Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Madame Assassi, je me suis sans doute mal exprimée : je ne voulais pas dire que cet article, qui figurait dans le texte initial et n’a pas été rajouté par notre commission, constituait une solution. Je souligne simplement qu’il faut tout de même garder à l’esprit que les départements pourraient consacrer leur énergie à mettre en œuvre des solutions plutôt qu’à répéter des procédures faites ailleurs.
Rappelons aussi que le recours à ce fichier ne vaut pas déclaration de minorité ou de majorité. Il est clairement précisé dans la loi que c’est un faisceau d’indices qui contribue à affirmer ou non la minorité.
M. René-Paul Savary. Absolument !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Qui plus est, la Cour européenne des droits de l’homme n’a soulevé aucune objection lors de la création de ce fichier, qui respecte bien le principe d’égalité d’accueil et de traitement.
Nous avons abordé cet article, que la commission soutient et qui figure dans la version initiale présentée par le Gouvernement, sans ignorer le projet de loi relatif à la protection des enfants que nous examinerons prochainement. Cependant, dans le cadre de ce texte relatif aux compétences des collectivités, nous avons aussi entendu les demandes exprimées depuis longtemps par les départements, voire par les préfets, qui voudraient une simplification du traitement de ces personnes.
Le projet de loi relatif à la protection des enfants n’a pas encore été soumis au Sénat. Nous souhaitons donc adopter cette mesure dès aujourd’hui, au titre des attentes des départements. Le Gouvernement n’a d’ailleurs pas déposé d’amendement de suppression. Il sera peut-être cohérent de faire figurer ces dispositions dans un autre texte. Pour notre part, nous souhaitons acter une position du Sénat.
C’est pourquoi nous émettons un avis défavorable sur ces amendements de suppression : nous souhaitons conserver l’article tel que le Gouvernement l’a proposé.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Nous savions que cette disposition figurait dans les deux textes. Outre que je partage les raisons exposées par mes collègues pour justifier la suppression de cet article, je préfère voir figurer cette mesure dans le projet de loi relatif à la protection des enfants, car il s’agit bien là de respecter l’intérêt supérieur de l’enfant.
En effet, seuls 30 % des jeunes qui demandent la reconnaissance de leur minorité la voient reconnue lors de l’évaluation par les départements et accèdent ainsi aux dispositifs de protection de l’enfance, selon des modalités plus ou moins satisfaisantes. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point, notamment sur l’hébergement en hôtel, qui devrait être proscrit quand il s’agit d’enfants.
Par ailleurs, près de 60 % des jeunes qui sont déclarés non mineurs par les services départementaux d’aide sociale à l’enfance et qui formulent un recours auprès du juge pour enfant voient leur minorité reconnue par l’autorité judiciaire. La plupart d’entre eux sont donc bien des enfants !
Cela nous interroge sur les modalités d’évaluation mises en œuvre par les départements : leur harmonisation mériterait d’être améliorée. C’est d’ailleurs peut-être l’une des raisons du nomadisme qui a été évoquée.
Durant toute la période d’examen du recours contre la non-reconnaissance de minorité, procédure qui peut durer plusieurs mois, ces enfants ne dépendent souvent d’aucun dispositif. Ils se retrouvent la plupart du temps à la rue, exclus de toute forme de protection comme de subsistance, ce qui les soumet à certains réseaux mafieux.
Ce vide entre la décision de l’aide sociale à l’enfance et celle du juge pour enfants, ce « ni-ni » – ni mineur ni majeur –, sont des situations qui ne respectent pas le droit international, lequel consacre le principe de présomption de minorité de manière claire, tant dans la jurisprudence que dans les textes internationaux. Oui, nous avons signé les conventions en la matière ! Ainsi, en 2019, trois décisions du Comité des droits de l’enfant des Nations unies rappellent que, jusqu’à la décision judiciaire définitive, la personne doit être protégée et traitée comme un enfant.
Dans son avis sur le projet de loi relatif à la protection des enfants, que nous examinerons à l’automne prochain et qui contient un article identique, la Défenseure des droits déplorait qu’une fois de plus le texte ne consacre pas la présomption de minorité telle qu’elle est pourtant affirmée par le Comité des droits de l’enfant des Nations unies.
Nous avons déposé un amendement en ce sens, qui a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution – c’est une preuve de la non-application du principe de présomption de minorité. Nous le regrettons comme une occasion manquée pour la France de se conformer sans ambiguïté à la Convention internationale des droits de l’enfant qu’elle a signée.
