Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. La liste globale comporte bien 874 sites, hors sites sur le littoral. À l’heure actuelle, nous identifions 20 sites qui pourraient entrer dans le champ de cette proposition de loi, mais il faudra bien évidemment poursuivre ce travail dans les mois qui viennent.
M. Joël Bigot. Merci !
Mme la présidente. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi, dont la commission a rédigé ainsi l’intitulé : proposition de loi visant à permettre l’implantation de panneaux photovoltaïques sur des friches.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures vingt-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Régulation du marché de l’art
Adoption définitive en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande de la commission des lois, la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à moderniser la régulation du marché de l’art (proposition n° 476, texte de la commission n° 490, rapport n° 489)
Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi visant à moderniser la régulation du marché de l’art, présentée il y a deux ans, connaît aujourd’hui son aboutissement, après un long, mais fructueux travail parlementaire, qui a permis de l’enrichir considérablement.
Je m’en réjouis.
Il faut rendre hommage à celles et à ceux dont la détermination a permis l’émergence de points de consensus par-delà les clivages politiques. Je pense d’abord à Nicole Belloubet, qui a beaucoup soutenu cette initiative, mais également, et de toute évidence, à la sénatrice Catherine Morin-Desailly, dont le travail remarquable doit être salué. (Marques d’approbation.) Je n’oublie pas M. le président de la commission des lois ni les sénatrices Deromedi et Belrhiti, ainsi que tous les sénateurs et députés qui ont permis à ce texte de connaître une issue favorable. Parmi eux, je pense tout particulièrement au député Maillard, dont le travail a été décisif.
Ce texte est, en effet, le fruit d’un minutieux travail de concertation et de coconstruction mené avec les professionnels du secteur et le Conseil des ventes volontaires. Je tiens là aussi à saluer l’implication et le sens du dialogue de toutes les parties intéressées, sans lesquelles ce travail n’aurait jamais pu aboutir.
Cette réforme dessine des lignes de force pour l’avenir de la profession d’opérateur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. Elle répond aux préoccupations exprimées dans l’excellent rapport réalisé par Mme Henriette Chaubon et M. Édouard de Lamaze, dont les réflexions ont apporté un éclairage précieux et que je souhaite également remercier chaleureusement.
Cette réforme permettra aux opérateurs de ventes volontaires de retrouver une dénomination qui leur est familière et qui est en réalité la dénomination historique de leur profession : celle de commissaires-priseurs, exerçant au sein de maisons de vente.
Cette réforme rénove également en profondeur la gouvernance de la profession. Elle remplace le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques par une nouvelle autorité de régulation dont les compétences sont élargies : le Conseil des maisons de vente.
La composition de cette instance a fait l’objet de discussions nourries et indubitablement utiles. Je crois qu’un bon équilibre a été trouvé : les membres de la profession y seront majoritaires d’un siège – six membres sur onze –, mais le président de la formation sera nommé par le garde des sceaux parmi les personnalités qualifiées.
Les prérogatives du futur Conseil des maisons de vente seront également renforcées. Il est en effet important que ce Conseil demeure un organe régulateur de la profession, et non un syndicat ou un ordre professionnel.
La réforme refonde aussi le régime disciplinaire applicable aux professionnels du secteur. C’est un point important. Un régime disciplinaire efficace est en effet un gage de crédibilité pour le marché des ventes volontaires.
Vous savez que la modernisation du régime disciplinaire des professions est une question qui m’est chère. La loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a procédé à la modernisation de la déontologie et de la discipline des professions du droit, qu’il s’agisse des avocats ou des officiers ministériels. Je me réjouis de voir la profession des opérateurs de ventes volontaires prendre le même chemin.
La profession d’opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques sortira renforcée de cette réforme, qui lui ouvre de nouveaux domaines d’intervention, comme les inventaires fiscaux, la vente de biens incorporels ou encore les ventes des biens des mineurs sous tutelle.
Le marché des ventes volontaires est une composante essentielle du marché de l’art français. Il faut soutenir son développement et nourrir l’ambition qu’il demeure un facteur d’attractivité pour notre pays.
Enfin, je me réjouis que le travail de concertation conduit à l’occasion de l’élaboration de la proposition de loi ait permis de régler la question de la poursuite d’activité, après le 1er juillet 2022, de la quarantaine d’huissiers de justice qui, depuis plusieurs années, réalisent de façon régulière des ventes volontaires dans leur office.
