces.
D’une part, nous voulons réduire la durée de prorogation d’application de l’état d’urgence sanitaire, afin que le Gouvernement revienne devant le législateur avant le début du mois de mai plutôt qu’en juin, dans un souci de donner corps au contrôle démocratique des pouvoirs exceptionnels.
Évidemment, on peut nous opposer des contraintes d’agenda législatif, comme l’a fait le ministre Olivier Véran en première lecture. Mais ce serait méconnaître le fait que, tout au long de la crise, l’institution parlementaire s’est toujours montrée à la hauteur du défi lorsqu’il s’est agi d’agir vite quand la santé des Français était en jeu.
D’autre part, nous avions proposé un encadrement spécifique du prolongement d’un éventuel confinement. Et pourtant, cette idée frappée au coin du bon sens fut la pierre d’achoppement qui a conduit à l’échec de la commission mixte paritaire de jeudi dernier. Nous le regrettons vivement.
Ainsi, à l’issue de son examen en nouvelle lecture par les députés, le projet de loi nous est revenu vidé de l’essentiel de nos modifications. La proposition de territorialiser, à travers les préfets, les décisions d’ouverture de commerce si la situation locale le permet a ainsi été balayée d’un revers de main par l’Assemblée nationale.
M. Philippe Bas, rapporteur. C’était pourtant le bon sens !
M. Stéphane Le Rudulier. Les quelques mesures que l’Assemblée nationale a reprises sont évidemment bienvenues, mais elles demeurent largement insuffisantes au regard des enjeux.
Telle a aussi été la conclusion du rapporteur Philippe Bas, qui, plutôt que de faire durer une discussion qui s’enlise, a choisi de présenter une motion tendant à opposer la question préalable. Pour toutes les raisons évoquées précédemment, le groupe Les Républicains votera cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
Mme le président. Je suis saisie, par M. Bas, au nom de la commission, d’une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire (n° 327, 2020-2021).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 7, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le rapporteur, pour la motion.
M. Philippe Bas, rapporteur. Mes chers collègues, je vous ai indiqué tout à l’heure ce qui motive cette motion. Les faits sont là : nous avons un désaccord unique – tous les autres sujets auraient pu faire l’objet d’un compromis –, mais ce désaccord est très important. Il porte sur la capacité du Parlement à exercer, au nom des Français, le contrôle le plus resserré possible sur toute mesure de confinement.
On voit à quel point une telle question est sensible. Nous n’avons pas connu, depuis les guerres mondiales, des restrictions de liberté aussi importantes que celles qui ont été prises pour lutter contre l’épidémie de covid-19. Même après 2015, lorsque l’état d’urgence a été activé pour faire face à la crise terroriste, les restrictions de liberté n’ont jamais atteint la généralité et l’intensité que l’on peut connaître avec le confinement.
Et comme le temps a passé depuis le premier confinement, comme les moyens d’action que nous avons accordés au Gouvernement se sont progressivement accrus, comme la situation sanitaire est tout de même moins grave, même si elle est très préoccupante, que celle que nous avons pu connaître, nous pensons que ce serait un terrible échec de la politique de lutte contre cette épidémie que de devoir procéder à un nouveau reconfinement.
Toutefois, si une telle décision devait être prise, le contrôle devrait vraiment être porté au niveau d’exigence qui convient pour que les Français aient l’assurance que l’exécutif n’utilise pas ces moyens sans frein.
Il me semble qu’il s’agit là d’une proposition de bon sens et qu’elle n’est nullement exorbitante : nous sommes toujours en démocratie et nous sommes toujours dans un État de droit.
Le Gouvernement nous dit qu’il est tout à fait disposé à organiser devant le Parlement un débat au titre de l’article 50-1 de la Constitution et qu’il serait même prêt à nous proposer de nous prononcer à l’issue de ce débat par un vote sur une déclaration gouvernementale.
Y a-t-il équivalence entre cette proposition et la disposition que nous avons adoptée au Sénat pour exiger qu’un confinement ne puisse pas être prolongé au-delà d’un mois sans une loi l’y autorisant ? La réponse est évidemment non !
Quand un gouvernement fait une déclaration – appelons-la « déclaration de politique sanitaire » – et demande un vote, il sollicite non pas l’autorisation de prolonger un confinement, mais l’approbation de sa politique sanitaire. Et les conséquences de ce vote ne sont pas les mêmes que celles de l’adoption ou du rejet d’un texte législatif autorisant le prolongement d’un confinement.
Ce serait donc en quelque sorte un marché de dupes que de vouloir échanger une loi contre un débat, un vote sur la politique sanitaire contre un vote sur l’autorisation de restreindre pendant une durée supplémentaire les libertés des Français, autorisation qui suppose tout de même une évaluation de la nécessité absolue de prendre de telles mesures. Je pense que nous ne pouvons pas accepter cela.
