M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements ironiques sur plusieurs travées.)
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Expropriation de biens en état d’abandon manifeste
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, la discussion de la proposition de loi visant à moderniser et faciliter la procédure d’expropriation de biens en état d’abandon manifeste, présentée par MM. Jacques Mézard, Jean-Claude Requier et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 263 [2018-2019], texte de la commission n° 516, rapport n° 515).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Claude Requier, auteur de la proposition de loi.
M. Jean-Claude Requier, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens d’abord à saluer l’action de Jacques Mézard, premier signataire de la proposition de loi, en faveur de l’aménagement du territoire, en particulier des villes moyennes, considérées comme des points d’équilibre stratégiques après une période de métropolisation effrénée. Tel est le sens du programme Action cœur de ville, qui vise à revitaliser les centres des 222 villes moyennes sélectionnées. D’autres programmes sont venus ultérieurement compléter cette démarche.
Nos territoires recèlent un potentiel de développement indéniable. Le départ de nombre de nos concitoyens des métropoles vers des villes à taille humaine, à la suite de la crise sanitaire et du recours accru au télétravail, démontre que ces villes n’ont jamais cessé d’attirer en raison du cadre et de la qualité de vie qu’elles offrent.
Pour accompagner ce rééquilibrage de l’espace, les collectivités locales doivent s’adapter en créant de l’habitat et en favorisant l’implantation d’activités économiques et de services publics là où ils tendaient à disparaître. En somme, ce rééquilibrage se traduira par l’éveil des communes dont les centres-bourgs sont peut-être dégradés ou qui comprennent des bâtiments et des terrains en mauvais état, pouvant ressembler par endroits à de véritables dépotoirs.
L’objectif de la présente proposition de loi est d’accompagner la redynamisation de ces collectivités par la mobilisation des biens immobiliers et des terrains existants, mal optimisés du fait du désintérêt de certains propriétaires, qui, pour des raisons diverses, parfois légitimes, les ont délaissés.
L’acquisition du foncier par les collectivités locales a également pour vertu d’être compatible avec la lutte contre l’artificialisation des terres en promouvant une gestion rationnelle du foncier. Celui-ci se faisant rare et cher, nous avons considéré utile de faciliter cette acquisition, en modifiant la procédure d’expropriation des biens en état d’abandon manifeste prévue aux articles L. 2243-1 et suivants du code général des collectivités territoriales.
Créée par la loi du 2 août 1989 portant diverses dispositions en matière d’urbanisme et d’agglomérations nouvelles, la procédure simplifiée d’expropriation pour état d’abandon manifeste, plus allégée et moins coûteuse qu’une procédure d’expropriation de droit commun, permet notamment de s’exonérer du recours à une enquête publique.
Cette procédure a connu plusieurs évolutions récentes.
La loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) a permis aux établissements publics de coopération intercommunale ou aux conseils départementaux de se substituer à la commune sur demande du maire ou en cas d’inaction de la commune dans un délai de six mois à compter de la déclaration d’état d’abandon manifeste.
La loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ÉLAN) a permis d’engager cette procédure sur les parties d’un immeuble situé dans le périmètre d’une opération de revitalisation de territoire, lorsque des travaux ont condamné l’accès à cette partie.
Cette procédure concerne les immeubles ou parties d’immeuble, les voies privées grevées d’une servitude de passage public, les terrains et installations, sans occupant à titre habituel et non entretenus, situés dans le périmètre d’agglomération de la commune. La commune n’aura pas à établir l’existence d’un risque pour la sécurité publique. Elle sera uniquement tenue d’indiquer la nature des désordres affectant le bien. D’après la jurisprudence, le fait qu’un terrain en friche serve d’entrepôt ne constitue pas une motivation suffisante.
Si cette procédure est simplifiée, elle n’en demeure pas moins entourée de formalités et d’étapes telles que : la recherche active des propriétaires, des titulaires de droits réels et des autres intéressés ; une large information du propriétaire et du public dans des délais suffisants ; l’établissement d’un procès-verbal provisoire et d’un procès-verbal définitif ; la constitution d’un dossier d’expropriation simplifié contenant une évaluation sommaire des coûts, une identification précise du bien et le plan parcellaire des terrains et des bâtiments ; la validation du projet par le préfet ; la transmission du dossier au juge de l’expropriation.