L’ensemble des améliorations apportées au texte a fait l’objet – je le sais – de discussions approfondies entre les deux assemblées, afin de parvenir à un compromis de nature à permettre l’adoption définitive de la proposition de loi cet après-midi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne peux à cet égard que saluer le travail accompli, notamment celui de votre commission des lois, qui a adopté le texte de l’Assemblée nationale sans modification, mais après des échanges nourris avec les députés. Aucun amendement n’a été déposé sur celui-ci, ce qui témoigne de l’intensité du travail de préparation mené en amont de son examen en séance publique.
Le Gouvernement ne peut que se féliciter que, sur un sujet aussi important que la défense et la modernisation du marché de l’art français, le travail conjoint des deux assemblées ait pu aboutir à ce beau résultat, au terme de l’actuelle mandature. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Laure Darcos applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Belrhiti, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, plus de deux ans après sa première lecture par le Sénat, la proposition de loi visant à moderniser la régulation du marché de l’art, dont notre collègue Catherine Morin-Desailly est à l’origine, arrive au terme de son examen parlementaire.
La commission des lois se félicite de voir aboutir cette initiative sénatoriale particulièrement bienvenue.
Grâce à ce texte, un vent nouveau de liberté viendra souffler sur un secteur d’activité dont le poids dans l’économie française n’est pas négligeable et qui participe également au rayonnement culturel de notre pays. Cette proposition de loi a pour objet de réformer le système de régulation et, plus largement, le régime légal des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, dont la vente d’objets d’art et de collection représente environ la moitié.
Alors que Paris était, dans les années 1950, la capitale mondiale des ventes aux enchères, notre pays n’occupe plus aujourd’hui que le quatrième rang international, loin derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et, désormais, la Chine. Ce recul n’est pas inéluctable, toutefois, à condition que nous sachions accompagner le renouvellement de la profession.
Les ventes volontaires de meubles aux enchères ont été progressivement libéralisées, depuis le début des années 2000, sous l’effet du droit européen. Elles constituent néanmoins toujours une profession réglementée. Or la législation en la matière reste inutilement restrictive et freine la modernisation du secteur.
Initialement, la proposition de loi de Catherine Morin-Desailly avait pour objet exclusif de réformer l’autorité de régulation de ce secteur d’activité.
Malgré les qualités personnelles de ses membres et de ses présidents successifs, le Conseil des ventes volontaires n’a pas donné entière satisfaction. Sa gestion a longtemps été jugée dispendieuse, ce qui lui a attiré les critiques de la Cour des comptes.
Surtout, les professionnels reprochent au Conseil des ventes volontaires, non sans quelque apparence de raison, d’exercer un contrôle inutilement tatillon de leurs activités, sans parvenir à empêcher les quelques scandales qui défraient occasionnellement la chronique.
L’une des compétences les plus importantes du Conseil vient d’ailleurs de lui être retirée, parce qu’il ne l’exerçait pas convenablement : je veux parler du contrôle du respect, par les opérateurs, de leurs obligations en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, compétence qui a été transférée à la direction générale des douanes et à la Commission nationale des sanctions.
À dire vrai, l’on pourrait s’interroger sur la nécessité de maintenir une autorité de régulation propre au secteur des ventes volontaires de meubles aux enchères. Une telle autorité n’existe dans aucun autre pays d’Europe.
En France même, il n’en existe pas dans des secteurs d’activité connexes, par exemple le commerce d’œuvres d’art. Bien sûr, des contrôles sont nécessaires, notamment pour prévenir les risques spécifiques de fraude liés au procédé des enchères. Cependant, ces contrôles pourraient parfaitement être du ressort de services ministériels, comme la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
En première lecture, la commission des lois a néanmoins renoncé à s’engager dans cette voie, qui ne fait pas consensus. Elle a, en revanche, approuvé le choix de réformer en profondeur l’autorité de régulation existante.
La proposition de loi prévoit d’instituer, en lieu et place du Conseil des ventes volontaires, un Conseil des maisons de vente, qui conserverait le caractère d’une autorité de régulation, mais qui verrait ses missions élargies à la promotion des ventes aux enchères, à l’information sur la réglementation applicable et au règlement amiable des différends.
