M. Alain Milon, rapporteur. La commission est défavorable à cette motion, dont l’adoption mettrait un terme à nos débats. Nous souhaitons débattre !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Mon intervention vaudra explication de vote sur les deux motions.
Personne n’est dupe : cette proposition de loi hétéroclite, incomplète, dépourvue de souffle, de méthode et de cohérence est un énième projet de loi dissimulé en prétendu travail parlementaire. Le Gouvernement entend ainsi accélérer ses réformes en contournant l’avis du Conseil d’État et en s’exonérant d’une étude d’impact.
Ce texte est censé compléter le Ségur de la santé pour les dimensions non financières, s’agissant notamment de la gouvernance et de la démocratie sanitaires. Alors que ces questions ont donné lieu à de nombreuses contributions et rencontres à la suite du mouvement social, la marche forcée à laquelle nous assistons s’explique par la faible prise en compte des enseignements issus des rapports de la Cour des comptes et du professeur Claris et, surtout, de la mobilisation qui s’est produite, pendant la pandémie, autour des longues négociations du Ségur de la santé.
Il s’agit donc pour le Gouvernement de passer en force en prenant le risque d’avoir simulé la concertation, consentie il est vrai sous la pression de la mobilisation des professionnels de santé, pour poursuivre selon la même logique : celle qui fragilise encore et toujours notre système de santé et affaiblit l’hôpital public, lequel, en pleine pandémie, perd encore des lits.
Enfin, le Parlement n’est pas respecté ; il est même instrumentalisé. Dans le cadre de la procédure accélérée, la commission des affaires sociales du Sénat n’a pu valablement travailler, d’autant que nous sommes en attente des ordonnances en lien avec certaines mesures de cette proposition de loi.
Le Sénat ne peut accepter ce déni du travail parlementaire. Mes chers collègues, il est de notre responsabilité de ne pas le tolérer.
Cette proposition de loi fait l’objet de deux motions, l’une tendant à opposer la question préalable, l’autre demandant le renvoi à la commission. En cohérence avec les protestations issues de tous les bancs, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera pour ces deux motions car nous partageons nombre des arguments qui ont présidé à leur dépôt. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 144, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 82 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 281 |
Pour l’adoption | 27 |
Contre | 254 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Demande de renvoi à la commission
Mme la présidente. Je suis saisie, par M. Jomier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain d’une motion n° 70.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il a lieu de renvoyer à la commission la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification (n° 357 rectifié, 2020-2021).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 7, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Monique Lubin, pour la motion.
Mme Monique Lubin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, certaines manières de légiférer installées par l’actuelle majorité gouvernementale étaient déjà très contestables avant l’irruption de la covid-19 dans nos vies. La crise sanitaire les rend encore plus difficilement supportables, a fortiori quand il s’agit de réformer dans la précipitation le système de santé, comme c’est le cas avec la présente proposition de loi.
Très insatisfaisante sur le fond, celle-ci atteste la constance du mépris exprimé par l’exécutif aussi bien à l’encontre du Parlement que des partenaires sociaux. Tels sont les constats qui motivent la motion demandant le renvoi à la commission que je présente aujourd’hui au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain du Sénat.
Il y a en effet beaucoup à redire quant au traitement réservé au Parlement et au travail législatif. La genèse, le contenu et les modalités d’examen de la présente proposition de loi en témoignent.
Nul ne l’ignore, si le texte soumis à discussion aujourd’hui est marqué du sceau de l’initiative parlementaire, il est d’abord une commande du Gouvernement.
La proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification est censée traduire dans notre droit les mesures non budgétaires annoncées dans le cadre du Ségur de la santé. Il aurait été opportun que ces mesures fassent l’objet d’un projet de loi et non d’un texte d’origine parlementaire.
Il s’agit pour l’exécutif d’obtenir la transposition dans la loi d’un certain nombre des dispositions du Ségur de la santé, mais en se soustrayant aux contraintes qui sont liées à l’élaboration et à l’examen d’un texte d’origine gouvernementale. En procédant de la sorte, le Gouvernement se libère de deux obligations : le texte n’a fait l’objet ni d’un avis du Conseil d’État ni d’une étude d’impact.
