Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Patrick Chaize. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’inclusion numérique, ce sont des liens et des lieux.
Liens humains d’abord, car c’est l’accompagnement par des médiateurs, des conseillers ou d’autres référents qui prime pour les 17 % de la population qui restent éloignés des usages du numérique et ne peuvent ni se relier au monde et aux administrations, de plus en plus distantes, ni accéder à leurs droits, à l’emploi, mais aussi à la santé, à la culture ou à l’éducation.
Lieux de proximité ensuite, car les « fracturés » du numérique, qui appartiennent à toutes les catégories d’âge, sont souvent des personnes isolées, vivant à l’écart des centres-villes ou en milieu rural.
À ce propos, mes chers collègues, avez-vous déjà essayé de remplir vous-mêmes un quelconque formulaire administratif en ligne à l’aide d’un smartphone, qui plus est en zone blanche ?
Certains ont voulu nous faire croire, peut-être de bonne foi, qu’avec le suréquipement de nos concitoyens en téléphones dits intelligents la fracture numérique était en voie d’être réduite. La période que nous vivons actuellement nous prouve à quel point ils se trompaient.
Parallèlement au déploiement des infrastructures télécoms fixes et mobiles – en même temps, si j’ose dire –, les collectivités ont accompagné les usages. Les élus locaux n’ont eu de cesse de mettre en place des lieux et de rémunérer des animateurs, que ce soient des cybercafés municipaux dans les années 1990, des points d’accès dans les mairies, les médiathèques ou les établissements scolaires ou encore des cyberbus.
Certains de ces lieux et de ces postes d’animateur ont su s’adapter et survivre aux réorientations incessantes des politiques nationales. Nous pouvons donc nous réjouir aujourd’hui, plus de vingt ans après ces pionniers, qu’une stratégie nationale d’inclusion numérique soit de nouveau à l’ordre du jour. Nous ne pouvons que nous féliciter du fait que plusieurs centaines de millions d’euros lui soient enfin consacrées et nous associer à cette grande cause nationale, notamment au travers de cette proposition de loi.
Pour autant, plusieurs points de cette démarche sont perfectibles. Que pouvons-nous améliorer ?
Premièrement, pour mieux détecter les publics en difficulté, il est essentiel de se mettre d’accord sur les données nécessaires pour définir un indice partagé entre État et collectivités, plutôt que d’adopter une classification stigmatisante, comme nous avons pu en entendre parler. Je me permets ici de faire référence au rapport sénatorial sur le devenir de La Poste, qui ouvre aussi certaines perspectives.
Deuxièmement, il convient de passer du 100 % dématérialisé au 100 % accessible. L’ensemble des acteurs, dont les associations de collectivités, n’ont cessé de rappeler qu’il fallait, d’une part, laisser le choix à l’administré de son mode de relation avec l’administration et, d’autre part, offrir un mode d’accès alternatif, au mieux un guichet – les 2 000 maisons France Services annoncées vont dans ce sens – ou, pour le moins, un accès téléphonique avec des conseillers qui répondent.
Troisièmement, le financement de la politique publique d’inclusion numérique devrait s’envisager sur le temps long. Il ne peut se satisfaire de stop and go incessants, voire contradictoires, au gré des changements gouvernementaux.
Quatrièmement, sur l’accompagnement des usagers exclus de la dématérialisation des services publics, le Gouvernement, par l’intermédiaire de l’ANCT, multiplie les actions et les appels à projets : pass numériques, hubs France connectée, Aidants Connect, conseillers numériques France Services, Fabriques de territoires, Territoires d’action pour un numérique inclusif, ABC Pix, etc. Cette abondance de dispositifs permet d’aborder le problème de l’inclusion avec une palette d’outils, mais entraîne un inévitable problème de lisibilité, d’autant que, pour la plupart d’entre eux, le fonctionnement par appels à projets ne conduit bien souvent que les collectivités les mieux dotées en matériel et ressources humaines à pouvoir y répondre dans les délais impartis.
Les associations d’élus locaux, telle l’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (Avicca), appellent constamment de leurs vœux depuis des années une politique publique dite d’inclusion durable. Pourtant, l’horizon de celle-ci semble toujours être avril 2022. L’inclusion numérique, ce ne sont pas que des appels à projets, comme celui proposé par l’ANCT et appelé Nouveaux lieux, nouveaux liens.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Patrick Chaize. Nous demandons une politique publique pérenne de liens humains et techniques et des lieux nombreux et équitablement répartis, comme autant d’appuis essentiels pour la résilience numérique de nos territoires, qu’ils soient ruraux, périphériques ou ultramarins.