La composition de cette instance serait profondément modifiée. Son collège serait désormais constitué en majorité de représentants élus par les professionnels du secteur, de manière à assurer une représentation équilibrée du territoire français.
En première lecture, le Sénat a prévu que le président du Conseil des maisons de vente soit nommé parmi les membres du collège et sur proposition de celui-ci. Dans un souci d’équilibre, les députés ont estimé préférable que le président soit choisi parmi les membres nommés et ont donc supprimé le pouvoir de proposition du collège. La commission des lois n’a pas remis ce choix en question.
La proposition de loi prévoit aussi de rénover les conditions d’exercice, par le Conseil des maisons de vente, de sa fonction disciplinaire. Le pouvoir disciplinaire serait désormais exercé par une commission des sanctions, distincte du collège, et le régime des sanctions serait modifié, notamment avec l’introduction d’une sanction pécuniaire.
Sur ce point, je me félicite que les députés, après avoir envisagé de transférer les attributions disciplinaires du Conseil au tribunal judiciaire de Paris, aient finalement rétabli un texte très proche de celui qu’a adopté le Sénat en première lecture.
Au-delà de cette réforme de l’autorité de régulation, la proposition de loi a été notablement enrichie, en première lecture, grâce au travail de notre ancienne collègue Jacky Deromedi, qui était alors rapporteur de la commission de lois. Je veux ici lui rendre hommage.
Sans entrer dans le détail, je mentionne toutefois quelques-uns de ces ajouts. L’un d’entre eux, qui peut paraître technique, revêt pourtant une importance considérable : il s’agit de l’article 3, qui étend aux meubles incorporels le régime légal des ventes volontaires de meubles aux enchères. Cette innovation tombe à point nommé pour accompagner le développement fulgurant du marché des œuvres d’art numériques, notamment des NFT (Non Fungible Tokens), ces « jetons » représentatifs de fichiers numériques individualisés.
Une œuvre entièrement numérique de l’artiste américain Beeple, consistant en un assemblage de 5 000 dessins, a par exemple été vendue 69 millions de dollars l’an dernier chez Christie’s à New York, sous forme de NFT. Une telle vente n’aurait pas été possible en France, en raison de la législation applicable.
Plus largement, grâce à cet apport majeur du Sénat, les maisons de vente françaises verront s’ouvrir à elles de nouveaux marchés, appelés à se développer avec l’essor de l’économie de l’immatériel : vente aux enchères de dessins et de modèles, de brevets, de marques, mais aussi de fonds de commerce ou de clientèles civiles, etc.
Plusieurs autres articles ont également pour objet d’étendre le champ d’activité potentiel des opérateurs de ventes volontaires : en leur permettant de procéder aux inventaires fiscaux en cas de succession, grâce à une initiative de Jean-Pierre Sueur, mais aussi en les habilitant à réaliser certaines catégories de ventes aujourd’hui classées parmi les ventes judiciaires. D’autres dispositions visent à réduire les contraintes qui pèsent aujourd’hui sur nos maisons de vente, en allégeant le formalisme auxquelles elles sont soumises, lorsqu’elles réalisent des ventes de gré à gré, ou encore en leur permettant de regrouper leur livre de police et leur répertoire des procès-verbaux.
Enfin, nous avions souhaité garantir une concurrence équitable dans le secteur des ventes de meubles aux enchères, en soumettant les notaires qui souhaitent réaliser de telles ventes, comme ce sera bientôt le cas pour les commissaires de justice, à l’obligation de constituer à cet effet une société distincte de leur office et à une obligation de qualification renforcée. L’Assemblée nationale a supprimé ces dispositions, ce que je m’explique assez mal. Il faudra y revenir, monsieur le garde des sceaux, car l’Autorité de la concurrence nous a alertés sur cette inégalité injustifiée.
Dans l’ensemble, le texte adopté par les députés ne remet pas en cause les orientations de la réforme voulue par le Sénat. C’est pourquoi, mes chers collègues, la commission des lois vous propose de l’adopter sans modification, afin qu’il puisse entrer en vigueur sans plus tarder.