Mme la présidente. Madame la ministre, peut-on considérer que, sur ces amendements de suppression, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée ? (Mme la ministre acquiesce.)
Je mets aux voix les amendements identiques nos 313, 973 et 1277.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 1055, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
Cet amendement a déjà été défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 1054, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 7 à 10
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L’article 39 prévoit notamment que le conseil départemental puisse demander à l’autorité judiciaire de recourir aux tests osseux dans le cadre de l’évaluation de minorité.
Or les méthodes d’évaluation de la minorité doivent découler en priorité de l’entretien pluridisciplinaire et non de la comparaison d’éléments fondés sur la seule apparence et sur les tests osseux, qui sont contestables quant à leur fiabilité scientifique et intolérables d’un point de vue éthique.
Par conséquent, il est impératif de recourir à d’autres méthodes de détermination d’âge – j’insiste sur ce point –, respectueuses des droits de l’enfant, avec la mise en place d’un système d’évaluation uniforme de la situation des mineurs non accompagnés (MNA), fondé sur des éléments objectifs conformes au principe de présomption de minorité.
En cas de persistance d’un doute dans la détermination de la minorité, celui-ci doit profiter aux jeunes. Tout examen médico-légal doit être interdit : la santé qui soigne n’a pas vocation à être un outil à expulsion.
Il est donc urgent de mettre fin aux tests osseux, plus globalement aux ingérences du ministère de l’intérieur dans le dispositif d’évaluation médicale, ainsi que de restaurer la tutelle du ministère de la santé. De plus, il est nécessaire que l’évaluation de minorité soit réalisée par une équipe pluridisciplinaire afin d’écarter toute coopération entre le conseil départemental et le préfet.
C’est pourquoi nous proposons de supprimer les alinéas 7 à 10, qui, selon nous, vont à l’encontre de ces principes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer le recours aux tests osseux pour l’évaluation de la minorité des MNA.
Le recours aux tests osseux a fait l’objet d’un encadrement extrêmement strict, validé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 21 mars 2019. Je rappelle que ces tests osseux ne sont décidés que par l’autorité judiciaire, après accord de l’intéressé.
On sait également que les résultats d’examen font mention de la marge d’erreur et ne peuvent permettre à eux seuls de déterminer que la personne est mineure. Le reste du dispositif, notamment les entretiens conduits par le conseil départemental, est maintenu et reste absolument nécessaire.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 1260, présenté par Mme Poncet Monge, M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer six alinéas ainsi rédigés :
« La présentation par la personne mentionnée au I d’un document d’état civil non formellement contesté rend inutile toute investigation complémentaire, en application de l’article 47 du code civil.
« Si une légalisation du document est nécessaire, le président du conseil départemental assiste le mineur dans ses démarches auprès des autorités consulaires, sous réserve de s’être assuré qu’il n’est pas susceptible de déposer une demande d’asile.
« En cas de doute sur l’authenticité des documents détenus par la personne et uniquement dans ce cas, le président du conseil départemental peut solliciter le concours du représentant de l’État dans le département pour vérifier l’authenticité des documents détenus par la personne. Cette vérification ne peut revêtir un caractère systématique.
« La possession de documents falsifiés ou appartenant à un tiers n’est pas en elle-même la preuve de la majorité de l’intéressé.
« Lorsque la personne mentionnée au I du présent article ne présente aucun document d’état civil, ou lorsque le ou les documents présentés ont été formellement contestés sans que cela permettre de conclure à la majorité de l’intéressé, le président du conseil départemental assiste la personne dans ses démarches auprès des autorités de son pays d’origine et leurs représentations consulaires afin de reconstituer son état civil.
« Si à l’occasion des démarches entreprises auprès des autorités du pays d’origine, il s’avère qu’aucun acte d’état civil n’a été établi dans leur pays d’origine ou que l’intéressé ne peut les y faire établir, une requête est introduite devant le tribunal de grande instance en vue d’obtenir un jugement déclaratif de naissance ou un jugement supplétif d’acte de naissance en application de l’article 46 du code civil. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. L’article 47 du code civil dispose que les documents d’état civil, même étrangers, font foi pour établir l’identité d’un individu devant les autorités françaises.
De même, l’article 8 de la Convention internationale des droits de l’enfant consacre le droit à l’identité du mineur en prévoyant la reconnaissance des documents d’état civil présentés. De même, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies affirme que les documents qui sont disponibles devraient être considérés comme authentiques, sauf preuve du contraire.