Cette procédure est également entourée de garde-fous : elle ne peut s’appliquer qu’aux biens situés dans le périmètre d’une agglomération et au profit de certaines personnes et d’organismes publics et elle doit avoir pour seule finalité soit une opération liée à l’habitat, soit une opération d’intérêt collectif relevant de la restauration, de l’aménagement ou de la rénovation.
La présente proposition de loi vise à apporter des modifications à la marge, en permettant d’exproprier des biens situés en dehors du périmètre d’agglomération, le droit actuel pouvant en effet entraver l’expropriation de corps de fermes situés en bordure des voies publiques. Elle prévoit également d’étendre les finalités de son utilisation en vue de constituer des réserves foncières. Enfin, elle permet à la commune de désigner l’EPCI comme destinataire du bien plus en amont de la procédure.
Mes chers collègues, l’objectif premier de cette procédure n’est pas tant l’expropriation que la cessation de l’état d’abandon manifeste du bien. Il est avant tout de mettre fin à des situations de blocage qui s’enlisent. Les propriétaires sont tout d’abord invités à sortir de l’inertie. Ils disposent de trois mois à compter de l’établissement du procès-verbal provisoire pour réagir. Ils peuvent s’engager à réaliser des travaux dans un délai fixé par une convention conclue avec la commune.
L’atteinte au droit de propriété est donc limitée et proportionnée grâce à une procédure qui n’est pas dénuée de risques juridiques, si elle n’est pas scrupuleusement respectée.
Le droit de propriété est garanti pour la bonne raison qu’il ne peut y avoir d’expropriation que pour cause d’utilité publique. Comme dans le droit commun, le projet ne pourra être déclaré d’utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, éventuellement, les inconvénients d’ordre social ou l’atteinte à d’autres intérêts ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’il présente. Le juge continuera pour sa part d’appliquer la théorie du bilan, en mettant en balance les coûts et les avantages de l’opération, comme il a coutume de le faire depuis l’arrêt du Conseil d’État Ville nouvelle-Est du 28 mai 1971.
Prenant en compte les spécificités locales, nous avons estimé que la priorisation sur les opérations liées au logement, prévue dans le texte initial, ne devait pas être imposée de manière uniforme. C’est la raison pour laquelle nous avons suggéré au rapporteur de préserver l’application de la procédure simplifiée d’expropriation à l’ensemble des opérations d’intérêt collectif qui en bénéficient actuellement.
Cette priorisation ne pouvait avoir de sens dans les communes qui ne connaissent pas de difficultés en matière de logement, celles qui sont en situation de déprime démographique et pour lesquelles la création d’équipements collectifs ou la valorisation économique des biens, reconnue par la jurisprudence, aurait davantage d’intérêt. Je remercie donc le rapporteur d’avoir modifié le texte en ce sens.
Nous regrettons cependant que l’amendement que j’avais déposé visant à rétablir la possibilité pour le département d’acquérir le bien sur demande du maire, ou en substitution, ait été déclaré irrecevable en application de l’article 40 de la Constitution. Il tendait également à ouvrir la voie à la désignation du département comme acquéreur dès le stade du procès-verbal définitif, sur proposition de la commune.
Telles sont donc les grandes lignes de la proposition de loi, attendue par les élus locaux qui s’engagent dans une politique volontariste d’aménagement de leur territoire afin de recréer des bassins de vie. Le groupe du RDSE vous invite à soutenir cette démarche afin de compléter les outils juridiques dont disposent les maires pour concrétiser leurs projets d’intérêt local. Le rôle du Sénat, vous le savez, est d’écouter et de servir les maires. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi visant à moderniser et faciliter la procédure d’expropriation de biens en état d’abandon manifeste, déposée par notre ancien collègue Jacques Mézard – je le salue –, aujourd’hui membre du Conseil constitutionnel, et inscrite à l’ordre du jour de l’espace réservé au groupe du RDSE.
Cette proposition de loi prévoit des modifications ciblées de la procédure de déclaration de parcelle en état d’abandon manifeste prévue par le code général des collectivités territoriales.
