M. Michel Savin, rapporteur. Nous non plus !
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Nous sommes dans l’action, vous êtes dans l’incantation ! (Vives exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Stéphane Piednoir. Il faut changer de ton !
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Je referme désormais cette parenthèse, pour revenir à ce qui devrait en réalité tous nous importer ce soir : le contenu de ce texte.
Nous avons devant nous une échéance historique et enthousiasmante : les jeux Olympiques et Paralympiques d’été en France. Notre pays les attend depuis cent ans.
Dans deux ans, nous recevrons le monde chez nous et nous voulons lui montrer notre meilleur visage : une France accueillante, une France moderne, une France responsable, une France qui inspire et trace une voie de progrès, une France fière de son modèle sportif si unique.
Dans la perspective de Paris 2024, le sport français a la possibilité, grâce à cette proposition de loi, de montrer l’exemple, de devenir tête de file sur les questions d’éthique, de démocratie et d’intégrité. J’ai conscience que cela demande un effort, mais cet effort est indispensable pour permettre au sport de se réinventer et de ressembler à la société dans laquelle il aspire à jouer un rôle plus prépondérant.
La parité dans les instances dirigeantes des fédérations, la limitation des mandats des présidentes et des présidents, la plus forte représentation des clubs dans l’élection de ces derniers sont les piliers de cette transformation démocratique.
Les acteurs du sport en ont conscience et je vous assure que beaucoup d’entre eux y sont déjà prêts. Mon ministère, le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et le Comité paralympique et sportif français (CPSF) les accompagneront dans cette transformation gagnante qui – j’en suis absolument convaincue – rapprochera le club des citoyens, facilitera l’accès au sport pour ceux qui en sont les plus éloignés et permettra de renouveler notre offre sportive, pour mieux l’adapter aux attentes de nos concitoyens, en particulier de nos concitoyennes.
Ce texte ne se limite pas au titre II : le titre Ier permet véritablement de démocratiser le sport, de le rendre plus accessible à tous, dans tous les territoires, à tous les âges et à tous les moments de nos vies.
Il élargit d’abord aux masseurs-kinésithérapeutes la possibilité de prescrire l’activité physique adaptée (APA). Il instaure ensuite un référent pour l’activité physique et sportive dans tous les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) de France. Il crée de véritables alliances éducatives territoriales dans nos établissements. Il fait encore de l’activité physique et sportive un enjeu central de la responsabilité sociale et environnementale de nos entreprises.
Enfin, le titre III comprend des dispositions essentielles visant à renforcer et sécuriser le modèle économique du sport.
Alors que nous devons toujours affronter les conséquences de la crise sanitaire, il faut donner la possibilité au monde du sport amateur et professionnel d’en sortir autant que possible renforcé et préserver notre modèle.
Aussi, nous pouvons nous satisfaire de l’inscription dans cette proposition de loi de la plateforme chargée de veiller à l’intégrité des compétitions sportives ou encore de l’article tendant à lutter contre l’offre illégale de paris sportifs. Au regard des grandes compétitions que la France accueillera, il s’agit d’un enjeu majeur.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est intransigeant sur la question des violences dans les stades, ces violences discriminatoires ou physiques qui blessent et humilient.
M. Michel Savin, rapporteur. Il n’y avait pas une ligne à ce sujet dans le texte !
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Pour que cela cesse et pour faire suite aux engagements pris récemment avec le monde du football, le Gouvernement a défendu devant le Sénat un amendement essentiel, visant à créer une procédure d’amende forfaitaire.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Une grande réussite !
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Comme nombre de députés et sénateurs, je souhaite, au nom du Gouvernement, que nous soyons ambitieux (M. le rapporteur ironise.), pour le sport français et pour nos sportifs, professionnels ou amateurs, afin de faire de la France une grande nation sportive et un modèle pour tous les pays européens.