En conclusion, je tiens à rassurer mes collègues alsaciens-mosellans : cette proposition de loi n’aura aucune incidence sur le droit local. En Alsace-Moselle, les ventes volontaires de meubles aux enchères sont régies par le droit commun. C’est au sujet des ventes judiciaires que le droit local s’écarte du droit commun, puisqu’il n’existe pas de commissaires-priseurs judiciaires en Alsace-Moselle. Les notaires et les huissiers de justice en font office. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes réunis cet après-midi afin d’examiner la proposition de loi visant à moderniser la régulation du marché de l’art, plus de deux ans après son adoption en première lecture par la Haute Assemblée.
Dans le paysage mondial des ventes aux enchères, la France occupe une place particulière depuis le XVIe siècle.
Toutefois, si, jusqu’à la fin des années 1950, elle a été première en concentrant 60 % du marché mondial d’œuvres d’art, elle n’en représente actuellement plus que 6 % et se situe au quatrième rang mondial, loin derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et la Chine.
Le secteur des ventes volontaires aux enchères publiques a été peu à peu libéralisé au début des années 2000, avec la fin du monopole des commissaires-priseurs, la suppression de leurs offices ministériels, le passage à un régime d’agrément, puis à un simple régime de déclaration préalable des opérateurs.
En effet, ce secteur a connu deux grandes réformes, la première par la loi du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, la seconde par la loi du 20 juillet 2011 de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, qui faisait suite à l’adoption de la directive Services. Malgré cela, le retard du marché français persiste : un certain nombre d’insatisfactions et d’inquiétudes ont été exprimées, notamment sur la fin du monopole des commissaires-priseurs ou sur la soumission au contrôle d’un organe de régulation extérieur à la profession.
C’est pourquoi cette proposition de loi a pour objectif de redynamiser l’ensemble du secteur des ventes volontaires en France.
Initialement, ce texte ne comportait qu’un article unique visant à réformer en profondeur le système français de régulation des ventes volontaires de meubles aux enchères, en modifiant la dénomination, la composition, les missions et le fonctionnement de l’actuel Conseil des ventes volontaires.
L’instauration d’un Conseil des maisons de vente composé majoritairement de représentants élus de la profession donne un rôle prépondérant à cette autorité modernisée, au service non seulement des professionnels des ventes volontaires, mais également des vendeurs et des acheteurs, qui font vivre le marché de l’art.
Je tiens à souligner que le Sénat a enrichi la proposition de loi en première lecture et qu’au cours de la navette les deux assemblées ont trouvé des points de convergence. Aussi, j’approuve la position de notre commission des lois, qui n’a pas souhaité déposer de nouveaux amendements, afin de parvenir à un vote conforme. J’espère que cet esprit consensuel prévaudra à l’issue de l’examen de ce texte.
Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, cette proposition de loi concrétise un objectif de modernisation et de régulation du marché de l’art. Elle permettra de redonner un nouveau souffle aux maisons de vente et à la profession de commissaire-priseur. Elle contribuera à mieux les armer face à la compétition internationale.
Aussi, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de ce texte très attendu par l’ensemble des acteurs du secteur des ventes volontaires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Baptiste Blanc. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi visant à moderniser la régulation du marché de l’art, déposée par notre collègue Catherine Morin-Desailly – je salue son travail, tout comme celui de notre rapporteure, Mme Catherine Belrhiti – fait son retour au Sénat plus de deux ans après son examen en première lecture.
Les députés ont adopté ce texte le 9 février dernier. Malheureusement, la procédure d’urgence – la énième ! – les a privés d’un véritable débat de fond, lequel aurait pourtant été salutaire pour le marché de l’art, bien mis à mal au cours des dernières décennies.
En effet, cela a été dit, la place française a perdu au fil du temps sa position face aux États-Unis et à la Chine, au point de faire de la France un acteur minoritaire du marché de l’art mondial alors qu’elle a occupé la première place dans les années 1950.
Même si la France reste leader dans certains domaines comme le design, les manuscrits et les arts premiers, elle est devenue un acteur secondaire sur les marchés les plus porteurs comme l’art contemporain, l’art moderne et l’impressionnisme.
Notons toutefois que le produit des ventes aux enchères publiques en France a atteint en 2021, selon les premiers chiffres publiés par le Conseil des ventes, le montant record de 4 milliards d’euros, soit une augmentation de près de 40 %. Dans ce contexte, la France devrait confirmer sa quatrième place sur le marché mondial. Les maisons de ventes aux enchères en France connaissent donc une sortie de crise spectaculaire, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter collectivement.