Ainsi, les documents d’état civil étrangers doivent être présumés valides et cette présomption est juridiquement établie. Pourtant, bien souvent, les mineurs non accompagnés sont soumis à d’autres méthodes d’évaluation de leur minorité, alors même qu’ils ont présenté un document d’état civil qui n’a pas été contesté.
On a parlé des tests osseux, considérés comme faisant foi, alors même que ce test possède un grand degré d’incertitude. Cela conduit, aujourd’hui, à des vices de procédure sur lesquels les cours administratives d’appel multiplient les jurisprudences.
Deux circulaires encadrent pourtant les pratiques. La circulaire du 1er avril 2003 précise que « la force probante d’un acte de l’état civil étranger doit être retenue dès lors que sa régularité formelle n’est pas contestée ». La circulaire interministérielle du 25 janvier 2016 relative à la mobilisation des services de l’État auprès des conseils départementaux concernant les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et les personnes se présentant comme tels cadre les procédures de contestation en précisant le rôle du département et en posant des conditions à la saisine du préfet chargé de mettre en œuvre les vérifications nécessaires à l’authenticité des documents.
Pourtant, alors même que ces textes précisent que ces saisines ne peuvent jamais revêtir un caractère systématique, force est de constater que les pratiques restent parfois entachées d’irrégularités.
Cet amendement de clarification vise à faire entrer dans la loi les dispositions de la circulaire de 2016 précitée, qui précise le rôle des départements dans les procédures de vérification. Il s’agit d’être en cohérence avec les dispositions du code civil et du droit international et de cadrer la procédure en bonne intelligence avec l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Il faut distinguer l’intérêt supérieur de l’enfant, qu’il n’est pas question ici de remettre en cause, et des procédures qui découlent de dispositions législatives, dans cette situation comme dans d’autres.
Ma chère collègue, il est difficile de porter une appréciation véritablement juridique sur la notion de documents non formellement contestés. Du point de vue juridique, c’est un peu vague.
Par ailleurs, la saisine du préfet pour une aide à la vérification ou à l’authentification des documents d’état civil est déjà prévue à l’alinéa 8 de l’article 39 et est déjà facultative. Ce point-là est donc largement satisfait.
En outre, demander au conseil départemental de vérifier la reconstitution d’un état civil ne relève pas de son champ de compétences. Il me semble que le département doit se concentrer sur les solutions à mettre en œuvre pour venir en aide à ces enfants.
Enfin, la présentation de documents éventuellement falsifiés ne vaut pas non plus majorité. De fait, l’alinéa 10 de cet article reprécise très clairement que l’évaluation de la minorité s’appuie sur un faisceau d’indices, notamment les entretiens réalisés par le conseil départemental, et non sur un élément unique.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je précise que l’accomplissement de telles démarches dans un pays éloigné demande un délai souvent assez long, de l’ordre de plusieurs mois, qui n’est pas compatible avec les délais très brefs qui s’imposent au processus d’évaluation de la minorité.
En effet, ce processus doit normalement être mené à son terme durant la période de mise à l’abri de la personne se disant mineur non accompagné, c’est-à-dire cinq jours. Ce n’est pas très compatible avec la recherche de papiers. C’est pourquoi ces démarches ne peuvent être utilement entreprises que durant la période de placement provisoire à l’aide sociale à l’enfance.
En d’autres termes, le jeune est là et il s’agit de savoir s’il est mineur et doit alors intégrer le système des mineurs de protection, de mise à l’abri, etc. ou si c’est un adulte.
Pour ces raisons pragmatiques et de protection de l’enfance, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 39.
(L’article 39 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 39
Mme la présidente. L’amendement n° 314 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 39
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 142-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Le décret du 30 janvier 2019 a autorisé la création du fichier AEM et les dispositions de l’article L. 142-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) ont permis l’enrôlement dans ce fichier de données biographiques et biométriques des personnes se disant mineurs non accompagnés.
Avant cela, le président du conseil départemental décidait du recours ou non à ce fichier par ses services, en sollicitant ou non le concours du préfet.
Constatant dans son étude d’impact que quinze départements se montraient récalcitrants, notamment en Île-de-France, le Gouvernement a décidé de rendre obligatoire le recours au fichier AEM. C’est l’objet de l’article 39.