Comme vous le savez, il s’agit de l’une des procédures exorbitantes permettant aux communes d’accéder à la propriété en dehors de toute cession à titre onéreux, au même titre que les dons et legs ou l’acquisition des biens sans maître.
La procédure de reconnaissance d’état d’abandon manifeste est originale, puisque le transfert de propriété au bénéfice de la commune n’est pas sa seule finalité. Dans un premier temps, ce transfert est un moyen de pression sur le propriétaire, qui est invité à mettre fin à l’abandon manifeste de son fonds une fois que celui-ci est constaté par le maire. Ce transfert de propriété n’intervient que dans un second temps, si le propriétaire ne s’exécute pas. En ce sens, il peut s’agir pour le maire d’une alternative intéressante aux mesures de police administrative spéciale en matière d’habitat insalubre ou d’immeuble menaçant ruine, s’il souhaite in fine que la commune s’approprie le bien.
Je remercie donc le groupe du RDSE d’avoir déposé ce texte, car cette procédure répond véritablement à une problématique souvent rencontrée par les maires, qui doivent se substituer aux propriétaires défaillants pour effectuer des travaux sans pour autant parvenir à obtenir un quelconque remboursement de leur part.
Elle peut donc être perçue comme une alternative aux astreintes administratives prévues par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique afin d’inciter le propriétaire à mettre lui-même en œuvre les travaux imposés par des mesures de police administrative spéciale.
Comme je l’ai indiqué, l’article unique de la proposition de loi déposée par le groupe du RDSE introduisait des modifications ciblées dans la procédure de déclaration d’état d’abandon manifeste.
La première tendait à supprimer la condition selon laquelle la parcelle concernée doit se situer à l’intérieur du périmètre d’agglomération de la commune. La procédure pourrait donc concerner des biens sur l’ensemble de son territoire.
La deuxième visait à permettre à la commune de prévoir, dès le stade du procès-verbal définitif, que l’expropriation se fasse au profit d’un EPCI, sans attendre le stade de la constitution du dossier.
Enfin, la dernière tendait à ouvrir les catégories de projets pouvant donner lieu à déclaration d’état d’abandon manifeste par le conseil municipal, mais à restreindre ensuite ceux de ces projets qui pourraient donner lieu à expropriation simplifiée.
Seuls les projets en lien avec l’habitat auraient alors pu ouvrir droit à expropriation simplifiée avec, le cas échéant, la possibilité de constituer une réserve foncière en ce sens.
La commission des lois a largement souscrit à la volonté des auteurs de la proposition de loi de simplifier cette procédure pour en améliorer l’efficacité. Ce souhait est d’ailleurs partagé par le Gouvernement, puisque l’article 18 de l’avant-projet de loi dit 4D contient précisément des mesures allant en ce sens.
La commission des lois s’est également montrée très favorable à la suppression de l’exigence relative au périmètre d’agglomération de la commune, car cela facilitera évidemment l’accès des communes au foncier de leur territoire. Cette suppression contribue aussi à reconnaître que l’abandon de parcelles peut être préjudiciable, lorsque ces dernières sont isolées, notamment lorsqu’elles se situent à l’entrée de certaines villes ou de certains villages, car elles en donnent alors une image très négative.
En outre, la suppression de ce critère pourrait permettre aux communes ou aux EPCI d’utiliser cette procédure pour créer à l’extérieur des centres-bourgs des locaux techniques en lien avec les compétences qu’ils exercent. Je pense qu’il s’agit d’une véritable opportunité qu’il nous faut saisir.
Enfin, la commission a été très favorable à ce que la commune puisse faire bénéficier l’EPCI de l’immeuble exproprié dès le début de la procédure, sans remettre en cause la possibilité qui lui est laissée de reprendre une procédure engagée par une commune, mais non conduite à son terme.
En revanche, en accord avec le groupe du RDSE, la commission des lois n’a pas été favorable à la modification technique qui tendait à ouvrir les catégories de projets pouvant donner lieu à déclaration d’état d’abandon manifeste, mais à restreindre ensuite ceux de ces projets qui auraient pu donner lieu à expropriation simplifiée.
