Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Le dépôt de cet amendement fait suite à la réunion que nous avons eue avec M. Éric Dupond-Moretti, M. Gérald Darmanin, la Ligue de football professionnel et la Fédération française de football, naturellement après consultation de l’INS.
Nous avons annoncé un certain nombre de mesures dans le courant du mois de décembre dernier pour lutter contre les violences dans les stades.
Notre souci d’individualisation des sanctions, voulue et souhaitée par les associations de supporters, se traduit par cette décision, prise en concertation avec le ministre de l’intérieur et le garde des sceaux. Il s’agit de punir ceux qui tentent d’introduire des objets potentiellement dangereux dans les stades.
C’est un moyen dissuasif, aussi, permettant de mieux sécuriser nos tribunes, en en chassant les comportements qui n’ont pas lieu d’être.
De plus, cet outil contribuera à ne pas stigmatiser les associations de supporters en tant que groupe – d’où leur accord –, puisqu’il est bien question de punir l’individu responsable.
Enfin, c’est, je l’espère, un dispositif de prévention, qui fera comprendre que la question est sérieuse, qu’il ne s’agit pas d’un simple jeu entre certains spectateurs, les stadiers et les forces de l’ordre. Nous parlons d’un délit, d’ores et déjà sanctionné par le code du sport, pour lequel la peine encourue est de trois ans d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.
En conséquence, le présent amendement ne vise à créer aucune infraction nouvelle. Il s’agit seulement de reprendre des dispositions déjà existantes dans le code du sport, mais aussi d’introduire une voie de poursuite susceptible de faciliter une réponse pénale à un comportement répréhensible, qui n’était pas sanctionné, ou qui l’était peu.
Le montant de l’amende concorde avec les autres amendes forfaitaires prévues dans la loi française. Il émeut certaines personnes, je le sais, mais, de nouveau, il faut savoir ce que l’on veut… Comme je l’ai souligné précédemment, soit on lutte contre les fauteurs de troubles, soit on fait semblant de ne pas voir.
Je suis convaincue que cette mesure, conjuguée à d’autres en matière de prévention et de sensibilisation, permettra d’avancer sur des expériences pyrotechniques et les animations que moi-même, l’INS et certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, appelons de nos vœux.
Il faut commencer par assumer nos responsabilités, en garantissant au préalable la sûreté de nos enceintes sportives pour tous les spectateurs et le recul des comportements irresponsables.
Cet amendement tend donc à instaurer une amende forfaitaire de 800 euros pour l’introduction d’objets potentiellement dangereux dans un stade. Cette amende peut être minorée – elle sera, alors, précisément de 640 euros – ou majorée si elle n’est pas payée dans les délais.
Mme le président. Je suis saisie de deux sous-amendements identiques.
Le sous-amendement n° 235 est présenté par M. Mandelli.
Le sous-amendement n° 237 est présenté par M. Kern.
Ces deux sous-amendements sont ainsi libellés :
Amendement n° 199
I. – Alinéa 3
Après le mot :
délit
insérer les mots :
d’introduction sans motif légitime de tous objets susceptibles de constituer une arme au sens de l’article 132-75 du code pénal dans une enceinte sportive
II. – Compléter cet amendement par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour le délit d’introduction, de détention ou d’usage des fusées ou artifices de toute nature dans une enceinte sportive prévu au premier alinéa du présent article, y compris en cas de récidive, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 135 €. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 90 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 375 €. »
La parole est à M. Didier Mandelli, pour présenter le sous-amendement n° 235.
M. Didier Mandelli. Nous partageons le même souci et la même volonté, madame la ministre, d’évincer des stades tous ceux qui n’ont rien à y faire et y introduisent des objets dangereux.
J’entends bien que vous avez organisé une concertation et que la décision a été prise avec le garde des sceaux ou encore la Fédération française de football. Mais, s’agissant de l’INS, je ne suis pas sûr que cette instance ait été informée dans le détail, puisque ses représentants semblent avoir découvert le montant de l’amende au moment du dépôt de l’amendement.
Nous proposons ici de revenir à une version plus équilibrée de la mesure, opérant une distinction dans l’utilisation des engins pyrotechniques, car c’est de cela que nous parlons. En effet, les décisions jurisprudentielles pour la détention et l’usage de fumigènes ou de fusées oscillent aujourd’hui entre le rappel à la loi et des amendes avec sursis aux montants trois à quatre fois inférieurs à 800 euros.
