M. Pierre Ouzoulias. C’est du chantage !
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame le président, madame, monsieur les ministres, madame, monsieur les présidents de commission, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, la flambée de l’épidémie justifie la mise en œuvre de mesures d’urgence et d’exception pour lui donner un coup d’arrêt.
Avec déjà plus de 20 000 contaminations journalières, la vague est de grande ampleur et la situation présente, de ce point de vue, des analogies avec celles qui ont conduit aux trois confinements que la France a déjà subis.
Qui oserait faire le pari, sous prétexte que le nombre de décès ne s’est pas envolé, que la situation sanitaire va rester stable, malgré la dégradation très rapide des indicateurs de contamination ? Faut-il réellement attendre la preuve par neuf, c’est-à-dire une forte augmentation du nombre de victimes, pour agir ? C’est un risque que je ne vous proposerai pas de prendre.
Faut-il alors confiner la France une quatrième fois ? Chacun d’entre nous voudrait l’éviter. Le Gouvernement nous propose de tenter de le faire par la combinaison de trois moyens : l’obligation du passe sanitaire pour l’accès à certains lieux, la mise à l’isolement forcé de nos concitoyens contaminés, la vaccination des professionnels au contact de personnes vulnérables.
Nul ne peut dire que cela sera suffisant, mais je vais vous recommander de donner ses chances à ce dispositif en vous proposant, toutefois, de le rendre plus simple, plus clair, plus efficace et plus respectueux des libertés.
Je vais donc vous proposer de prendre position sur six questions essentielles.
La première est celle du cadre de l’action des pouvoirs publics. Sommes-nous toujours dans la gestion de la sortie de l’urgence sanitaire ou sommes-nous revenus dans l’état d’urgence sanitaire lui-même ? Il est clair qu’un régime de pouvoirs exceptionnels justifié par une flambée des contaminations à cause d’un variant dont la charge virale est, selon le ministre, mille fois plus élevée que celle du virus initial ne peut être mis en place légitimement que par le retour à l’état d’urgence sanitaire.
La privation de droits fondamentaux pour toutes les personnes qui ne peuvent produire un passe sanitaire, l’obligation vaccinale imposée à des catégories très larges de professionnels, la mise à l’isolement des porteurs du virus constituent des mesures tellement exorbitantes du droit commun, en démocratie, que celles-ci ne sont concevables qu’à titre temporaire, dans le cadre d’une urgence sanitaire reconnue et sous un contrôle parlementaire et juridictionnel accru.
La deuxième question est celle de la durée de l’habilitation donnée par le Parlement pour l’application de ces mesures. Nous ne pouvons autoriser le Gouvernement, monsieur le ministre, à maintenir de sa propre initiative, et à sa discrétion, pendant une durée de plus de cinq mois, un régime d’exception frappant massivement les Français dans leurs droits essentiels.
Cela créerait un précédent dangereux pour le traitement des crises de toute nature auxquelles notre Nation ne manquera pas d’être confrontée à l’avenir. L’histoire ne s’arrêtera pas avec la fin de la crise sanitaire. Nous avons une responsabilité, celle de garantir la pérennité de l’État de droit et, plus immédiatement, de protéger la santé des Français.
Je vous demanderai donc, mes chers collègues, de ne consentir les pouvoirs exceptionnels demandés par le Gouvernement que jusqu’au 31 octobre prochain et non jusqu’au 31 décembre.
Au 31 octobre, de deux choses l’une : soit le pari risqué d’une maîtrise de l’épidémie aura fort heureusement été gagné et il ne sera pas utile de maintenir, à un tel degré, la suspension de libertés jusqu’au 31 décembre ; soit, au contraire, l’épidémie n’aura pas été jugulée et des mesures supplémentaires devront être prises – ou l’auront d’ailleurs déjà été –, et ce sera si grave que cela ne pourra être fait sans une nouvelle autorisation du Parlement.
Dans les deux cas, c’est au Parlement de décider sans déléguer son pouvoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Loïc Hervé. Tout à fait !
M. Vincent Segouin. Très bien !
M. Philippe Bas, rapporteur. Le corollaire, et c’est la troisième question que je vous demanderai de trancher, c’est que, compte tenu de la gravité de la situation, si le Gouvernement décidait – il ne le souhaite pas, et nous non plus – de rétablir le couvre-feu ou le confinement sur tout ou partie du territoire national – et il le peut déjà ! –, il faudrait que le décret qu’il prendra ne puisse s’appliquer au-delà d’un mois sans autorisation du Parlement.
