Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. M. le sénateur Iacovelli souhaite supprimer les termes « au sein de l’ensemble constitué par », s’agissant du vivier concerné par l’application du quota, et en revenir à la rédaction proposée initialement par l’Assemblée nationale.
Cette rédaction, plus simple, fait apparaître clairement que la publication concerne deux populations distinctes : d’une part, les membres des instances dirigeantes, et, d’autre part, les cadres dirigeants.
Elle permet d’éviter l’interprétation selon laquelle un taux de représentativité unique serait calculé en assimilant totalement les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes. Une telle interprétation pourrait aboutir à considérer qu’une société respecte le quota légal dans le cas où un grand nombre de femmes cadres dirigeantes viendrait compenser une absence de femmes dans les instances dirigeantes.
Le présent amendement n’est pas simplement rédactionnel puisqu’il tend à rétablir l’esprit du texte d’origine. Il prévoit en effet un quota pour les cadres dirigeants et un autre pour les instances dirigeantes, et non pas un quota calculé de façon unique pouvant être atteint dans le cas où il y aurait suffisamment de femmes cadres dirigeantes pour compenser numériquement l’absence de femmes au comex.
Cet amendement permettant d’éviter de possibles contournements de la loi, j’y suis favorable.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 26 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 60 rectifié est présenté par Mme Pantel, MM. Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I.- Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Par dérogation aux articles L. 311-6 et L. 312-1-2 du code des relations entre le public et l’administration, ces écarts de représentation sont rendus publics sur le site internet du ministère chargé du travail, dans des conditions définies par décret.
II.- Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
III.- Alinéa 11, première phrase
Remplacer le mot :
troisième
par le mot :
second
IV.- Alinéa 14
Remplacer les mots :
Les deuxième et troisième alinéas
par les mots :
Le second alinéa
et le mot :
entrent
par le mot :
entre
V.- Alinéa 15
Remplacer le mot :
troisième
par le mot :
deuxième
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 26.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires a pour objet de revenir sur l’amendement par lequel la commission des affaires sociales du Sénat a accordé un délai de cinq ans pour la publication, sur le site du ministère du travail, des écarts de représentation dans les instances dirigeantes des entreprises.
En effet, même si le premier quota de 30 % ne s’appliquera que cinq ans après l’entrée en vigueur de la loi, la publication des écarts avant cette échéance prévue par l’Assemblée nationale a toute son utilité. Elle permettra de visibiliser « au fil de l’eau » les efforts opérés par les entreprises afin de féminiser leurs instances dirigeantes, et de constituer à la fois une base de données utile et une première incitation à anticiper l’échéance de cinq ans. Nous sommes donc opposés à des délais supplémentaires.
Mme le président. La parole est à Mme Guylène Pantel, pour présenter l’amendement n° 60 rectifié.
Mme Guylène Pantel. Cet amendement vise à rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, qui prévoit que les écarts de représentation entre les femmes et les hommes soient rendus publics sur le site du ministère du travail un an après l’entrée en vigueur de la loi, et non pas cinq ans après, comme le préconise la commission des affaires sociales.
L’article 7 vise à ce que les entreprises parviennent, d’ici à dix ans, à déconstruire le plafond de verre dont nous avons hérité, en s’appuyant sur des jalons qui sont autant d’étapes pour atteindre cet objectif. Or décaler un jalon pour le faire concorder avec un autre risquerait de déséquilibrer la progressivité de la méthode proposée à l’article 7.
L’obligation de publication ne doit pas être vue, par ailleurs, comme une sanction, mais plutôt comme un outil mis à la disposition des entreprises pour mettre en valeur les efforts consentis et pour attirer les talents. Je pense en particulier aux filières qui peinent à recruter en raison d’un marché des compétences tendu, et qui auront une nouvelle corde à leur arc pour séduire un public qu’elles n’attiraient pas auparavant.
Enfin, presque quarante ans après les premiers textes sur l’égalité professionnelle et dix ans après la loi Copé-Zimmermann, on peut raisonnablement penser que les entreprises ont eu largement le temps de s’adapter à cet objectif, et qu’elles peuvent accélérer sans plus attendre cette démarche.
Mes chers collègues, « si on veut que les femmes comptent, il faut compter les femmes », pour reprendre le slogan du collectif Sista !