Il y va de la reconnaissance que nous devons à nos milliers – que dis-je ! à nos millions – de bénévoles (M. Claude Kern s’exclame.), qui fondent le cadre associatif, porteur de tant de lien social dans nos territoires.
Il y va aussi du respect que nous devons à nos athlètes et à nos entraîneurs, qui font du sport un grand spectacle, créateur d’émotion, de ciment social, de fraternité et de fierté nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Michel Savin, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en introduction à nos débats, je tiens à revenir sur ce qui s’est passé lors de la séance de questions au Gouvernement de ce jour.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Très bien !
M. Michel Savin, rapporteur. Madame la ministre, nous pouvons avoir des divergences d’opinions, mais nos opinions réciproques doivent s’exprimer dans le respect et dans la tolérance. Cela n’a pas été le cas. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Ma question s’adressait au Premier ministre. Elle portait sur des positions qu’ont prises certains de vos collègues ministres et ne vous concernait pas directement. Vous avez choisi d’y répondre par des attaques personnelles ; je le regrette et je tiens ici à le souligner.
Vous avez indiqué avoir de la peine pour les travaux de mes collègues. En ce qui me concerne, je tiens avant tout à les remercier, tous, quel que soit leur groupe politique, des travaux collectifs et des dizaines d’heures d’audition que nous avons menés ensemble, dans un climat serein et respectueux. Ils connaissent mon engagement et je connais le leur.
Madame la ministre déléguée chargée des sports, si j’ai, pour ma part, de la peine, c’est pour votre mépris à l’égard de notre travail. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Michel Savin, rapporteur. Je comprends votre frustration, comme celle de votre majorité. Je comprends votre peine : sur ce texte, le Sénat a pris ses responsabilités.
Nous avons concerté nos points de vue, nous avons enrichi les propositions initiales : en un mot, nous avons fait notre travail de parlementaires.
Sachez, madame la ministre, que je suis fier d’avoir défendu nos convictions. Je suis fier des ambitions dont nous avons fait montre en faveur du sport français.
Je tiens à rappeler que, au mois de mars 2021, la proposition de loi issue des travaux de l’Assemblée nationale faisait l’unanimité, mais contre elle ! Ne souhaitant pas être désobligeant à votre égard, je m’abstiendrai de rappeler quelle était la position du mouvement sportif à l’époque.
Le texte que nous examinons ce soir est, pour une très large part, issu des travaux du Sénat que les députés de votre majorité ont validés. Nous ne pouvons que regretter de n’avoir pu trouver finalement de compromis avec nos homologues de l’Assemblée nationale. Nous partagions pourtant, me semble-t-il, la volonté commune d’aboutir.
Parmi les apports du Sénat, une vingtaine – parmi les plus significatifs – ont été conservés.
Citons en particulier la sécurisation de l’ouverture à de nouveaux publics, dans le cadre du parcours de soins coordonnés, de l’activité physique adaptée (APA), la possibilité pour les masseurs-kinésithérapeutes de renouveler ou d’adapter la prescription de l’APA, la reconnaissance dans le texte des maisons sport-santé et la définition d’un socle de missions communes, la clarification des règles de délivrance des certificats médicaux pour l’obtention d’une licence sportive et la participation à des compétitions sportives.
Citons aussi la prise en compte, dans le coût des travaux de rénovation des équipements sportifs d’une école ou d’un établissement scolaire, du coût de l’aménagement d’un accès indépendant à ces équipements, la pratique quotidienne d’une activité physique en primaire, l’inscription dans les programmes du primaire de l’aisance aquatique – mesure adoptée au Sénat, mais pas à l’Assemblée nationale.
Citons encore l’obligation pour les fédérations de se prononcer sur le principe et le montant des indemnités allouées au président, l’attribution au comité d’éthique créé par chaque fédération d’un rôle plus important dans la prévention et le traitement des conflits d’intérêts, l’extension de trois à cinq ans du premier contrat sportif professionnel, avec des garanties apportées par décret, ou encore la réaffirmation du rôle de la fédération délégataire dans le fonctionnement du sport professionnel, avec une présence de la fédération dans l’instance dirigeante de la société commerciale chargée de commercialiser les droits audiovisuels.