Pour exercer notre contrôle, nous devrons aussi demander au Gouvernement d’évaluer et de rendre publics chaque semaine les résultats de l’action que nous l’autoriserons à mettre en œuvre. Nous pourrons alors, s’il y a lieu, délibérer de manière éclairée pour déterminer s’il faut une nouvelle loi.
Quatrième question : comment contrôler et sanctionner l’obligation de présentation du passe sanitaire ? Le Gouvernement nous propose un dispositif reposant sur des sanctions pénales.
Celles-ci étaient à l’origine tout à fait disproportionnées. Le Conseil d’État y a mis bon ordre, mais c’est le dispositif lui-même qui me paraît devoir être revu pour plus d’efficacité.
Au lieu de prévoir un régime pénal, qui risque de ne pas être efficace en raison de sa lenteur et des incertitudes sur le prononcé des sanctions, je vous propose un régime de police administrative très simple : mise en demeure de se conformer aux obligations prévues par la loi sous vingt-quatre heures, à défaut de quoi l’activité de l’établissement serait suspendue pendant sept jours, puis quatorze jours en cas de récidive. Les sanctions pénales pourront compléter ce dispositif, mais seulement après. Le système sera rapide, dissuasif et donc efficace.
Cinquième question : comment assurer l’effectivité de l’isolement des personnes contaminées au lieu d’hébergement de leur choix ? Là encore, le Gouvernement me semble inutilement répressif, comme si la peur du gendarme et du juge était susceptible de régler tous les problèmes. Il veut aussi que la police et la gendarmerie aient accès, via les préfectures, au fichier de santé publique dont nous avons autorisé la création l’an dernier pour l’identification et la protection des personnes qui ont été exposées à une contamination, et ce afin de contrôler l’isolement des personnes contaminées et de faire sanctionner sa violation.
Ce serait un précédent dangereux que de donner accès à des données de santé aux autorités en charge de la sécurité publique. La présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, n’a pas manqué de le souligner. C’est une vue de l’esprit que de penser que la police et la gendarmerie pourront effectivement exercer un contrôle massif du placement à l’isolement,…
M. Loïc Hervé. Évidemment !
M. Philippe Bas, rapporteur. … lequel s’ajouterait à celui du respect du passe sanitaire et à leurs missions ordinaires déjà si lourdes.
Je vais donc vous proposer une autre répartition des tâches. D’ailleurs, vous l’avez vous-même esquissée, monsieur le ministre : les agents de l’assurance maladie qui gèrent les plateformes chargées du traçage et ceux qui gèrent le contrôle des arrêts de travail pour maladie procéderont à des contrôles téléphoniques et sur place.
S’ils constatent ou soupçonnent que l’isolement n’est pas respecté, ils saisiront l’agence régionale de santé pour qu’un arrêté préfectoral de placement à l’isolement soit immédiatement pris. Cet arrêté sera notifié à la police ou à la gendarmerie du lieu d’hébergement. Alors et alors seulement, c’est-à-dire par exception, une procédure répressive pourra effectivement être mise en œuvre sans que jamais les préfectures aient eu accès au fichier des personnes contaminées.
Sixième question : faut-il rendre la vaccination obligatoire pour tous les adultes ? Cette hypothèse est parfois présentée comme une alternative au dispositif proposé par le Gouvernement. Ce n’est pas le cas de mon point de vue.
L’obligation vaccinale ne peut en effet donner un coup d’arrêt, ici et maintenant, à la flambée actuelle de l’épidémie. Obligation ou pas obligation, il faut plusieurs mois pour immuniser les millions de Français qui ne le sont pas encore. Pendant ce temps, l’épidémie exploserait.
Qui plus est, il ne suffit pas de déclarer la vaccination obligatoire pour qu’elle soit effective. Ce n’est pas la même chose ! M. le ministre a justement mis en évidence l’impossibilité matérielle de la contrainte, si elle doit s’exercer sur des millions d’individus en même temps. L’obligation risquerait donc de n’être que proclamatoire.
Rien n’interdirait d’approfondir ce débat dans les mois qui viennent, si des solutions étaient trouvées pour surmonter ces obstacles. Pour le moment, l’essentiel est de réenclencher une dynamique de vaccination massive, et il semble bien que cela commence à être le cas.