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Nos collègues souhaitent mettre l’accent sur le volet incitatif, ce que je comprends. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion d’échanger récemment sur ce point avec Mme la ministre.
L’idée de faire coïncider le name and shame avec la publication des écarts de représentation sur le site du ministère du travail est perçue par les entreprises comme une sanction qui intervient avant l’entrée en vigueur de la loi. Quand un enseignant donne un devoir à faire à un élève pour la fin de la semaine, il ne le punit pas si ce devoir n’est pas rendu en début de semaine ! C’est le même principe qui doit prévaloir ici.
Pour autant, l’incitation est importante, vous avez raison de le souligner, tout comme l’accompagnement des entreprises vers l’objectif à atteindre. C’est la raison pour laquelle la commission n’est pas revenue sur un autre dispositif de publicité, à savoir la publication des écarts d’égalité hommes-femmes sur le site internet de l’entreprise, afin de permettre la mise en place de cette première étape au niveau de la communication interne et externe de l’entreprise.
En tout état de cause, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Le texte, tel qu’il a été adopté par la commission des affaires sociales du Sénat, prévoit une entrée en vigueur de la publication des résultats sur le site internet du ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion le 1er mars de la cinquième année suivant la publication de la présente loi.
Ces amendements visent à prévoir, quant à eux, une entrée en vigueur de cette mesure le 1er mars de l’année suivant la publication de la présente loi, conformément au vote de l’Assemblée nationale.
J’entends les arguments de votre rapporteure, qui souhaite laisser plus de temps aux entreprises pour adapter leurs pratiques à la nouvelle réglementation. Mais je considère dans le même temps que, depuis dix ans, les entreprises ont eu suffisamment de temps pour féminiser leurs équipes. Il s’agit ici d’une mesure peu coercitive, qui permettra de recruter sur des secteurs d’emplois aujourd’hui déjà en tension.
Il nous faut donc pouvoir définir une entrée en vigueur permettant de concilier l’exigence de transparence, tout en accordant aux entreprises un délai avant que leurs résultats ne soient mis en ligne sur le site du ministère chargé de l’emploi. Ce délai doit permettre aux entreprises de mener les premières actions pour améliorer la parité entre les femmes et les hommes au sein de la population visée.
La définition du délai d’entrée en vigueur le plus adéquat pourra faire l’objet d’un compromis dans la suite de la navette parlementaire. Une durée de deux ans avant la publication pourrait, par exemple, être une échéance tout à fait adaptée.
J’émets donc, pour ces raisons, un avis favorable sur ces deux amendements.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 26 et 60 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. L’amendement n° 36, présenté par Mmes Rossignol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, MM. Antiste et Cardon, Mmes M. Filleul et Monier, M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer le taux :
30 %
par le taux :
40 %
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement vise à renforcer les obligations paritaires des entreprises en élevant la représentation minimale de chaque sexe à 40 %, au lieu de 30 %, les entreprises disposant d’un délai de cinq ans pour y parvenir.
Je rappelle que la parité, ce n’est pas 30 % ou 40 % de femmes, mais bien 50 % ! Du point de vue de l’objectif visé, le seuil minimal de 40 % constitue donc une étape inférieure pour donner le temps aux entreprises d’atteindre la parité réelle.
Par ailleurs, ces sujets ne sont ni nouveaux ni surprenants : il en est question depuis 1972, c’est-à-dire depuis la première loi sur l’égalité salariale qui, elle-même, indiquait la voie à suivre pour instaurer l’égalité de salaire et de rémunération entre les hommes et les femmes, supposée découler d’une égalité d’accès aux postes de responsabilité. En presque cinquante ans, il nous semble que les entreprises ont eu le temps de se préparer…
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Cet amendement vise à fixer à 40 % dès la cinquième année suivant la publication de la loi le quota de femmes parmi les cadres dirigeants et membres des instances dirigeantes.