L’augmentation proposée du montant de l’amende forfaitaire, qui serait fixée à 800 euros, indépendamment de l’usage fait des engins, semble donc disproportionnée, et l’on pourrait faire la comparaison avec les dispositifs mis en œuvre pour la conduite automobile ou dans d’autres domaines.
Néanmoins, notre sous-amendement tend à conserver la possibilité de sanctionner lourdement l’utilisation d’un engin pyrotechnique en tant qu’arme au sens de l’article 132-75 du code pénal.
Mme le président. La parole est à M. Claude Kern, pour présenter le sous-amendement n° 237.
M. Claude Kern. S’agissant de ce sous-amendement, j’attends simplement d’entendre les explications de M. le rapporteur et Mme la ministre.
Je veux néanmoins signaler à mon collègue Didier Mandelli qu’il a sans doute confondu l’Association nationale des supporters, l’ANS, avec l’INS.
M. Didier Mandelli. Pas du tout : il s’agit bien de l’INS !
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. L’amendement du Gouvernement est le fruit de réflexions menées, depuis plusieurs semaines, dans un cadre interministériel. Nous partageons vos objectifs, madame la ministre, et c’est pourquoi nous émettons un avis favorable sur votre amendement.
Par ailleurs, j’entends l’inquiétude exprimée par les auteurs des sous-amendements identiques. Oui, les sanctions sont lourdes, mais il faut marquer les esprits si nous voulons avancer !
L’adoption de ces sous-amendements aurait pour conséquence d’affaiblir le dispositif d’amende forfaitaire prévu par l’amendement gouvernemental, dont les dispositions, je le répète, découlent d’un travail interministériel de plusieurs semaines.
Je sais que les auteurs de ces sous-amendements identiques soutiennent, comme moi, une politique de lutte sans faille contre les violences dans les stades. C’est pourquoi je leur demanderai de bien vouloir retirer ces dispositions, afin que nous puissions voter l’amendement du Gouvernement en l’état.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d’aller dans le sens de ce que nous proposons.
Effectivement, c’est non pas le ministre chargé des sports qui fixe le montant de l’amende, mais, en l’occurrence, le ministre de la justice et le ministre de l’intérieur. En l’espèce, ce qui me semble important, c’est que le montant de ladite amende soit suffisamment dissuasif pour bien faire prendre conscience de la dangerosité de ces fumigènes, quand bien même ils produisent un bel effet visuel.
Cela étant, vous l’aurez compris, mon amendement vise également les barres de fer qui ont été introduites et utilisées à de nombreuses reprises ces derniers temps dans les stades, dans les tribunes, par certains supporters, ou, plus exactement, car je n’assimile pas ces personnes à des supporters, par des individus violents.
L’Instance nationale du supportérisme, l’INS, au sein de laquelle siègent des représentants des fédérations et des ligues professionnelles ainsi que de l’Association nationale des supporters, l’ANS, a proposé la création d’une zone encadrée et sécurisée de craquage des fumigènes. Des expérimentations, qui se sont révélées positives, ont d’ores et déjà été conduites.
De fait, je prends aujourd’hui plaisir, quand je me rends dans un stade, à voir des supporters craquer des fumigènes pour manifester leur joie quand leur équipe marque un but ou à l’entrée sur le terrain d’un joueur qu’ils adorent. Mais, je le répète, il faut ce soit encadré, car un fumigène, c’est dangereux, cela peut provoquer des brûlures sur les mains, ou bien le supporter qui le craque pour la première fois peut être surpris et le jeter dans la tribune voisine, blessant ainsi des enfants ou des adultes qui s’y trouvent ou les incommodant par la fumée.
Encore une fois, ces fumigènes ne posent aucun problème si leur utilisation est encadrée par chaque club, en relation avec les pompiers présents et les personnes habilitées à intervenir en cas de problème. À ce jour, il n’existe aucun cadre législatif, et en fixer un serait une belle avancée – je vous remercie de le reconnaître.
Auparavant, les délits visés à cet amendement étaient passibles de trois ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, ce qui était disproportionné.
