Mme le président. La séance est reprise.
10
Développement de l’agrivoltaïsme en France
Adoption d’une proposition de résolution
Mme le président. L’ordre du jour appelle l’examen, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de résolution tendant au développement de l’agrivoltaïsme en France, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par MM. Jean-François Longeot, Jean-Pierre Moga et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 30 rectifié).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-François Longeot, coauteur de la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Longeot, coauteur de la proposition de résolution. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis très heureux que notre Haute Assemblée puisse aujourd’hui se pencher sur cette proposition de résolution, rédigée avec mon collègue Jean-Pierre Moga.
Notre ambition est d’identifier les freins au développement de l’agrivoltaïsme en France. Une première question se pose : qu’y a-t-il derrière ce terme ?
Nous considérons que l’agrivoltaïsme peut participer à relever les nombreux défis qui se présentent à l’agriculture française : la défense de notre souveraineté alimentaire, le maintien et la reconquête de la biodiversité, mais également la production d’énergies renouvelables.
En effet, le secteur agricole assure aujourd’hui près de 20 % de la production française d’énergies renouvelables, et 13 % de la production photovoltaïque nationale. Parmi les 437 000 exploitations agricoles françaises, près de 50 000 sont déjà impliquées dans la production d’énergies renouvelables. Le nombre d’exploitations agricoles engagées dans la production d’énergie décarbonée pourrait d’ailleurs tripler d’ici à 2030.
Toutefois, il existe un risque : celui des conflits d’usage et du « grignotage » du foncier agricole.
Produire de l’énergie sur une parcelle agricole ne doit pas remettre en question la vocation première des terres fertiles, celle de nourrir. Il nous faut prendre ce risque de conflit d’usage au sérieux afin de protéger les terres agricoles de l’artificialisation des sols. Notre proposition de résolution s’inscrit dans cet engagement, alors que notre pays a déjà perdu le quart de sa surface agricole au cours des cinquante dernières années.
Nous estimons que l’agrivoltaïsme peut et doit permettre de surmonter un tel risque, en associant les deux productions sans consommer de terres agricoles, dans un objectif de coproduction, de non-artificialisation des sols et d’écologie territoriale concrète.
L’agriculture bénéficiera de nombreuses synergies résultant de cette association entre agriculture et énergie, car s’il y a bien une compatibilité entre les deux productions, l’ambition de l’agrivoltaïsme tel que nous le concevons dans ce texte est d’optimiser avant tout la production agricole, afin d’améliorer le rendement des cultures, d’apporter un complément de revenus aux agriculteurs et d’adapter notre agriculture au changement climatique.
L’agrivoltaïsme permet ainsi plusieurs atténuations : celle du stress hydrique, avec une réduction de l’évapotranspiration l’été et une baisse de 12 % à 37 % de la consommation d’eau ; celle du stress lumineux, avec une meilleure photosynthèse ; et enfin, celle du stress thermique lors d’épisodes de fortes chaleurs, en réduisant les brûlures sur les feuilles, fruits et branches, ou lors d’épisodes de gelées printanières, avec un écart de température moyen de 2 degrés déterminant pour les cultures.
En résumé, la production agricole peut être améliorée par cette double production et les synergies constatées.
Une seconde question se pose : quelles sont les ambitions de cette proposition de résolution pour la filière agrivoltaïque ?
Au cours de nos échanges avec les acteurs de la filière, nous avons identifié trois freins, tant législatifs que réglementaires, qui entravent le bon développement de cette association agricole vertueuse.
Premièrement, nous avons constaté l’absence criante de définition de l’agrivoltaïsme.
En raison de technologies diverses et de besoins hétérogènes, force est de constater que l’agrivoltaïsme ne dispose d’aucun référentiel commun et souffre d’un manque de définition. Cela a conduit à des divergences d’appréciation des services instructeurs, en raison de la crainte légitime d’un dévoiement du terme au profit de « structures alibis » sans véritable projet agricole.
Nous nous sommes ainsi rendu compte que le point de départ de toute réflexion dans le domaine consistait à se mettre d’accord sur la signification de ce terme et sur l’exigence qui devait lui être associée.
Nous sommes enfin d’avis qu’une définition claire et rigoureuse permettra de soutenir le déploiement des projets les plus ambitieux, d’accompagner les agriculteurs et d’engendrer un cercle vertueux avec des conséquences en cascade, notamment sur les appels d’offres – j’y reviendrai –, car il est inacceptable que des projets sans aucune vision agricole se revendiquent de l’agrivoltaïsme.
Deuxièmement, nous estimons que l’agrivoltaïsme manque de leviers pour se développer.
Parmi les incitations, les principales concernent les tarifs d’achat de l’énergie déterminés par la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Celle-ci met en œuvre des dispositifs de soutien aux énergies renouvelables en instruisant des appels d’offres, actuellement décomposés entre le photovoltaïque au sol, pour une enveloppe de 10 gigawatts sur la période 2021-2026, le photovoltaïque sur bâtiments, pour une enveloppe de 5,5 gigawatts, et le photovoltaïque innovant, pour une enveloppe de seulement 0,7 gigawatt.
Si l’agrivoltaïsme s’inscrit assurément dans cette troisième catégorie, force est de constater que les volumes prévus sont trop faibles, et que cette famille manque de lisibilité, puisqu’elle est insuffisamment orientée vers les installations agricoles, d’une part, et vers les installations innovantes, d’autre part.
Un troisième frein réside dans le manque de financements.
L’excellent rapport de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) intitulé L’agriculture face au défi de la production d’énergie le résume avec pertinence : les investissements sont élevés pour les exploitants agricoles, avec une rentabilité économique inégale et incertaine, qui ne se confirme qu’après plusieurs années. Ces coûts microéconomiques sont paralysants et constituent un frein à l’essor des énergies renouvelables dans le secteur agricole.
Dès lors, partant de ces constats, les auteurs du présent texte formulent quatre propositions.
La première consiste à inscrire une définition de l’agrivoltaïsme au sein du code de l’énergie. Nous la voulons claire, ambitieuse, et reprenant la définition des appels d’offres de la CRE reconnaissant « des installations permettant de coupler sur une même parcelle agricole une production électrique d’origine photovoltaïque secondaire à une production agricole principale en permettant une synergie de fonctionnement ».
La deuxième proposition, qui découle de la première, consiste à distinguer les projets agrivoltaïques des appels d’offres « solaire innovant » de la CRE, afin de créer une catégorie spécifique au sein des appels d’offres. Cela permettra de séparer ces projets, assurément agricoles, des autres et d’accompagner le déploiement de solutions innovantes, en réservant à celles-ci un appel d’offres spécifique. Cela représenterait une visibilité accrue pour la filière, grâce à l’inscription dans le marbre d’une définition de l’agrivoltaïsme. Les panneaux posés sur les hangars agricoles ne seraient pas concernés par cette nouvelle famille d’appels d’offres.
La troisième proposition consiste à rendre éligibles les exploitations agricoles pratiquant l’agrivoltaïsme aux financements européens de la politique agricole commune (PAC). En effet, un arrêté du 9 octobre 2015 limite les « activités non agricoles » sur les surfaces agricoles, empêchant dès lors l’agrivoltaïsme de bénéficier des aides de la PAC. Nous estimons que cela est regrettable, d’une part, parce que l’agrivoltaïsme permet de verdir concrètement la PAC et, d’autre part, parce que cette pratique crée directement de la valeur dans les territoires ruraux.
Enfin, la quatrième et dernière proposition porte sur les pratiques de compensation agricole collective. Nous estimons que ces pratiques, qu’il s’agisse d’aides à l’installation de jeunes agriculteurs, d’aides à la prévention et au redressement d’exploitations agricoles en difficulté ou encore d’aides à l’acquisition de matériel agricole, sont vertueuses en ce qu’elles permettent à l’énergie photovoltaïque de soutenir l’agriculture. Elles sont également symptomatiques de l’état d’esprit d’une filière dont le projet est assurément agricole. Or il subsiste de trop grandes divergences entre les territoires et des complexités trop importantes dans la mise en œuvre, ce qui empêche ces pratiques de monter en puissance.
En somme, avec cette proposition de résolution, nous souhaitons démontrer que la production d’énergie constitue une activité stratégique pour l’agriculture, tout comme l’agriculture représente un secteur stratégique pour le développement des énergies renouvelables en France.
Cette coproduction est vertueuse en raison de nombreuses synergies agroéconomiques, démontrées notamment par les études de l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement).
Alors qu’un rapport doit être prochainement publié par l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, dite Agence de la transition écologique) et que des annonces doivent être formulées par le Gouvernement sur cette question, le Sénat démontrerait, en adoptant cette proposition de résolution, son soutien à l’agriculture et à l’émergence d’une nouvelle figure au sein du monde agricole : celle de l’« énergiculteur ». (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme Marie Evrard.
Mme Marie Evrard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui est présentée par ses auteurs comme ayant pour objectif de reconnaître l’agrivoltaïsme, « qui devient et se constitue comme une filière en soi, faisant émerger une nouvelle figure au sein du monde agricole : les énergiculteurs ».
Si l’on en croit cette proposition de résolution, des obstacles persistants freineraient le développement de cette filière. C’est, en effet, une filière en devenir, qui doit encore se structurer, mais c’est aussi une filière qui, malgré sa fraîcheur, se porte bien. Je vais tenter de vous le démontrer en me fondant sur les faits, c’est-à-dire sur des projets mis en œuvre dans mon territoire.
Le département dont je suis élue, l’Yonne, voit, comme beaucoup d’autres, se multiplier depuis quelques années les projets agrivoltaïques. Ces projets sont portés par des collectifs d’agriculteurs et soutenus par des sociétés privées. Ils sont également accompagnés, de manière plus ou moins volontariste, par les communes.
Cette filière s’inscrit donc dans nos priorités nationales, qui sont décrites dans la programmation pluriannuelle de l’énergie, adoptée par décret le 21 avril 2020 en vertu de la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat.
À l’échelon régional, le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) de Bourgogne-Franche-Comté fixe à 3 800 mégawatts la puissance des installations photovoltaïques qui devront être installées d’ici à 2030.
Dans ce contexte, la municipalité de Joux-la-Ville, située à 16 kilomètres au nord d’Avallon, est engagée avec détermination dans le développement des énergies renouvelables. Elle a ainsi décidé d’aller plus loin, en travaillant avec un collectif d’exploitants agricoles et la société Innergex, sur un projet photovoltaïque innovant. Sur son invitation, j’ai participé, le 2 décembre dernier, à une réunion de présentation du projet intitulé Grenier des essences, devant occuper une surface d’environ 100 hectares avec une puissance installée de 90 mégawatts.
Conformément aux délibérations du conseil municipal de Joux-la-Ville, la création d’un fonds de reconversion agricole est prévue. Ce fonds, abondé par le développeur privé, sera consacré à la mise en place de nouvelles pratiques agricoles. En effet, la municipalité a souhaité qu’un hectare de panneaux installés se traduise par un hectare de « cultures nouvelles ». Des réflexions sont ainsi en cours à propos d’un projet collectif de production, de transformation et de commercialisation de plantes aromatiques et médicinales. D’autres types de diversification sont également en projet : truffières, apiculture, agroforesterie ou encore élevage d’ovins.
Vous le voyez donc de manière concrète, avec cet exemple icaunais, le développement de la filière agrivoltaïque est en bonne voie et les financements ne manquent pas pour ces projets : comme me l’a précisé un autre développeur privé à Avallon, aucune subvention publique n’est demandée.
À cet égard, je souhaite évoquer les aides de la PAC, mentionnées dans cette proposition de résolution. Vous n’êtes pas sans le savoir, mes chers collègues, les règles d’éligibilité en la matière sont strictes et fixées à l’échelon communautaire. Pour rendre éligibles les surfaces sur lesquelles sont associées des activités agricoles et des activités photovoltaïques, il faudrait réaliser un travail ubuesque, en excluant des surfaces aidées la surface des panneaux.
Par ailleurs, l’éligibilité aux aides de la politique agricole commune paraît secondaire. En effet, le chiffre d’affaires par hectare d’une surface d’agrivoltaïsme représente un ordre de grandeur bien supérieur au montant des aides à l’hectare de la PAC. Faire bénéficier les projets photovoltaïques de ces aides aurait même l’effet inverse à l’objectif visé : il serait mal compris que les bénéfices de l’agriculteur ne proviennent que de l’énergie photovoltaïque et non plus de sa production agricole. Enfin, il est nécessaire d’éviter tout dévoiement de cette pratique.
Sur ce sujet, sans doute sera-t-il nécessaire de développer un modèle d’agrivoltaïsme plus vertueux, grâce à des panneaux intelligents qui s’orientent en fonction de la position du soleil.
Enfin, les auteurs de la proposition de résolution proposent d’insérer dans le code de l’énergie une définition de l’agrivoltaïsme. L’Ademe propose une définition pertinente, selon laquelle une installation photovoltaïque peut être qualifiée d’agrivoltaïque lorsque ses modules photovoltaïques sont situés sur une même surface de parcelle qu’une production agricole et qu’ils influencent celle-ci en apportant directement un des services listés ci-après : adaptation au changement climatique, accès à une protection contre les aléas climatiques et de prédation ou encore amélioration du bien-être animal et de l’agronomie, sans induire de dégradation importante de la production agricole ni des revenus issus de cette dernière.
Ces remarques ainsi faites, il nous paraît utile de prendre date sur ce sujet par l’intermédiaire de la présente proposition de résolution. Nous devons prendre dès maintenant des dispositions réglementaires, afin de fixer un cadre clair pour nos territoires ruraux.
Mme le président. La parole est à M. Pierre Médevielle. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Pierre Médevielle. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’agriculture est un secteur confronté à des problématiques diverses et, pour certaines, délicates à concilier entre elles. Ainsi, cette proposition de résolution l’indique, nous allons devoir accroître de 56 % notre production d’ici à 2050 pour assurer notre alimentation. Or les terres sont de moins en moins nombreuses et l’artificialisation abusive des sols est un défi majeur auquel nous devons répondre d’urgence.
Parallèlement, il est crucial de poursuivre l’effort de développement des énergies renouvelables, notamment solaires, pour atteindre un mix énergétique permettant notre indépendance et la neutralité carbone.
L’agrivoltaïsme s’inscrit dans cette double problématique, à la fois agricole et énergétique. C’est un secteur complexe, parce qu’il se situe à la confluence de ces domaines, dont les priorités ne sont pas toujours identiques.
Pourtant, l’agrivoltaïsme apporte à ces problématiques une réponse couplée, en recourant à des bâtiments ou à des surfaces agricoles pour associer vertueusement des cellules photovoltaïques à des activités d’élevage ou de culture. La production d’énergies renouvelables sur une exploitation agricole va dans le sens de la transition écologique et de l’écologie pragmatique de progrès que défend le groupe Les Indépendants. Elle facilite la production d’une énergie verte, qui peut bénéficier tant à l’exploitant qu’au réseau pour lequel l’énergie sera rachetée.
En introduisant la notion d’agrivoltaïsme, cette proposition de résolution met en lumière la possibilité, pour les agriculteurs, de valoriser leur production agricole grâce à la production énergétique. Ces installations permettent à ces derniers de contenir leurs coûts de production, en créant et en revendant de l’énergie, mais également d’optimiser leurs cultures. Ce faisant, elles contribuent aussi aux objectifs nationaux de zéro artificialisation des sols à l’horizon de 2030 et de capacités solaires installées supplémentaires.
J’ai pu le constater dans mon territoire, des exemples concrets ont déjà vu le jour. La société GreenYellow a signé, en juillet 2020, un accord de coopération avec ArcelorMittal Projects Exosun, pour la réalisation d’une première centrale sur grande culture en Haute-Garonne. Les travaux ont commencé et cette centrale offrira bientôt une production de 2 637 mégawattheures par an, ce qui équivaut à la consommation de 735 foyers. Bien sûr, les retours d’expérience seront cruciaux. On comprend tout l’intérêt, dans des zones comme le Sud-Ouest, de l’installation de panneaux verticaux, notamment sur les cultures de céréales, dont les rendements sont très mauvais par rapport à ceux de la Beauce. Cela permettrait d’éviter dans la période de maturation de la plante – mai et juin – un ensoleillement excessif et l’évaporation de l’eau et conduirait à une meilleure maturation du grain, donc à des rendements supérieurs.
Le développement de l’agrivoltaïsme ne va cependant pas de soi. La première priorité est de s’entendre sur une définition légale de cette activité, à inscrire dans le code de l’énergie. Cette étape est essentielle pour pouvoir reconnaître ce secteur et encourager l’émergence d’une filière en France.
L’intérêt premier que je vois à la définition contenue dans cette proposition de résolution est d’insister sur l’importance d’établir et de conserver une hiérarchie entre les activités agricole et énergétique. La crise sanitaire nous a rappelé la nécessité de maintenir notre souveraineté alimentaire. La France doit rester indépendante et capable de produire ce qu’elle consomme. Sur la parcelle, l’agriculture doit être l’activité principale et la production d’énergie l’activité secondaire. L’objectif est l’optimisation de la production agricole et non la production énergétique. Ce n’est que dans ce cadre clair que les dérives seront évitées.
De la définition de l’agrivoltaïsme découlent les questions de financement et d’investissement spécifique. La Commission de régulation de l’énergie aura un rôle à jouer via des appels d’offres particuliers, qui restent pour l’instant marginaux. L’agrivoltaïsme n’étant pas compatible avec tous les territoires, toutes les cultures ou tous les élevages, il sera fondamental que ces appels d’offres prennent en compte les impacts fonciers potentiels et encouragent les technologies les plus vertueuses. La possibilité d’un financement par le biais de la PAC doit aussi être explorée.
Enfin, comme avec toutes les activités de production d’énergies renouvelables, nous allons nous trouver confrontés au problème du stockage. Certaines solutions existantes paraissent parfaitement adaptées aux projets d’agrivoltaïsme. Je pense notamment au power to gas, qui permet de produire de l’hydrogène et de le stocker.
Qu’en est-il, dans la même optique, des contrats de rachat et d’injection dans le réseau de l’électricité ? Il faudra bien sûr un engagement minimal dans les contrats de rachat de l’électricité produite, sans cela, les agriculteurs, ou les « énergiculteurs », comme les qualifie cette proposition de résolution, ne pourront pas établir de prévisions cohérentes et fiables.
On le voit, l’agrivoltaïsme est un espoir nouveau qui doit devenir une solution réelle.
Mme le président. Il faut conclure, cher collègue.
M. Pierre Médevielle. Par conséquent, le groupe Les Indépendants soutient pleinement l’essor de l’agrivoltaïsme, parce qu’il croit en cette solution d’avenir innovante. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Daniel Gremillet applaudit également.)
Mme le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guillaume Chevrollier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord saluer l’initiative de cette proposition de résolution, qui vise à allier l’agriculture et la transition énergétique, prise par Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, et plusieurs de ses collègues.
Ce débat permet de rappeler l’importance de l’agriculture pour la production alimentaire ainsi que son rôle dans la transition énergétique, pour décarboner notre économie.
Aujourd’hui, l’agriculture contribue à hauteur d’un cinquième à la production d’énergies renouvelables en France, lesquelles représentent 20 % du mix énergétique. Le secteur agricole, grâce à la biomasse, à la méthanisation, au photovoltaïque et à l’éolien, dispose des atouts nécessaires pour apporter une contribution capitale. À titre d’exemple, en Mayenne – terre d’élevage par excellence –, le potentiel de méthanisation permettrait d’assurer l’autonomie énergétique du département.
Pour atteindre les objectifs fixés par la programmation pluriannuelle de l’énergie, la France doit accélérer le déploiement des installations solaires et mener de front la transition énergétique et la défense de sa souveraineté alimentaire.
L’agrivoltaïsme consiste en l’installation de panneaux solaires sur – et non à la place – des cultures agricoles. Cette pratique permet de protéger les cultures tout en produisant de l’énergie renouvelable.
Le développement de l’agrivoltaïsme est une solution pour préserver les surfaces agricoles tout en atteignant les objectifs de la transition énergétique. C’est indispensable, car nos agriculteurs, déjà touchés régulièrement par des prix de vente trop faibles et les effets du dérèglement climatique, doivent aussi affronter un défi propre à ce siècle, celui de la pénurie des terres agricoles. J’ajoute qu’il faut être très attentif à ce que la diversification des revenus des agriculteurs n’empiète pas sur la production alimentaire.
Cette proposition de résolution « esquisse des solutions pour lever ces freins afin de donner un soutien aux projets d’agrivoltaïsme qui pourraient faire de notre pays un modèle en la matière ».
Les freins identifiés sont au nombre de trois : le manque de définition, le manque de leviers et le manque de financement.
Comme l’écrivent les auteurs de la proposition de résolution dans leur exposé des motifs, les « projets agrivoltaïques ne sont pas éligibles aux aides de la politique agricole commune […] en raison de l’aspect innovant de cette double culture. Or, eu égard à ses nombreux avantages agricoles, à la création de valeur dans les territoires ruraux ainsi [qu’à] sa participation [à] la production d’énergie renouvelable, elle est pleinement légitime à en bénéficier ».
La PAC doit donc évoluer. Profitons, monsieur le ministre, de la présidence française du conseil de l’Union européenne pour mettre ce thème en débat. Nous avons, en Europe, une agriculture qui supporte les normes les plus exigeantes, donc tout ce que nous ferons contre notre agriculture, nous le ferons aussi contre l’écologie, qui est une des priorités du XXIe siècle.
Il me semble également indispensable de mettre en place des évaluations environnementales allégées ou simplifiées pour permettre le développement des petits parcs d’agrivoltaïsme et de diminuer le coût du raccordement de ces parcs. C’est une véritable revendication des différents porteurs de projet sur le terrain.
J’ajoute que le monde agricole a besoin de plus de formation, de conseil et d’accompagnement, afin de mieux préparer les agriculteurs à opérer cette transition agroécologique.
Il faut aussi encourager les complémentarités entre l’agriculture et le solaire photovoltaïque.
La crise sanitaire a montré que l’agriculture française était résiliente et qu’elle assumait ses responsabilités. Elle peut produire une alimentation saine pour tous et pour tous les budgets. Faisons-lui confiance et maintenons la diversité de nos agricultures sur le territoire national.
Il faut accompagner l’ensemble des agricultures pour que l’engagement contre le dérèglement climatique soit un facteur de progrès et d’innovation.
Cette proposition de résolution ne remet aucunement en cause l’agriculture, la production alimentaire, comme activité principale de l’exploitation. Cette philosophie, qui fonde la réflexion des auteurs de la proposition de résolution, le groupe Les Républicains y attache une importance capitale. C’est la raison pour laquelle il votera pour ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon. (M. Jacques Fernique applaudit.)
M. Daniel Salmon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la nécessaire transition énergétique et l’obligation d’atteindre les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie en matière de déploiement des énergies renouvelables nous obligent à développer rapidement et radicalement, dans nos territoires, ces sources d’énergie sûres et propres, dont le photovoltaïque, une énergie verte pleine d’atouts.
Pour le photovoltaïque, l’objectif est, rappelons-le, de faire passer la puissance installée de 10 gigawatts à 20,6 gigawatts en 2023 puis à 35,6 gigawatts en 2028. Le chantier est énorme…
Pour parvenir à cet essor massif, nous devons nous en donner les moyens et toutes les possibilités de déploiement doivent être étudiées. En ce sens, l’agrivoltaïsme peut jouer un rôle pivot dans cette production énergétique, en conjuguant production agricole et production électrique, tout en préservant, bien sûr, le principe fort de non-artificialisation des sols et de maintien des surfaces agricoles.
Cela constitue une condition indispensable, dans la mesure où, chaque année, on perd 33 000 hectares agricoles par le boisement naturel et 56 000 hectares par l’urbanisation ; le texte de cette résolution le souligne justement.
L’agrivoltaïsme est, comme la méthanisation, à la croisée de l’énergie, de l’agriculture et de l’acceptabilité sociale liée à la préservation de l’environnement. Si nous manquons encore de recul et de retours d’expérience sur cette filière, il est clair que celle-ci semble disposer, de prime abord, d’un certain nombre d’atouts : outre la ressource d’énergie verte, nous pouvons citer le soutien économique apporté aux exploitations et la protection contre les aléas liés au dérèglement climatique.
C’est pourquoi nous rejoignons les auteurs de cette proposition de résolution sur les principales recommandations formulées pour favoriser son déploiement.
Toutefois, pour nous, écologistes, plusieurs principes doivent primer.
Tout d’abord, nous soutenons un agrivoltaïsme contrôlé et dont les pratiques sont encadrées. Nous souhaitons la mise en place d’un cadre juridique clair, pour que les projets réellement vertueux et efficaces voient le jour, afin de nous prémunir ainsi des effets indésirables d’un développement non maîtrisé, à l’instar du déploiement de certaines unités de méthanisation. Certains types d’installations agrivoltaïques ont déjà démontré leur inefficacité, comme les panneaux solaires installés sur les toits de serres maraîchères, qui ne permettent pas une vraie production agricole.
Autre principe majeur : les cultures alimentaires doivent bien évidemment toujours prévaloir par rapport à la production d’énergie, un des principaux enjeux de l’agriculture pour les années à venir étant notre souveraineté alimentaire.
Troisième point essentiel : les installations photovoltaïques doivent d’abord s’implanter sur des espaces déjà artificialisés ou, en complément avec l’agrivoltaïsme, sur des terres peu fertiles, en déprise agricole, qui pourraient être remobilisées. Les commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) réalisent, tous les cinq ans, un inventaire des friches agricoles, un travail important et utile pour identifier les terres où l’agrivoltaïsme peut être vertueux.
Enfin, nous entendons qu’il existe un risque de spéculation foncière quant à la transmission des fermes. En effet, l’agrivoltaïsme peut inciter des agriculteurs retraités à ne pas vendre leurs exploitations pour conserver cette activité. C’est pourquoi la rémunération de l’agriculteur ne doit pas devenir une rente découplée de l’activité agricole.
Oui, l’agrivoltaïsme peut être une possibilité de développement dans les territoires agricoles en déprise, mais des garde-fous sont nécessaires pour limiter l’envolée des prix du foncier, pour interdire l’installation sur des terres productives, pour ne pas remettre en cause la pérennité du métier d’agriculteur. De plus, les installations ne doivent pas entraîner une diminution de la production agricole, elles doivent au contraire la conforter. La question de l’implantation des panneaux – écartement et hauteur – est à cet égard essentielle.
Quant aux préconisations formulées dans cette proposition de résolution, permettez-moi d’y revenir quelques instants.
La nécessité de définir l’agrivoltaïsme est tout à fait justifiée : les enjeux de biodiversité et de non-artificialisation des terres doivent être des objectifs centraux.
Il nous paraît pertinent de sortir les projets agrivoltaïques des appels d’offres « solaire innovant » de la CRE, afin de créer une catégorie spécifique d’appels d’offres.
En revanche, l’idée d’une éligibilité des projets agrivoltaïques aux aides de la PAC nous inspire une forme de circonspection, pour ne pas parler d’opposition. La question de la compatibilité avec le droit européen se pose. Sur ce point, nous sommes preneurs des éléments que vous pourrez nous apporter, monsieur le ministre.
Je conclus en rappelant que les retours d’expérience sur ces projets sont assez faibles. Il nous paraît donc judicieux de prendre davantage de recul afin d’avoir une base plus solide de bonnes pratiques et de données exploitables et de légiférer en conséquence, à l’issue d’une période exploratoire.
Ces enjeux soulignent également un peu plus la nécessité d’une planification, par un service public, des énergies renouvelables, afin d’éviter des déploiements anarchiques, guidés uniquement par le profit et donc mal acceptés par nos concitoyens.
Néanmoins, malgré toutes les réserves soulignées et après avoir appelé votre attention sur les nécessaires garde-fous, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera pour cette proposition de résolution. (M. Jacques Fernique applaudit.)