Au-delà de la complexité d’une telle mesure pour certaines entreprises, et même si l’égalité professionnelle est un sujet de discussion depuis plusieurs dizaines d’années, la proposition de loi dont nous discutons me paraît présenter une vertu intéressante : ses dispositions ont un caractère progressif. Cette méthode permet la mise en place de dispositifs d’accompagnement, condition nécessaire pour que la loi soit effective, c’est-à-dire ambitieuse, mais réaliste pour les entreprises.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° 96, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 8, première phrase
Après le mot :
entreprises
insérer les mots :
qui, pour le troisième exercice consécutif, emploient un nombre moyen
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Cet amendement vise à clarifier l’appréciation du seuil de 1 000 salariés délimitant le champ d’application de l’article 7. Seront ainsi soumises à l’obligation de quota les entreprises qui, pour le troisième exercice consécutif, ont employé un nombre moyen de plus de 1 000 salariés.
En apportant cette précision, il s’agit d’éviter qu’une société qui franchirait ce seuil de façon temporaire ne sache pas si elle doit se conformer ou non aux obligations figurant à l’article 7. Cette formulation reprend les mêmes modalités que celles prévues dans la loi Copé-Zimmermann, ce qui pourrait en faciliter l’application.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Favorable.
Mme le président. L’amendement n° 98, présenté par Mme Garnier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 8, première phrase
Remplacer le mot :
second
par le mot :
troisième
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° 37, présenté par Mmes Rossignol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, MM. Antiste et Cardon, Mmes M. Filleul et Monier, M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 8
1° Première phrase
Remplacer les mots :
de deux ans
par les mots :
d’un an
2° Dernière phrase
Remplacer les mots :
peut se voir
par les mots :
se voit
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. L’article 7 tend à prévoir qu’une entreprise ne respectant pas les obligations fixées par le présent texte aura un délai de deux ans pour s’y plier, sous peine de se voir éventuellement infliger une pénalité financière.
Nous proposons de réduire ce délai à une année. Depuis le temps que ces entreprises sont incitées à favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes, pourquoi ne pas le diminuer ?
Le présent amendement vise à retirer le caractère facultatif de la sanction en renforçant la portée de l’obligation paritaire et en diminuant de moitié le délai de mise en conformité à l’expiration du délai légal.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Le caractère non systématique de la sanction prévue à l’alinéa 8 de l’article 7 est cohérent avec la souplesse prévue à l’alinéa suivant, qui vise à préciser que l’autorité administrative prend en compte la situation initiale de l’entreprise, les efforts constatés ainsi que les motifs de sa défaillance si elle n’est pas en mesure de satisfaire aux quotas prévus par la loi.
Cette souplesse est bienvenue, d’autant que les objectifs fixés par le texte sont ambitieux pour de nombreuses entreprises.
J’émets donc un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Cet amendement vise à réduire à un an le délai accordé à l’entreprise pour se mettre en conformité. Il tend à ajouter un caractère systématique à la sanction en cas de non-atteinte de l’objectif fixé.
Le dispositif instauré à l’article 7 fixe des objectifs ambitieux, tout en laissant le temps nécessaire aux entreprises présentant une faible mixité femmes-hommes d’agir sur le vivier de cadres.
Soyons réalistes : certaines entreprises partent de si loin et connaissent un niveau de mixité femmes-hommes tellement bas que, pour atteindre les paliers intermédiaires de 30 % et de 40 %, cela leur demandera un travail colossal. Je pense, notamment, à des secteurs comme celui du bâtiment et à tous les bassins d’emploi où il est plus compliqué de recruter des femmes cadres.
Le délai accordé de deux ans est de nature à garantir un bon équilibre entre l’exigence d’engager les entreprises à s’inscrire dès à présent dans une démarche favorisant la parité et la prise en compte réaliste de la situation de chacune d’entre elles.
Par ailleurs, l’inspection du travail doit disposer d’une marge d’appréciation s’agissant de l’application de la sanction afin de pouvoir tenir compte des situations spécifiques des entreprises, qu’il s’agisse des efforts qu’elles vont entreprendre en matière d’égalité femmes-hommes, de leur situation initiale en matière de parité, du bassin d’emploi, des difficultés économiques éventuelles, etc.
Il est donc nécessaire de maintenir le caractère non systématique de l’application de la pénalité. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement.
Mme le président. L’amendement n° 99 rectifié, présenté par Mme Garnier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 9, première phrase
Remplacer la deuxième occurrence des mots :
premier alinéa
par la référence :
I
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° 61 rectifié, présenté par Mme Pantel, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Remplacer les mots :
au maximum à
par les mots :
entre 0,5 % et
La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. L’article 7 tend à fixer un objectif de représentation équilibrée de chaque sexe au sein des instances dirigeantes des entreprises d’au moins 1 000 salariés.
