Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. Madame la ministre, notre groupe souhaite vous interpeller sur deux sujets qui ne peuvent se réduire au dépôt d’un amendement, dans la mesure où ils exigent la réalisation d’un travail en commun, auquel nous sommes prêts.
Il s’agit de la protection des jeunes consommateurs et consommatrices.
Tout d’abord, à l’approche de la Coupe du monde qui se déroulera au Qatar, on voit fleurir des sites de paris en ligne, dont un tiers des utilisateurs sont âgés de 18 à 24 ans. L’encadrement de la publicité pour ces sites de paris sportifs en ligne devient nécessaire, dans la mesure où elle utilise des codes appartenant aux jeunes des quartiers populaires, en les incitant à dépenser des sommes astronomiques.
Bien évidemment, les dépenses en ligne sont moins visibles qu’au casino, avec de l’argent réel. Ainsi, un tiers des 18-24 ans se retrouvent très rapidement dans des situations extrêmement complexes. J’y insiste, à l’approche de la Coupe du monde, qui sera un grand moment pour les sites de paris en ligne, il est donc nécessaire d’en encadrer plus fortement la publicité.
Ensuite, nous estimons qu’il convient de légiférer sur l’activité des jeunes influenceurs, qui sont suivis par des centaines de milliers de jeunes, et dont les pratiques commerciales sont illicites lorsque, rémunérés par les marques, ils proposent des produits susceptibles de mettre à mal notre jeunesse.
Nous ne réglerons pas ce problème par le biais d’un amendement ! Nous devons avoir un débat. Nous sommes prêts à travailler avec le Gouvernement, de façon transpartisane, sur ces deux questions pour lesquelles il y a urgence à légiférer. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER. – MM. Xavier Iacovelli et Arnaud Bazin applaudissent également.)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L’amendement n° 3 rectifié est présenté par MM. S. Demilly, Longeot, Canévet, Bonnecarrère, Moga, Capo-Canellas, Belin et Bonneau, Mmes Billon et Jacquemet, M. Lafon, Mmes Vérien et Devésa, M. Levi, Mme Saint-Pé, M. Calvet, Mme de La Provôté, MM. Tabarot, Kern, Henno, Hingray, Détraigne et Bazin, Mme Thomas, MM. Duffourg, Chauvet, Mizzon, Genet et Bacci, Mmes Joseph et Dumont, M. Bonhomme et Mme Garriaud-Maylam.
L’amendement n° 77 rectifié est présenté par M. Cadec, Mmes M. Mercier, Chauvin et Noël, MM. Sautarel et Panunzi, Mmes Berthet et Lassarade, M. Gueret, Mme Gosselin, MM. Chaize, Klinger et Burgoa, Mmes F. Gerbaud, Belrhiti et Muller-Bronn, MM. Saury, Paccaud et Karoutchi, Mmes Létard et Micouleau, MM. Lefèvre et Pellevat, Mme Raimond-Pavero, M. Bouchet, Mme Deseyne, M. Rapin, Mmes Imbert et Bourrat, M. Anglars, Mme Canayer et MM. de Nicolaÿ, Meurant, Joyandet et Charon.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au premier alinéa de l’article L. 132-2, le montant : « 300 000 » est remplacé par le montant : « 375 000 » ;
La parole est à M. Jean-Pierre Moga, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié.
M. Jean-Pierre Moga. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, pour présenter l’amendement n° 77 rectifié.
M. Patrick Chaize. Il est défendu.
Mme la présidente. L’amendement n° 46 rectifié bis, présenté par MM. Duplomb, J.-M. Boyer, D. Laurent, Bonnus, Chasseing, Levi, Bacci et E. Blanc, Mme Imbert, M. Hingray, Mmes Pluchet et Chauvin, M. Daubresse, Mmes Joseph et M. Mercier, MM. Belin, Longeot et Cuypers, Mme Bonfanti-Dossat et MM. H. Leroy et Somon, est ainsi libellé :
Alinéa 12 à 18
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Laurent Duplomb.
M. Laurent Duplomb. Cet amendement vise à supprimer certains alinéas de l’article 9. Je suis prêt à évoluer en la matière, madame la ministre, si vous apportez des réponses précises à quelques questions.
Tout d’abord, pourquoi alourdir encore les peines pour pratiques commerciales déloyales, alors que celles-ci sont déjà réprimées de façon importante, par trois ans de prison et une amende représentant 10 % du montant du chiffre d’affaires de l’entreprise ? Est-il utile de passer de trois ans à sept ans de prison ? Ces peines me paraissent déjà très lourdes !
Ensuite, pourquoi procéder ainsi de façon prématurée dans le cadre de ce projet de loi, alors que l’ordonnance relative à la transposition de la grande directive consommation – ordonnance dite « omnibus » du 22 décembre 2021 – traite de ces sujets ?
