M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui démontre la volonté du Sénat de simplifier la vie des collectivités territoriales.
Nous, sénateurs, sommes en effet régulièrement interpellés par les maires de nos départements sur les difficultés qu’ils rencontrent concernant des immeubles ou des terrains délaissés. À la suite de mes visites dans les communes de Moselle, je peux attester qu’il s’agit d’un sujet récurrent.
Il est tout naturel que notre assemblée se soit saisie de cette proposition de loi visant à moderniser et faciliter la procédure d’expropriation de biens en état d’abandon manifeste.
La négligence des propriétaires, leur éloignement géographique ou les problèmes successoraux font que ces biens non entretenus se dégradent peu à peu.
Face à l’inaction de ces propriétaires, les municipalités se trouvent empêchées d’aménager l’espace pour y accueillir de nouveaux habitants, implanter des services ou valoriser économiquement le territoire. Ce phénomène prend une forme encore plus aiguë dans les communes rurales, où le droit de la mise en péril s’applique difficilement.
La procédure de la déclaration de parcelle en état d’abandon manifeste permet à la commune de déclarer en « état d’abandon manifeste » une série de biens, dans le but d’amener le propriétaire à faire cesser cet état. Engagée par le maire, la procédure permet de déterminer les parcelles, de notifier au propriétaire le procès-verbal établissant l’état d’abandon manifeste et de lui imposer un délai de trois mois pour se manifester.
À l’issue de ce délai, sans réponse ni action de sa part, un procès-verbal permet d’établir l’état d’abandon définitif. Selon une procédure simplifiée, une expropriation peut être engagée, à condition qu’elle ait pour but la construction de logements ou tout objet d’intérêt collectif.
La commission des lois et son rapporteur, M. François Bonhomme, ont été favorables à l’esprit général du texte, mais ont souhaité l’améliorer et le conforter.
Notre commission a conservé deux points positifs : la levée du « périmètre d’agglomération de la commune », qui permettra au maire d’agir sur l’ensemble du territoire, et la possibilité dont disposera l’EPCI de devenir bénéficiaire de l’expropriation.
En revanche, afin de clarifier le texte et de le rendre plus cohérent, il n’a pas été jugé utile de retenir les dispositions ayant pour conséquence de ne réserver la procédure d’expropriation simplifiée qu’aux opérations liées à l’habitat. Cela semblait en contradiction avec les objectifs mêmes de la proposition de loi.
Le rapporteur a judicieusement élargi la liste des projets permettant la déclaration d’état d’abandon. Il a cependant veillé à ne pas faire bouger les lignes de façon excessive entre la procédure normale, relevant du code de l’expropriation, et la procédure dérogatoire. Il était également important de garantir le respect du droit de propriété, en conservant cette liste au stade de la procédure normale.
Je voudrais rendre hommage à l’excellent travail réalisé par le rapporteur de la commission des Lois, M. François Bonhomme.
Nous souhaitons que les maires puissent agir plus librement pour aménager l’espace et y accueillir des habitants, des services et des activités économiques, à l’heure où la ruralité connaît une nouvelle attractivité.
À cette fin, la proposition de loi, améliorée par les travaux de la commission, constitue un bon véhicule législatif. Elle est aussi un prélude à nos travaux sur le projet de loi 4D, qui sera examiné par le Parlement dans les prochaines semaines. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. » Tels sont les termes du dix-septième et dernier article de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Pour la première fois, la notion de nécessité publique faisait son apparition dans un texte, qui est désormais de valeur constitutionnelle. Plus de 230 ans plus tard, c’est ce même impératif de nécessité publique qui conduit le législateur à faire évoluer le droit sur le sujet et à renforcer les prérogatives des collectivités en matière d’urbanisme.
Les dernières décennies ont été ponctuées d’évolutions majeures et rapides en matière de logement en France, chacune d’entre elles se proposant d’être une réponse aux nouveaux enjeux de transition écologique et de modernisation des territoires : les lois ALUR, puis ÉLAN, la création de l’ANCT, l’Agence nationale de la cohésion des territoires, interlocutrice privilégiée de l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, et de l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine.
L’urbanisme est la pièce maîtresse de cette proposition de loi qui souhaite renforcer les capacités des maires en la matière. Ce sont bien eux qui détiennent la connaissance la plus fine des besoins de leur collectivité en termes de construction et de développement urbain.
