Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. Le sujet que soulèvent les auteurs de cet amendement est particulièrement intéressant. J’aimerais connaître l’avis du Gouvernement. Je profite de l’occasion pour vous interroger sur deux points, madame la ministre.
Premièrement, pourriez-vous nous éclairer sur les raisons pour lesquelles un tel dispositif, qui permettait de couvrir les moyens supplémentaires de sécurité aérienne induits par l’installation d’éoliennes, est devenu inapplicable en 2017 ? Pourquoi la question n’a-t-elle pas été anticipée dans la rédaction de l’ordonnance de 2017, qui a instauré des dispenses de permis de construire ?
Deuxièmement, le problème des interférences entre les éoliennes et les radars aériens est connu depuis près de vingt ans. À l’heure où nous cherchons à développer les énergies renouvelables, quel est votre regard sur le sujet ? Quels sont les moyens mis en œuvre pour éviter de telles perturbations ?
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, ministre. Le sujet est complexe. Il faut évidemment concilier la sécurité aérienne et celle de notre défense avec le développement des énergies renouvelables.
Si la possibilité qu’évoquent les auteurs de l’amendement n° 2095 a été retirée, c’est tout simplement qu’elle était peu utilisée. Lors de la refonte du système pour créer l’autorisation environnementale unique, cette question est passée entre les mailles du filet. Nous nous apercevons aujourd’hui qu’il est dommage de se priver d’une telle possibilité. J’indique donc d’ores et déjà que je suis favorable à cet amendement.
Ainsi que cela a été souligné hier, plus on a de limitations à cause des radars militaires, plus l’espace sur lequel il est possible d’installer des éoliennes se réduit : d’où les problèmes d’encerclement qu’ont pu ressentir un certain nombre de nos concitoyens. Un groupe de travail commun au ministère des armées et au ministère de la transition écologique essaye actuellement de trouver des solutions, en faisant du benchmark pour étudier ce qui se pratique dans d’autres pays et se servir des retours d’expérience pour ajuster au mieux notre action.
Quoi qu’il en soit, conditionner l’autorisation d’un parc à la prise en charge d’un radar militaire par les développeurs est une bonne proposition. Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis de la commission ?
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. Dans ces conditions, la commission est également favorable à l’amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 22.
Les amendements nos 602 rectifié et 999 rectifié bis ne sont pas soutenus.
Article 22 bis A
La section 1 du chapitre II du titre V du livre III du code de l’énergie est complétée par un article L. 352-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 352-1-1. – Lorsque les capacités de stockage d’électricité ne répondent pas aux objectifs pris en application de la loi mentionnée au I de l’article L. 100-1 A ou de la programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141-1 ou lorsque le bilan prévisionnel pluriannuel mentionné à l’article L. 141-8 met en évidence des besoins de flexibilité, l’autorité administrative peut recourir à la procédure d’appel d’offres, en distinguant, le cas échéant, les différentes catégories de stockage parmi lesquelles les stations de transfert d’énergie par pompage, les batteries et l’hydrogène, selon des modalités définies par décret pris après avis de la Commission de régulation de l’énergie.
« Le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité organise la concertation sur les modalités techniques de mise à disposition des flexibilités sur le système électrique, en lien avec les professionnels des catégories de stockage précitées et les gestionnaires du réseau public de distribution d’électricité, en fonction des orientations fixées par l’autorité administrative. Il propose les modalités correspondantes à l’autorité administrative.
« Le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité est chargé d’analyser les offres et propose à l’autorité administrative un classement des offres, selon des procédures concurrentielles, non discriminatoires et transparentes. L’autorité administrative désigne le ou les candidats retenus. L’autorité administrative a la faculté de ne pas donner suite à l’appel d’offres. Elle veille notamment à ce que la rémunération des capitaux immobilisés par le ou les candidats retenus n’excède pas une rémunération normale des capitaux compte tenu des risques inhérents à ces activités.