Ce qui importe en définitive, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, c’est de respecter les Français et leur autonomie de décision, de ne pas les infantiliser ni les traiter a priori comme des délinquants en puissance. L’État est d’abord là pour entraîner et convaincre, pas pour punir, sanctionner et contraindre.
La réussite passe par le retour de la confiance, qui est profondément altérée par les vagues récidivantes de la crise sanitaire et, je dois le dire aussi, par les tâtonnements que nous avons observés dans la gestion de la crise depuis seize mois.
Nous n’aurons jamais assez de policiers, de gendarmes et de juges pour contrôler et sanctionner la masse immense des situations où les mesures sanitaires seront appliquées. À la fin, c’est donc bien la libre volonté des Français qui sera déterminante. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, la France fait face, depuis le début du mois de juillet, au risque d’une nouvelle vague épidémique d’une ampleur potentiellement inédite.
Ce risque coïncide avec la diffusion rapide du variant delta, sensiblement plus transmissible que les précédents variants, ainsi qu’avec un ralentissement du rythme de la vaccination au mois de juin dernier. Dans ce contexte, je partage les deux constats posés par le Gouvernement dans son projet de loi : d’une part, une réaction urgente s’impose pour freiner cette reprise ; d’autre part, la vaccination est notre meilleure arme pour lutter contre l’épidémie.
Ne nous leurrons pas : l’extension du passe sanitaire constitue une incitation particulièrement puissante à la vaccination en population générale. Certains y verront même une vaccination obligatoire qui ne dit pas son nom. Peu importe comment on la qualifie, la commission soutient sans complexe cette stratégie, qui lui apparaît pleinement justifiée au regard de la reprise épidémique brutale, alimentée par le variant delta.
Rappelons que, selon les chiffres du ministère des solidarités et de la santé, les non-vaccinés ont représenté 80 % des cas positifs à la fin du mois de juin dernier et au début du mois de juillet.
Au-delà de l’obligation vaccinale des professionnels en contact avec des personnes vulnérables, il appartient donc à l’ensemble des pouvoirs publics de faire œuvre de pédagogie et d’exemplarité pour emporter l’adhésion massive de la population au seul outil qui nous permettra de sortir durablement de cette crise.
Dans cet exercice que je sais délicat, monsieur le ministre, vous pouvez compter sur le soutien déterminé de très nombreux parlementaires, qui sont prêts à porter le message suivant : les vaccins contre la covid-19 sont très efficaces et sûrs.
J’en viens aux modifications apportées par la commission des affaires sociales.
L’article 5 prévoit la vaccination obligatoire des catégories de professionnels ou de personnel en contact avec des personnes vulnérables. La commission des affaires sociales souscrit à l’idée selon laquelle cette obligation vaccinale contre la covid-19 participe du devoir d’exemplarité, mais aussi du devoir éthique qu’ont les soignants de ne pas nuire et de protéger les personnes vulnérables qu’ils sont amenés à prendre en charge.
La commission s’est interrogée sur le périmètre de la mesure que le Gouvernement proposait initialement, car il visait directement les secteurs sanitaire et médico-social. Finalement, elle a fait le choix de ne pas modifier la liste des personnes concernées par la vaccination obligatoire.
En revanche, elle a veillé à garantir que l’expertise de la Haute Autorité de santé soit mobilisée sur la détermination des justificatifs attestant la satisfaction de l’obligation vaccinale, ainsi que sur une éventuelle décision par laquelle le Gouvernement serait conduit à suspendre cette obligation.
L’article 6 définit les conditions de présentation de la satisfaction à l’obligation vaccinale pour les personnes concernées. À cet égard, la commission a renforcé la protection du secret médical et sécurisé les modalités de transmission et de conservation des informations tirées du contrôle des justificatifs.
À l’article 7, la commission a étendu les souplesses destinées à permettre aux professionnels soumis à l’obligation vaccinale de poursuivre leur activité en se conformant à cette exigence dans des délais raisonnables. Elle a ainsi prévu une période complémentaire du 15 septembre au 15 octobre 2021, pendant laquelle les professionnels pourront continuer à travailler, même si leur vaccination n’est pas complète, dès lors qu’ils auront démontré leur volonté de se faire vacciner, par l’administration d’une première dose, et sous réserve, bien entendu, de présenter le résultat négatif d’un test virologique.