C’est pourquoi nous proposons un dispositif qui est à la fois plus facilement applicable et suffisamment dissuasif, sur le modèle de l’amende que l’on peut se voir infliger quand on grille un feu rouge – cela conduit à y réfléchir à deux fois.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux sous-amendements identiques.
Mme le président. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.
M. Claude Kern. Madame la ministre, j’ai bien écouté vos différents arguments et je vous rejoins : il n’est pas possible que ces fumigènes soient utilisés comme une arme.
En revanche, quand ils le sont de manière festive, dès lors que leur emploi est autorisé, il faut faire preuve d’un peu plus de clémence. C’est dans ce sens qu’il faut avancer. Aussi, je voterai l’amendement du Gouvernement.
Je retire donc mon sous-amendement, madame la présidente.
Mme le président. Le sous-amendement n° 237 est retiré.
Monsieur Mandelli, le sous-amendement n° 235 est-il maintenu ?
M. Didier Mandelli. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme le président. Le sous-amendement n° 235 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 199.
(L’amendement est adopté.)
Mme le président. En conséquence, l’article 11 bis A est ainsi rédigé.
L’amendement n° 178, présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
1° Supprimer les mots :
ou artifices de toute nature
2° Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Par dérogation aux dispositions du présent alinéa, l’usage de fumigènes est autorisé. S’appliquent dès lors les dispositions prévues au sous-titre II du titre III du livre III du code civil.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Il convient de reléguer l’usage des fusées fumigènes au niveau contraventionnel, tout en conservant le caractère délictuel de l’usage des pétards et des bombes artisanales.
Ces revendications formulées durant des années par les supporters, mais aussi par les clubs, ont été écoutées. Toutefois, il nous semble important d’aller plus loin en autorisant complètement l’usage des fumigènes, et cela pour plusieurs raisons.
Comme le rappelle le rapport de Marie-George Buffet et de Sacha Houlié, le caractère dangereux des fumigènes résulte aujourd’hui de leur interdiction, qui conduit les supporters à les allumer en se dissimulant notamment sous des bâches qui ne sont pas ignifugées.
De la même manière, alors que la détention ou l’usage de fumigènes représentent 40 % des interdictions administratives de stade (IAS), selon le chiffrage des deux députés, cela ne fait que renforcer la prise de risque des supporters.
On le voit bien, l’interdiction et la répression mises en œuvre depuis des années ne servent à rien, l’usage des fumigènes n’ayant jamais été aussi répandu.
D’ailleurs, je note une certaine hypocrisie sur le sujet, puisque, si vous regardez la plupart des images et des clips de promotion des compétitions professionnelles, celles-ci intègrent systématiquement une tribune où des fumigènes soulignent l’ambiance du stade.
Il est regrettable qu’en matière de fumigènes les pouvoirs publics soient pour le coup à contretemps des supporters, mais aussi des clubs, dont la plupart ont indiqué qu’ils les acceptaient tant qu’ils n’étaient pas détournés de leur usage normal, créant des dommages aux biens et aux personnes qui engagent la responsabilité du supporter.
D’ailleurs, de nombreux clubs ont déjà fait le choix de négocier, dans le cadre de l’expérimentation des fumigènes, avec les supporters pour monter un dossier et le déposer auprès des préfectures et de la Ligue, d’autant qu’ils sont souvent eux aussi sanctionnés, après les supporters.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. La nouvelle rédaction de l’article 11 bis A ouvre la voie à un usage autorisé des fumigènes. C’est une avancée suffisante, dont il conviendra d’évaluer les résultats. Il ne m’apparaît pas opportun d’aller au-delà en autorisant sans condition leur usage dans les stades.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Madame la sénatrice, c’est comme si vous disiez que les accidents aux carrefours et les disputes qui s’ensuivent sont dus aux amendes que l’on se voit infliger quand on grille un feu rouge !
À ce jour, sur l’initiative d’ailleurs des associations représentatives de supporters, nous proposons d’encadrer l’utilisation de ces fumigènes. L’expérimentation qui a été récemment menée au cours du match Reims-Troyes s’est très bien déroulée. À l’avenir, c’est cette utilisation encadrée sur le plan légal que pourront proposer les groupes de supporters à leurs membres.
Cette clarification du cadre et la connaissance des sanctions encourues conduiront, je l’espère, un maximum d’entre eux à respecter les préconisations de leurs propres associations, plutôt que de se réjouir d’être hors-la-loi.
Mme le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la ministre, comme moi, vous fréquentez certainement les stades. Or vous ne répondez pas à la question que nous soulevons par cet amendement, ou plutôt vous répondez complètement à côté.
Nous ne sommes pas des inconscients, madame la ministre. Vous parlez d’accidents, de feux rouges ; moi, je vous parle de fumigènes ! Ne comparez pas ce qui n’est pas comparable. Vous savez comme moi que les sanctions sont complètement disproportionnées, sans que soit pris en compte le principe d’individualisation des peines. Souvent, la sanction consiste à fermer complètement une tribune, privant ainsi les supporters de match. Il est injuste que ce soit l’ensemble de ceux-ci qui soient sanctionnés.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Je suis désolée d’allonger les débats, mais je veux dire une nouvelle fois que, désormais, ce sont des sanctions individuelles qui s’appliqueront, alors que, aujourd’hui, celles-ci sont collectives, puisque c’est le club qui paye l’amende pour l’utilisation d’un ou de deux fumigènes.
À l’avenir, c’est celui qui l’aura introduit dans l’enceinte sportive qui sera sanctionné et qui encourra une amende, ce qui le conduira sans doute à se demander par deux fois s’il fait bien de venir en cachant un tel fumigène.
Si je fais la comparaison avec un feu rouge grillé, c’est parce qu’un fumigène est quelque chose de dangereux. Comme vous, je me rends dans les stades, mais, personnellement, je n’en ai jamais craqué un seul ! J’entends ce que me disent les supporters expérimentés : certes, on ne s’arrache pas une main chaque fois qu’on craque un fumigène, mais il est déjà arrivé que son utilisation blesse celui qui le manie, une personne présente à ses côtes ou même un joueur, ou bien provoque des dommages – M. Savin le sait bien.
C’est la raison pour laquelle son emploi était puni par la loi. D’ailleurs, j’aimerais bien que l’on me présente des supporters ayant été punis de 15 000 euros d’amende et de trois ans d’emprisonnement pour avoir introduit un fumigène dans une enceinte sportive !
Aujourd’hui, nous ne faisons qu’adapter la loi à la réalité, celle d’une plus grande désobéissance dans les stades, y compris aux règles que proposent par les clubs de supporters, en modulant les sanctions de manière à les rendre suffisamment dissuasives.
Encore une fois, et je vous rejoins sur ce point, il est important d’encadrer l’utilisation, au vu de tous, de ces fumigènes pour parer à tout danger.
Mme le président. Mes chers collègues, il se trouve que cet amendement n’aurait pas dû être défendu : l’adoption de l’amendement n° 199 du Gouvernement tendant à proposer une nouvelle rédaction de l’article 11 bis A l’a rendu sans objet. (Exclamations.)
Par conséquent, je ne le mets pas aux voix.
Après l’article 11 bis A
Mme le président. L’amendement n° 16, présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 11 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 332-16-2 du code du sport, il est inséré un article L. 332-16-… ainsi rédigé :
« Art. L. 332-16-… – Les mesures prises au titre des articles L. 332-11, L. 332-16, L. 332-16-1 et L. 332-16-2 font l’objet d’un rapport public annuel par les services du ministère de l’intérieur. »
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à obtenir des services du ministère de l’intérieur un rapport annuel sur le nombre de personnes frappées d’une interdiction administrative de stade.
On observe en effet une multiplication forte de ces mesures, qui prennent le pas, comme j’ai eu l’occasion de le dire précédemment, sur des interdictions judiciaires, plus protectrices des droits de la défense.
De surcroît, elles sont souvent prononcées dans l’opacité la plus totale, malgré la recommandation de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA). Les exemples britannique et italien devraient nous inspirer, ces deux pays faisant chaque année un tel reporting.
Enfin, ces interdictions administratives de stade semblent être souvent abusives, comme en témoigne la part importante d’entre elles qui sont cassées par les tribunaux administratifs.
Si l’on veut lutter – c’est notre souhait à tous – contre le hooliganisme, il faut le faire avec les clubs et les groupes de supporters. Tel est le sens de notre amendement.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Au vu des débats que nous venons d’avoir, il apparaît qu’un tel rapport constituerait peut-être une source d’information utile.
J’émets donc un avis de sagesse.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Madame Brulin, sachez que la Division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH) produit déjà un bilan annuel. Votre proposition va dans le bon sens, dans le sens de la transparence que le Gouvernement appelle de ses vœux sur cette question. Un tel rapport permettrait d’avoir une meilleure visibilité.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 11 bis A.
L’amendement n° 2 rectifié quater, présenté par Mme Lavarde, MM. Anglars, Bansard et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, M. Bonhomme, Mme Borchio Fontimp, MM. Brisson, Burgoa, Cadec et Cambon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier et Darnaud, Mmes Demas, Di Folco, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. Favreau et Husson, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Laménie, Mme Lassarade, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mme Malet, M. Meignen, Mme M. Mercier, MM. Mouiller, Pellevat, Perrin et Pointereau, Mme Procaccia, M. Rapin, Mme Renaud-Garabedian, MM. Rietmann, Saury, Sautarel et Tabarot et Mme Ventalon, est ainsi libellé :
Après l’article 11 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La section 4 du chapitre II du titre III de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique est complétée par un article 102-… ainsi rédigé :
« Art. 102-…. – I. – Nul ne peut exercer les fonctions d’enseignement, d’animation ou d’encadrement d’une activité de jeux vidéo ou entraîner ses pratiquants, à titre d’occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle, à titre rémunéré ou bénévole, ou exercer les fonctions d’arbitre ou de juge dans de telles activités, ni intervenir auprès de mineurs au sein d’un établissement dans lequel sont pratiquées des activités de jeux vidéo s’il a fait l’objet d’une condamnation pour crime ou pour l’un des délits prévus :
« 1° Au chapitre Ier du titre II du livre II du code pénal, à l’exception du premier alinéa de l’article 221-6 ;
« 2° Au chapitre II du même titre II, à l’exception du premier alinéa de l’article 222-19 ;
« 3° Aux chapitres III, IV, V et VII dudit titre II ;
« 4° Au chapitre II du titre Ier du livre III du même code ;
« 5° Au chapitre IV du titre II du même livre III ;
« 6° Au livre IV du même code ;
« 7° Aux articles L. 235-1 et L. 235-3 du code de la route ;
« 8° Aux articles L. 3421-1, L. 3421-4 et L. 3421-6 du code de la santé publique ;
« 9° Au chapitre VII du titre Ier du livre III du code de la sécurité intérieure ;
« II. – En outre, nul ne peut enseigner, animer ou encadrer une activité de jeux vidéo auprès de mineurs s’il fait l’objet d’une mesure administrative d’interdiction de participer, à quelque titre que ce soit, à la direction et à l’encadrement d’institutions et d’organismes soumis aux dispositions législatives ou réglementaires relatives à la protection des mineurs accueillis en centre de vacances et de loisirs, ainsi que de groupements de jeunesse ou s’il fait l’objet d’une mesure administrative de suspension de ces mêmes fonctions.
« III. – En outre, nul ne peut enseigner, animer ou encadrer une activité de jeux vidéo s’il a été définitivement condamné par le juge pénal pour crime ou délit à caractère terroriste. »
II. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Le e-sport est une pratique sportive en plein développement, à laquelle Christine Lavarde, comme bien d’autres de ses collègues, est très attachée. Cette discipline aurait pu être choisie comme sport de démonstration pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Une compétition doit être organisée en marge des JO.
Cet amendement vise à contrôler l’honorabilité des encadrants professionnels et bénévoles d’activités e-sportives, notamment les encadrants de mineurs, sur le même modèle que ce qui existe pour les activités sportives.
L’essor du e-sport en France doit être encadré, a minima, sur les questions d’honorabilité. En effet, le risque existe que des encadrants sportifs interdits d’exercice, car ils sont dangereux notamment pour les mineurs, puissent se reconvertir dans le e-sport.
C’est pourquoi il est nécessaire de donner les moyens aux structures d’accueil de réaliser les mêmes contrôles que dans le milieu sportif. Cela permettra notamment de sécuriser le développement du e-sport, et de le soutenir.
Un décret en Conseil d’État précisera les modalités d’application du présent article, pour sécuriser les acteurs et mettre en place les modalités de mise en œuvre du contrôle.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Notre collègue Max Brisson évoque un sujet important, celui du e-sport, qui connaît un véritable essor aujourd’hui.
