M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Cela n’étonnera personne, je suis défavorable aux amendements présentés par M. Masson.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nadia Hai, ministre déléguée. Le Gouvernement est défavorable à l’ensemble de ces amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Le régime issu de la loi de 2014 vise l’ensemble des fonctions exécutives. Or les fonctions de vice-président font partie intégrante des fonctions exécutives exercées au sein des EPCI.
Par ailleurs, si le régime des incompatibilités prévu par le code électoral fait obstacle à ce qu’un député ou sénateur exerce des fonctions exécutives locales d’une collectivité territoriale ou d’un EPCI, il n’exclut pas la possibilité, pour ces mêmes élus, de disposer d’un mandat local au sein des assemblées délibérantes des collectivités ou des établissements publics en question. Ainsi, un député ou un sénateur peut parfaitement occuper un siège de conseiller municipal ou de conseiller départemental.
J’ai bien entendu votre allusion, monsieur Paccaud, au regretté Pierre Mauroy. Toutefois, je ne crois pas que vous soyez sur la même longueur d’onde s’agissant d’autres interventions marquantes. Il disait aussi : « Face au chômage, la solution de la sagesse, c’est que les travailleurs travaillent moins. » (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Je répondrai d’abord à Mme Gatel.
Non, chère Françoise, les Français ne sont pas pour, mais contre le cumul ! Dans le sondage que vous avez évoqué, la formulation, très particulière, laisse entendre qu’ils seraient pour. Toutefois, dans le temps et de manière structurelle, ils sont contre. Si nous confondons sondages et votations, nous serons tous très malheureux, eu égard aux récents sondages relatifs à l’élection présidentielle.
Par ailleurs, s’agissant des dérogations à la loi NOTRe liées à la densité, je rappelle que toutes les lois précédentes sur l’intercommunalité avaient prévu des procédures dérogatoires.
Cher collègue Mathieu Darnaud, je suis d’accord avec vous, on devrait aller plus loin ! Laissez-moi simplement vous rappeler que, en 1985, la gauche a interdit les super cumuls, qui étaient trop nombreux. En 2000, il a fallu revenir à l’attaque parce que des stratégies d’évitement avaient été mises en place.
D’une part, la loi de 2000 durcit les conditions du cumul ; d’autre part, elle interdit des pratiques qui s’étaient développées, comme celle de tirer les élus en tête de liste : ces « locomotives » se démettaient ensuite de leur mandat. Il convient donc de lutter de manière itérative contre le cumul des mandats.
Vous dites qu’il faudrait aller plus loin. Dont acte ! Vous êtes majoritaires dans cette assemblée, et j’attends bien sûr vos initiatives en la matière.
Quand on fixe un seuil ou une limite, cela ne convient à personne, et il y a toujours de bonnes raisons d’ajouter des conditions dérogatoires et d’ouvrir la boîte de Pandore.
Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Éric Kerrouche. Je m’apprêtais à le faire, madame la présidente.
Au fond de la boîte de Pandore, il ne reste qu’une chose, l’espoir. Pour notre part, nous avons l’espoir d’une démocratie marquée par le non-cumul et le respect, d’une part, du mandat parlementaire et, d’autre part, du mandat d’élu local.
Mme le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Nos explications se doivent d’être claires !
Pour ma part, j’ai voté la loi NOTRe non par conviction, mais pour empêcher le pire. Sinon, le seuil retenu pour les intercommunalités n’aurait pas été fixé à 15 000 habitants. Plus grave, l’Assemblée nationale aurait adopté le scrutin universel direct pour les conseillers communautaires. J’assume, monsieur Masson, mon rôle de digue ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Par ailleurs, cher collègue Éric Kerrouche, je suis ravie d’avoir ce débat avec vous ! Vous avouez en effet votre culpabilité (M. Éric Kerrouche fait un signe de dénégation.) puisque, d’après vous, les seuils étranges qui ont été introduits l’ont été non par la loi NOTRe, mais bien avant.