« Le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité est tenu de conclure, dans les conditions fixées par l’appel d’offres, un contrat rémunérant les capacités de stockage du ou des candidats retenus en tenant compte du résultat de l’appel d’offres. »
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Avant d’entamer l’examen de l’article 22 bis A, je souhaite préciser les orientations que la commission des affaires économiques a retenues sur le volet du projet de loi relatif aux énergies. Je dois le dire d’emblée, j’ai été plutôt déçu par ce volet.
En effet, 25 % des dispositions issues du compromis trouvé par le Sénat et l’Assemblée nationale dans le cadre de la loi relative à l’énergie et au climat sont modifiées dans le texte.
Plus encore, la version initiale de ce volet du projet de loi se limitait à quelques dispositions parfois cosmétiques alors que la lutte contre les dérèglements climatiques passe d’abord par la transition et l’efficacité énergétiques, donc par la décarbonation.
C’est pourquoi la commission a jugé indispensable de consolider ce volet du texte. Elle a veillé à préserver les grands principes de notre système énergétique : libre administration des collectivités, protection des consommateurs, prix unique de l’électricité et propriété publique des réseaux.
Au-delà de ces modifications, elle a voulu conforter l’objectif de décarbonation du texte en comblant plusieurs lacunes sur l’hydroélectricité, notre première source d’énergie renouvelable, sur le nucléaire, au fondement des trois quarts de notre mix énergétique, ainsi que sur l’hydrogène renouvelable et bas-carbone, énergie largement évoquée mais peu soutenue.
À cette fin, elle a repris les dispositions de la proposition de loi tendant à inscrire l’hydroélectricité au cœur de la transition énergétique et de la relance économique, adoptée par le Sénat le 13 avril dernier. Elle a aussi fixé le principe selon lequel aucun réacteur nucléaire ne peut être arrêté en l’absence de capacité équivalente de production renouvelable nouvelle. Enfin, elle a introduit pour l’hydrogène un cadre stratégique et des mécanismes incitatifs. Ce serait une première législative depuis la loi relative à l’énergie et au climat.
Je remercie Marta de Cidrac, rapporteure de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, de nos échanges approfondis sur le sujet et du travail réalisé. Je souhaite que ce volet ainsi consolidé pose les fondements d’un modèle moins émissif et plus résilient.
Mme la présidente. L’amendement n° 1838, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
est tenu de conclure
par les mots :
conclut
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 2279, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Après l’article L. 121-8-1 du code de l’énergie, il est inséré un article L. 121-8-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 121-8-2. – En matière de capacités de stockage d’électricité, les charges imputables aux missions de service public comprennent les coûts supportés par le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité résultant de la mise en œuvre des appels d’offres incitant au développement des capacités de stockage d’électricité mentionnés à l’article L. 352-1-1. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Barbara Pompili, ministre. L’article 22 bis A du projet de loi prévoit la possibilité de recourir à des appels d’offres pour favoriser le développement des capacités de stockage d’électricité en vue de répondre aux besoins de flexibilité du système électrique.
Le gestionnaire de réseau serait ainsi tenu de conclure des contrats avec des lauréats des appels d’offres pour leur apporter un soutien financier selon les modalités prévues dans ce cadre.
L’amendement vise à compléter le dispositif en permettant que le gestionnaire de réseau de transport soit compensé des charges qu’il supporte en application de ces contrats via des charges de service public de l’énergie. Cela existe déjà pour d’autres dispositifs de soutien en matière d’électricité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 22 bis A, modifié.
(L’article 22 bis A est adopté.)
Article 22 bis BA (nouveau)
Le I de l’article L. 100-4 du code de l’énergie est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les fermetures de réacteurs nucléaires, prévues par la programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141-1 ou en application du 4° du I de l’article L. 100-1 A, ne peuvent intervenir qu’à l’issue de la mise en service de capacités de production d’énergies renouvelables, définies à l’article L. 211-2, permettant de produire un volume d’énergie équivalent à la production des réacteurs nucléaires dont la fermeture est programmée. »
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Moga, sur l’article.