Pourtant, le respect que nous devons aux soignants aurait exigé qu’un tel texte soit non seulement sécurisé juridiquement par un avis du Conseil d’État, mais qu’il fasse également l’objet d’une étude d’impact afin que ces conséquences soient analysées.
Les études d’impact ne sont décidément pas le fort de ce gouvernement : on se souvient de celle qui accompagnait le projet de loi portant réforme des retraites, étrillé par le Conseil d’État.
Cette proposition de loi se veut pourtant ambitieuse. Par conséquent, elle est susceptible d’affecter lourdement un système de santé dont nous avons plus que jamais besoin qu’il fonctionne efficacement.
Je m’interroge donc sur le sens des circonstances et l’appréhension par la majorité de la gravité de ses responsabilités et de ses obligations. Elle improvise sans méthode et sans rigueur la réforme d’un système de santé dont le bon fonctionnement est aujourd’hui plus que jamais impératif. C’est pourtant le moment de bien faire les choses ou de ne pas les faire. Nous n’y sommes pas !
Les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain estiment que les dispositions que porte cette proposition de loi ne sont pas inscrites dans le bon véhicule législatif. Celui-ci pose d’emblée problème : à l’absence d’avis du Conseil d’État et d’enquête publique s’ajoute le fait que ce texte a été élaboré au mépris de toute véritable concertation avec les parties prenantes.
Ce n’est pas un hasard si la majorité des professions concernées par cette proposition de loi sont vent debout contre ses dispositions, qui ont également suscité la profonde indignation des syndicats et des professionnels de santé, et un rejet unanime de la part de l’ensemble des acteurs.
La suppression de l’article 1er, portant initialement création d’une profession médicale intermédiaire, est à ce titre emblématique. La fronde qu’il a provoquée a conduit à sa piteuse évolution, à l’Assemblée nationale, en demande de rapport relatif à la création d’une profession médicale intermédiaire, puis à sa suppression pure et simple dès le stade de l’examen en commission au Sénat.
Ce manque de concertation relève d’une méthode et traduit une conception très descendante de la politique. Elle joue des tours au Gouvernement, car elle se manifeste notamment par un recours accru aux ordonnances et aux mesures réglementaires qui empiètent excessivement sur le domaine du Parlement.
Ainsi, la commission des affaires sociales n’a pas manqué de souligner le paradoxe consistant pour le Gouvernement à promouvoir des dispositions qui ont aussi fait l’objet d’ordonnances et de mesures réglementaires. Les dispositions déjà modifiées par la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, promulguée il n’y a même pas deux mois et demi, le sont, par ailleurs, de nouveau dans cette proposition de loi.
Il en va de même pour les dispositions concernant le recrutement des praticiens hospitaliers et la gouvernance des hôpitaux. Comme les dispositifs de coopération renforcée, ils étaient pourtant au cœur du décloisonnement censé être porté par la loi de juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation de notre système de santé.
Comment les professionnels peuvent-ils s’emparer des modalités d’exercice coordonné et de coopération locale, alors que celles-ci sont constamment remaniées ? Il en va de même pour les instances de gouvernance de l’hôpital : faute de vision globale, le Gouvernement s’enlise au milieu du gué.
Aujourd’hui, alors même que la plupart des ordonnances concernées n’ont pas encore vu le jour, le Gouvernement via sa majorité parlementaire accroît le flou en revenant sur des dispositifs non encore appliqués. Non seulement le Parlement a été dessaisi de ses prérogatives en 2019, mais si l’on en croit le résultat, il l’a été pour rien. Quant au Gouvernement, il n’est toujours pas au clair sur sa conception de notre système de santé.
Le manque de sérieux dans la démarche est encore confirmé par le temps imparti pour l’examen de ce texte. À l’origine, cette proposition de loi, qui se veut pourtant ambitieuse et compte plus d’une trentaine d’articles, et dont certaines dispositions sont susceptibles de changer la gouvernance des hôpitaux, ne devait être discutée qu’en une demi-journée. Comprenant son erreur, le Gouvernement a demandé une modification de l’ordre du jour en dernière minute afin de permettre une demi-journée supplémentaire de débat.