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Berthet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Martine Berthet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’illectronisme en France cause une véritable fracture et fragilise notre société ; c’est un constat indéniable. Dans un monde toujours plus connecté, avec une administration toujours plus numérisée qui laisse en marge trois Français sur cinq, avec des confinements successifs, qui ont accéléré le développement du télétravail, de l’école numérique à la maison ou encore de la télémédecine, la réduction de cette fracture doit devenir une de nos priorités nationales.
Il y a quelques mois, la mission d’information du Sénat sur la lutte contre l’illectronisme et pour l’inclusion numérique, à laquelle j’ai participé, a permis de faire un état des lieux de la situation actuelle. La proposition de loi de notre collègue Éric Gold et du groupe RDSE, que nous examinons aujourd’hui, reprend une partie des 45 propositions alors formulées.
Bien qu’elle ne règle pas tous les problèmes et présente quelques faiblesses juridiques identifiées par notre rapporteur, elle constitue une première pierre qui est à l’honneur du Sénat. Je partage avec mon groupe les préoccupations de son auteur visant à renforcer les instruments de lutte contre l’illectronisme et à faciliter l’accès aux services publics dématérialisés dans les territoires.
En effet, si des mesures existent déjà, elles montrent leurs limites. Il reste beaucoup à faire pour de nombreux publics et un certain nombre de freins doivent être levés.
Je pense par exemple aux difficultés de déploiement du pass numérique : d’un système de formation gratuit mis en place dans les territoires, il est devenu un système payant avec le principe du chèque ; les lieux ressources ont besoin d’être équipés en douchettes de lecture de code-barres ; la labellisation par #Aptic pose parfois problème. Il résulte de toutes ces difficultés une grande lenteur dans la mise en œuvre de ce dispositif.
À l’article 7 de la proposition de loi, les auteurs de celle-ci se préoccupent des personnes en situation du handicap, qui sont parmi les plus touchées par l’illectronisme. À ce sujet, je salue les amendements de notre collègue Philippe Mouiller, qui viennent compléter ce point.
Des mesures qui me paraissent indispensables pour favoriser l’inclusion numérique des travailleurs sociaux, des élèves et des enseignants sont également proposées.
En tant que corapporteure de la mission d’information instituée par la délégation aux entreprises sur les nouveaux modes de travail et de management, je ne peux que me féliciter de l’article 14 instaurant un crédit d’impôt au bénéfice des petites et moyennes entreprises, afin de favoriser la formation aux outils numériques des dirigeants et de leurs salariés. Nous savons que l’inégalité est grande devant le télétravail, mais aussi que la transformation numérique des entreprises est l’un des enjeux de la relance de leurs activités.
Lutter contre l’illectronisme, ce sont de nombreux paramètres à faire avancer ensemble, car ils ne vont pas les uns sans les autres : haut débit, aide financière à l’accès au numérique et au matériel, meilleure ergonomie des sites et droit à l’erreur ne sont rien, si l’utilisateur n’en a pas la connaissance ou la maîtrise.
Un certain nombre d’éléments nous sont proposés dans cette proposition de loi afin d’avancer vite et mieux sur ce sujet qui constitue un défi économique et social majeur, aujourd’hui plus que jamais, pour aborder dans les meilleures conditions la relance tant attendue de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi relative à la lutte contre l’illectronisme et pour l’inclusion numérique.
Je vous rappelle que la discussion générale a été close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
proposition de loi relative à la lutte contre l’illectronisme et pour l’inclusion numérique
Chapitre Ier
Détecter les publics en difficulté avec le numérique
Article 1er
Une étude biannuelle évalue l’exclusion numérique et l’utilisation faite des compétences numériques par les usagers. À cette fin, un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article et définit un référentiel commun d’évaluation des capacités numériques.
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, sur l’article.
M. Jacques Fernique. J’interviens au nom de Mme Benbassa, qui est retenue.
Nous le savons tous, l’illectronisme est étroitement lié à la fracture numérique. Celle-ci s’observe particulièrement dans l’inégale couverture numérique dont souffrent spécifiquement les territoires ruraux et les outre-mer.