Il convient en effet de ne pas faire de la date du 15 septembre un couperet punitif et de tenir compte des difficultés que pourraient rencontrer les professionnels pour se faire vacciner dans les délais.
Par ailleurs, la commission a précisé les conséquences pour l’emploi qui devront être tirées de l’interdiction d’exercer pour défaut de vaccination. La suspension des fonctions ou du contrat de travail, assortie d’une interruption du versement de la rémunération, constitue en effet la sanction la plus équilibrée. Elle est une incitation puissante à ce que les professionnels les plus réticents rejoignent les rangs de leurs collègues vaccinés.
En revanche, un licenciement à l’issue de deux mois de suspension paraît manifestement disproportionné. C’est pourquoi la commission est revenue sur la création d’un motif spécifique de licenciement, tiré de la persistance du refus de se faire vacciner, au-delà d’une période d’interdiction d’exercer de deux mois.
Enfin, l’article 9 prévoit une autorisation d’absence pour un salarié ou un agent public qui se rend à un rendez-vous de vaccination contre la covid-19. La commission a étendu cette autorisation d’absence aux salariés et agents publics qui doivent accompagner leurs enfants éligibles à la vaccination.
Tel est l’esprit des modifications apportées par la commission des affaires sociales à ce texte. Nous avons travaillé dans le souci constant de garantir la pleine effectivité du dispositif d’obligation vaccinale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Alain Richard applaudit également.)
Mme le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Madame le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce passe ou plutôt cet Ausweis sanitaire (Marques de désapprobation sur l’ensemble des travées, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme la ministre déléguée frappe son pupitre d’exaspération.) que l’on nous demande de voter est le parfait symbole du quinquennat, un quinquennat qui aura été jalonné par les injures et le mépris de l’exécutif envers le peuple français !
Souvenons-nous des qualificatifs employés à son égard : « Gaulois réfractaires », « fainéants », « mafieux », « gens qui ne sont rien », « illettrés », « alcooliques », encore récemment « capricieux » et « défaitistes », et j’en oublie sûrement…
Quand le pays réel a dit stop, quand il est descendu sur les ronds-points vêtu de ce gilet jaune de détresse, l’Élysée a répondu par la plus violente répression qu’un mouvement social ait eue à subir depuis des décennies.
Le peuple français, ne vous en déplaise, monsieur le ministre, est enraciné : il est attaché à son pays, à son histoire, à son identité, à sa liberté.
Incapable de comprendre les Français, le Gouvernement a aussi été incapable de le convaincre de l’efficacité de sa politique sanitaire. Il est vrai qu’il a multiplié les fiascos : investissements dans l’hôpital public sacrifiés, mensonges et échecs lamentables sur les masques – rappelez-vous qu’il suffisait d’éternuer dans son coude pour éviter la contamination ! –, refus dogmatique de fermer les frontières, incapacité à mettre des tests à la disposition de nos concitoyens, changements d’avis permanents… Le Gouvernement s’est donc rabattu sur la seule arme qui lui restait : l’enfermement généralisé, le confinement.
Et pendant que la racaille ethnique continue de faire régner le chaos et la terreur (Protestations sur les travées de gauche.), que les islamistes conquièrent chaque jour de nouveaux territoires, le Gouvernement reste impitoyable… mais avec les honnêtes gens.
Aujourd’hui, il veut à nouveau faire usage de la trique et diffuse plus encore le virus mortel de la division de la Nation, en prévoyant une obligation de vaccination, qui ne dit pas son nom, et la mise en place d’une société de surveillance généralisée où chacun, vacciné ou non, devra sortir son passeport sanitaire dix fois par jour pour aller acheter son pain ou, tout simplement, voir sa famille.
Quant aux non-vaccinés, qui ont le droit de ne pas l’être – j’y insiste –, ils deviendront de fait des citoyens de seconde zone, assignés à résidence. Ils sont d’ailleurs déjà considérés comme des délinquants.
Alors non, je ne cautionnerai pas cette vaste entreprise de division du peuple français ! Et c’est en vous regardant dans les yeux que je vous demande, monsieur le ministre – en tout cas c’est ce que j’aurais souhaité, car le ministre n’est plus là… –, de présenter vos excuses au corps médical que vous avez tenté de culpabiliser et de salir.