La modification proposée dans la proposition de loi initiale n’allait pas dans le sens présenté dans l’exposé des motifs, puisqu’elle limitait les cas permettant une expropriation simplifiée aux seuls projets en lien avec l’habitat.
La jurisprudence nous a montré qu’en l’état actuel du droit un conseil municipal peut déclarer une parcelle en état d’abandon manifeste pour construire, par exemple, un chantier naval, en passant par une expropriation simplifiée, puisqu’il s’agit d’un projet d’intérêt collectif.
Avec la proposition de loi initiale, ce projet aurait toujours pu donner lieu à une déclaration d’état d’abandon manifeste, mais il aurait fallu passer par une expropriation classique, s’agissant d’un projet sans lien avec l’habitat. La procédure de déclaration d’état d’abandon manifeste aurait donc perdu tout son sens pour ce type de projet.
Aussi, la commission des lois a adopté un amendement visant à revenir sur cette seule modification de la procédure, tout en permettant la mise en œuvre de la procédure pour la création de réserves foncières, comme le prévoyait la proposition de loi initiale.
Le seul amendement que je vous présenterai aujourd’hui est de nature technique et rédactionnelle.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, je vous invite à adopter ce texte, qui apporte des solutions efficaces et pragmatiques pour la gestion du foncier de nos territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, avec cette proposition de loi, vous nous donnez l’occasion de débattre d’un sujet qui est au cœur des préoccupations de tous les territoires, particulièrement les territoires ruraux.
Nous sommes, toutes et tous, particulièrement attachés à dynamiser et développer nos territoires – pour avoir été maire pendant vingt-sept ans, je peux en témoigner.
Les élus locaux ne ménagent pas leurs efforts pour que leurs villes et leurs centres-bourgs soient attractifs. La qualité du cadre de vie est un facteur essentiel de succès et d’attractivité. Cet engagement est, au fond, l’une des premières marques d’attachement à notre patrimoine et à ses habitants.
Or chacun d’entre nous a en tête, dans son cœur de ville et de village, un bien abandonné – souvent plusieurs, d’ailleurs – qui se dégrade. Ce sont des verrues – il n’y a pas d’autres mots –, qui peuvent parfois mettre en péril tous nos efforts pour rénover un centre-ville. Je tiens à préciser que ces phénomènes ne se situent pas que dans les centralités.
L’entretien de ces biens et, le cas échéant, leur récupération pour conduire les opérations de réaménagement constituent souvent un facteur clé d’une stratégie de redynamisation des centres-villes et des centres-bourgs. Le dispositif relatif aux biens en état d’abandon manifeste du code de l’urbanisme le permet, bien souvent avec succès.
Pour autant, le nombre important de biens qui semblent abandonnés doit nous interpeller sur ce dispositif pour l’améliorer. Il s’agit d’un sujet d’actualité, alors que l’Assemblée nationale examine en ce moment même le titre IV du projet de loi dit climat et résilience, dédié à l’artificialisation des sols.
En effet, nous devons freiner l’étalement urbain, dont nous mesurons chaque jour les conséquences non seulement écologiques, avec la disparition des terres, lesquelles stockent tout de même 10 % de nos gaz à effet de serre, et la perte de biodiversité, mais aussi économiques et sociales du fait de l’éloignement de l’habitat des lieux d’activités et de services et de l’autosolisme contraint, de plus en plus coûteux pour beaucoup de nos concitoyens, généralement les plus modestes. Ce phénomène n’est pas pour rien dans la dévitalisation de nos centres-villes et centres-bourgs.
Nous ne pouvons y parvenir qu’en modifiant durablement la manière dont nous aménageons le territoire, ce qui nécessite d’intervenir sur deux sujets essentiels. Recycler les zones déjà urbanisées doit devenir plus facile que de faire de l’étalement urbain. C’est l’un des objets de cette proposition de loi qui vise à faciliter la récupération des biens en état d’abandon manifeste. Il nous faut aussi rendre nos zones urbaines désirables, agréables à vivre. C’est indispensable, car habiter en périphérie des villes – à proximité, mais pas trop près quand même –, est une préférence partagée par la majorité des Français. Nous ne réussirons qu’en donnant des perspectives positives sur nos zones urbaines et rurales. C’est aussi l’objet de ce texte, qui tend à traiter la question des verrues qui défigurent nos villes et nos villages.