À mon sens, notre rôle devant les Français, en toute transparence, sous leur regard, est de dire au Gouvernement que s’il souhaite être efficace dans la lutte contre la covid, il a besoin de renforcer l’acceptabilité des mesures qu’il prend. Et il ne pourra la renforcer que si, au sein de la représentation nationale, tous les courants de pensée, dans leur diversité, sont amenés à s’exprimer au nom des Français et à approuver ces mesures. En effet, à ce moment-là, le Gouvernement ne sera plus seul devant les Français.
Et je dois vous le dire, loin d’être éloigné de l’idée que nous nous faisons de la responsabilité politique, ce que nous suggérons est vraiment l’essence de cette responsabilité. Nous sommes prêts à l’assumer. Nous l’avons toujours fait.
Si, après avoir, en octobre et en novembre, puis en février, inlassablement expliqué ce que je suis en train de vous répéter, au risque d’user de votre attention, voire d’en abuser, si, après tant d’efforts pour expliquer des choses si simples et évidentes, nous ne sommes pas parvenus à convaincre, c’est sans doute que nous n’avons pas été suffisamment clairs et que nous n’avons pas su trouver les mots justes ; je veux bien le croire.
Mais c’est aussi parce que le Gouvernement ne veut pas nous entendre ! Alors, à quoi bon reprendre la discussion après l’échec de cette commission mixte paritaire pour adopter de nouveau un texte dont tout le monde connaît la teneur, qui serait le même que celui que nous avons adopté voilà seulement quinze jours ? Nous disons maintenant que le débat est fini sur cette question entre le Gouvernement et nous.
C’est la raison pour laquelle la commission des lois m’a demandé de présenter devant notre assemblée cette motion tendant à opposer la question préalable. Nous voulons maintenant tourner, avec beaucoup de regrets, cette page, qui signe la mise à l’écart du Parlement de la gestion de la crise sanitaire ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, contre la motion. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mes chers collègues, je vais tenter, au nom de mon groupe, de vous convaincre de ne pas voter cette motion tendant à opposer la question préalable, afin que le débat s’engage. À moins que je ne parvienne à convaincre le rapporteur de la commission des lois de la retirer… Sait-on jamais ?
Nous sommes dans une situation paradoxale. Depuis onze mois, le Sénat assume son rôle de manière extrêmement exigeante, avec le concours de tous les groupes. Nous appuyant sur les travaux de notre rapporteur, nous avons chaque fois réduit la durée de l’état d’urgence, posé des conditions, limité considérablement les cohortes d’habilitations à légiférer par ordonnances demandées par le Gouvernement.
Nous avons bataillé pied à pied, sans contester l’utilité de l’état d’urgence – en tout cas, ni mon groupe ni la majorité sénatoriale ne l’ont fait –, mais en exigeant son encadrement strict.
Nous avons tous exigé aussi que le Parlement ait toute sa place, non par volonté de marquer notre territoire, mais parce que nous avons senti très tôt que les Français accepteraient mieux ces mesures extrêmement rigoureuses, difficiles et pénibles s’ils étaient associés à leur élaboration. Il ne fallait donc pas laisser la bride sur le cou du Gouvernement, en dépit de ses demandes réitérées, texte après texte, et c’est ainsi que nous avons cheminé.
Mon groupe s’est abstenu sur les différents textes, au motif qu’ils étaient incomplets, mais il n’a pas barré la route à l’instauration de l’état d’urgence sanitaire.
Le rapporteur de la commission des lois et notre collègue Thani Mohamed Soilihi, lui-même présent à la commission mixte paritaire, ont rappelé la difficulté à faire bouger la majorité gouvernementale, mais également l’évolution de sa posture, ce qui n’a peut-être pas été suffisamment souligné. Ayant enfin identifié, au fil des semaines et des mois, l’importance du lien avec la population et les élus, cette majorité semblait sincèrement souhaiter un accord en commission mixte paritaire.
La démocratie aussi a été confinée, le Sénat a dû délibérer dans des conditions inédites, le pouvoir exécutif s’est trouvé doté de pouvoirs exorbitants. Cela dure désormais depuis onze mois.
Pourquoi rejeter aujourd’hui cette motion tendant à opposer la question préalable ? Il y a quand même un paradoxe inouï à vouloir absolument que le Parlement ait un pouvoir, mais à décider simultanément d’en éluder la possibilité.
Si vous votez cette motion, mes chers collègues, dans quelques minutes, nous en aurons terminé avec ce texte. Nous ne l’examinerons pas, et nous ne réaffirmerons donc pas les exigences du Sénat sur la durée et les modalités de contrôle de l’état d’urgence.
Pourtant, alors même que l’Assemblée nationale n’était pas très encline à trouver un intérêt à nos propositions, nous avons parfois pu introduire des nouveautés dans les différents textes que nous avons examinés. C’est d’ailleurs vraisemblablement pour cette raison que le régime de « sortie de l’état d’urgence », dont chacun sait ici qu’il ressemble furieusement au régime de l’état d’urgence lui-même, n’a finalement pas été maintenu dans le texte examiné par l’Assemblée nationale.