La seule chose qui m’intéresse, c’est l’efficacité. Si la loi que vous défendez avec autant de conviction avait fonctionné, cela se saurait ! Nous aurions aujourd’hui une démocratie dans laquelle chacun serait heureux, avec des élus femmes ou ouvriers. Et les maires des communes de 50 habitants pourraient exprimer leur envie d’être parlementaires, tandis que les électeurs se verraient offrir le droit de choisir leur candidat. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Éric Kerrouche. Vous fixez le seuil à 10 000 !
Mme le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour explication de vote.
M. Mathieu Darnaud. Sans vouloir allonger les débats, je ne résiste pas à l’envie d’abonder dans le sens de notre excellente collègue Françoise Gatel.
Nous avons aussi fait œuvre utile, en votant les minorités de blocage et en évitant la disparition des départements.
J’entends ce que vous dites, cher collègue Éric Kerrouche. Pourquoi, à chaque fois que nous avons souhaité enraciner un peu plus les parlementaires, qu’ils soient sénateurs ou députés, dans la vie locale – je pense notamment aux amendements déposés sur les commissions DETR, la dotation d’équipement des territoires ruraux –, avez-vous balayé d’un revers de main ce sujet ?
Monsieur Tissot, vous semblez assimiler les élus des petites communes à des élus assoiffés de pouvoir, dès lors qu’ils intégreraient un exécutif local.
M. Jean-Claude Tissot. Ce n’est absolument pas ce que j’ai dit !
M. Mathieu Darnaud. On a le sentiment que le fait de détenir un mandat exécutif local serait la pire des choses d’un monde particulièrement vil. Il faut raison garder !
Sur les seuils, monsieur Kerrouche, convenez que votre explication est un peu grossière. Pour ce qui concerne les communes de moins de 10 000 habitants – je ne suis pas concerné puisque ma commune en compte 12 000 –, les parlementaires doivent, à mon avis, garder un lien de proximité. Françoise Gatel l’a dit avec justesse, si on veut faire œuvre utile en matière de loi territoriale, les parlementaires doivent vivre au quotidien les enjeux justifiant les textes de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Ce débat me paraît quelque peu surréaliste. Quoi qu’il en soit, nous venons d’apprendre que le Gouvernement est pour le partage du travail, ce dont je ne peux que me réjouir. (Sourires.)
Je le rappelle, le seuil a été fixé à 10 000 habitants. Or on parle beaucoup des communes de 50 ou 100 habitants. J’ai surtout l’impression que les petites communes sont, d’une certaine manière, dénigrées.
J’ai été maire d’une commune de 150 habitants, qui en compte désormais 200. Le travail d’un maire d’une petite commune est un travail et une présence de tous les jours. En effet, sans employé communal ni secrétariat de mairie, alors qu’on peut être appelé dans la semaine au sujet d’une fuite d’eau, il est difficile d’être présent au Parlement du mardi au jeudi. (Mme Françoise Gatel le conteste.)
Surtout, quand je me balade sur mon territoire, je n’ai jamais rencontré personne qui me dise : « Changez-moi ça ! Il faut absolument que nous ayons des cumulards ! » (M. Laurent Duplomb proteste.) C’est bien le mot, je suis désolé, mon cher collègue… On me parle des problématiques de santé, de déplacement, d’alimentation ou d’agriculture, mais on ne m’a jamais fait part d’un problème de non-cumul.
Après avoir démissionné de mes fonctions de maire, je n’ai pas l’impression d’avoir perdu le lien avec le conseil municipal. Je connais toujours la proximité et le travail de terrain, sans compter le bon sens paysan.
Mme le président. En conséquence, l’article 1er est ainsi rédigé, et les amendements nos 6, 5, 14, 8, 2 rectifié, 13, 12, 11, 10, 9 et 21 rectifié n’ont plus d’objet.