Je prends un exemple concret, la Guyane : ce département ultramarin abrite un centre de recherche spatiale et une base de lancement française et européenne. Nous pourrions imaginer qu’un tel territoire, à partir duquel on est capable de mettre en orbite des fusées, soit à la pointe des nouvelles technologies de télécommunication. Pourtant, la Guyane, mal desservie par les réseaux de téléphonie et internet, pâtit depuis toujours de nombreuses zones blanches. M. Georges Patient, sénateur de la Guyane, évoquait l’année dernière ce problème dans une question écrite au Gouvernement, dans laquelle il indiquait : « en Guyane, [on] constate quotidiennement la qualité médiocre des communications, ainsi que de la connexion internet. » Et il ne s’agit pas là d’un cas isolé.
J’insiste sur ce point, la lutte contre l’illectronisme passe avant tout par une couverture numérique égale sur tout le territoire national. En ce sens, la préconisation du rapport sénatorial visant à établir une cartographie locale de l’exclusion numérique avait toute sa pertinence. Il était également proposé dans ce rapport d’ériger le combat contre l’illectronisme en priorité nationale.
À l’heure du numérique, donner à toutes les Françaises et à tous les Français les moyens de cette transition devrait aller de soi. Je regrette donc profondément que M. le rapporteur ait choisi de manière inexplicable de détricoter un texte qui aurait pu constituer une belle avancée face à un enjeu qui constitue en fait une urgence sociale et sociétale majeure.
M. Guy Benarroche. Bravo !
M. le président. L’amendement n° 41, présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. Le présent amendement tend à supprimer l’article 1er de la proposition de loi, dont les objectifs sont satisfaits par la pratique et le droit existant.
En effet, l’article 1er vise à instituer une étude biannuelle aux fins d’évaluer l’exclusion numérique et les usages de leurs compétences numériques par les citoyens. Il enjoint le Gouvernement à définir un « référentiel commun d’évaluation des capacités numériques » par décret pris en Conseil d’État.
Or le cadre de référence des compétences numériques constitue déjà le référentiel commun desdites compétences, de sorte qu’il serait surabondant d’en élaborer un second. Par ailleurs, des études relatives à l’exclusion numérique existent déjà, à l’instar de celle réalisée annuellement par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) qui l’appréhende sous l’angle tant de l’équipement que des usages des ménages.
C’est la raison pour laquelle je propose la suppression de cet article.
Mon cher collègue Fernique, je veux vous rassurer et je vous demande de rassurer Mme Benbassa : je suis moi aussi pour l’évaluation, surtout quand il s’agit des outre-mer, mais ce n’est pas en inscrivant dans la loi des dispositions qui existent déjà ou qui relèvent du domaine réglementaire que nous remédierons au problème.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le rapporteur, je suis sur la même ligne que vous.
Vous avez raison de dire que l’intention de l’article est parfaitement louable, mais l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) finance déjà des études en la matière, notamment via le Labo Société numérique, et ce depuis 2017 – je pense notamment au Baromètre du numérique et à Capacity.
Il en est de même pour le référentiel européen : il s’appelle DigComp et il est déjà utilisé dans le cadre de Pix, service public en ligne pour évaluer, développer et certifier ses compétences numériques.
Le Gouvernement est donc favorable à l’amendement.
M. le président. En conséquence, l’article 1er est supprimé, et l’amendement n° 3 n’a plus d’objet.
Article 2
La première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 114-3 du code du service national est complétée par les mots : « et un test d’évaluation des compétences numériques ».
M. le président. L’amendement n° 42, présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. Pour les raisons que j’ai déjà expliquées en commission et lors de la discussion générale, je propose également de supprimer l’article 2, qui tend à ajouter un test de compétences numériques au programme de la Journée défense et citoyenneté (JDC), afin d’améliorer la détection de l’exclusion numérique.
En effet, ces compétences sont déjà évaluées par l’éducation nationale en fin de collège et au lycée par le groupement d’intérêt public Pix.
En outre, le programme de la JDC a régulièrement été modifié et densifié au détriment de sa cohérence et de sa réceptivité par un public d’âge compris entre 18 ans et 25 ans. Ajouter un test de compétences numériques viendrait alourdir un programme déjà chargé, sauf à supprimer certains éléments, comme ce fut le cas pour la formation aux gestes de premier secours.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Joël Giraud, secrétaire d’État. L’avis est favorable, monsieur le président. Je me permets simplement d’ajouter, en complément des arguments avancés par M. le rapporteur, que la généralisation du Pix pour les élèves de troisième et de terminale est effective.