M. Jean-Pierre Moga. Le nucléaire, c’est l’éléphant dans le couloir de la stratégie carbone ! Il est tellement gros qu’on ne le voit plus.
Madame la ministre, vous le savez mieux que personne, on aura beau bricoler tout ce qu’on voudra, interdire les vols sur les trajets courts, passer au Oui Pub, réemployer les bouteilles, bref contraindre chaque instant de la vie des Français, on ne parviendra pas à la neutralité carbone sans le nucléaire !
C’est pourquoi il nous semblait impensable que le présent projet de loi, colonne vertébrale de la stratégie française de la transition climatique, reste muet sur le sujet. Nous nous sommes donc félicités de l’introduction de l’article 22 bis BA.
Néanmoins, le texte est largement perfectible. Il énonce que les fermetures de réacteurs nucléaires prévues par la loi Énergie-climat ne peuvent être décidées qu’à condition d’avoir développé la capacité électrique équivalente en énergies renouvelables. Cela pose deux problèmes majeurs.
Le premier est d’ordre écologique. Cela revient à entériner le fait que le développement des énergies renouvelables doit servir seulement à compenser la baisse du nucléaire, et non à décarboner notre mix énergétique. Les amendements nos 657 rectifié bis et 516 rectifié visent à mettre en place des mesures qui remédieraient à ce problème de taille. Nous ne voterons l’article que sous réserve de leur adoption.
Le second problème est technique. À partir de quand les capacités d’énergies renouvelables développées sont-elles prises en compte ? Faut-il comprendre que les capacités renouvelables actuellement constituées autorisent la fermeture de x réacteurs ? Cette imprécision majeure est d’ailleurs relevée par le Gouvernement dans l’exposé des motifs de son amendement de suppression.
Compte tenu de la rédaction de l’article, il semble clair que les capacités énergétiques visées sont celles qui sont déjà constituées, c’est-à-dire, en quelque sorte, le stock existant d’énergies renouvelables.
Le dispositif proposé n’a donc, en l’état actuel, aucune chance de ralentir le rythme de fermeture des réacteurs, puisque la production de l’ensemble des énergies renouvelables actuellement disponibles en France représente 30 % de ce que produit le nucléaire. Autrement dit, le stock existant de renouvelables permet déjà de fermer 30 % des réacteurs en service. C’est plus que ce qui est réclamé dans le cadre de la PPE.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Moga. Nous proposons donc de modifier cet article.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 232 est présenté par MM. Dantec, Fernique, Labbé, Salmon et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
L’amendement n° 2149 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 232.
M. Ronan Dantec. Cet amendement vise à supprimer l’article 22 bis BA, qui est issu de l’adoption en commission d’un amendement déposé par M. le rapporteur pour avis Daniel Gremillet.
L’article 22 bis BA conditionne l’arrêt des réacteurs nucléaires à la mise en service de capacités – je souligne l’importance de ce terme – de production d’énergies renouvelables permettant de fournir un volume d’énergie équivalent à la production des réacteurs nucléaires dont la fermeture est programmée.
Nous sommes au cœur du débat, avec, bien entendu, des désaccords entre nous.
Ce débat repose sur une illusion. Comme l’a rappelé la semaine dernière le président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) dans le journal Le Monde, rien ne garantit qu’une prolongation supplémentaire des centrales nucléaires françaises soit possible. Elles ont été conçues pour quarante ans.
M. Stéphane Piednoir. Ce n’est pas vrai ! Les quarante ans, c’est un mythe !
M. Ronan Dantec. Libre à vous de considérer le président de l’ASN comme un antinucléaire qui voudrait la fermeture rapide des centrales. Mais c’est tout de même lui, une autorité, qui dit cela !
Les centrales vont avoir un carénage de dix ans. On ne pourra donc pas garder le stock actuel de centrales nucléaires sauf à prendre de plus en plus de risques, décennie par décennie, voire année par année. Encore une illusion française !