Article additionnel après l’article 1er
Mme le président. L’amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Pellevat et Genet, Mmes Puissat, Berthet et Noël, MM. Perrin, Panunzi et Cadec, Mme Muller-Bronn, MM. Meurant, Laménie et Sautarel, Mme Lassarade, MM. Charon et Savary, Mmes Belrhiti et Canayer, MM. Longuet, Houpert, B. Fournier, Calvet, Anglars, Lefèvre et Rietmann, Mme Dumont, MM. Bouchet et D. Laurent, Mmes Deroche, Bourrat et Thomas, M. Segouin, Mmes Procaccia et M. Mercier et MM. Grand, Belin et C. Vial, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L.O. 151 du code électoral est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Pour le remplaçant d’un député en application de l’article L.O. 176, le délai pour faire cesser une incompatibilité mentionnée au I ou II court à compter de la date du remplacement prévu par cet article. »
La parole est à M. Vincent Segouin.
M. Vincent Segouin. Cet amendement déposé par mon collègue Cyril Pellevat vise à simplifier la procédure à suivre lorsque le suppléant d’un parlementaire est appelé à le remplacer.
À l’heure actuelle, lorsqu’un parlementaire quitte ses fonctions prématurément, son suppléant est obligé de démissionner de ses mandats locaux incompatibles avec un mandat parlementaire, et ce même s’il compte in fine démissionner de son mandat de député. Si le suppléant ne souhaite pas conserver le mandat national, il doit démissionner, dans tous les cas, de ses mandats locaux, puis se faire réélire.
Il s’agit d’une formalité inutilement complexe pour les collectivités, qui doivent organiser des scrutins et bouleverser leur fonctionnement.
Cet amendement vise donc à simplifier la procédure, en prévoyant que le remplaçant dispose d’un délai de trente jours à compter du lendemain de l’événement causant le départ du titulaire.
Il a été rejeté en commission parce que vous considérez, monsieur le rapporteur, que s’il permet de simplifier le fonctionnement des collectivités, il complexifie en revanche celui du Parlement, en créant un risque de vacance du siège et en nécessitant l’organisation plus fréquente de scrutins partiels. Or, lors des dernières élections départementales et régionales, ce cas de figure ne s’est produit que dans trois départements. L’ampleur du risque est donc limitée.
Par ailleurs, vous avez également observé qu’une telle disposition ouvrirait un droit d’option au suppléant, alors que le titulaire ne dispose pas d’une telle possibilité. Mais les situations sont tout à fait différentes ! Le titulaire choisit de se présenter, et il semble normal qu’il soit obligé de garder le mandat le plus récent. En revanche, le suppléant n’a pas forcément cette ambition nationale et accepte souvent la suppléance pour aider le titulaire et lui signifier son soutien. Dès lors, il paraît injuste de l’obliger à quitter ses mandats locaux, lorsqu’il ne souhaite pas conserver le mandat de député.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Sur la forme, la rédaction retenue ne permet pas d’aboutir à l’objectif recherché, nous l’avons dit en commission. Cet amendement aurait donc dû être retravaillé.
Sur le fond, ce droit d’option encourage le fait de choisir le mandat local plutôt que le mandat national. Cela pose problème avant l’échéance de l’élection présidentielle, en favorisant, potentiellement, la vacance des sièges au sein des deux assemblées.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nadia Hai, ministre déléguée. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme le président. L’amendement n° 23 rectifié est-il maintenu, monsieur Segouin ?
M. Vincent Segouin. Je le retire, madame le président.
Mme le président. L’amendement n° 3, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le troisième alinéa de l’article 4 de l’ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l’indemnité des membres du Parlement est complété par une phrase ainsi rédigée : « Un parlementaire ne peut toutefois percevoir aucune indemnité pour l’exercice des fonctions de maire ou d’adjoint au maire. »
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Vous pouvez noter, madame la présidente, que j’ai mis mon masque sur le nez ! (Sourires.)
Cet amendement vise à revenir à la version initiale. Tous l’affirment, la volonté de cumuler n’a rien à voir avec l’intérêt. Dans la suite logique de cette affirmation, prévoyons que les parlementaires souhaitant vraiment se dévouer pour leur commune ne perçoivent aucune indemnité à ce titre !
D’ailleurs, si j’avais su que l’amendement relatif aux vice-présidents des conseils départemental et régional serait adopté, je n’aurais pas manqué d’intégrer ce cas de figure dans le cadre de mon amendement, tout en sachant que, compte tenu des intérêts en présence, celui-ci a peu de chances d’être adopté.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Permettez-moi, monsieur Masson, de répéter ce que j’ai dit en début de discussion. Si l’article 2 a été supprimé, c’est parce qu’il présentait un risque d’inconstitutionnalité avéré.