Il n’existe pas de statut juridique propre aux mineurs isolés étrangers. Ces derniers se trouvent donc au croisement de celui qui relève du droit des étrangers, de celui qui relève de l’enfance en danger et du dispositif français de protection de l’enfance, qui ne pose aucune condition de nationalité.
C’est le statut d’enfant qui devrait prévaloir pour ces personnes et non le statut d’étranger, conformément aux engagements de la France au titre de la Convention internationale des droits de l’enfant. C’est ce que le groupe communiste républicain citoyen et écologiste a toujours défendu.
Demander une protection n’est pas simple. Cette démarche se révèle d’autant plus difficile lorsque les départements choisissent de mettre en place un processus où l’enfant devra d’abord aller au commissariat ou en préfecture pour donner ses empreintes et fournir toutes sortes de données personnelles, avant même de « poser ses valises » et d’être accueilli comme il se doit par les professionnels de la protection de l’enfance.
Cette difficulté est accrue pour les enfants ayant subi des violences pendant leur parcours migratoire – il y en a –, voire qui ont été victimes de violences de la part de personnes en uniforme. (Mme le rapporteur s’exclame.) À cet égard, il serait temps d’avoir un jour un véritable débat sur les passeurs et de prendre de véritables sanctions.
Nous souhaitons, par cet amendement, dénoncer et refuser ce système indigne des valeurs humanistes de notre pays des droits de l’homme. Cette logique répressive et de défiance grandissante à l’égard de ces enfants en grande précarité et vulnérabilité devrait définitivement être renversée et cesser.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je ne conteste pas les propos de Mme Assassi sur les souffrances de ces enfants et sur la question des passeurs.
Nous avons néanmoins une divergence d’appréciation concernant le fichier AEM.
À mon sens, un mineur non accompagné qui a déjà bénéficié d’une reconnaissance de ce statut dans un département peut bénéficier plus rapidement d’une prise en charge. En effet, chaque département pourra consulter ce fichier et être plus réactif.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a déjà validé le traitement de l’AEM dans une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) de 2019. Il a aussi affirmé, au mois de juillet 2019, dans une autre QPC, que son usage n’était pas contraire à l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Aujourd’hui, environ quatre-vingts collectivités – des départements ainsi que la métropole de Lyon – ont recours à cet outil. Je ne pense pas que l’on puisse dire que la prise en charge y est moins effective. Cette demande a été aussi formulée par des préfets et par des départements, notamment par le président de l’Assemblée des départements de France.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour explication de vote. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
M. Stéphane Ravier. On se calme…
L’objet de l’amendement présenté par notre très chère collègue Mme Assassi cite la Cimade, cette association immigrationniste s’il en est (Rires sur les travées du groupe CRCE), qui rêve, comme Mme Assassi, de donner des papiers français à tous les habitants de la planète – que dis-je, de toutes les planètes !
Tout cela est bien joli, mais il faudra tout de même revenir, un jour ou l’autre, au principe fondamental de ce qui fait la nationalité. La Cimade, cette organisation militante, affirme que l’enregistrement des données personnelles des enfants à d’autres fins que celles qui sont liées à leur protection est manifestement contraire aux recommandations du Comité des droits de l’enfant des Nations unies.
Si je comprends bien, dans le « nouveau monde » de ce Gouvernement, on pourrait ficher un enfant mineur parce qu’il n’est pas vacciné et, à cet autoritarisme, les communistes ajouteraient le laxisme migratoire. Pour eux, en effet, on ne pourrait pas ficher des mineurs non accompagnés, c’est-à-dire des clandestins, dans le cadre d’une politique de contrôle des flux migratoires.
Il me semble urgent de revoir les priorités et les réalités. En France, les Français de tous âges vivent libres et protégés, particulièrement les mineurs. C’était tout du moins le cas jusqu’à lundi, vingt heures. N’en déplaise à notre collègue et camarade sénatrice Assassi (Protestations sur les travées du groupe CRCE),…
Mme Cécile Cukierman. Pourquoi camarade ? On n’a pas gardé les vaches ensemble !
M. Stéphane Ravier. … la protection de la France se mérite. La France se mérite. L’obtenir passe par des contrôles et, parfois, du fichage. C’est dans l’intérêt et pour la protection de tous.