Cette dynamique doit nous inciter à poursuivre notre travail pour donner un souffle nouveau à cette profession, offrir aux maisons de ventes volontaires de nouveaux champs d’activité possibles et les encourager à consolider leurs structures.
Il convient toutefois de préserver ce qui constitue les conditions de l’excellence française, reconnue de tous, lesquelles expliquent la confiance dont jouissent ces professions de la part des clients étrangers : l’autorité de régulation – le Conseil des ventes volontaires –, qui garantit la sécurité des ventes et prémunit contre les fraudes.
L’article 1er de cette proposition de loi prévoit une réforme du CVV (Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques) et sa transformation en Conseil des maisons de vente. Il modifie ses missions, sa composition, les conditions d’exercice de son pouvoir disciplinaire, ainsi que ses modalités de financement.
Dorénavant, le Conseil des maisons de vente sera constitué de trois personnalités exerçant dans la région d’Île-de-France, de trois personnalités exerçant en dehors de cette région, de cinq personnalités qualifiées, dont deux seront nommées par le ministre de la justice, deux par le ministre de la culture et une par le ministre chargé du commerce. Les représentants des professionnels occuperont donc la majorité des sièges, soit six des onze sièges.
Cette composition pose la question de l’assimilation du Conseil à un ordre professionnel, en raison de la présence majoritaire de professionnels au sein de la structure, d’une part, de leur élection par leurs pairs, d’autre part.
La création d’un ordre professionnel en 2022 suscite des interrogations. Il apparaît en outre que la présence majoritaire de professionnels empêche, au regard des principes de la directive Services, que le Conseil des maisons de vente puisse exercer un pouvoir décisionnel sur d’autres professionnels du secteur. Se pose également le problème de la confidentialité des informations transmises au Conseil.
Le maintien d’un véritable régulateur du marché, tiers de confiance indépendant veillant à la transparence du processus d’enchères et à la protection des acheteurs et des vendeurs, commande que ce Conseil reste majoritairement composé de non-professionnels ou, au moins, que ces derniers soient à égalité de sièges. Or, l’existence du régulateur est l’un des fondements de la réglementation.
Craignant de mettre en place un nouvel ordre professionnel pouvant contrevenir au droit communautaire, vous avez créé un nouvel organe distinct, dénommé « commission des sanctions », qui exercera ce pouvoir disciplinaire. Espérons que cette nouvelle structure visant à garantir la sécurité des ventes et à prémunir contre les fraudes constituera un avantage comparatif sur un marché mondial extrêmement concurrentiel et sera opérante.
Outre cette réforme structurelle, la principale nouveauté du texte est inscrite à l’article 5, lequel consacre l’apparition des huissiers, qui doivent fusionner avec les commissaires-priseurs chargés des ventes judiciaires pour former un corps unique.
Un amendement ayant été adopté exempte d’un examen de passage ceux qui souhaitent ouvrir une maison des ventes volontaires et ont déjà exercé ce métier. Ainsi, ceux qui, de 2016 à 2021, ont tenu au moins vingt-quatre ventes sur au moins trois années consécutives ou effectué des vacations d’un montant total de 230 000 euros seront dispensés non seulement de formation, mais aussi d’examen. Rappelons ici que cette disposition leur avait été refusée par le Conseil d’État. Il est fort à craindre que cette disposition ne crée dans nos territoires une situation extrêmement concurrentielle, laquelle ne sera pas sans conséquence.
Mes chers collègues, nous partageons le même objectif. Il s’agit de préserver l’attractivité économique de la profession et de réfléchir à son adaptation aux importants défis auxquels elle doit faire face : l’internationalisation, la concentration du marché et la numérisation. Il serait donc présomptueux de penser que la réforme structurelle que prévoit ce texte permettra de véritablement préparer le marché de l’art français à ces grands défis. Il constitue donc sans doute un premier pas, qui en appelle d’autres. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le présent texte porte sur l’amélioration du système de régulation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, soit principalement des œuvres d’art, mais aussi toutes sortes d’objets mobiliers, y compris des machines industrielles et même des animaux, notamment des chevaux, comme l’a rappelé notre rapporteure.