Ce changement contraint n’a cependant rien de satisfaisant. On nous demande de travailler dans la précipitation, sans pouvoir nous appuyer sur une enquête publique, pourtant nécessaire, pas plus que sur un avis du Conseil d’État, tout aussi nécessaire. Cette absence d’éléments justifierait à elle seule de siéger pendant plusieurs jours pour pallier les incohérences du texte et pour éviter l’adoption de mesures qui risquent de déstabiliser notre système de santé au plus mauvais moment.
De fait, de l’Assemblée nationale au Sénat, cette proposition de loi, très succincte lorsqu’elle a été déposée par ses auteurs sur le bureau de la chambre basse, a d’ores et déjà fait l’objet d’un travail de réécriture extrêmement important, témoignant du grand manque de rigueur rédactionnelle et juridique de certains articles. Ce travail de réécriture a été aussi bien l’œuvre du Gouvernement que des rapporteurs ; c’est dire l’impréparation de ce texte.
Procéder ainsi est irresponsable et irrespectueux à l’égard du travail parlementaire, mais aussi vis-à-vis des soignants. L’examen de cette proposition de loi aurait pu être l’occasion d’un débat et d’une réforme de la gouvernance hospitalière que la pandémie de la covid-19 a rendue plus que jamais nécessaire. Mais le choix du véhicule législatif, le temps très restreint imparti aux débats et l’engagement de la procédure accélérée nous empêchent de les mener sereinement.
Il est ainsi flagrant que cette proposition de loi dépourvue de fil conducteur n’est qu’une tentative incomplète d’assemblage de mesures mal articulées entre elles. Il n’y a pas de vision globale de ce que devrait être notre système de santé rénové, pas de projet pour lui. Nous ne pouvons pourtant pas nous payer le luxe de voter des dispositions redondantes, insatisfaisantes, créant de nouvelles contraintes dont les conséquences n’ont pas été préalablement évaluées.
Sur les trente-trois mesures que comporte le Ségur de la santé, seulement cinq sont reprises dans la proposition de loi. Elles ne font l’objet que de six des quarante-deux articles que comporte le texte après son passage à l’Assemblée nationale. C’est bien mince pour un texte censé traduire le volet non financier des conclusions du Ségur de la santé.
L’article 10 de la proposition de loi correspond à la mesure 3 de ce Ségur, qui vise à mettre fin aux abus de l’intérim médical.
La mesure 7 du Ségur, relative au renforcement du déploiement de la pratique avancée, permet à des infirmiers de réaliser des missions élargies par rapport à leur champ de compétences initial afin de répondre aux évolutions de l’organisation des soins. Cette mesure, qui était prévue à l’article 1er, a été supprimée au profit d’une demande de rapport par l’Assemblée nationale, puis, comme je l’indiquais, cette demande de rapport a elle aussi été supprimée lors de l’examen en commission par le rapporteur.
La mesure 18, reprise à l’article 5 de la proposition de loi, vise à donner plus d’autonomie aux services des hôpitaux en matière de gestion et d’adaptation de leur organisation. Il s’agit de revenir à des unités plus concrètes, par exemple les services d’oncologie ou de cardiologie, plutôt que de renvoyer aux superstructures.
La mesure 19, liée à la précédente, prévoit la fin de l’obligation pour les hôpitaux de s’organiser en pôles d’activité réunissant plusieurs services.
La mesure 22 du Ségur vise, quant à elle, à mieux associer les soignants et les usagers à la vie de l’hôpital. Elle trouve sa traduction dans plusieurs dispositions du texte, notamment celle qui prévoit la possibilité de fusionner les CME et les CSIRMT.
La mesure 27 du Ségur visant à lutter contre les inégalités en santé, ou encore la mesure 31 visant à renforcer l’offre de soutien psychiatrique et psychologique, entre autres, sont absentes de la présente proposition de loi. La mise en place d’un un numéro national de prévention du suicide disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, le recrutement de 160 psychologues supplémentaires dans les centres médico-psychologiques ou l’ouverture de consultations de psychologues ambulatoires seraient pourtant des mesures nécessaires dans une période où la santé mentale des Français est mise à mal par la pandémie de covid-19 et ses conséquences.
Enfin, si les dispositions concernant les sages-femmes vont dans le bon sens, elles auraient pu faire l’objet d’un texte à part.
Je conclurai mon intervention en soulignant que ce texte manque cruellement d’une vision globale. Nous n’avons pas suffisamment de recul pour nous prononcer sur des mesures dont les effets n’ont pour l’instant pas pu faire l’objet d’une quelconque évaluation. Nous ne pouvons pas légiférer sans visibilité.