Alors que les pompiers, les médecins, les infirmières, les aides-soignantes comptent leurs morts pour avoir été en première ligne depuis le début de cette guerre contre la pandémie, alors qu’ils ont manqué de tout par votre faute, vous commettez l’infamie de les culpabiliser et de les diffamer, allant même jusqu’à les menacer de les licencier s’ils ne se soumettent pas à votre diktat sanitaire.
Mais c’est de la folie ! C’est inacceptable ! Honte à ce gouvernement de menteurs, de diviseurs, de manipulateurs, qui tente de faire oublier que le seul responsable de cette catastrophe sanitaire, c’est lui !
Je ne collaborerai pas au flicage généralisé des citoyens. Je ne porterai pas atteinte à leur liberté. Je ne contribuerai pas à dresser les Français les uns contre les autres. (Mme Nathalie Goulet s’agace.) Je voterai contre ce projet de passe autoritaire, au moyen duquel vous piétinez sans vergogne…
Mme le président. Merci, mon cher collègue.
M. Stéphane Ravier. … les valeurs dont vous vous gargarisez, à savoir la liberté, l’égalité et la fraternité.
Mme le président. La parole est à M. Claude Malhuret. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC.)
M. Loïc Hervé. Dans un tout autre style !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Je l’espère !
M. Claude Malhuret. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, en écoutant notre collègue Ravier, j’ai soudain compris que nous vivions sous le joug d’une dictature et que, sans une poignée d’héroïques résistants, nous ne nous en serions pas aperçus.
On nous a tous inoculé dès notre plus jeune âge le DT Polio. Depuis, Agnès Buzyn, cette autocrate, a imposé huit vaccins obligatoires. Le carnet de vaccination, ancêtre du passe sanitaire, instaurait un contrôle généralisé de la population. Big Brother avait décidé qu’aucun enfant – tenez-vous bien ! – ne pouvait entrer à l’école sans cet Ausweis, pour parler comme M. Ravier.
Notre droit le plus sacré à choisir la maladie plutôt que l’immunité était bafoué depuis Pasteur. Les Français eux-mêmes avaient intériorisé la servitude, pensant, comme Hobbes, que seul un Léviathan armé de seringues et d’aiguilles pouvait les sauver.
Heureusement, comme Zorro, Facebook et Twitter sont arrivés (Sourires.), permettant à une avant-garde éclairée de se regrouper contre le totalitarisme vaccinal. Après que, durant des années, onze vaccins nous ont été injectés à l’insu de notre plein gré, au douzième, bingo ! Nos yeux se sont dessillés grâce à ces combattants de la liberté qui ont eu le courage de nommer l’infamie du passe sanitaire : « apartheid » pour Florian Philippot, « coup d’État » pour François Asselineau, « discrimination généralisée » pour Éric Coquerel, « enfermement généralisé » ce soir pour Stéphane Ravier, ou encore « étoile jaune » et « Shoah » pour les plus audacieux.
En définitive, la meilleure preuve des progrès de l’humanité, c’est qu’en 2 500 ans nous sommes passés de Socrate sur l’agora à Francis Lalanne sur Facebook. (Rires et applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Quel dommage que les réseaux sociaux n’aient pas existé plus tôt pour défendre contre les dictateurs de la piqûre la liberté de mourir en harmonie avec la nature et ses dons, parmi lesquels nos compagnons de toujours, la variole, la poliomyélite, la peste et le choléra, qui ont permis aux plus grands auteurs, Camus, Giono, Thomas Mann et d’autres d’écrire les chefs-d’œuvre immortels de la littérature de pandémie !
La variole a disparu ; la covid-19, elle, a des chances de survivre grâce à tous les résistants numériques, qui exigent le droit d’attraper le virus et de le combattre, comme les Polonais de 1940 contre les chars soviétiques, à la seule force de leurs poitrines et de leurs mains nues, et avec le seul secours de l’hydroxychloroquine, parfois renforcée par un médicament redécouvert, le Ricard ! (Rires.)
Les anciens mouraient le poing levé sur les barricades en chantant L’Internationale ; nos héros sont prêts à mourir le poing levé dans les discothèques au son de Staying Alive… (Sourires.)
Comment ne pas admirer aussi cette députée, qui a fait le choix cornélien de fausser compagnie à la majorité sans laquelle elle n’aurait jamais été élue et de haranguer, nouvelle Liberté guidant le peuple (Sourires.), les foules de résistants à la dictature sanitaire en les invitant, comme Henri IV, à se rallier à son panache blond et à envahir les permanences de ses collègues favorables au passe sanitaire.