M. le président. En conséquence, l’article 2 est supprimé.
Chapitre II
Passer d’une logique de services publics 100 % dématérialisés à une logique de services publics 100 % accessibles
Article 3
La sous-section 2 de la section 1 du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code des relations entre le public et l’administration est complétée par un article L. 112-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 112-6-1. – Tout usager du service public est reçu, à sa demande, dans les sites d’accueil physique des administrations afin de réaliser toute démarche administrative dans un délai raisonnable, au plus tard deux mois à compter de la date de la saisine. L’existence d’un téléservice n’emporte aucune obligation de saisine par voie électronique de l’administration. »
M. le président. L’amendement n° 43, présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. La commission propose la suppression de cet article. En effet, l’objectif recherché par les auteurs du texte est satisfait, notamment par le déploiement des maisons France Services et la mise en place de la plateforme Aidants Connect, dont nous avons parlé tout à l’heure.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État. Avis favorable, pour les raisons que M. le rapporteur vient d’exposer.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Cet article 3 vise à laisser la possibilité d’avoir un contact physique pour ceux qui ne peuvent pas avoir accès au numérique. Je ne vois pas en quoi cette disposition est aujourd’hui satisfaite : par exemple, dans les maisons France Services, on peut avoir un contact avec une personne, mais pas directement avec l’administration concernée par la demande. Ce besoin n’est donc pas du tout satisfait. Il en est de même pour le délai de deux mois. Cet article a tout à fait lieu d’être et je ne comprends pas cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour explication de vote.
Mme Martine Filleul. Le basculement vers le tout-numérique de l’administration s’est traduit par la fermeture physique des services publics dans plusieurs territoires. Cela se révèle encore plus pénalisant pour une partie de nos concitoyens qui ne se trouvent pas en mesure d’utiliser internet. Nous devons être guidés par un seul impératif : l’amélioration du service rendu aux usagers, au moins le temps nécessaire pour que la transformation numérique des personnes publiques soit totalement assimilée. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre cet amendement de suppression.
M. le président. En conséquence, l’article 3 est supprimé.
Article 4
La section 1 du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code des relations entre le public et l’administration est complétée par une sous-section 3 ainsi rédigée :
« Sous-section 3
« Choix des modalités d’échange et de paiement
« Art. L. 112-6-2. – L’usager peut refuser à tout moment et par tout moyen le recours au procédé électronique pour la réalisation ou la poursuite de la démarche administrative.
« Toute notification d’attribution, de suppression ou de révision des droits comportant des délais et des voies de recours est communiquée sous support papier ou sous support électronique. L’accord exprès de la personne destinataire de la notification est recueilli préalablement aux échanges dématérialisés.
« Art. L. 112-6-3. – L’existence d’une offre de paiement des services dématérialisée n’emporte aucune obligation de paiement en ligne. Pour les usagers ne disposant pas d’un compte bancaire, l’administration met en place une modalité de paiement alternative. »
M. le président. L’amendement n° 44, présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article 4, qui permet aux usagers des services publics de choisir les modalités de correspondance avec l’administration, ainsi que les modalités de paiement des services dématérialisés qu’ils souhaitent utiliser.
La commission des lois doute que l’inscription de principes généraux symboliques dans la loi apporte de véritables garanties à l’usager. Là aussi, les avancées en faveur de celui-ci passent d’abord par une succession d’actions concrètes adaptées à chaque procédure.
En outre, la plupart des administrations proposent déjà plusieurs modalités de paiement et de correspondance au choix des usagers. Ainsi, pour déclarer ses revenus à l’administration fiscale, un usager peut utiliser la voie dématérialisée ou indiquer par voie électronique qu’il n’est pas en mesure de le faire et utiliser alors une déclaration sur papier.
Nous sommes tous d’accord : il y a des efforts à faire, mais ce n’est pas par des coups de baguette législative que nous atteindrons notre objectif. Il va falloir user de moyens concrets sur le terrain ; je pense notamment aux maisons France Services, dont la mise en place se poursuit. Le rapport d’information qui est à l’origine de cette proposition de loi montre clairement que les pratiques devront s’adapter pour répondre aux demandes et aux besoins de nos concitoyens. Néanmoins, ce n’est pas en légiférant que nous y parviendrons.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Joël Giraud, secrétaire d’État. Je suis tout à fait d’accord avec la position de M. le rapporteur : il n’est pas nécessaire de légiférer pour mettre en place ces procédures. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement de suppression de l’article 4.