Les biens immobiliers laissés à l’abandon, nombreux dans la ruralité comme en ville, sont créateurs d’un certain lot de retombées particulièrement délétères pour les communes. Ces fameux « biens sans maître » immobilisent des parcelles parfois précieuses, là où l’évolution rapide des valeurs foncières recommanderait une valorisation sans délai du terrain.
Qu’ils soient localisés à l’entrée ou dans les centres des bourgs, ces biens nuisent à l’attractivité et à l’image globale de la commune. Ils favorisent le développement des squats et des nuisances diverses qui en découlent – insalubrité, vétusté –, sans compter les risques sécuritaires, qui font encore peser sur les épaules des maires une responsabilité périlleuse – danger d’effondrement, non-entretien des installations électriques ou de gaz, etc.
À l’heure de la cohésion des territoires et de leur valorisation économique, il s’agit d’une mesure de bon sens que d’enrichir l’arsenal des maires, afin de remédier à ce phénomène. L’élargissement de la compétence d’expropriation à l’ensemble du territoire de la commune, et non plus à son seul périmètre d’agglomération, est une première pierre dans l’édifice de la continuité urbaine des territoires, à plus forte raison à l’heure des fusions de communes et de la montée en compétence des intercommunalités.
Assurer le développement du tissu construit entre plusieurs centres-bourgs, le long des axes routiers, sera une façon de se prémunir contre le maintien d’îlots mal connectés et mal urbanisés et d’assurer une plus grande connexion entre les territoires.
L’amendement déposé par M. le rapporteur visant à prévoir le critère de constitution de réserves foncières est un remède judicieux pour pallier la crise du logement et les tensions dans la détermination de nouvelles parcelles constructibles.
Enfin, l’inclusion des EPCI dans les bénéficiaires des terrains expropriés est un levier de choix pour soutenir leur montée en compétence.
Force est donc de constater la grande plus-value de ces propositions portées par M. Jean-Claude Requier et appuyées par notre collègue rapporteur François Bonhomme. Le groupe Les Républicains votera donc ce texte, dont il salue la vision d’avenir pour l’urbanisme dans nos territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDSE.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à moderniser et faciliter la procédure d’expropriation de biens en état d’abandon manifeste
Article unique
Le chapitre III du titre IV du livre II de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le second alinéa de l’article L. 2243-1 est supprimé ;
2° La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 2243-3 est ainsi modifiée :
a) Après le mot : « commune, », sont insérés les mots : « d’un établissement public de coopération intercommunale, » ;
b) Sont ajoutés les mots : « , soit de la création de réserves foncières permettant la réalisation de telles opérations » ;
3° L’article L. 2243-4 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) Au troisième alinéa, après le mot : « habitat », sont insérés les mots : « dont est membre la commune » ;
c) Au 3°, les mots : « collectivité publique ou l’organisme » sont remplacés par les mots : « commune, l’établissement public de coopération intercommunale, l’organisme ou le concessionnaire mentionné au premier alinéa de l’article L. 2243-3 » ;
d) (Supprimé)
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, sur l’article.
M. Patrick Chaize. Monsieur le président, je serai bref, mais je tiens à faire part de ma déception. L’amendement que j’avais déposé et qui avait pour objet d’étendre les dispositions de la proposition de loi aux parcelles boisées a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Nous pourrions pourtant nous retrouver, me semble-t-il, sur une mesure visant à faire bénéficier les parcelles boisées de la simplification introduite par la proposition de loi.
Je le rappelle, les parcelles boisées non exploitées, c’est-à-dire en état d’abandon, sont dangereuses pour nos concitoyens et elles peuvent gêner l’exploitation et la gestion des forêts, notamment des forêts communales.
Monsieur le secrétaire d’État, j’attire votre attention sur ce point. Si j’ai bien compris, cette disposition sera inscrite dans le projet de loi 4D. Il conviendra alors de prendre en compte ce sujet et d’y apporter une réponse.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, je veux saluer l’initiative de nos collègues du groupe du RDSE, ainsi que les orateurs qui se sont exprimés et le travail mené par M. le rapporteur.
Je le rappelle, de nombreuses communes sont concernées par le problème soulevé par ce texte, Antoine Lefèvre l’a dit. Une bâtisse à l’abandon est vite squattée et dégradée ; elle se transforme, comme l’ont dit certains orateurs, en une véritable verrue.