Abordons le vrai sujet, qui est celui de la montée en puissance des énergies renouvelables. Certains pourront proposer d’installer des réacteurs pressurisés européens (EPR). Nous serons contre, mais, au moins, il y aura un débat. Nous ne pourrons garder les vieilles centrales jusqu’à la fin des temps – il faut le dire.
Il y a un autre problème important, monsieur le rapporteur pour avis. Les stratégies d’efficacité énergétique et de sobriété, qui sont des enjeux centraux, ne figuraient nullement dans votre amendement, qui était purement quantitatif.
Supprimons cet article. Nous verrons dans deux ans, lors de l’examen de la PPE, comment assurer, avec les lois dont nous disposerons, la montée en puissance rapide des énergies renouvelables et programmer la fin des centrales.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 2149.
Mme Barbara Pompili, ministre. Si seulement tout pouvait être aussi simple que la lecture de l’article 22 bis BA pourrait le laisser croire… Il suffirait de dire : « Hop ! Je ferme une centrale, je la remplace par des énergies renouvelables, et le problème est réglé. » Mais cela ne marche pas ainsi : la politique énergétique est beaucoup plus complexe. Nous nous devons d’avoir ce discours vis-à-vis de nos concitoyens, qui sont tout à fait capables de l’entendre.
La loi prévoit déjà que la politique énergétique doit assurer la sécurité d’approvisionnement de notre pays ; c’est l’article L. 100-1 du code de l’énergie. Nous devons donc trouver des solutions pour assurer cette sécurité d’approvisionnement.
M. André Reichardt. En achetant ailleurs ?
Mme Barbara Pompili, ministre. Des articles comme l’article 22 bis BA ne résolvent rien du tout.
Faisons preuve de réalisme et examinons la sécurité d’approvisionnement au regard de notre capacité de production, mais également de notre consommation d’électricité.
Il n’y a rien dans cet article sur l’efficacité énergétique, la sobriété, la révision de nos modes de production, etc. Or tous ces éléments sont structurants pour notre système énergétique. Je pourrais également évoquer les flexibilités du système électrique, les capacités de stockage, qui vont être mises en place – des travaux sont en cours – et monter en puissance dans les dix années à venir, ou la capacité de nos interconnexions.
Ensuite, je rejoins Ronan Dantec sur la sûreté des installations nucléaires. Pour moi, c’est essentiel. Je n’entre même pas dans les considérations sur les quarante ans, qui nous détournent du sujet.
Le président de l’Autorité de sûreté nucléaire l’a dit publiquement, un prolongement à cinquante ans est envisageable, mais sous réserve des visites décennales. Il faut procéder à des vérifications réacteur par réacteur, pour des raisons de sûreté. Mais il précise que, pour passer le cap des soixante ans, des problèmes surviendront sur un certain nombre de réacteurs, notamment – et c’est embêtant – sur les plus récents.
Un certain nombre de réacteurs vont donc de toute manière s’arrêter. C’est normal, c’est le cycle de vie des centrales nucléaires, comme il en existe un pour les éoliennes.
Par conséquent, il est complètement artificiel de fixer une telle condition. Cela ne fonctionne pas ainsi, les choses sont bien plus complexes. Un tel article n’est ni fait ni à faire. Mon amendement tend donc à le supprimer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Nous allons effectivement avoir un débat sur cet article. Madame la ministre, je suis surpris de vous entendre déclarer que notre travail n’est « ni fait ni à faire ». (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir. C’est irrespectueux !
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Permettez-moi de souligner trois éléments.
Premièrement, la commission des affaires économiques ne travaille pas au doigt mouillé. Nous avons auditionné de nombreuses personnes, dont le président de l’ASN pendant plus de deux heures. Nous examinerons tout à l’heure des amendements visant à conforter le dispositif que nous proposons. Jamais la commission des affaires économiques ne prendrait le moindre risque. Il faut investir massivement dans la recherche.