Comme il l’a souligné, il convient, au travers de ce texte, de prendre toutes les garanties en y appliquant, par prévention, les règles en vigueur dans le monde du sport notamment en matière d’honorabilité des entraîneurs, des animateurs, des encadrants ou des juges.
La commission émet donc un avis favorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Tout d’abord, je remercie le président Lafon d’avoir « rattrapé » cet amendement très important pour moi et M. Brisson de l’avoir défendu ce matin, ce qu’avait prévu de faire Mme Lavarde hier.
Vous savez à quel point le Gouvernement et moi-même sommes attachés à la lutte contre les violences sexuelles, spécifiquement dans le sport. Depuis 2019, quelque 610 signalements pour faits de violence – triste chiffre –, ont été adressés au ministère des sports, mettant en cause plus de 660 personnes et impliquant 800 victimes.
La quasi-totalité des départements français sont concernés par une ou plusieurs enquêtes administratives, lesquelles sont confiées aux services départementaux à la jeunesse, à l’engagement et aux sports (SDJES) et conduites sous l’autorité des préfets.
Nous avons déjà prononcé 300 interdictions administratives, lesquelles ont été notifiées à des éducateurs sportifs ou à des exploitants parce qu’ils avaient déjà fait l’objet d’une condamnation inscrite au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijais).
Nous demandons à toutes les fédérations de nous faire remonter les informations personnelles concernant les bénévoles au contact d’enfants, qu’ils soient entraîneurs, encadrants, conducteurs de bus, de manière à croiser systématiquement celles-ci avec le Fijais et ainsi prévenir ces fédérations qu’elles doivent, le cas échéant, informer les clubs qu’ils comptent en leur sein une personne ayant fait l’objet d’une condamnation, ce qu’ils ne pouvaient soupçonner bien évidemment. Des mesures conservatoires d’éloignement sont alors prises très rapidement.
En février prochain, cela fera trois ans exactement qu’était signée la première convention par laquelle toutes les fédérations sportives s’engageaient à combattre à nos côtés ces faits de violence, à les reconnaître, en enclenchant avec nous au minimum des enquêtes administratives, même si les personnes visées n’avaient pas encore été condamnées, dans l’attente d’une décision judiciaire.
À cette occasion, le Président de la République m’a fait l’immense l’honneur de me proposer d’accueillir à l’Élysée des victimes, femmes et hommes, qui ont trouvé le courage de parler de leur souffrance, mais surtout qui ont su saisir le moment pour s’exprimer. Libérer sa parole n’est évidemment pas une injonction, mais il faut avant la possibilité de le faire.
Tant que je serai en fonctions, je m’engage à traiter 100 % des signalements qui seront faits, et j’espère que le futur ministre des sports poursuivra ce combat. En effet, il est très important que les victimes soient assurées de cette continuité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie d’avoir voté hier cet amendement, dont l’adoption permettra aux fédérations d’informer sur ce sujet les adhérents au moment où ils prennent leur licence. De même qu’il est essentiel qu’ils soient informés des risques d’accident qu’ils encourent dans leur pratique sportive, ils doivent savoir que, en cas de maltraitance physique ou psychologique, il pourra être fait appel à un psychologue dont la consultation sera prise en charge par une assurance ou une mutuelle.
Cet amendement que vous venez de défendre, monsieur Brisson, a été proposé par France Esports, que je remercie de sa démarche.
Comme l’a dit M. le rapporteur, un nombre croissant de sportifs ou d’entraîneurs, anciens ou en activité, vont se diriger vers le e-sport. C’est pourquoi France Esports souhaite que les employeurs de ces éducateurs, qui se partageront sans doute entre un temps partiel dans un club sportif et un autre dans un club de e-sport, puissent les soumettre aux mêmes contrôles que ceux auxquels ils seraient soumis dans la sphère sportive.
Ces employeurs pourront donc demander aux directions départementales à la jeunesse, à l’engagement et aux sports d’effectuer ce contrôle. Disposant des informations, ils sauront, le cas échéant, comment réagir, et il sera alors interdit à ces personnes d’exercer toute activité dans le secteur du sport ; à tout le moins, elles n’auront aucun contact avec des enfants.
Pour toutes ces raisons, je suis favorable à votre amendement, monsieur Brisson.