Madame la ministre, vous avez évoqué la sécurité. Dans le texte initial, il n’y avait pas une ligne à ce sujet. C’est ici, au Sénat, qu’a été votée l’intégration des photographies aux fichiers des interdits de stade, afin de renforcer l’efficacité des contrôles.
Nous avons également voté l’instauration d’une amende forfaitaire, en cas d’utilisation d’engins pyrotechniques dans les stades et l’expérimentation d’un usage de ces engins sous le contrôle des organisateurs et des autorités publiques.
On le voit, mes chers collègues : le texte adopté par les députés porte la marque du Sénat et l’on peut légitimement regretter qu’un accord n’ait pas été possible.
Ce regret est toutefois nuancé, lorsque l’on examine les dispositions réintroduites par les députés, qui illustrent de réelles divergences d’approche.
Je déplore, par exemple, que de nombreux enrichissements du Sénat n’aient pas été retenus par les députés.
Je pense à l’article 6 bis AB, qui faisait référence à la reconversion professionnelle des sportifs de haut niveau, ou encore à l’article 6 ter, qui créait une charte nationale du bénévolat, alors que la question du bénévolat était totalement absente du texte.
Je pense aussi aux articles 10 bis AA et 10 bis AB, qui visaient à renforcer les dispositifs relatifs à la diffusion des compétitions en clair, à titre gratuit, et à faciliter la diffusion d’extraits dans des magazines d’information sportive.
J’aurai l’occasion, lors de la présentation de la motion tendant à opposer la question préalable déposée par la commission, de revenir sur le désaccord le plus important qui est apparu au cours de nos débats. Il porte sur la laïcité dans le sport et est à l’origine de l’échec de la commission mixte paritaire.
Ce désaccord n’est ni mineur ni médiocre. Il trace une vraie ligne de fracture entre deux conceptions de la vie en société, quant à la place que doit occuper la religion dans le sport.
Pour ma part, je suis fier d’avoir défendu cette position au nom de mon groupe et de la majorité sénatoriale, quand bien même ce débat place le Gouvernement devant ses contradictions.
M. Stéphane Piednoir. Absolument !
M. Michel Savin, rapporteur. Madame la ministre, cette question est trop importante pour être caricaturée. Aussi ai-je été étonné de vos propos par lesquels vous tendiez, afin de minimiser notre désaccord sur la laïcité, à imputer l’échec de la commission mixte paritaire au rejet par le Sénat de la parité et de la limitation du nombre de mandats.
Vous le savez parfaitement : j’ai indiqué à de nombreuses reprises – notamment lors de la réunion de la commission mixte paritaire – que j’étais disposé à accepter les articles 5 et 7 dans leur rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, bien que des aménagements m’eussent semblé utiles, notamment sur le nombre de mandats autorisés dans les instances régionales.
On peut être favorable à l’application de la parité intégrale et constater qu’il sera probablement impossible d’appliquer pleinement ce principe en 2024. On peut aussi se féliciter du profond renouvellement des dirigeants des fédérations intervenu au printemps dernier et regretter que ce texte s’immisce dans le fonctionnement des fédérations, en contradiction avec le principe de la liberté associative.
Sur ces deux sujets, madame la ministre, il ne sert à rien de caricaturer les positions du Sénat. Je le répète : nous sommes favorables à la parité intégrale et à la limitation du nombre de mandats des dirigeants des fédérations sportives. Nous l’avons redit en commission mixte paritaire.
Gardons à l’esprit la qualité de notre travail collectif. Nous aurons dans un instant l’occasion de débattre de ce qui nous sépare encore, c’est-à-dire de la place de la laïcité dans le sport. (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Rappels au règlement
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement se fonde sur les articles 36 et 37 de notre règlement.