Notre assemblée avait dès 2018 travaillé sur l’attractivité et la compétitivité juridique du marché de l’art français. En quelques décennies, le marché de l’art est devenu très concurrentiel.
Les opérateurs français des ventes volontaires ont ainsi dû s’adapter à un phénomène d’internationalisation qui a précipité le déclin de l’attractivité de la France, longtemps réticente aux évolutions. En parallèle d’un contexte concurrentiel international accru, les maisons de ventes doivent faire face à l’émergence du e-commerce et de sites d’annonces commerciales en ligne. Dans les années 1960, notre pays représentait encore 60 % du marché mondial de l’art ; il n’en représente plus que 6 % aujourd’hui.
Les raisons en sont multiples. Elles sont d’ordre artistique, fiscal et administratif. Lors des auditions de la commission, plusieurs pistes ont été proposées, notamment l’évolution du Conseil des ventes volontaires, certaines d’entre elles ayant été retenues par l’auteur du texte.
Le rapport remis en décembre 2018 à l’ancienne garde des sceaux, ministre de la justice, rédigé par Henriette Chaubon, conseillère honoraire à la Cour de cassation, et Édouard de Lamaze, avocat, ancien délégué interministériel aux professions libérales, comportait 41 propositions, dont sept concernaient la rénovation du CVV.
Aussi le présent texte a-t-il pour objet principal de réformer cette autorité de régulation. Il prévoit de transformer le CVV, dont sont actuellement les seuls membres deux commissaires-priseurs et deux suppléants.
Le grand mérite de ce texte est bien de renforcer la présence des professionnels du marché de l’art au sein de ce Conseil afin que ce dernier puisse faire le lien entre les artistes et les autorités de régulation, à l’image du ministère de la culture.
Ce Conseil aura ainsi, par exemple, un droit de regard sur l’activité d’acteurs étrangers à l’espace économique européen via une épreuve d’aptitude.
La modernisation attendue de cette autorité de régulation prend la forme d’une refonte en Conseil des maisons de vente, dont la composition limite les risques de conflits d’intérêts.
Nous saluons le fait que le pouvoir disciplinaire, qui devait initialement être confié au Conseil, ait été finalement transmis au tribunal judiciaire de Paris. Les justices ordinales dérivent parfois, dans un souci de maintien du statu quo, vers l’entre-soi. De plus, au vu du faible nombre de contentieux, et afin de prévenir au mieux l’apparition de conflits d’intérêts, il semble cohérent de remettre ce pouvoir au tribunal judiciaire de Paris et de ne pas faire de ce Conseil une instance ordinale. Son rôle doit être d’édicter et de promouvoir de bonnes pratiques et des obligations déontologiques.
Nous saluons également le transfert des missions de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme à la direction générale des douanes et droits indirects.
Enfin, ce texte permet une remise à plat et une grande simplification de l’environnement du marché de l’art.
Nous saluons à la fois la simplification des démarches, notamment la suppression de l’établissement d’un mandat de vente par écrit et d’un procès-verbal de la cession et le rétablissement d’une concurrence équitable entre notaires et autres vendeurs, et la volonté d’instaurer une formation continue pour les commissaires-priseurs.
Reste toujours la problématique des ventes non régulées en ligne et de la double exigence de protection des usagers, des acheteurs comme des vendeurs, et surtout de compétitivité du secteur. La transformation numérique du secteur et son encadrement demeurent un enjeu.
Ce texte, qui revient sur un libéralisme excessif, répond de manière assez technique aux difficultés d’un marché de l’art en proie à une crise d’attractivité dans notre pays.
Pour ma part, je me permettrai d’ouvrir de soulever la question de l’accompagnement de la création dans notre pays. Un marché de l’art ne peut vivre qu’avec un vivier bouillonnant de talents. Le secteur de la culture a été très affecté par la crise sanitaire. Le plan de relance n’est pas à la hauteur des enjeux dans une nation de culture ouverte à tous les artistes. Il ne permettra pas à ces derniers de s’affranchir des règles du marché.
Pour autant, au vu du travail de notre commission et compte tenu de l’équilibre atteint dans cette proposition de loi, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera ce texte. (Mme Catherine Morin-Desailly applaudit.)