Le Gouvernement est mobilisé depuis quatre ans dans l’objectif de revitaliser nos territoires, nos petites villes et nos villes moyennes. Il s’agissait d’ailleurs de l’un des principaux engagements de Jacques Mézard, qui avait donné le coup d’envoi avec Action cœur de ville : 222 villes, 5 milliards d’euros et de nombreux outils pour redynamiser et rénover en profondeur nos centres-villes. Les résultats sont là : plus de 2 milliards d’euros déjà engagés et près de 50 000 logements rénovés. Que Jacques Mézard soit l’auteur de cette proposition de loi n’aura donc surpris personne !
Nous poursuivons cet effort avec Jacqueline Gourault et, grâce à l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), à travers le programme Petites villes de demain que nous avons lancé en octobre dernier à Barentin, près de 1 624 centralités vont être accompagnées, dont près de la moitié compte moins de 3 500 habitants.
En parallèle, nous accompagnons la redynamisation économique grâce au programme Territoires d’industrie et aux sites clés en main pour faciliter la réinstallation d’entreprises sur des friches urbaines.
Nous accompagnons également la transition numérique grâce au plan France Très haut débit, qui permettra de couvrir l’ensemble du territoire dès l’année prochaine.
Enfin, nous remettons des services publics, grâce à France Services. Il nous faut en effet mobiliser tous les leviers pour que la redynamisation des territoires, qui profite en ce moment d’une dynamique favorable du fait de la crise sanitaire, soit véritablement une tendance de long terme.
Le projet de loi dit 4D, qui sera présenté ici même au mois de juillet prochain, entend poursuivre cet effort. Nous allons notamment favoriser l’accès au dispositif clé pour l’attractivité des territoires : l’opération de revitalisation des territoires (ORT).
Nous avons également prévu de traiter la question des biens abandonnés en réformant la procédure des biens sans maître : ces derniers pourront être récupérés sous dix ans et non plus trente, comme le prévoit le droit actuel.
Nous entendons aussi moderniser les procédures liées aux biens en état d’abandon manifeste. Le texte issu des travaux de la commission est d’ailleurs très proche de celui que nous envisageons. À ce titre, j’y suis favorable : cette procédure doit pouvoir être mobilisée pour constituer des réserves foncières – c’est un préalable pour conduire les opérations de réaménagement de nos centres-villes et centres-bourgs. Elle doit aussi pouvoir s’appliquer sur l’ensemble de la commune – si de nombreux biens sont en centre-ville, il en existe aussi en périphérie. Tous les biens « récupérables » doivent pouvoir faire l’objet de cette procédure, où qu’ils se trouvent : leur recyclage ou leur rénovation permettra d’éviter autant de constructions sur nos terres agricoles.
Toutefois, certains points nécessitent encore des clarifications, notamment pour mettre en œuvre le droit de préemption urbain. C’est d’ailleurs le sens de l’amendement technique que vous avez déposé, monsieur le rapporteur, et auquel je suis favorable. Le Gouvernement soutiendra, sans réserve, l’adoption du texte ainsi complété. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. André Guiol applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mobilisation du foncier constitue un enjeu majeur pour les maires, en particulier dans le tissu rural, afin de favoriser le développement de leur commune et l’implantation d’activités économiques et de services publics, mais aussi de répondre à la demande croissante de logements.
L’objectif de cette proposition de loi est d’accompagner et de soutenir la revitalisation des communes face au problème croissant de la sous-optimisation des biens immobiliers et des terrains abandonnés par leurs propriétaires.
La procédure d’expropriation des biens en état d’abandon manifeste, exposée au sein du code général des collectivités territoriales, permet à la commune, à l’intercommunalité ou au conseil départemental de se saisir, sous réserve de l’inaction du propriétaire trois mois après sa mise en demeure, des biens qui ne sont manifestement plus entretenus. Cette procédure simplifiée peut être réalisée sans enquête publique.