Madame la ministre, voilà quinze ans que je siège dans cet hémicycle. Je n’ai jamais entendu aucun ministre attaquer les sénateurs d’une façon aussi frontale, violente, injuste et méprisante. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Claude Kern. C’est vrai !
Mme Nathalie Goulet. Je tiens absolument à ce que ce rappel au règlement figure au compte rendu de nos travaux. Nous ne pouvons en effet laisser votre intervention sans suite : j’espère que le Président du Sénat la lira et que l’ensemble des présidents de groupe s’en saisiront !
Je le répète : j’ai été outrée – je ne suis pas la seule – de la façon dont vous vous êtes exprimée et de votre mépris à l’égard de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour un rappel au règlement.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Je m’associe aux propos de Nathalie Goulet.
Mme la ministre s’est adressée à moi de manière agressive dès mon arrivée dans l’hémicycle, sans que je comprenne pourquoi.
Ici comme ailleurs – nous sommes au Parlement ! –, nous avons le droit d’exprimer des opinions différentes de celles du Gouvernement.
Il est tout à fait scandaleux qu’un ministre interpelle les parlementaires en les empêchant pratiquement de s’exprimer et en mettant en cause leur parole. (M. Didier Rambaud s’exclame.)
Pour ma part, je souhaite également que mon rappel au règlement figure au compte rendu de nos travaux.
Madame la ministre, dans cette assemblée, il y a des règles, il y a des lois, il y a du respect. Le camp du bien n’est pas toujours celui que l’on imagine ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat, pour un rappel au règlement.
Mme Françoise Férat. Madame la ministre, quelle fierté a été la nôtre, lorsque vous avez porté les couleurs de la France au cours de votre carrière sportive ! Quelle déception est la nôtre à vous entendre aujourd’hui ! (Bravo ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
De quel droit proférez-vous ces propos insultants à notre endroit ? Connaissez-vous, madame, la définition de la démocratie ? Vous auriez pu argumenter, vous préférez insulter. Quel courage !
Depuis vingt ans que je côtoie Michel Savin, je l’ai toujours vu travailler inlassablement en faveur du sport – c’est pratiquement un sacerdoce.
Vous brandissez le drapeau de votre majorité comme une vérité. C’est à voir…
Mme Céline Brulin. C’est un signe extérieur !
Mme Françoise Férat. Force est de constater que la politique, au sens noble du terme, vous est particulièrement étrangère. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Bravo !
Mme la présidente. Acte vous est donné de vos rappels au règlement, mes chères collègues.
Discussion générale (suite)
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Dany Wattebled. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Dany Wattebled. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire, réunie sur la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France, a échoué pour trois raisons que l’on pourrait résumer ainsi : parité, limitation des mandats, laïcité.
En première lecture, j’ai voté en faveur de la recherche de parité, dès 2024, dans les instances dirigeantes des fédérations. J’ai voté contre la limitation du nombre des mandats des présidents de fédération. Enfin, j’ai voté pour l’interdiction du port de signes religieux ostentatoires lors des compétitions sportives.
Je considère aujourd’hui que nous devons clarifier ce flou juridique qui oblige les fédérations à décider par elles-mêmes de l’autorisation ou de l’interdiction de tout signe religieux ostentatoire lors des compétitions.
Madame la ministre, je vous invite à consulter le rapport fait au nom de la commission d’enquête sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre. Comment peut-on, d’un côté, prôner la laïcité et, de l’autre, accepter des signes religieux dans la pratique ?
À l’heure où nous parlons, de nombreux clubs sont des lieux de prosélytisme et de radicalisation. Le sport n’a pas vocation à devenir le théâtre de l’affaiblissement des valeurs de la République, il doit au contraire être le creuset de l’intégration républicaine au travers des valeurs qu’il porte, et ce dès le plus jeune âge.
J’appelle de nouveau votre attention – comme je l’ai fait en première lecture – sur la création de sociétés commerciales par les ligues professionnelles.