Par conséquent, nous demandons un renvoi du présent texte en commission afin de nous donner les moyens de l’examiner dans des délais plus appropriés et de disposer de davantage de visibilité quant aux ordonnances. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. Alain Milon, rapporteur. Le renvoi à la commission ne nous permettrait pas de légiférer en disposant d’une plus grande visibilité, notamment sur les ordonnances en cours.
Cela reviendrait de plus à nier le travail important que nous sommes parvenus à conduire, dans des délais certes réduits, et à l’issue duquel la commission, comme je l’ai précédemment indiqué, a adopté une version largement remaniée de ce texte.
En outre, même si nous connaissions le contenu des ordonnances en cours de publication, nous ne pourrions empiéter, par nos amendements, sur le champ de ces habilitations, en application de l’article 38 de la Constitution.
Enfin, je doute qu’un délai supplémentaire nous permette de lever toutes les limites que nous reconnaissons à ce texte. En particulier, l’appréciation de son périmètre resterait contrainte de la même façon, nous empêchant de compléter la proposition de loi par d’autres volets intéressants.
Au final, je crains que l’effet concret de l’adoption de cette motion ne se limite à retarder l’avancée de nos travaux. Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Véran, ministre. Madame la sénatrice Monique Lubin, en espérant que nous aurons le débat – évidemment légitime – sur le fond, permettez-moi de revenir sur la forme.
Vous avez évoqué un mépris du Parlement et des partenaires sociaux. Or, croyez-le ou non, ce texte est le fruit d’une initiative parlementaire de A à Z ! (M. Bernard Jomier rit.) C’est une parlementaire qui l’a écrit de la première à la dernière ligne, et cela avant la mise en place des accords du Ségur de la santé.
Le texte a été transmis au Sénat lors de la première semaine du mois de décembre, c’est-à-dire il y a un peu plus de deux mois. En l’occurrence, madame la sénatrice, j’ai donc le sentiment que le Parlement a été respecté.
On peut certes considérer que les propositions de loi sont une mauvaise option dans la mesure où elles nous privent, de fait, d’une analyse du Conseil d’État. Mais la Constitution les autorise, et ce serait mépriser le Parlement – ce n’est pas mon cas – que d’être défavorable à l’initiative parlementaire en matière législative.
Quant aux partenaires sociaux, pour la première fois depuis des décennies, les accords du Ségur de la santé ont convaincu une majorité de soignants, de médecins, de non-soignants et d’étudiants. Ces accords ont été signés par Force ouvrière, l’UNSA et la CFDT.
Si ces organisations avaient été méprisées, elles n’auraient pas apposé leur signature au bas de ces accords. Elles ne nous auraient pas non plus renouvelé leur confiance, le 11 février, quand nous avons étendu le périmètre du Ségur aux personnels du secteur médico-social rattachés à un établissement de santé publique, un sujet auquel les parlementaires de tous bords nous avaient sensibilisés.
Enfin, la mission Claris – mission de très grande qualité dont s’est beaucoup inspirée la députée Stéphanie Rist – a mobilisé des dizaines de milliers de soignants et la plupart des conférences, des collèges, des syndicats. Le consensus qui s’est dégagé atteste du fait que ces mesures sont partagées. Vous pouvez ne pas être d’accord, mais je ne perçois pas le mépris que vous évoquez.
J’émets un avis défavorable sur la motion demandant le renvoi à la commission.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Les arguments avancés par ma collègue Monique Lubin rejoignent pour beaucoup les critiques formulées par le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, lesquelles ont justifié que nous déposions une motion tendant à opposer la question préalable.
En réponse à ces critiques, la majorité de droite de la commission indique que nous allons débattre. Or nous savons que le débat sera très restreint. Nous savons aussi que les mesures prises aujourd’hui s’inscrivent absolument dans la même logique que les politiques ayant conduit notre système de santé dans sa situation actuelle.
Certains se sentent peut-être offensés, mais telle est la réalité des faits : les hôpitaux sont en surchauffe et les mesures du Ségur, censées répondre aux revendications des personnels, n’ont pas satisfait leurs attentes. Ces derniers souhaitent certes que leurs métiers soient revalorisés, mais ils attendent aussi que l’on arrête de fermer des lits, que l’on embauche et que l’on rende les carrières attractives. Or ces revendications n’ont pas été prises en compte à la hauteur des besoins.