M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour explication de vote.
Mme Martine Filleul. La commission des lois et M. le secrétaire d’État doutent que l’inscription de principes généraux symboliques dans la loi apporte de véritables garanties à l’usager. Pourtant, nos grandes lois sont truffées de principes généraux ! L’égalité des usagers devant le service public est l’un d’entre eux, qu’il convient de décliner à l’échelle nationale comme à l’échelle locale. Il est nécessaire de le rappeler dans la loi et de mettre celle-ci à jour en fonction des évolutions technologiques.
Dès lors, en cohérence avec les arguments que j’ai développés pour nous opposer à la suppression de l’article 3, nous voterons également contre cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. J’irai dans le sens de M. le rapporteur de la commission des lois, mais je reste très attaché au papier, à titre personnel, et je ne suis pas le seul. On a évoqué l’administration fiscale ; j’estime qu’il est important de garder des interlocuteurs de proximité pour l’ensemble de nos services publics. On ne peut pas tout dématérialiser !
Néanmoins, quant à l’objet de cet amendement de suppression, je conviens qu’on ne peut pas tout mettre dans la loi ; l’aspect réglementaire a aussi son importance.
Même si beaucoup de personnes déclarent leurs revenus de façon dématérialisée, il en reste un certain nombre qui, pour différentes raisons, n’en ont pas la possibilité, notamment par absence de connexion internet. Il subsiste des zones d’ombre ! Il y a donc encore des gens – modestement, j’en fais partie – qui font leur déclaration sur papier. Il est important de conserver cette possibilité, par respect pour les usagers, quels qu’ils soient, et dans leur intérêt.
Surtout, il faut garder des interlocuteurs de proximité dans les services publics. La présence humaine est importante.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Marc Laménie. Le tout est de trouver un juste équilibre. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Cela dit, j’irai dans le sens de la commission. (M. Philippe Mouiller applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Écoutez, mes chers collègues, je constate que tout le monde est d’accord pour lutter contre l’illectronisme et est favorable à des principes généreux et généraux, mais, quand il s’agit de mettre ceux-ci en application, on supprime article après article et on détricote notre proposition de loi ! On est en train de la tuer à petit feu !
Éric Gold n’a pas pu rester ce soir pour participer à nos débats ; je me fais donc son porte-parole. En tout cas, je ne comprends pas trop pourquoi on agit de la sorte. Un autre texte va-t-il nous arriver par la suite, qui prévoirait des dispositions luttant contre l’illectronisme ?
À ce stade, le mieux est de terminer rapidement l’examen de ce texte, parce que je souhaite que nous ayons le temps d’adopter ce soir le second texte que notre groupe a fait inscrire à l’ordre du jour ! (Sourires et applaudissements.)
M. le président. Mon cher collègue, en tant que représentant du groupe ayant demandé l’inscription de ce texte à l’ordre du jour, vous avez à tout moment de la discussion la possibilité de le retirer. (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Claude Requier. Continuons son examen, mais ne perdons pas de temps !
M. le président. En conséquence, l’article 4 est supprimé.
Article 5
L’article L. 123-1 du code des relations entre l’administration et le public est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « situation », sont insérés les mots : « , y compris lors de l’accomplissement d’une démarche administrative dématérialisée, » ;
2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Tout site internet public permet à l’utilisateur de procéder à des modifications en raison d’erreurs de saisie, à chaque étape de la démarche administrative. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 45, présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
l’administration et le public
par les mots :
le public et l’administration
II. – Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
III. – Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le premier alinéa est applicable lorsque la méconnaissance ou l’erreur matérielle qu’il vise est commise par un tiers agissant dans l’intérêt ou pour le compte de la personne en cause. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. Mes chers collègues, je vous propose, non pas de supprimer l’article 5, mais simplement de l’amender. (Ah ! sur les travées du groupe RDSE.)
Cet article met en place un droit à l’erreur pour les démarches accomplies en ligne. Or nous savons tous qu’un tel droit, plus général, existe d’ores et déjà et est largement reconnu.
Je propose en revanche, par le présent amendement, de prévoir explicitement que le droit à l’erreur s’applique également, lorsque celle-ci est commise par un tiers agissant dans l’intérêt ou pour le compte de la personne en cause.