C’est la raison pour laquelle je voterai contre cet amendement,…
M. Fabien Gay. C’est un honneur !
M. Stéphane Ravier. … qui vise à supprimer de la loi le recours au fichier d’appui à l’évaluation de la minorité pour les mineurs non accompagnés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Même s’il semble de bon ton, ces derniers jours, de dire n’importe quoi, les mots ont un sens, monsieur Ravier. « Camarade » en a un : c’est celui de celles et de ceux qui partagent des luttes.
M. Stéphane Ravier. Cela ne vous appartient pas !
Mme Cécile Cukierman. C’est l’un de ces mots qui rassemblent celles et ceux qui ont combattu ensemble pour la liberté dans notre pays.
M. Stéphane Ravier. Vous n’êtes pas les seuls !
Mme Cécile Cukierman. C’est l’un de ces mots qui rassemblent celles et ceux qui ont combattu l’occupation dans notre pays pour rétablir la République au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
M. Stéphane Ravier. Comme Staline ?
Mme Cécile Cukierman. C’est ce mot qui rassemble celles et ceux qui, aujourd’hui, se battent pour le bien-vivre, pour la fraternité, pour le progrès social.
Vous pouvez utiliser ce mot, monsieur Ravier, mais il n’y a aucun amalgame possible entre vous et nous.
M. Stéphane Ravier. C’est certain !
Mme Cécile Cukierman. Vos propos sont inacceptables et indignes d’un élu !
Mme la présidente. L’amendement n° 216 rectifié ter, présenté par Mme V. Boyer, MM. Courtial et Reichardt, Mme Belrhiti, MM. Le Rudulier, Bouchet et Allizard, Mme Goy-Chavent, M. Piednoir, Mme Drexler, M. Bascher, Mme Puissat, MM. Panunzi, Cadec, Meurant et Calvet, Mmes Garriaud-Maylam et Muller-Bronn, MM. de Legge, Sido, Duplomb et J.M. Boyer, Mme Gosselin, M. Savin, Mmes Dumont et Bellurot, M. Perrin, Mme Dumas et MM. Genet, H. Leroy, Longuet, Klinger et B. Fournier, est ainsi libellé :
Après l’article 39
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 375 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le juge des enfants saisi en cas de refus du conseil départemental d’admettre le mineur au sein de l’aide sociale à l’enfance ne peut, sauf décision spécialement motivée, contredire les évaluations du conseil départemental s’agissant de la majorité de l’individu en cause. »
La parole est à M. Fabien Genet.
M. Fabien Genet. Cet amendement de Valérie Boyer vise à prévoir que le juge saisi par un étranger en cas de refus du conseil départemental d’admettre le mineur au sein de l’aide sociale à l’enfance (ASE) ne pourra contredire les évaluations du conseil départemental s’agissant de la majorité de l’individu en cause, sauf décision spécialement motivée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement tend à interdire au juge des enfants de contredire la décision d’un conseil départemental sur la minorité d’une personne se présentant comme MNA. Cela porte atteinte au principe constitutionnel d’indépendance de la justice. De plus, les juges des enfants sont déjà systématiquement tenus de motiver leur décision.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. le Gouvernement émet évidemment également un avis défavorable sur cet amendement.
La décision de retenir l’état de minorité relève de la seule appréciation du juge, qui se fonde sur un faisceau d’indices constitué des déclarations du jeune en audience, de l’évaluation réalisée par les services du conseil départemental, des documents d’identité présentés et, le cas échéant, des conclusions d’un examen radiologique que seule l’autorité judiciaire peut ordonner.
L’évaluation effectuée par le conseil départemental est un élément essentiel de sa prise de décision, mais ne peut se substituer à la décision juridictionnelle.
M. Fabien Genet. Je le retire, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 216 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 215 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Courtial et Reichardt, Mme Belrhiti, MM. Le Rudulier, Bouchet et Allizard, Mme Goy-Chavent, M. Piednoir, Mme Drexler, M. Bascher, Mmes Puissat et Garnier, MM. Panunzi, Cadec, Meurant et Calvet, Mmes Garriaud-Maylam et Muller-Bronn, MM. de Legge, Sido, Duplomb et J.M. Boyer, Mme Gosselin, M. Savin, Mmes Dumont et Bellurot, M. Perrin, Mme Dumas et MM. Babary, Genet, H. Leroy, Longuet, Klinger et B. Fournier, est ainsi libellé :
Après l’article 39
Insérer un article ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article 388 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le refus de procéder à des examens radiologiques osseux entraîne une présomption de majorité. »
La parole est à M. Fabien Genet.