Lorsque nous essayons de dialoguer au sein de cet hémicycle avec le Gouvernement, on nous répond que celui-ci est sachant tandis que les autres ne savent pas. Ce n’est pas ainsi que nous élaborerons des politiques permettant de répondre aux besoins des populations et aux attentes des personnels !
Nous n’avons guère d’illusions quant au sort de cette motion demandant le renvoi à la commission puisque la majorité Les Républicains de la commission demande son rejet. Nous la voterons cependant, par principe, parce que nous pensons que les dés sont pipés, qu’un véritable débat n’a pas eu lieu et que les mesures à la hauteur des besoins n’ont pas été prises. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. La commission a indiqué que le renvoi à la commission ne présenterait pas d’intérêt en termes de calendrier. Cela revient à devancer les desiderata du Gouvernement !
Cette motion de renvoi à la commission vise à nous donner le temps de prendre connaissance des ordonnances qui concernent directement ce texte. Puisque celles-ci seront publiées en mars, nous pourrions examiner le texte ensuite.
Ce délai permettrait également au Gouvernement, qui, encore aujourd’hui, déposait des amendements relatifs aux diététiciennes ou aux préparateurs en pharmacie, de les inclure dans la proposition de loi. En effet, bien que ces sujets soient importants, ces amendements sont à ce stade irrecevables.
Cela montre l’impréparation de ce texte et la nécessité de délibérer de façon éclairée, en ayant connaissance des ordonnances y afférentes. On anticipe ici la volonté du Gouvernement de passer en force, et le fait qu’il demanderait à la commission, si la motion était adoptée, de se réunir immédiatement et nous ferait siégeait vendredi, samedi et peut-être dimanche…
Pour ma part, je ne suis pas soumis au travers de mes votes aux positions supposées du Gouvernement ! Je veux croire qu’il reste à celui-ci suffisamment de sagesse pour constater, comme nous, qu’il est temps de reporter l’examen de ce texte après la publication des ordonnances.
Par ailleurs, monsieur le ministre, la concertation et l’accord ont porté non pas sur cette proposition de loi, mais sur le Ségur de la santé. Les auditions conduites par le rapporteur et par la commission ont montré un désaccord général sur le contenu de ce texte. Celui-ci ne fait pas l’objet d’un large accord – et encore moins d’un consensus – des professionnels de santé, qu’ils exercent à l’hôpital public et ou en ville.
Pour toutes ces raisons, nous estimons que nous avons besoin de davantage de temps et qu’il est plus raisonnable de renvoyer ce texte en commission.
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 70, tendant au renvoi à la commission.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 83 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Pour l’adoption | 91 |
Contre | 254 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Discussion générale (suite)
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons revêt par son titre de nombreux espoirs : « améliorer le système de santé par la confiance et la simplification ».
La crise sanitaire qui a frappé notre pays de plein fouet a mis en lumière les forces de notre système de soins, mais elle en a également relevé les faiblesses.
Pendant la lente décrue de la première vague de contaminations, le Gouvernement a annoncé l’initiative intéressante d’un Ségur de la santé qui doit permettre une évolution tant attendue de l’organisation de notre système de santé.
La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui a pour objectif de traduire le versant non financier des conclusions du Ségur, enrichi des propositions du rapport Claris sur la gouvernance de l’hôpital. Toutefois, le véhicule législatif utilisé et la préparation concomitante d’ordonnances par le ministère de la santé compliquent l’exercice et nous privent d’une étude d’impact et d’un avis du Conseil d’État.
Pour autant, la majorité du groupe RDSE, tout en entendant les raisons qui ont présidé à leur dépôt, n’a voté ni la motion tendant à opposer la question préalable ni la motion demandant le renvoi à la commission, car poursuivre les débats sur des sujets majeurs tels que la gouvernance des hôpitaux, les coopérations, l’attractivité des carrières ou encore l’intérim permettra – j’en suis sûre – d’enrichir le texte. Tel est l’état d’esprit qui est le nôtre.