Si nous appliquions votre philosophie, il faudrait aller jusqu’au bout de la démarche et mettre sur la table, par cohérence, l’indemnité que vous percevez au titre de votre mandat de conseiller régional !
Par conséquent, la commission, afin de préserver votre indemnité, a émis un avis défavorable sur cet amendement. (Sourires.)
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nadia Hai, ministre déléguée. Dans la mesure où le Gouvernement est opposé au principe même du cumul des mandats, il est évidemment opposé au cumul des indemnités.
Nous sommes donc défavorables à cet amendement, par cohérence avec notre opposition à ce texte.
Mme le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je suis favorable, quant à moi, à cette proposition de loi organique. Être maire ou adjoint, pour un jeune parlementaire notamment, c’est une expérience importante.
Puisqu’il s’agit d’améliorer l’efficacité de l’action des parlementaires, je voudrais dire un mot sur la réserve parlementaire, qui était utilisée à la satisfaction générale pour financer les petits projets des associations, avec honnêteté et justesse. L’utilisation de cette réserve était contrôlée ; on aurait pu imaginer d’en modifier un peu les modalités, en décidant par exemple qu’elle soit attribuée par le préfet sur avis des parlementaires. Il y avait là un lien très important entre la population, les associations et les communes.
Je souhaite voter pour cette proposition de loi organique, mais les dispositions de l’article 2 me paraissaient néanmoins intéressantes. J’entends la position exprimée par certains, par mon collègue du RDSE notamment : la suppression de l’indemnité affaiblirait ceux qui la perçoivent. Mais je ne suis pas d’accord. On parle ici d’un parlementaire qui décide d’exercer en même temps un mandat de maire ; or, pour démontrer à nos concitoyens le désintéressement des parlementaires, il est bon d’interdire le cumul des indemnités. À défaut, une suspicion pourrait naître chez certains de nos concitoyens, selon laquelle on cumulerait les mandats pour cumuler les indemnités…
J’ai bien compris néanmoins ce qu’a dit M. le rapporteur : une telle disposition est inconstitutionnelle. Je m’abstiendrai donc sur cet amendement.
Mme le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Je renouvelle mes remerciements à M. le rapporteur, qui a fait un excellent travail, avec des arguments très pesés, ainsi qu’à M. le président de la commission des lois, pour son écoute très attentive.
J’invite M. Kerrouche à relire tous les comptes rendus des débats sur la loi de 2013 ; il me semble que le président Buffet, comme, d’ailleurs, certains de vos amis, monsieur Kerrouche, avait alors un regard beaucoup plus nuancé que ne le suggère le titre du rapport qu’il avait commis avec un autre de nos collègues.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Absolument !
Mme Françoise Gatel. Cette proposition de loi organique déposée par Hervé Marseille heurte peut-être la bien-pensance, ou même les convictions de nos collègues, dont je ne remets pas en cause la sincérité. Malgré tout, si votre loi s’était montrée aussi efficace que vous le suggérez, cela se saurait et se verrait dans les urnes !
M. Bruno Retailleau. Bien sûr !
Mme Françoise Gatel. Sur ces sujets, nous avons chacun nos points de vue et nos convictions, que je vous invite à respecter tous. Mon cher collègue, je ne permets pas qu’on dise que nous dénigrerions certains élus locaux. Aucun d’entre nous n’a évoqué le conseiller municipal « banal » ou « lambda ». C’est une insulte ! Un élu, c’est un élu.
Nous n’avons pas dénigré les maires – vraiment, je suis choquée d’entendre une chose pareille.
Quant à notre collègue qui a affirmé que nous voulions être maires et parlementaires parce que nous étions assoiffés de pouvoir – à l’instar de Mathieu Darnaud, je ne suis pas du tout concernée par le texte puisque ma commune compte plus de 10 000 habitants… –, je lui réponds que c’est bien mal connaître ce qu’est l’exercice d’une fonction élective et oublier que chacun de nous est mortel et que nos fonctions le sont tout autant : elles ne sont qu’à durée déterminée et l’envie qui nous anime est plutôt de servir !
Je souhaite vraiment que cette proposition de loi organique soit adoptée. Madame la ministre, il y a là d’excellentes idées pour enrichir la réflexion du Président de la République. (Mmes Françoise Férat, Jocelyne Guidez et M. Vincent Segouin applaudissent.)
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Je rappelle que la règle de l’écrêtement des indemnités date de la loi organique de 1992, qui est venue modifier l’ordonnance de 1958. Le cumul n’est donc pas illimité.
Un mot sur la philosophie de nos travaux : on peut certes essayer de laver plus blanc que blanc mais, in fine, c’est le risque du suffrage censitaire qui se profile. Ne se présenteront aux élections que ceux qui en ont les moyens : à force de dévaluer les indemnités des parlementaires et des élus locaux, ce risque devient très criant.
C’est la raison pour laquelle, mon cher collègue, je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, comme je l’ai dit, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme le président. Monsieur Masson, l’amendement n° 3 est-il maintenu ?
M. Jean Louis Masson. Je m’attendais à ce que M. le rapporteur émette un avis défavorable sur cet amendement.
Il n’y a absolument rien de censitaire dans ma proposition. Le député qui est soi-disant hors sol, on ne s’en occupe pas… Un grand pas a déjà été fait, ce soir : nous sommes passés de la possibilité pour un parlementaire d’être également maire d’une commune de moins de 10 000 habitants à la possibilité d’exercer la vice-présidence d’un conseil général ou d’un conseil régional. À ce rythme, avec deux ou trois heures supplémentaires de débats, nous arriverions à la suppression totale de la proposition de loi organique !
J’assume pleinement ma position ; il est évidemment hors de question, dans ces conditions, que je réponde favorablement à la sollicitation de M. le rapporteur.
Mme le président. En conséquence, l’article 2 demeure supprimé.
Intitulé de la proposition de loi organique
Mme le président. L’amendement n° 7, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet intitulé :
Proposition de loi organique tendant à abroger en partie l’interdiction du cumul d’un mandat parlementaire avec une fonction de maire ou d’adjoint au maire
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Il faut avoir le courage de ses opinions, et appeler un chat un chat ! Cet amendement a pour objet de modifier le titre de la proposition de loi organique pour l’intituler « proposition de loi organique tendant à abroger en partie l’interdiction du cumul d’un mandat parlementaire avec une fonction de maire ou d’adjoint au maire ». Voilà en effet ce que contenait vraiment le texte lorsque j’ai déposé cet amendement, puisque nous n’avions pas encore adopté l’amendement sur les vice-présidents de conseil général et de conseil régional.
L’intitulé que je propose a le mérite d’expliquer très bien ce qu’est le texte que nous sommes en train de voter : nous sommes en train de rétablir les cumuls. Je suis, quant à moi, contre le rétablissement des cumuls ! Ce titre permettrait à tous nos concitoyens de bien comprendre ce que nous nous apprêtons à voter aujourd’hui.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Avis défavorable.
M. Masson l’a dit : le titre qu’il propose n’est plus en cohérence avec ce que nous avons voté. En outre, j’aime la simplicité ; « l’implantation locale des parlementaires », c’est quelque chose de très concret.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Vote sur l’ensemble
Mme le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi organique, je donne la parole à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. À l’évidence, deux positions très tranchées s’opposent de part et d’autre de l’hémicycle – c’est aussi cela, la démocratie.
La question, chère Françoise Gatel, est toute simple : la loi de 2014 est-elle mauvaise ? Faut-il la corriger ? Autrement dit, était-ce mieux avant ? (Oui ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
Ma réponse est tout aussi tranchée que la vôtre, mes chers collègues : sur le long terme, le cumul des mandats a eu un effet négatif à l’échelle nationale, tout simplement parce qu’il n’a pas été également réparti sur l’ensemble du territoire ; des territoires ont donc été privilégiés au détriment d’autres, certains élus étant parlementaires et d’autres non.
À l’échelle locale, le cumul a aussi participé à assécher la démocratie. Une enquête très connue l’a prouvé : les candidats étaient moins nombreux face à un élu sortant cumulant. Le bilan du cumul était donc globalement négatif ; c’est pourquoi nous nous y opposons.
Par ailleurs, il n’est absolument pas sérieux d’expliquer que la crise de la démocratie en France résulte de l’absence de cumul des mandats.
Mme Françoise Gatel. Nous n’avons pas dit ça !
M. Éric Kerrouche. Si ! Cela a été dit et répété, à mon grand étonnement. Mais rien n’est plus faux ! Ce sont là des considérations d’élus pour les élus ; la démocratie, elle, se fait avant tout pour les citoyens et le peuple ! (M. Olivier Jacquin applaudit.)
Mme le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je voudrais simplement, au nom de mon groupe, dire les deux raisons pour lesquelles nous allons voter le texte proposé par notre collègue Hervé Marseille.
Première raison : il s’agit de dénoncer une formidable hypocrisie, qui est d’abord celle du Gouvernement. Celui-ci s’oppose avec une régularité presque métronomique à notre proposition alors même que des ministres, c’est-à-dire des membres de l’exécutif, cumulent !
M. Jean-Marc Boyer. Exactement !
M. Bruno Retailleau. Hypocrisie, encore : on peut, dans une région ou un département, présider une grande commission, mais on n’est pas autorisé à être vice-président.
Hypocrisie, toujours : le cumul « horizontal » d’un certain nombre de fonctions reste possible.
Deuxième raison, plus fondamentale : pensez-vous, mes chers collègues, que la démocratie française ait été réparée par la loi organique interdisant le cumul des mandats ? J’ai entendu le plaidoyer de Françoise Gatel à propos de la loi NOTRe ; curieusement, ces deux textes sont arrivés en même temps. Selon moi, ils révèlent et procèdent d’un esprit de système : ils ont construit une forme de société de l’éloignement. On nous a vendu l’idée selon laquelle avec de grandes régions, de grands cantons, de grandes intercommunalités, tout irait mieux. Mais, partant, on a construit l’éloignement, mes chers collègues !
M. Yves Détraigne. C’est vrai.
M. Bruno Retailleau. Quand on allonge la distance entre le citoyen et le lieu où sont prises les décisions, la confiance s’érode, car la relation est inverse entre la distance et la confiance ! La crise de la démocratie, c’est la crise de la confiance. Lorsqu’on coupe les racines d’un élu parlementaire national, lorsqu’on désarticule le local et le national, alors on prend le risque d’affaiblir la confiance.
Voilà, mes chers collègues, la raison pour laquelle nous souhaitons introduire un peu plus de liberté en cette matière. Nous refusons simplement de nous abandonner à ce que je considère comme des solutions de facilité, démagogiques, qui n’ont été proposées que pour aller dans le sens des sondages. Nous voulons la liberté pour nos concitoyens de choisir leurs élus ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Ce que vient d’expliquer notre collègue Bruno Retailleau contient une part de vérité, mais une part seulement.
La loi NOTRe, en agrandissant les collectivités, a certes eu des effets très néfastes ; mais n’ayons pas la mémoire courte ! À quoi ressemble, par exemple, le découpage des intercommunalités de la loi NOTRe ? Il ressemble exactement à ce que voulait faire Sarkozy ! Qui a engagé les premiers redécoupages autoritaires d’intercommunalités ? C’est bien Sarkozy ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Qui voulait, au départ, imposer le seuil de 15 000 habitants ? Souvenez-vous du projet de loi initial : c’était bien Sarkozy !
On peut reprocher à Hollande d’avoir fait ce que Sarkozy voulait faire, mais il ne faut tout de même pas oublier les responsabilités des uns et des autres. C’est la même chose en matière de lutte contre la criminalité : qui a réduit de 10 000 le nombre de postes de policiers ? C’est Sarkozy ! (« Masson président ! » sur des travées du groupe SER. – Sourires.)
J’aimerais donc que certains de nos collègues n’aient pas la mémoire courte.