Deuxièmement, monsieur Dantec, vous dites que nous avons oublié de prendre en compte l’efficacité énergétique. Mais elle est déjà là ! Madame la ministre, nous voulons tous – je pense que nous nous rejoignons sur ce point – que la France relocalise des activités industrielles. Mais cela ne se fera pas d’un claquement de doigts. Les besoins en énergie seront très importants. Or vous ne convaincrez pas des industriels de prendre des risques et d’investir dans notre pays s’il n’y a pas de source énergétique.
Troisièmement, nous avons joué avec le feu cet hiver en augmentant significativement les importations d’électricité non décarbonées. Importer de l’électricité à partir du charbon alors que nous sommes pour la fermeture des centrales à charbon – cette position est partagée au Sénat – est un non-sens. (M. André Reichardt acquiesce.) Nous savons tous que nous allons entrer les trois prochaines années dans une phase de précarité : ce n’est pas nous qui le disons, des analyses très fines ont été faites sur le sujet.
Cet article vise tout simplement à apporter de la sécurité. Il n’est pas envisageable de fermer un réacteur sans capacité équivalente de production nouvelle d’énergies renouvelables.
La commission demande donc le retrait de ces deux amendements identiques. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je voterai naturellement contre ces amendements de suppression de l’article 22 bis BA. Je rêvais de cet article, la commission l’a fait !
En Alsace, nous avons le précédent de la centrale de Fessenheim. Nous avions massivement demandé qu’elle puisse continuer à produire. J’ose dire qu’elle fonctionnait dans des conditions de sécurité, même si d’aucuns ont pu le contester.
Je ne vous explique pas, mes chers collègues, les difficultés sociales occasionnées par la fermeture de cette centrale ni les difficultés de fonctionnement qui en découlent pour les collectivités territoriales concernées.
Enfin, comme l’a souligné Daniel Gremillet, fermer une centrale nucléaire pour importer à la place de l’énergie des centrales à charbon allemandes, c’est tout de même un peu gênant… (Mme la ministre le conteste.)
Dites-nous alors précisément les quantités d’électricité issue de centrales à charbon que vous avez importées cet hiver, madame la ministre !
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je suis hésitant sur ces amendements. Je fais confiance au Gouvernement, mais aussi à la commission des affaires économiques, qui a beaucoup travaillé sur ces questions.
Je parle habituellement du ferroviaire, mais je vais évoquer la centrale nucléaire de Chooz qui se trouve dans mon département, à la pointe des Ardennes, à la limite entre la France et la Belgique. Lorsque j’étais conseiller général, j’ai présidé la commission locale d’information (CLI) pendant une quinzaine d’années. Ces CLI sont des instances de réflexion, de coordination et de concertation. Je ne suis pas un spécialiste du nucléaire, mais j’ai pu mesurer à cette occasion la qualité du travail et le dévouement du personnel du groupe EDF, gestionnaire de la centrale.
Les CLI sont issues de la loi de 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire – on l’a évoquée lors de la discussion de l’article 22, puisque les comités régionaux de l’énergie sont des instances de concertation avec les CLI. Ces dernières rassemblent à titre bénévole toutes les forces vives du territoire, en particulier les élus locaux, départementaux, le monde social et économique, et les associations environnementales. Nous étions informés par le personnel de la centrale et par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui connaissent parfaitement ce sujet.
Ces commissions jouent un rôle très important. Nous devons aussi prendre en compte l’impact des centrales sur les populations en termes d’emplois directs et indirects créés et de retombées financières et fiscales, notamment au travers du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle.
La problématique environnementale est largement prise en considération.
Je me rallierai à la position de la commission.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.
M. Stéphane Piednoir. Cela me fait mal au cœur d’entendre une ministre s’exprimer sur la représentation nationale en disant que le travail de la commission n’est « ni fait ni à faire »… J’aurais aimé que vous reconnaissiez le caractère mûrement réfléchi de la démarche consensuelle de la commission.