J’évoquerai en premier lieu les protocoles locaux de coopération. Le texte de la commission, dans son article 1er, revient au cadre juridique issu de la loi Santé de juillet 2019 et permet ainsi d’étendre ces protocoles aux professionnels de santé travaillant de manière coordonnée et hors établissement. Cette disposition répond aux besoins d’une médecine plus coordonnée au bénéfice du patient, en ville comme à l’hôpital.
La faible démographie médicale, mais aussi l’explosion des maladies chroniques, l’aspiration des jeunes à trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie privée ainsi que l’appétence pour l’exercice en équipe pluridisciplinaire, impliquent absolument et nécessairement l’évolution du champ des compétences des professionnels de santé.
Nous aurons à examiner de nombreux amendements relatifs aux sages-femmes et aux auxiliaires médicaux. Certaines propositions vont plus loin que d’autres, mais une seule philosophie doit nous guider : il faut améliorer et fluidifier le parcours du patient sans le détricoter. Le médecin généraliste est et doit en rester le pivot.
Le Ségur a également mis en évidence l’existence, bien antérieure à la crise du covid, d’une perte d’attractivité des métiers de la santé. Les hôpitaux et les structures médico-sociales peinent d’ailleurs à recruter.
La revalorisation légitime des salaires ne permettra pas, seule, d’y remédier. De bonnes conditions de travail, davantage d’effectifs dans les services, une gouvernance moins technocratique et plus médicalisée, une CME aux missions et au rôle renforcés, des recrutements simplifiés : telles sont les propositions du Ségur et du rapport Claris, dont certaines seront examinées dans cette proposition de loi.
Un sujet, en revanche, n’y est pas abordé, alors qu’il constitue une préoccupation forte des fédérations. Il s’agit de l’asymétrie des contraintes et des rémunérations entre les carrières médicales publiques, privées ou associatives, et des freins à l’exercice d’un médecin sous différents statuts. Aussi, je proposerai d’y remédier en partie par la réintroduction de deux articles, dont l’article 14 bis, lequel, au-delà de la remise d’un rapport, permettra de ne pas enterrer trop précocement cette problématique.
S’il est un sujet dont la crise a relevé les limites, c’est bien celui de la gouvernance des établissements. L’article 5 consacré à l’organisation interne restaure la fonction de chef de service non pas en opposition, mais en complémentarité de celle de chef de pôle.
L’organisation des pôles doit absolument rester une possibilité pour chaque établissement. La création de chefs de service et de chefs de pôle adjoints améliorerait encore le fonctionnement de l’hôpital. Le groupe RDSE a déposé des amendements en ce sens.
Comment parler d’organisation sans évoquer les GHT ? Installés à marche forcée, leur fonctionnement est hétérogène. S’il n’est pas souhaitable d’imposer aux établissements de se rapprocher, les rapprochements méritent d’être encouragés, sur la base du volontariat.
L’article 9 de la proposition de loi ouvre le directoire de l’hôpital en prévoyant la possibilité pour le directeur de désigner des personnalités qualifiées. C’est à notre sens une bonne chose. Je regrette cependant l’exclusion des étudiants au sein de ce directoire.
Je terminerai en évoquant les abus de l’intérim médical qui pénalisent lourdement, à la fois, les finances et le fonctionnement de l’hôpital. Ce n’est plus acceptable aujourd’hui. Malgré la volonté exprimée en 2017 par le Gouvernement d’y mettre un terme, force est de constater que le problème perdure.
Il est devenu urgent de mettre fin à ces pratiques que je qualifierais de scandaleuses, et de permettre enfin l’application du plafond des rémunérations. L’hôpital ne peut pas et ne doit pas être une zone de non-droit dans laquelle certains professionnels imposeraient des exigences financières déraisonnables.
Cette proposition de loi se présente comme un patchwork de mesures qui s’expliquent par le destin singulier de ce texte, pensé avant la crise sanitaire, puis saisi opportunément comme le moyen d’y intégrer quelques mesures du Ségur et tout ce qui n’entre pas dans le champ des ordonnances. Suffira-t-elle à satisfaire les attentes ?
En tout état de cause, le groupe RDSE réservera son vote en fonction de l’évolution des discussions et il émet le vœu que les mesures consensuelles issues du Ségur et du rapport Claris puissent trouver une traduction législative. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et INDEP.)