Par ailleurs, n’avez-vous pas peur de l’effet dévastateur, pour la réputation des entreprises, de l’introduction des termes « bande organisée », qui font plutôt penser au grand banditisme ou à la grande criminalité ?
Enfin, pensez-vous que l’arsenal juridique actuel soit suffisamment utilisé ? Pourquoi ajouter de nouvelles dispositions sans avoir fait le bilan de ce qui a été mis en place depuis des années ?
Mme la présidente. L’amendement n° 289 rectifié, présenté par Mme Blatrix Contat, M. Cardon, Mme Artigalas, MM. Bouad, Montaugé, Kanner, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy et Tissot, Mmes Lubin, Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et M. Filleul, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Lurel et Marie, Mmes Monier et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Stanzione, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. Alinéas 13 et 16
Compléter ces alinéas par les mots :
et l’amende à 375 000 euros
II. Alinéas 14 et 17
Compléter ces alinéas par les mots :
et l’amende à 750 000 euros
III. Alinéa 18
Compléter cet alinéa par les mots :
et le montant : « 300 000 » est remplacé par le montant : « 375 000 »
La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. L’article 9 tend à renforcer la peine de prison, qui passe de deux ans à trois ans, encourue en cas de commission d’une pratique commerciale trompeuse ou d’une pratique commerciale agressive, dès lors que cette pratique est suivie de la conclusion d’un contrat, ce qui constitue une circonstance aggravante.
Par ailleurs, pour ces délits, la peine d’emprisonnement est portée à sept ans lorsqu’ils sont commis en bande organisée. La peine d’emprisonnement est également portée à trois ans pour le délit de tromperie, qui, pour être constaté, suppose nécessairement la conclusion d’un contrat.
Toutefois, nous regrettons que l’article 9 ne fasse pas suffisamment évoluer les amendes, qui sont plus effectives, donc plus dissuasives, en la matière.
Ainsi, outre le renforcement des peines de prison prévu par le texte, cet amendement vise à accroître le montant de l’amende qui peut être infligée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Les amendements identiques nos 3 rectifié et 77 rectifié, ainsi que l’amendement n° 289 rectifié, visent à accroître les sanctions financières pour pratiques commerciales trompeuses et agressives ayant débouché sur la conclusion d’un contrat.
Or il ressort des échanges que j’ai eus à propos de ce texte qu’il est plus dissuasif d’augmenter la peine de prison encourue que le plafond de sanctions, qui est rarement atteint par l’administration. La hausse de ce plafond n’aurait donc pas d’effet dissuasif sur les entreprises en cause, contrairement à la peine de prison, et constituerait un coup d’épée dans l’eau.
En revanche, nous aurons dans quelques minutes un débat intéressant sur l’alourdissement des peines de prison lorsque les pratiques commerciales ont débouché sur un contrat ou bien lorsqu’elles ont été commises en bande organisée. C’est là que réside le nerf de la guerre qui doit être menée contre les pratiques trompeuses, lesquelles portent atteinte au pouvoir d’achat, à la santé des consommateurs et à l’environnement.
L’augmentation du montant des sanctions n’étant pas nécessaire, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir retirer les amendements nos 3 rectifié, 77 rectifié et 289 rectifié. À défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable sur ces amendements.
J’en viens à l’amendement n° 46 rectifié bis, qui vise à supprimer les dispositions tendant à faire passer de deux ans à trois ans la peine de prison encourue pour pratiques commerciales trompeuses ou agressives ayant débouché sur la conclusion d’un contrat. Il tend également à supprimer l’alourdissement des sanctions dans le cas où ces pratiques seraient commises en bande organisée.
Il me semble utile de nous assurer que les sanctions sont réellement dissuasives pour lutter contre les pratiques trompeuses. Ces dernières, ne l’oublions pas, ont un impact important à la fois sur la santé, sur l’environnement et, bien entendu, sur le pouvoir d’achat des consommateurs puisqu’elles les conduisent à engager des dépenses qu’ils n’auraient pas faites si on ne les avait pas trompés.
Mme la ministre nous donnera peut-être des chiffres sur le montant de ces dommages. Pour ma part, je souhaite vous indiquer quelques points qui me conduisent à penser que cet article 9 est au contraire utile et bienvenu. Nous avons échangé sur ce sujet avec la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui m’a indiqué que, dans les faits, la peine de deux ans de prison aujourd’hui prévue était trop peu dissuasive. Il s’agit d’un délit pénal, et le sujet est celui des peines d’emprisonnement, plus que des amendes.
Notre régime actuel est en effet ambigu. Sur le papier, la peine est plus lourde – trois ans de prison – pour un vol d’objet dans un magasin que pour une pratique trompeuse mise en œuvre par une multinationale, qui lèse des millions de consommateurs. C’est un vrai problème, car cela revient à traiter ces pratiques dommageables comme celles des dossiers sans grande importance.