Actuellement, un processus de vente d’un bien public, qui va définir l’avenir du sport français, est enclenché dans la plus grande opacité. Dès le mois d’octobre, un appel d’offres – et non une simple consultation – a été lancé afin de faire entrer un fonds d’investissement dans le secteur du football français. La boîte de Pandore s’ouvre…
Le projet consiste à créer une société commerciale qui serait propriétaire des droits commerciaux du football professionnel français. L’argent récolté par cette vente serait distribué à la société commerciale, mais surtout aux clubs de ligue 1 et de ligue 2.
Le fonds d’investissement qui sera choisi paierait 1,5 milliard d’euros, non pas chaque année, mais une seule fois. Il posséderait 10 % de cette société et récupérerait annuellement 10 % des revenus du football professionnel français. Ce fonds serait libre de revendre sa participation quand et à qui il voudra : Saoudiens, Américains, Chinois, Qataris…
Un engagement d’une cinquantaine d’années a minima sera discuté. Il s’agit aujourd’hui de verser à une société privée des dividendes de l’ordre de 80 millions d’euros par an sur une durée de cinquante ans. Cela représente tout de même 4 milliards d’euros de dividendes, sans compter la plus-value qui sera réalisée lors de la revente du fonds !
À ce jour, il est important que nous puissions connaître – nous devons prendre le temps nécessaire – les contours de ce que deviendra, demain, ce bien national.
La Fédération française de football (FFF), qui n’aurait qu’une voix consultative, et les clubs, qui seront directement concernés, sont en droit d’être informés, au même titre que nos concitoyens.
Pour des questions de conflit d’intérêts, nous devons veiller à ce que les donneurs d’ordre de la Ligue de football professionnel (LFP) ne soient pas également à la tête de cette société.
La plupart des clubs sont aujourd’hui endettés, si bien qu’une grande partie de l’argent injecté ne financera pas des projets de développement, mais ira au remboursement de dettes, détenues, pour certains clubs, en grande partie par des fonds étrangers.
Dès lors, comment nous assurer que les intérêts des investisseurs privés n’effaceront pas les intérêts de la Ligue et que la manne créée par l’exploitation commerciale de ces droits bénéficiera, ce dont je doute, à l’ensemble de la filière, en particulier au sport amateur et au sport scolaire ?
Globalement très déçu par le contenu de ce texte en dépit de ses quelques apports, je voterai en faveur de la motion tendant à opposer la question préalable déposée par la commission de la culture. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après avoir si longuement attendu un texte consacré au sport durant ce quinquennat, nous ne pouvions qu’accueillir favorablement cette proposition de loi visant à démocratiser le sport en France.
Toutefois, dans le sport comme dans tout autre domaine, les déceptions sont généralement à la hauteur des espoirs suscités…
Dès la première lecture, nous faisions le constat d’un texte d’intention là où nous attendions, à deux ans des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, un texte d’ambition.
Ne se résignant pas à un texte en demi-teinte éloigné des attentes du milieu sportif, le Sénat a fait des propositions et considérablement enrichi le texte. Sur ce point, je tiens à saluer l’ensemble des avancées qu’il a permises, tout particulièrement le travail et l’expertise de notre rapporteur Michel Savin, fin connaisseur du monde du sport, contrairement à ce que j’ai pu entendre par ailleurs.
La proposition de loi issue de nos travaux répondait sans nul doute davantage, par ses dispositions, aux enjeux auxquels doit faire face le sport français, amateur comme professionnel.
Je n’en citerai que quelques-unes : renforcement des mesures de lutte contre toutes les violences dans les stades – homophobie notamment –, renforcement du sport en entreprise, soutien aux sportifs de haut niveau.