Nous le savons, l’effectivité de la loi passe par la sanction des comportements qui ne s’y conformeraient pas. C’est pourquoi le dispositif prévoit une pénalité financière pour l’entreprise, qui ne pourra pas excéder 1 % des rémunérations et des gains versés aux travailleurs salariés au cours de l’année civile précédente. En revanche, il n’est pas prévu de plancher pour le montant des pénalités.
Cette absence pourrait, selon nous, constituer un frein à la mise en place de mesures correctives. C’est pourquoi nous proposons d’instaurer un plancher fixé à 0,5 % des rémunérations et gains versés aux travailleurs salariés.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Cet amendement, dont je comprends la logique, peut paraître intéressant. Pour autant, eu égard à ce qui a été rappelé précédemment sur la non-automaticité de la sanction dans un certain nombre de cas de figure, sur lesquels je ne reviendrai pas, mieux vaut prévoir une petite sanction que pas de sanction du tout.
Si une entreprise ne répondait pas aux obligations fixées par la loi et que l’administration avait en tête un plancher, tel que celui que vous proposez d’instaurer, cette dernière pourrait être amenée à ne pas déclencher de sanctions. Or il me semble plus vertueux, compte tenu de l’objectif visé, d’appliquer une petite sanction – y compris inférieure à 0,5 % de la masse salariale, ce qui peut déjà représenter une somme importante pour une entreprise –, plutôt, j’y insiste, que pas de sanction du tout.
C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Un niveau de sanction à hauteur de 1 % modulable, laissé à l’appréciation des autorités, permet déjà d’avancer sérieusement sur cette question.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 81, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 9, première phrase
Remplacer le taux :
1 %
par le taux :
10 %
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Nous proposons d’augmenter la pénalité financière prévue au bout de deux ans lorsque les entreprises n’auront pas respecté le quota à atteindre en termes de parité dans toutes les instances dirigeantes.
Au-delà du délai de mise en conformité et du seuil à atteindre, sur lesquels il faut être plus exigeant et ambitieux, nous pensons qu’il faut également jouer sur le levier de la pénalité financière.
On l’a vu, et cela fait des années qu’on le constate, l’égalité et la parité ne sont pas automatiques. Comme cela a été rappelé tout au long de nos débats, malgré plusieurs lois sur ce sujet, les femmes restent victimes de discriminations et d’inégalités dans la sphère professionnelle.
Des pénalités financières à hauteur de 1 % existent déjà, par exemple en cas d’absence d’accord sur l’égalité. On a désormais assez de recul, madame la rapporteure, pour conclure qu’elles ne sont pas assez dissuasives ! Pour les instances dirigeantes, fixer ces sanctions à 10 %, au maximum, des rémunérations et des gains aurait certainement un effet beaucoup plus persuasif.
J’entends déjà les arguments que l’on va nous opposer… Mais je tiens à signaler ici que nous visons non pas les petites et moyennes entreprises, que cela pourrait en effet mettre en difficulté, mais les entreprises de plus de 1 000 salariés.
Nous profitons donc de cette proposition de loi pour enrichir et renforcer notre législation, afin de favoriser l’accès des femmes aux responsabilités.
Je crains que cet amendement ne subisse le même sort que celui de ma collègue Guylène Pantel, mais vous l’avez remarqué : je crois aux arguments que je porte et je les défends avec conviction !
Mme le président. L’amendement n° 12 rectifié bis, présenté par M. Henno, Mme Vermeillet, M. Canévet, Mmes Férat et Perrot, M. Prince, Mme Vérien, M. P. Martin, Mmes Billon, Létard et Doineau, MM. Vanlerenberghe et S. Demilly, Mme Herzog et M. Duffourg, est ainsi libellé :
Alinéa 9, première phrase
Remplacer le taux :
1 %
par le taux :
2 %
La parole est à M. Olivier Henno.
Mme le président. L’amendement n° 12 rectifié bis est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 81 ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Madame Cohen, je salue votre constance ainsi que votre logique et je l’entends, mais ce n’est pas celle du texte, vous l’avez compris ; ce n’est pas celle de l’équilibre que je défends.