Il y aurait beaucoup à dire sur la dernière programmation pluriannuelle de l’énergie, en particulier sur la façon dont nous sommes parvenus à l’objectif de réduire la part du nucléaire de 75 % à 50 % dans la production d’électricité. Sur quelle base a-t-elle été élaborée ? Dans le cadre de la mission que je mène pour l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) depuis septembre dernier, plusieurs personnes auditionnées nous ont expliqué qu’elle avait été décidée au doigt mouillé.
Il y aurait beaucoup à dire sur la façon dont on enferme notre pays dans une doctrine – pour ne pas dire une idéologie – qui ne tient pas la route… On décrète que l’on va fermer, pour passer de 75 % à 50 %, un tiers de nos réacteurs sans réfléchir aux capacités de production à prévoir pour compenser cette perte. Voilà la réalité ! L’article 22 bis BA, que je proposerai de compléter par deux amendements, s’inscrit dans cette logique.
Vous dites que cet article est redondant sur la sûreté de l’approvisionnement, auquel tiennent les Français. Mais il ne l’est pas ! C’est en fait le procès du manque d’anticipation, que j’ai évoqué hier soir, et le résultat du travail minutieux mené par certains lobbies, qui ont petit à petit fait gagner la cause de l’antinucléaire.
Je me refuse à cette idée. Depuis les années 1960, la France a le leadership du nucléaire, une technologie d’avenir qui contribuera incontestablement à la décarbonation et à la neutralité carbone en 2050, n’en déplaise à certains groupes de cette assemblée. Vous l’avez d’ailleurs reconnu, madame la ministre. (Mme la ministre le conteste.)
S’agissant de la réduction de la consommation énergétique, les anciennes programmations prévoyaient une diminution de 12 % entre 2012 et 2023. Nous n’avons évidemment pas encore les chiffres de 2023, mais en 2019 la baisse était seulement de 1,4 %…
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Ce débat est passionnant et très important. Nous avons en réalité trois problèmes.
Le premier tient au fait que plus de la moitié de notre production électrique est aujourd’hui liée à une seule machine, le PWR (Pressurized Water Reactor), vieillissante, comme l’a très bien dit Mme la ministre. Un problème technique, et c’est rideau pour toutes les centrales dans un temps court ! C’est une fragilité incroyable. Si nous devons rééquilibrer le mix énergétique, c’est donc avant tout pour rendre le système électrique français plus robuste – il ne faut pas l’oublier.
Le deuxième problème, que l’on soit pour ou contre le nucléaire, tient au fait que la nouvelle génération de centrales nucléaires n’est pas compétitive à l’échelle mondiale. Des appels d’offres en photovoltaïque sortent aujourd’hui à 25 euros le mégawattheure, contre 120 à 150 euros pour l’EPR ! C’est une donnée du marché qui devrait parler aux libéraux que vous êtes, mes chers collègues de la droite. Ainsi, la solution de remplacement du nucléaire actuel qui vieillit n’est pas compétitive sur le marché.
La seule solution en réalité, et je reconnais à Daniel Gremillet son volontarisme sur un certain nombre de points, c’est d’abord le renouvelable. À cet égard, je suis très heureux que le texte vise des capacités installées de production en éolien offshore de 50 gigawatts à l’horizon 2050. C’est beaucoup ! Cela signifie la création de deux ou trois grands parcs éoliens offshore par an d’ici là.
L’article 22 bis BA ne parle pas d’efficacité, ce que je regrette. Ne nous berçons pas d’illusions. Si l’on croit pouvoir en rester au statu quo, si l’on ne comprend pas que, demain, sur le marché européen, l’énergie ne sera pas issue du charbon allemand – c’est le monde d’avant ! –, mais de l’éolien offshore irlandais et écossais, qui n’est pas très cher, ou encore du photovoltaïque espagnol, voire marocain, nous aurons de sérieux ennuis. Cet article ne nous aide pas à préparer l’avenir.