Je voudrais, cette fois plus sérieusement, implorer que l’on veuille bien nous épargner cette mauvaise querelle sur les libertés. Ce n’est pas le Gouvernement, le pouvoir médical ou les partisans de la vaccination obligatoire qui les restreignent, c’est la pandémie. Loin d’être un viol de notre liberté, les mesures annoncées sont les conditions de son rétablissement.
Vaccination accélérée ou confinement dans deux mois, telle est l’alternative, comme l’a très bien compris la grande majorité des Français qui réalisent que c’est en limitant quelques libertés aujourd’hui que l’on a une chance d’en sauver de bien plus précieuses en septembre prochain. C’est donc ce que nous allons faire, et ce choix ne fait pas du Président de la République un dictateur, mais un décideur. Il ne fait pas du Parlement un rassemblement de tyrans, mais une assemblée de responsables.
Cette décision est-elle difficile ? Elle est au contraire limpide. Le vaccin est une prouesse scientifique que des milliards d’êtres humains attendent désespérément. Quel gouvernement serait assez irresponsable pour ne pas le proposer à tous, le plus vite possible, et pour ne pas protéger en attendant ceux qui ne le sont pas encore ?
Il ne reste donc que des questions de méthode, ce qui ne les rend pas plus simples pour autant.
D’abord, faut-il choisir la vaccination obligatoire pour tous ou le durcissement du passe sanitaire ? La première solution a l’avantage de faire suite à de nombreux précédents et de pouvoir bénéficier de la simplicité du message. Son inconvénient est que la vaccination ne pourra être menée à son terme avant plusieurs mois, alors que le temps presse – Philippe Bas a raison.
L’épidémie flambe de manière exponentielle. Les Chinois viennent de découvrir que la charge virale du variant delta est mille fois supérieure à celle des précédents variants. Et nous serons dans quelques jours à 40 000 ou 50 000 cas quotidiens.
Le Gouvernement a choisi le passe sanitaire, estimant que celui-ci serait mieux accepté. Surtout, le passe est d’application immédiate et n’exclut pas, le cas échéant, la première solution.
Si l’on se rallie à cette stratégie, ce qui est mon cas, il reste à en préciser les contours. Les rédacteurs du texte initial, pensant sans doute que, pour parler fort, il faut avoir un gros bâton, ont eu la main lourde. Le Conseil d’État a déjà freiné quelques ardeurs sur le montant des amendes ou le droit du travail.
Nous devons apporter notre pierre à l’édifice et, en tant qu’élus proches du terrain, faire en sorte que le passe sanitaire ne soit pas la première étape de notre plan de relance industrielle, la relance de la production de paperasserie. (Sourires.)
Évitons par exemple que les terrasses de café se transforment en rings de boxe (M. Loïc Hervé opine.) et que le train de huit heures quarante-sept soit encore retardé de deux heures supplémentaires pour cause de vérification. En matière de protocole, Courteline n’est jamais loin…
La vaccination pour tous, c’est la liberté pour tous. Les droits de chacun doivent être respectés, les contraintes excessives évitées, mais à condition de ne pas mettre en danger la santé d’autrui et de ne pas oublier que le corollaire de la liberté, c’est la responsabilité. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, Les Républicains et UC.)
Mme le président. La parole est à M. Guillaume Gontard. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guillaume Gontard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chaque fois que je suis monté à cette tribune au nom du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, je me suis efforcé de conserver une certaine modestie.
M. Philippe Bas, rapporteur. C’est vrai !
M. Guillaume Gontard. J’ai toujours souligné l’effroyable difficulté de votre tâche, madame la ministre, ce que je confirme encore aujourd’hui. Et si j’ai également toujours déploré votre méthode de gouvernance, je ne me suis jamais opposé à vos choix en matière de lutte contre la covid-19.
J’aurais espéré qu’après un an et demi de pandémie la difficulté de la tâche et l’imprévisibilité de la situation, causes de vos sempiternels reniements, vous auraient conduits, et surtout le Président de la République, à faire preuve d’un peu plus de lucidité et de modestie.
Malheureusement, le Président de la République pense toujours, comme pour l’application StopCovid, que « ce n’est pas un échec », mais que « ça n’a pas marché ».