Pour ma part, il me semble que 1 % de la masse salariale est déjà un taux dissuasif. Rappelons que cette sanction est associée à la mise en place d’une logique de name and shame, d’abord sur la publicité extérieure des entreprises puis sur le site du ministère du travail. Les entreprises y sont très attentives, il ne faut pas le sous-estimer : c’est également perçu comme une sanction touchant l’image de marque.
À mon sens, en alliant ces deux éléments, on met en place un dispositif qui fonctionne et qui incite fortement les entreprises à avancer sur ce chemin de l’égalité, voire les dissuade de ne pas le faire.
Je précise que de nombreuses organisations patronales, diverses, souhaitaient que la sanction financière ne s’applique que sur le périmètre de la population concernée par la non-application des quotas. Vous le voyez, en prenant en compte l’ensemble de la masse salariale, nous mettons donc déjà en place un dispositif qui me semble tenir la route.
Avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Le moins que je puisse faire, madame la sénatrice, c’est saluer votre persévérance. Cependant, fixer la pénalité à 10 % de la masse salariale me paraît largement disproportionné, et surtout contre-productif, d’autant plus si notre objectif est de faire de la pédagogie, d’accélérer, de sensibiliser et d’améliorer la situation des femmes dans l’entreprise. Je viens de ce monde et je sais comment il fonctionne, une telle disposition ne donnera pas de résultat.
Il me semble que le plafond de 1 % retenu dans le présent article est cohérent avec le taux de la pénalité fixé pour les autres obligations du code du travail en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Il s’agit, ainsi, du même montant maximum susceptible d’être infligé à une entreprise qui ne respecterait pas ses obligations relatives à l’index de l’égalité professionnelle.
Cela peut d’ores et déjà représenter des sommes considérables. Augmenter cette pénalité à 10 % serait véritablement dissuasif et pourrait faire peser des risques importants sur les équilibres financiers de certaines entreprises concernées.
Pour ces raisons, l’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Notre groupe ne souhaite pas pénaliser les entreprises en leur infligeant des sanctions financières, mais bien mettre en place des sanctions dissuasives. En plaçant la barre assez haut, nous imaginons que les entrepreneurs seront suffisamment intelligents pour ne pas prendre le risque d’encourir ces pénalités.
Le 1 % que vous proposez n’est pas efficace, j’en ai donné un exemple à propos d’un autre critère. On pourrait aussi dresser un parallèle avec les pénalités financières imposées aux municipalités qui refusent d’appliquer la loi en matière de logements sociaux : nombre d’entre elles préfèrent payer les pénalités, tant celles-ci sont insuffisantes.
La sanction doit donc être dissuasive ; elle ne doit pas « tomber sur la tête » d’une entreprise, mais l’inciter à se mettre en conformité avec la loi.
Cela me choque depuis le début de cette discussion : nous parlons tout de même de situations dans lesquelles la loi n’est pas respectée ! Nous légiférons, élaborons, votons la loi, et quand nous évoquons des entreprises qui ne la respectent pas, on nous dit qu’il faut y aller tout doucement…
Quand vous ne respectez pas la loi, il est tout à fait normal que vous soyez sanctionné ; or si les pénalités ne sont pas dissuasives, cela n’encourage pas à s’y soumettre.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. J’ai passé trente ans de ma vie dans le monde de l’entreprise : mes propos sont appuyés sur l’expérience.
M. Jean-François Husson. Cela n’est pas gage de vérité !
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Permettez-moi de poursuivre !
Si les entreprises craignent d’être sanctionnées à hauteur de 10 %, elles n’embaucheront pas de femmes. Nous ne voulons absolument pas en arriver à une situation où les femmes seraient davantage discriminées parce que les entreprises craindraient de ne pas atteindre le niveau de parité que nous exigeons. Cela n’est pas ce que nous recherchons et il me semble que nous le regretterions.
Au-delà de cette considération pratique, vous savez mieux que moi que le Conseil constitutionnel aura un droit de regard sur la proportionnalité de la sanction. Je crains qu’un plafond à 10 % ne passe pas cette étape. Notre objectif est que la loi soit effectivement appliquée ; or, en fixant les sanctions à un tel niveau, nous n’y parviendrons pas.
Soyons pragmatiques : si nous voulons que cette loi bénéficie à toutes les femmes de notre pays, nous devons être réalistes quant à ce qu’il est possible d’appliquer.