Il existe des vides juridiques et les problèmes de succession sont très compliqués, notamment dans le cadre des indivisions. Ainsi, le partenariat avec les notaires et les services de l’État est indispensable.
Mme Sollogoub l’a dit, des problèmes de financement se posent également. La DETR comme la DSIL, la dotation de soutien à l’investissement local, devraient pouvoir aider les collectivités en la matière.
L’adoption de ce texte permettra d’aménager les cœurs des villes et des villages. La question relève donc vraiment de l’aménagement du territoire. Il s’agit d’aider l’investissement de nos collectivités locales, de manière à avoir des communes accueillantes.
Je soutiens bien entendu ce texte, qui va dans le bon sens.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, sur l’article.
M. Daniel Gremillet. Je me réjouis de l’adoption de ce texte et je constate qu’il est très équilibré par rapport au droit de la propriété.
Il nous permettra d’aborder un autre aspect, celui de la fiscalité. Aujourd’hui, lorsque vous rénovez un bâti à l’abandon, la partie habitable est traitée différemment, d’un point de vue fiscal, des autres parties – je pense notamment aux anciens corps de ferme. Une telle situation engendre d’importants problèmes en termes de moyens qui peuvent être consacrés à la rénovation.
Je me réjouis donc de l’adoption de ce texte. Il est essentiel pour l’ensemble de notre territoire et nous permettra de traiter d’autres aspects, encore orphelins à l’heure actuelle. C’est pourquoi je remercie à mon tour le groupe du RDSE.
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par M. Bonhomme, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
a) Le mot : « organisme » est remplacé par les mots : « établissement public de coopération intercommunale ou d’un organisme » ;
II. – Alinéa 9
1° Après les mots :
3°, les mots : «
insérer le mot :
la
2° Remplacer les mots :
commune, l’établissement public de coopération intercommunale, l’organisme ou le concessionnaire mentionné au premier alinéa de l’article L. 2243-3
par les mots :
le bénéficiaire
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Bonhomme, rapporteur. Le présent amendement vise à apporter des précisions rédactionnelles.
D’une part, il tend à préciser que la déclaration d’état d’abandon manifeste ne peut être prononcée que pour les établissements publics de coopération intercommunale « y ayant vocation », c’est-à-dire ceux qui détiennent une compétence habitat ou aménagement correspondant aux opérations justifiant l’expropriation.
D’autre part, il tend à ce que les règles fixant la forme des arrêtés pris par le préfet pour déclarer l’utilité publique de l’immeuble en cause prennent en considération toutes les catégories de bénéficiaires au profit desquels l’expropriation peut être poursuivie.
M. le président. Le sous-amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 4, alinéa 3
Remplacer les mots :
d’un organisme
par les mots :
de tout autre organisme
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État. Le présent sous-amendement est d’ordre rédactionnel.
Je précise tout de suite que le Gouvernement est favorable à la précision introduite par l’amendement présenté par la commission, sans laquelle les départements, par exemple, seraient exclus de l’attribution, ce qui ne serait pas bienvenu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 5 ?
M. François Bonhomme, rapporteur. La commission n’a pas pu se prononcer sur ce sous-amendement. Toutefois, à titre personnel, j’y suis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4, modifié.
(L’amendement est adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements.)
6
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 15 avril 2021 :
De dix heures trente à treize heures et de quatorze heures trente à seize heures :
(Ordre du jour réservé au groupe INDEP)
Proposition de loi visant à orienter l’épargne des Français vers des fonds souverains régionaux, présentée par Mme Vanina Paoli-Gagin et plusieurs de ses collègues (texte n° 385, 2020-2021) ;
Proposition de loi d’expérimentation visant à favoriser le retour à l’emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active, RSA, présentée par M. Claude Malhuret et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 518, 2020-2021).
De seize heures à vingt heures :
(Ordre du jour réservé au groupe CRCE)
Proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à envisager la poursuite de la procédure de ratification du CETA, présentée par de M. Fabien Gay et plusieurs de ses collègues (texte n° 249 rectifié, 2020-2021) ;
Proposition de loi visant à garantir effectivement le droit à l’eau par la mise en place de la gratuité sur les premiers volumes d’eau potable et l’accès pour tous à l’eau pour les besoins nécessaires à la vie et à la dignité, présentée par Mme Marie-Claude Varaillas, M. Gérard Lahellec et plusieurs de leurs collègues (texte n° 375, 2020-2021).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 15 avril 2021, à zéro heure quinze.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER