M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Le sujet de l’égalité entre les femmes et les hommes est, c’est évident, éminemment interministériel. Ainsi, plusieurs administrations le suivent en fonction des mesures et des codes de rattachement.
Les mesures liées à l’index de l’égalité professionnelle et, plus généralement, au code du travail sont suivies par Élisabeth Borne et ses services, notamment la direction générale du travail (DGT). Quant aux mesures liées au code de commerce, elles sont suivies par le ministre de l’économie, des finances et de la relance, notamment par la direction générale du Trésor, la direction générale des entreprises et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Par conséquent, ce suivi ne saurait être assuré par le seul ministère de l’économie, surtout pour les sujets liés à l’égalité entre les femmes et les hommes, qui font déjà l’objet d’un suivi interministériel, en lien étroit avec les différentes administrations. Pour ce qui concerne, par exemple, le ministère du travail, la publication annuelle des résultats de l’index de l’égalité professionnelle fait partie de ce suivi.
Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. J’entends bien vos arguments, madame la ministre, ainsi que ceux de Mme la rapporteure. Néanmoins, on constate tout de même des résistances, des blocages.
Vous nous indiquez, pour nous rassurer, que le suivi est interministériel, et Mme la ministre du travail insiste sur la vigilance de ses services, notamment de l’inspection du travail.
Or, nous le savons tous au Sénat, l’inspection du travail a été réduite comme peau de chagrin : on manque d’inspecteurs du travail. En outre, la charge de travail de ces derniers est absolument énorme. Nous sommes d’ailleurs alertés, en tant que parlementaires, non seulement sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste mais également sur toutes les autres travées, par des inspecteurs du travail qui nous appellent souvent au secours.
Nous soutenons donc des amendements dans le souci non pas d’être redondants mais d’aider à « gagner » cette égalité, qui peine à s’exercer réellement. On a toujours l’impression que nous allons contre le Gouvernement quand nous faisons des propositions de cet ordre… Non ! Au contraire, nous essayons de consolider les choses pour « gagner » cette égalité que nous appelons de nos vœux.
La question est donc de savoir si les inspecteurs du travail sont suffisamment nombreux, ce que je ne crois pas, et si leur charge de travail n’est pas trop lourde, ce que je ne crois pas non plus puisque leur nombre a été réduit par ce gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je suis désolée, madame la sénatrice, mais je ne vois vraiment pas en quoi rattacher le pilotage de ce sujet au ministère de l’économie répondrait à votre préoccupation.
Je ne crois pas que les inspecteurs du travail souhaitent être dessaisis du suivi de l’égalité femmes-hommes, et je ne crois pas davantage qu’ils souhaitent être rattachés au ministère de l’économie et des finances.
Mme Laurence Cohen. Je n’ai pas dit cela, il faut écouter !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 14 rectifié bis est présenté par Mmes de Cidrac et Billon, M. Belin, Mme Belrhiti, MM. Bonhomme, Bouchet et Brisson, Mme L. Darcos, MM. Daubresse et Détraigne, Mmes Dumont et F. Gerbaud, M. Grand, Mmes Gruny, Guidez, Herzog et Joseph, M. Klinger, Mme Lassarade et MM. Laugier, D. Laurent, Lefèvre, Longeot, P. Martin et Moga.
L’amendement n° 67 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 1142-10 du code du travail, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « deux ».
La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 14 rectifié bis.
Mme Annick Billon. Cet amendement de notre collègue Marta de Cidrac tend à amplifier et à accélérer les efforts en matière d’égalité professionnelle, en réduisant à deux ans le délai initial laissé à l’entreprise de plus de 50 salariés pour atteindre un résultat au moins égal à 75 sur 100 à l’index de l’égalité professionnelle.
Il ne vise pas à remettre en cause le délai supplémentaire d’un an qui peut être accordé, au titre de l’alinéa 3 de l’article L. 1142-10 du code du travail, aux entreprises qui seraient en mesure de justifier un résultat en deçà des attentes. Une entreprise aura donc bien jusqu’à trois ans pour se mettre en conformité en matière d’égalité professionnelle.
J’avais déposé cet amendement en commission, mais il n’a pas été adopté ; je le soutiens donc évidemment.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 67.
Mme Laurence Cohen. Actuellement, en vertu de l’article L. 1142-10 du code du travail, les entreprises disposent d’un délai de trois ans pour atteindre un index de 75 %. Nous proposons, au travers de cet amendement, de réduire ce délai à deux ans.
Nous considérons en effet que cet amendement, sans être révolutionnaire, permettrait d’accélérer la mise en œuvre de l’égalité dans les entreprises. Sachez, mes chers collègues, que, selon une étude du Forum économique mondial, l’égalité salariale ne sera atteinte qu’en 2186 si rien ne change ! (Sourires.) De la patience, je crois que nous en avons, mais aucun d’entre nous ne sera là pour voir les résultats à cette échéance…
Il me semble que les femmes ont été suffisamment patientes et qu’elles ont assez souffert de ce manque de reconnaissance. La mise en place de cet index, que l’on nous vante, et l’adoption de mesures correctrices pour atteindre les objectifs prennent du temps – je n’en doute pas –, mais ce texte doit être beaucoup plus ambitieux.
En outre, il faut le répéter aux entreprises concernées, celles-ci ont tout à gagner à promouvoir et à garantir l’égalité entre leurs salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Il s’agit de réduire à deux ans le délai de mise en conformité applicable aux entreprises soumises à l’index, initialement prévu à trois ans. Il me semble important de répéter que cet index est récent – on l’a dit : il date de 2019, et de 2020 pour les entreprises les plus petites.
Surtout, le premier cycle de trois ans, au terme duquel les entreprises qui n’auraient pas réussi à corriger leurs insuffisances se verraient en effet frappées d’une pénalité, n’est pas encore échu. Quoique je partage votre ambition, Mme Cohen, sur le principe, on ne peut pas faire comme si les entreprises n’avaient pas traversé une période malgré tout un peu particulière, voire vraiment difficile.
Je pense donc qu’il est vraiment préférable – cela me paraît tout à fait logique et normal – d’attendre la fin de ce premier cycle avant de contrôler les résultats obtenus et, comme le prévoit la loi, de sanctionner les entreprises qui n’ont pas réussi à atteindre leurs objectifs. Cela vaut mieux que de changer les règles du jeu en cours de route.
La commission considère donc qu’il est plus sage d’en rester au délai prévu. Chacun a besoin de visibilité pour se mettre en conformité.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je comprends votre impatience et je la partage, mesdames les sénatrices. Si la disposition que vous proposez s’appliquait, néanmoins, le résultat serait paradoxal : pour ce qui est des entreprises de plus de 250 salariés, 2022 est déjà la troisième année du délai dont elles disposent pour se mettre en conformité ; ces entreprises vont donc déjà être soumises à des sanctions si elles n’atteignent pas des résultats satisfaisants.
Autrement dit, l’effet de cette réduction du délai concernerait les entreprises de 50 à 250 salariés, pour lesquelles une certaine stabilité du droit paraît nécessaire : il faut leur laisser un délai suffisant pour qu’elles puissent prendre les mesures correctives nécessaires.
Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 14 rectifié bis et 67.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 83, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Après la référence : « L. 1142-4 », la fin du premier alinéa de l’article L. 1143-1 est ainsi rédigée : « font l’objet d’une négociation dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État en vue de l’adoption d’un plan pour l’égalité professionnelle dans l’entreprise. » ;
2° À l’article L. 1143-2, les mots : « peut mettre en œuvre le plan pour l’égalité professionnelle, sous réserve d’avoir préalablement consulté et » sont remplacés par les mots : « met en œuvre un plan pour l’égalité professionnelle après avoir ».
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement a été déposé en commission des affaires sociales du Sénat par notre collègue Annick Billon. Son importance justifie que nous le déposions à notre tour et en notre nom en séance publique.
Je sais, mes chers collègues, combien vous partagez notre ambition quant à l’obligation de négociation mais aussi de mise en œuvre d’un plan pour l’égalité professionnelle.
En effet, la négociation des accords salariaux au sein des entreprises et la publication des écarts de rémunération constituent une première étape ; la deuxième étape consiste à rendre obligatoire une telle négociation dans les entreprises, ainsi que la mise en œuvre d’un plan pour l’égalité professionnelle dans les entreprises où des écarts sont constatés. Il s’agit de passer d’une obligation de moyen à une obligation de résultat.
En matière d’égalité salariale, cela fait quarante ans que l’on attend ! Il est plus que temps de contraindre les entreprises à agir.
M. le président. L’amendement n° 68, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 1143-1 du code du travail, les mots : « peuvent faire » sont remplacés par le mot : « font ».
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Toujours dans l’objectif de franchir réellement une nouvelle étape en faveur de l’égalité et d’aller plus loin que la présente proposition de loi, nous proposons de passer d’une simple incitation à une obligation en matière de plan pour l’égalité professionnelle au sein des entreprises, comme vient de le souligner ma collègue Cathy Apourceau-Poly.
Concrètement, nous proposons de modifier l’article L. 1143-1 du code du travail en remplaçant les mots « peuvent faire l’objet » par les mots « font l’objet » – un simple mot fait toute la différence…
J’ai déjà dit précédemment ce que je pensais à propos de l’égalité salariale : devra-t-on attendre 2186 ? Nul besoin non plus de répéter des chiffres dont il a été fait mention à longueur de temps depuis le début de l’examen de ce texte, mais qui, visiblement, n’ont aucune importance…
Je citerai, en revanche, le baromètre annuel du Medef – vous avouerez, mes chers collègues, que cette référence n’est guère commune de ce côté de l’hémicycle… L’enquête montre que, pour 47 % des salariés, l’égalité entre les femmes et les hommes dans les entreprises est une priorité. En tant que législateurs, nous avons la possibilité d’ajouter une pierre à l’édifice en votant cet amendement, de faire en sorte que les plans pour l’égalité en matière de recrutement, de formation, de promotions, d’organisation et de conditions de travail deviennent la règle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Ce sujet est un peu technique : le code du travail prévoit aujourd’hui que l’employeur peut prendre des mesures visant à établir l’égalité des chances entre les femmes et les hommes et que, dans un deuxième temps, ces mesures peuvent faire l’objet d’une négociation au sein de l’entreprise en vue de l’élaboration d’un plan d’action pour l’égalité professionnelle.
Rendre cette négociation obligatoire, comme vous le proposez, madame Cohen, risque de s’avérer contre-productif, en créant une incitation négative à la mise en œuvre par les employeurs de mesures en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes, sachant que toute décision prise sera ensuite obligatoirement versée à la négociation sociale au sein de l’entreprise. Ce n’est probablement pas le but que vous cherchez à atteindre.
Avis défavorable, donc, sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Madame la sénatrice Cohen, les objectifs assignés au plan visant à établir l’égalité des chances sont déjà très largement couverts par le contenu des accords pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes négociés au sein de l’entreprise. À défaut de tels accords, de surcroît, le code du travail prévoit que l’employeur est tenu d’élaborer un plan d’action annuel destiné à assurer la satisfaction de ces objectifs.
Ces accords et plans d’action portent notamment sur les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération ; ils sont obligatoires depuis l’année dernière dans toutes les entreprises de plus de 50 salariés. Au regard du droit actuel, créer une nouvelle obligation en la matière serait donc tout à fait redondant, ce qui risque, comme le disait Mme la rapporteure, d’être contre-productif – le présent texte est déjà suffisamment fourni sur ce point.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je rappelle l’intitulé de cette proposition de loi : « accélérer l’égalité économique et professionnelle » ! Or on retoque tous les amendements que nous présentons visant à inciter davantage, au motif que leur adoption serait contre-productive : au bout du compte, l’application des dispositions que nous proposons inciterait les employeurs à ne rien faire.
Mme la rapporteure nous dit même qu’il s’agit d’un sujet très technique, puisqu’il y va du code du travail. Veuillez m’excuser, mes chers collègues, mais un des rôles de la commission des affaires sociales est bel et bien d’examiner et, le cas échéant, de modifier le code du travail – cela fait partie de ses attributions. Je ne vois donc pas en quoi ce sujet serait plus technique qu’un autre…
Un peu plus tôt dans l’après-midi, quand nous avons discuté du télétravail pour les femmes enceintes, il était déjà question de savoir s’il fallait un droit opposable ou une possibilité, et vous avez présenté des arguments contraires à ceux que vous exposez maintenant, que je ne comprends tout simplement pas, en toute franchise, madame la rapporteure, madame la ministre.
Que vous soyez en désaccord avec nous parce que vous trouvez que tout va bien, que le droit actuel vous convient et vous paraît suffisant, c’est une chose ; quant à vous entendre dire que la mesure pour laquelle nous plaidons va s’avérer contre-productive, car elle risque de froisser les entreprises, j’avoue que je m’y perds…
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Cela fait en effet trois amendements successifs que notre groupe dépose afin de répondre à l’ambition affichée dans l’intitulé de cette proposition de loi : accélérer l’égalité économique et professionnelle.
J’entends ce qui a été dit ; vous avez dit notamment, madame la ministre, que nous faisions preuve d’impatience. Nulle impatience, pourtant, de notre part !
Mme Cécile Cukierman. Simplement, il existe une exigence à laquelle il est nécessaire de répondre ; c’est tout l’enjeu de notre débat. Sur ce texte, comme à propos de nombreux autres, on a passé un temps considérable à parler – c’est bien normal et pas du tout inutile – de la lutte contre les stéréotypes, des problèmes de plafond de verre, d’orientation, de représentation, d’interdits subis, conscients, inconscients ; et nous savons le faire avec beaucoup de simplicité. Mais quand on en arrive à la question du monde du travail, ça bloque !
Pour ma part, je suis convaincue d’une chose – c’est pourquoi je parle de « nécessité » : si l’on n’arrive pas à accélérer et à transformer la réalité sociale dans laquelle vivent les femmes et les hommes, donc la place des femmes dans le monde du travail, tout le reste – je le dis au risque de choquer –, c’est du flan !
Autrement dit, on n’atteindra les objectifs fixés en matière de répartition des tâches dans le monde familial et intrafamilial que parce que les femmes seront socialement reconnues et traitées à égalité dans le monde du travail. Il faut cesser d’attendre ! Nous voulons une réelle accélération dans la prise en compte de ces mesures.
On nous répond poliment que les contraintes que nous proposons pourraient être contre-productives ; je pense au contraire qu’il faut avancer. Certains ont attendu Godot, qui n’est jamais arrivé. Quant à nous, l’égalité professionnelle, nous ne l’attendons pas : nous proposons par amendement la mise en œuvre de mesures permettant de l’atteindre !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Nous allons voter ces amendements.
Je voudrais revenir sur la nature de notre débat. Nous constatons toutes – tel était l’objet de votre propos introductif, madame la ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes – que les choses n’avancent pas aussi vite que nous le voudrions, que les lois ne sont pas toujours suivies des effets attendus, que les résistances à l’égalité entre les femmes et les hommes, dans le monde économique comme dans le monde politique et dans tous les milieux sans exception, restent fortes.
En matière d’égalité professionnelle, l’enjeu n’est pas mince : c’est celui de la rémunération des femmes, avec, à la clé, un coût du travail plus élevé – c’est ce qui explique les résistances. Disons-le clairement : si l’on paie les femmes à la hauteur de ce qu’elles devraient être payées, les coûts salariaux augmenteront.
Songez cependant qu’en débattant de cette proposition de loi nous faisons toutes beaucoup d’efforts. En réalité, les quotas de femmes dans les comités exécutifs, c’est bien ; mais, pour les filles qui sont à l’usine ou pour les femmes qui travaillent comme aides à domicile ou dans la grande distribution, ce genre de dispositions fait à peu près le même effet que l’annonce de soldes chez Hermès. En aucun cas cela ne – comment dites-vous, déjà ? – « ruissellera » jusqu’à elles !
Voilà des amendements dont l’adoption permettrait que cette proposition de loi ne soit pas exclusivement destinée à mieux garantir la place des femmes dans les équipes dirigeantes, ce à quoi nous sommes par ailleurs favorables ; les réticences du Gouvernement à ce que l’on fasse plus et mieux sont donc incompréhensibles, sauf à ce qu’il veuille une fois de plus nous laisser penser que la grande cause du quinquennat est celle des premières de cordée ! (M. Patrick Kanner, Mmes Annie Le Houerou et Monique Lubin applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. J’en appelle à davantage de dialectique : entrer dans le « dur » du code du travail, c’est important, certes ; mais cela n’a pas à venir « avant » tout le reste. J’ai l’impression que l’on suggère que la répartition des tâches ménagères ou les stéréotypes et les biais de genre ne seraient pas des sujets très importants. Je ne suis pas du tout d’accord !
On parle toujours du « plafond de verre », mais il existe un autre phénomène décrit par les sociologues, celui du « plancher collant » : les femmes négocient moins leur salaire et leurs conditions de travail. Les effets de représentation, qui sont d’ordre culturel, sont tout aussi décisifs que le code du travail : il n’y a pas d’un côté le « soft », de l’autre le « dur » !
Le code du travail, j’y suis attachée autant que vous tous, mes chers collègues. Mais il y a aussi une action culturelle à mener sur les stéréotypes – et je regrette que les amendements présentés en ce sens n’aient pas recueilli les faveurs de notre assemblée. Cette action est vraiment essentielle ; elle ne passe ni avant ni après, ni devant ni derrière, mais bien – pardonnez-moi cet emprunt – « en même temps », pour le coup !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Vous pouvez peut-être accepter l’idée, mesdames les sénatrices, que le Gouvernement et la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale se préoccupent de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ! L’index de l’égalité professionnelle est une réelle avancée, dont on peut mesurer année après année l’effet sur le changement des comportements.
La proposition de loi que vous examinez ce soir a en partie pour objet de rééquilibrer les responsabilités au sein des entreprises. Mais je partage tout à fait l’idée qu’il faut s’occuper aussi des bas salaires, parmi lesquels les femmes sont surreprésentées. Une fois échu le cycle de trois ans, c’est-à-dire dès l’an prochain, nous pourrons réfléchir à une évolution de l’index visant à intégrer la question de la surreprésentation des femmes dans les bas salaires.
En l’occurrence, je partage totalement ce qu’a dit Mme la rapporteure, le sujet dont nous sommes en train de débattre est assez technique. Il existe en effet deux outils assez redondants dans le code du travail : d’une part, le plan pour l’égalité professionnelle et, d’autre part et désormais, l’obligation de négocier des accords relatifs à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Peut-être le code du travail mériterait-il donc un certain toilettage à cet égard.
Nous vous invitons donc, mesdames, messieurs les sénateurs, à ne pas suivre la proposition, elle-même redondante, des auteurs de ces amendements, étant entendu que les accords relatifs à l’égalité professionnelle sont obligatoires et qu’en l’absence d’accord le code du travail prévoit que l’employeur est tenu d’établir un plan d’action annuel destiné à assurer la satisfaction de ces objectifs.
M. le président. L’amendement n° 54, présenté par Mmes M. Filleul, Rossignol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, MM. Antiste et Cardon, Mme Monier, M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 1225-26 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le non-respect de cette mesure est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. »
La parole est à Mme Martine Filleul.
Mme Martine Filleul. Depuis 2006, la loi prévoit qu’un congé de maternité ne doit pas pénaliser la feuille de paie des femmes. Si, pendant ce congé, une augmentation générale des salaires a été décidée dans l’entreprise, à son retour l’employé bénéficie d’un rattrapage salarial équivalent à ladite augmentation générale ; si certains salariés ont bénéficié d’augmentations individuelles, l’employé a droit à un rattrapage égal à la moyenne des augmentations accordées aux salariés de même qualification.
Mais ces obligations ne sont pas toujours respectées, loin de là. Selon le ministère du travail, 29 % des entreprises ne les respectent pas. Si des sanctions sont prévues – l’entreprise risque une amende de 1 500 euros, doublée en cas de récidive –, il semblerait, au vu des chiffres, que celles-ci ne soient pas suffisamment dissuasives. Nous proposons donc de renforcer les sanctions applicables à ceux qui n’appliquent pas la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. La méconnaissance par l’employeur de cette obligation de rattrapage salarial pour les femmes de retour de congé de maternité est d’ores et déjà punie d’une amende de 10 000 euros. Cet amendement, qui a pour objet de prévoir une sanction pour non-respect de la mesure, est donc satisfait.
Par ailleurs, il n’est pas précisé si l’amende sera applicable à l’entreprise ou à l’employeur.
En revanche, je vous rejoins sur un point, ma chère collègue : il est vrai que les obligations relatives aux augmentations de salaire en cas de retour de congé de maternité ne sont pas suffisamment respectées ; c’est l’un des enjeux de l’index de l’égalité professionnelle que de mesurer ce volet spécifique.
L’idée, avec ce texte, est de contraindre les employeurs à publier non plus l’index dans sa globalité, mais ses résultats indicateur par indicateur, ce qui permettra de faire la lumière sur les entreprises qui ne respectent pas cette obligation, de les inciter autant que possible à y remédier et, le cas échéant, de les sanctionner.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.