Cette proposition de loi vise à corriger des dysfonctionnements dans la mise en œuvre de cette procédure, tout en ne portant qu’une atteinte limitée au droit de la propriété, reconnu comme principe à valeur constitutionnelle, et ce dans le respect du cadre juridique existant grâce aux diverses garanties procédurales prévues et au contrôle du juge en bout de chaîne. Je rappelle d’ailleurs que l’objectif premier n’est pas l’expropriation des biens, mais la cessation de l’état d’abandon manifeste.
La suppression de la limite du périmètre permettra, par exemple, de prévenir d’éventuels contentieux sur les biens et parcelles situés hors de l’agglomération. Aujourd’hui, la délimitation n’est pas toujours évidente. Elle permettra également d’améliorer l’esthétique des paysages, dont les maires se font les garants. L’actuelle limitation ne se justifie pas : un bien abandonné reste un bien gênant, où qu’il se trouve. Cette situation reste préjudiciable, notamment lorsque les parcelles se situent à l’entrée des communes.
Au-delà de la valorisation du territoire, la proposition de loi concourt également à aider les maires soumis à l’objectif de zéro artificialisation des sols dans le cadre de la transition écologique que notre société doit opérer.
De même, elle participe à un effort de simplification partagé par le Gouvernement et va dans le sens de l’article 18 de l’avant-projet de loi dit 4D qui devrait, je l’espère, être examiné prochainement (Sourires.) par le Parlement.
Enfin, je profite de cette tribune pour évoquer la procédure d’acquisition d’un bien sans maître qui reste excessivement longue et qu’il serait également pertinent de dépoussiérer.
En effet, lorsqu’il est connu, le décès du propriétaire sans héritier doit être constaté depuis plus de trente ans. Si le propriétaire n’est pas connu, il demeure possible de récupérer le bien, lorsque les taxes foncières n’ont pas été acquittées depuis plus de trente ans. Cette question mériterait un débat à part entière…
Cette proposition de loi de Jacques Mézard et Jean-Claude Requier, qui me semble faire l’objet d’un soutien unanime, est très attendue par les élus locaux qui s’engagent dans une action volontariste de redynamisation de leurs territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC. – M. Laurent Burgoa applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme lors de l’examen du texte précédent, je souhaite souligner l’importance de l’initiative parlementaire. Il n’y a pas, d’un côté, de « grands » textes gouvernementaux et, de l’autre, de « petits » textes parlementaires.
Cette proposition de loi est l’occasion d’évoquer la réalité vécue par les élus locaux et les difficultés auxquelles ils sont confrontés. Elle fait écho à un autre texte que nous avons adopté voilà quelques années, sur l’initiative du même groupe politique – la proposition de loi modernisant le régime des sections de commune –, source de réelles avancées.
La question des biens en état d’abandon – immeubles, parties d’immeubles, voies privées grevées d’une servitude de passage public, terrains… – est un vrai sujet, notamment dans les zones rurales. Au quotidien, ces biens posent problème dans la maîtrise de l’aménagement communal. Nous tenons à saluer le travail du rapporteur qui a soutenu l’élargissement du périmètre au-delà de celui dit d’agglomération de la commune.
Nous avons tous en tête des exemples de bâtiments abandonnés ou menaçant ruine qui posent de réels problèmes, souvent en centres-bourgs, mais aussi en dehors de la zone d’agglomération.
Avec cette proposition de loi, les communes pourront se réapproprier la maîtrise de ces biens et donc, plus largement, l’aménagement de leur territoire afin d’apporter de meilleures réponses aux besoins des habitants.
Vous connaissez notre sensibilité : nous sommes vigilants à ce que des bâtiments d’habitation déclassés restent destinés au logement. Nous pensons toutefois que certaines évolutions peuvent être bienvenues, si elles répondent à l’intérêt général.
La nature peut évidemment prêter au romantisme, mais un élu local n’apprécie jamais de devoir gérer au quotidien ce genre de situation d’abandon. Mieux vaut un bien au service de l’intérêt général, comme un local technique, plutôt qu’un bien ou un terrain plus entretenu ou délabré.
Eu égard au travail de la commission des lois, le groupe CRCE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE. – M. Henri Cabanel applaudit également.)