Je pense surtout à l’introduction de plusieurs mesures relatives à la pratique sportive universitaire, totalement absente du texte initial – vous savez combien cette question me tient à cœur. Figurent notamment la promotion et développement du sport-santé dans les missions de service public de l’enseignement supérieur, la possibilité pour les acteurs de l’enseignement supérieur d’être associés aux conférences régionales du sport et aux plans sportifs locaux, enfin, l’élargissement de l’accès aux locaux et équipements sportifs à l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur.
Ces avancées sénatoriales ont d’ailleurs été très largement saluées en commission mixte paritaire. Nous connaissons tous la disposition sur laquelle un consensus n’a pas été possible : il s’agit de celle qui interdit le port de tout signe religieux ostentatoire lors des compétitions sportives organisées par des fédérations.
Après la fermeté affichée par le Président de la République dans son discours des Mureaux, la majorité présidentielle fait ce qu’elle affectionne le plus : la politique du zigzag.
Lutter contre le séparatisme dans notre pays nécessite davantage qu’un volontarisme de façade. Il faut du courage pour traduire en actes une stratégie vraiment efficace.
Madame la ministre, depuis l’examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République, nous savons que, jusqu’au cœur de l’exécutif, la majorité La République en Marche est gênée par le sujet. Elle est même fracturée par un « en même temps », qui a tout simplement comme conséquence l’affaiblissement de la République.
Ainsi, la députée Aurore Bergé partageait récemment notre constat, déclarant que la religion n’avait pas sa place sur un terrain de sport. En revanche, les propos récents de la ministre déléguée à l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances sont un pas de plus vers le renoncement et la complaisance à l’égard de l’islam politique et de tout ce qu’il représente en termes de liberté des femmes.
Pourtant, l’entrisme de l’islamisme dans le monde du sport est largement documenté, comme en atteste le rapport de notre collègue, Jacqueline Eustache-Brinio, fait au nom de la commission d’enquête sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre.
Dès lors, il nous a semblé urgent que, comme en 2004, le législateur prenne ses responsabilités et, pour lutter contre une idéologie, oppose autre chose que la signature de la charte d’engagement républicain.
Puisque cela semble nécessaire, je rappelle les raisons profondes pour lesquelles nous maintenons que cette mesure est non seulement nécessaire, mais qu’elle avait toute sa place dans ce texte qui a pour objectif, soulignons-le, la démocratisation du sport.
D’abord, cette mesure s’appuie sur la règle 50 de la Charte olympique, qui prévoit la neutralité politique, religieuse, raciale et syndicale dans le sport. On ne peut pas transiger avec la laïcité et la France ne saurait être moins-disante que le mouvement olympique !
Ensuite, il est urgent de sécuriser pleinement les acteurs du mouvement sportif et les élus locaux, qui sont souvent désemparés face à ces dérives, faute de règles juridiques claires et opérantes.
Enfin, le but est de permettre à toutes les femmes de participer aux compétitions sportives, sans différenciation, sans aucun signe de discrimination, sans aucune forme de sexisme lié à ce voile, qui est – nous le savons – un outil politique.
Nous ne pouvons qu’être déçus du texte présenté en nouvelle lecture au Sénat. Il a été totalement dénaturé par les députés en Marche, qui ont cruellement manqué de bon sens dans leurs travaux.
De notre côté, nous sommes fiers d’avoir défendu au Sénat nos convictions et notre ambition, là où, madame la ministre, vous n’avez fait ni l’un ni l’autre. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Thomas Dossus. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a quelques semaines, nous avons passé deux longues soirées, dans cet hémicycle, à débattre de la démocratisation du sport.
Certes, le climat a été tonique par instants, mais le débat démocratique nécessite parfois des explications franches. Comme dans un match de football anglais, cela fait partie du jeu. Aussi, je ne m’associe pas aux différents rappels au règlement qui viennent d’avoir lieu.
Après l’échec de la commission mixte paritaire et le rétablissement de la plupart des mesures phares par l’Assemblée nationale, le texte que nous examinons en nouvelle lecture est quasiment identique à celui que nous avons examiné en première lecture.