En tant que parlementaire, je ne me résous pas à ce que le Parlement ne joue pas son rôle. Or cette motion tendant à opposer la question préalable est une motion de renoncement. Considérant que l’Assemblée nationale aura de toute façon le dernier mot, aux termes de la Constitution, nous décidons aujourd’hui de ne pas remplir notre fonction. C’est la négation du bicamérisme, le refus d’apporter notre contribution.
Voilà pourquoi mon groupe refuse de voter cette motion. Nous ne sommes pas d’accord avec le texte issu de l’Assemblée nationale ; nous ne sommes pas d’accord non plus avec les propositions presque ridicules qui nous ont été faites au cours de la réunion de la commission mixte paritaire. Elles montrent certes que le Gouvernement souhaitait trouver une « voie de passage » entre les deux assemblées, mais la proposition d’un simple courrier du Premier ministre n’était pas à la hauteur de nos exigences. Nous avons donc collectivement refusé.
C’est pourquoi j’essaye de plaider en faveur de la poursuite du débat. N’éludons pas nos responsabilités, réaffirmons nos positions !
Pour conclure, mes chers collègues, rappelez-vous ces mots de Camus dans Noces : « Vivre, c’est ne pas se résigner. » Être parlementaire, c’est ne jamais se résigner. C’est pourquoi je souhaite que nous rejetions cette motion tendant à opposer la question préalable et que nous poursuivions le débat. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDPI.)
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le Gouvernement regrette le dépôt de cette motion tendant à opposer la question préalable. Nous en prenons acte, mais nous aurions préféré que les débats se poursuivent.
Le Gouvernement émet donc naturellement un avis défavorable sur cette motion.
Mme le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le rapporteur, vous ne serez pas surpris que nous soyons en désaccord avec votre position.
Nous ne voulons pas simplement améliorer le contrôle des pouvoirs exceptionnels du Président de la République et du Gouvernement ; nous contestons ces pouvoirs exceptionnels. Nous estimons que le Parlement peut parfaitement retrouver la plénitude de ses pouvoirs et que nous pouvons affronter le mal qui nous frappe dans le plein respect de la démocratie.
Monsieur le rapporteur, en première lecture, vous vous adressiez en ces termes à M. Véran : « Vous qui êtes ministre de la santé, vous devez avoir conscience que le ministre de l’intérieur, tous gouvernements confondus, n’a jamais exigé des Français autant de restrictions aux libertés que celles imposées pour lutter contre le covid. Or, dans un État de droit, dans une vieille République que nous chérissons tous, on ne saurait s’habituer à de telles restrictions, du moins sans un contrôle parlementaire effectif. Je le répète, vous n’avez rien à craindre d’un tel contrôle, puisqu’il est responsable. »
Monsieur Bas, nous ne souhaitons pas limiter le rôle du Parlement au contrôle. Nous voulons lui rendre son pouvoir législatif d’élaboration des politiques publiques.
Nous pouvons toutefois en convenir : au terme de cet épisode d’édiction puis de prolongation de l’état d’urgence sanitaire, Emmanuel Macron écarte le Parlement de la gestion de la crise et s’isole dans son pouvoir personnel, poussant au paroxysme les défauts des institutions de la Ve République.
C’est l’état d’urgence en lui-même, dans notre cadre constitutionnel, qui entraîne cette situation extrêmement dangereuse pour notre démocratie.
Pourquoi persévérer dans ce jeu de dupes ? Je vous avais alerté en première lecture sur l’échec prévisible de vos tentatives, monsieur le rapporteur.
Nous nous abstiendrons donc sur cette motion, car le désaccord que vous mettez en scène ne porte pas sur l’état d’urgence lui-même. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Je tiens tout d’abord à exprimer, au nom de mon groupe, le regret que certaines dispositions votées par le Sénat aient été retirées du texte en commission mixte paritaire.
Le rapprochement de la date d’expiration de l’état d’urgence sanitaire, tout comme l’obligation de consultation mensuelle du Parlement pour la mise en œuvre d’un confinement de plus d’un mois aurait permis à cette institution souvent malmenée par le Gouvernement de recouvrer toute sa légitimité.
Monsieur le secrétaire d’État, le Sénat vous a réitéré sa volonté de prendre part à la gestion de la crise sanitaire. Votre majorité à l’Assemblée nationale lui a opposé une fin de non-recevoir, se privant par là même de son propre pouvoir de légiférer et de contrôler votre action.
En l’état, ce texte ne peut donc pas nous convenir : c’est une sorte d’affront fait à la Haute Assemblée.
La présente motion témoigne de notre constat partagé : ce gouvernement n’est manifestement pas prêt à la discussion ; c’est une maladie chronique de la Macronie. (M. Julien Bargeton proteste.)
Toutefois, parce que cette motion relève avant tout de la surenchère politicienne entre la droite sénatoriale et le Gouvernement à l’approche des élections, nous ne souhaitons pas nous y engouffrer. Aussi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendra-t-il.
Mme le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion est adoptée.)
Mme le président. En conséquence, le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire est rejeté.