Aussi mon analyse demeure-t-elle, à quelques détails près, inchangée. Ce texte devait être le texte le plus important du quinquennat sur le sport. Il devait démocratiser la pratique sportive, permettre aux Français de renouer avec la pratique après des mois de pandémie et faire entrer le sport français dans le XXIe siècle.
Je l’ai indiqué en première lecture, je le redis aujourd’hui : ce texte est timide. Nous étions plusieurs, dans différents groupes, à faire le constat de cette faiblesse. Pourtant, lors de nos débats, les mêmes ont choisi d’en affaiblir encore la portée.
Nous examinons aujourd’hui un bouquet de mesures dont certaines sont – reconnaissons-le – bienvenues et nécessaires. Saluons ainsi les mesures phares de ce texte : la parité dans les instances des fédérations, le non-cumul des mandats dans le temps des présidents de fédération, l’honorabilité accrue des membres de ces mêmes instances.
Je pense aussi au principe d’un sport plus inclusif, à la lutte renforcée contre l’homophobie et les discriminations de genre, à une politique territoriale mieux intégrée et de proximité, grâce à la constitution des plans sportifs locaux et au référencement des équipements sportifs par académie.
Je me réjouis d’ailleurs que nos amendements adoptés en première lecture, sur la prise en compte des lieux publics dans les recensements des équipements et sur le léger verdissement des plans sportifs locaux, aient été conservés.
D’autres mesures, enfin, concernent l’accès aux équipements sportifs des collèges et lycées pour les clubs, les étudiants et les associations, ou encore la mise en place de référents sport dans les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS).
Cette liste peut sembler longue. Sur le fond, pourtant, qui imagine très sérieusement une seule seconde que ces mesures augmenteront le nombre de licenciés ou de pratiquants ? Qui imagine qu’elles permettront d’aider plus efficacement les clubs et les associations durement frappés par la crise ? Qui imagine qu’elles permettront de faire pénétrer le sport plus avant dans une société qui se sédentarise de plus en plus dangereusement ? Quasiment personne.
J’ai insisté sur ce point en première lecture : parler du sport, c’est aussi parler de la société que nous voulons voir advenir.
Parler du sport, c’est aussi parler de la manière dont on se comporte avec les autres, des valeurs que l’on partage, de sa santé et de la manière dont on se déplace et dont on vit.
Parler du sport, c’est aussi parler de l’environnement dans lequel on le pratique, du partage de l’espace public et des équipements.
Parler du sport, c’est aussi parler de ceux qui le font vivre, de leurs conditions de travail, du bénévolat et de la place de l’éducation dans ce processus.
Enfin et surtout, parler du sport, c’est aussi parler du climat, qui est le grand absent de nos débats. Ce lien n’est pas anecdotique : on ne pratique pas le sport de la même manière, lorsque le climat se réchauffe de 2, 3, voire de 4 degrés Celsius, si l’on garde la trajectoire actuelle de l’inaction gouvernementale.
Ces scénarios signeraient de facto la fin de la pratique de nombreux sports de plein air et sports d’hiver. Il n’est qu’à regarder à quoi ressemblent les grands événements sportifs internationaux qui se déroulent cette année, des jeux Olympiques de Pékin et leurs pistes de ski 100 % artificielles au milieu des montagnes arides jusqu’aux stades climatisés de la future Coupe du monde de football au Qatar.
Oui, il est temps de repenser la pratique du sport et des grands événements dans le monde qui vient. Voilà un enjeu de taille, celui de la résilience de nos activités sportives dont, là non plus, nous ne débattrons pas.
Au bout du compte, nous déplorons beaucoup de manques – beaucoup trop –, malgré quelques avancées bienvenues. Nous, écologistes, aurions pu voter ce texte afin de les conserver. C’est pourquoi nous nous opposerons à la motion tendant à opposer la question préalable déposée par la droite, sur laquelle je reviendrai lors de son examen. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Éric Gold applaudit également.)