Surtout, je souhaite que la circonstance de bande organisée ne permette pas d’octroyer de nouveaux pouvoirs à la DGCCRF. Contrairement à ce que les acteurs du démarchage à domicile craignent, cette direction fera son enquête. Comme avant, elle transmettra les éléments au procureur, qui choisira ensuite, ou non, de placer une personne en garde à vue ou de déclencher des poursuites.
À tout moment, si le juge considère qu’il ne s’agit pas d’une bande organisée, la qualification tombe. Cet article 9 tend donc à élargir non pas les pouvoirs de la DGCCRF, mais ceux de l’autorité judiciaire.
Je me permets de signaler également que cet article vise à alourdir les peines de prison uniquement pour les cas où il y a eu conclusion d’un contrat. Cela ne concernera donc pas toutes les pratiques, mais uniquement les plus préjudiciables aux consommateurs – nous voyons tous très bien à quel type de pratiques je fais allusion.
Je précise en outre que, compte tenu des règles de recevabilité, les amendements visant à interdire le démarchage téléphonique pour le compte personnel de formation (CPF) n’ont pu être examinés, que ce soit par l’Assemblée nationale ou par le Sénat. Avec cet article, qui n’interdit certes pas un tel démarchage, nous renforçons néanmoins le régime de sanctions applicable aux entreprises qui cherchent à tromper les consommateurs.
En revanche, il me semblerait utile que le Gouvernement explique plus clairement au Parlement la raison pour laquelle il demande l’adoption de ces mesures, qui n’entraient pas dans le champ des discussions menées autour de l’ordonnance prise récemment sur le même thème.
La commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 46 rectifié bis, tout en souhaitant que le Gouvernement précise ses objectifs. Quant aux amendements identiques nos 3 rectifié et 77 rectifié et à l’amendement n° 289 rectifié, elle en demande le retrait, faute de quoi elle y sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. En guise de réponse, monsieur le rapporteur pour avis, je vais tâcher d’étayer le point de vue du Gouvernement de la façon la plus claire possible, ce que j’avais de toute façon à cœur de faire. Vous reconnaîtrez dans mon intervention l’écho de certains de vos propos – je pense notamment à ce que vous avez dit du caractère insuffisamment dissuasif du droit en vigueur concernant ces arnaques en bande organisée.
Vous êtes tous conscients que l’émergence du web et des supports électroniques entraîne une mutation profonde des pratiques commerciales trompeuses : un nouveau type d’« arnaques » prospère, qui sont à la fois plus sophistiquées et commises de plus en plus à très grande échelle et en bande organisée – avec de nombreux intermédiaires, des réseaux souvent très bien organisés et présents dans de nombreux pays.
Pour décrire cette réalité, je souhaite partager avec vous quelques chiffres que je vous livre sous la forme d’une liste à la Prévert – vous me le pardonnerez, mais cela me semble, en l’espèce, de bon aloi.
Voici quelques chiffres, tout d’abord, sur les placements financiers : 700 signalements ont été enregistrés par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) en 2021. On constate une nette augmentation des allégations mensongères concernant les placements à haut rendement, autour des cryptoactifs notamment, des offres frauduleuses relatives à des investissements divers – vins, cheptels, forêts –, de fausses cagnottes. Les dons et les regroupements de crédits – avec augmentation de l’endettement à la clé – ne sont pas en reste.
Le préjudice financier moyen s’élève à 72 000 euros par victime pour ce qui est des escroqueries aux livrets d’épargne, à 12 000 euros en matière d’arnaques aux crédits ; la perte moyenne est de 20 000 euros sur les cryptoactifs, de 70 000 euros s’agissant des arnaques aux chambres d’Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). Ces chiffres, me semble-t-il, parlent d’eux-mêmes…
Permettez-moi ensuite de rappeler quelques éléments relatifs au secteur de la rénovation énergétique, qui subit également un fort développement des pratiques frauduleuses : en 2021, 52 %, c’est-à-dire la majorité, des 628 entreprises contrôlées étaient en infraction – soit pour défaut d’information du consommateur, soit pour violation du droit de rétractation, soit pour violation des règles du crédit, soit pour les trois en même temps ; 118 injonctions administratives ont été prononcées et 94 procès-verbaux pénaux, pour les cas les plus graves, ont été rédigés.
Quelque 4 000 signalements ont été enregistrés au premier semestre 2022 sur la plateforme SignalConso en lien avec les travaux et la rénovation thermique, hors dépannage à domicile – j’en profite pour saluer l’énorme implication de la DGCCRF et pour noter l’importance de ce site, SignalConso, pour tous les consommateurs français. Il convient de noter que les signalements correspondants étaient au nombre de 1 682 au premier semestre 2021 ; autrement dit, leur nombre a plus que doublé en un an.
Concernant enfin le compte personnel de formation, 32 400 signalements ont été reçus par la Caisse des dépôts et consignations au premier semestre 2022 – usurpations d’identité, inscriptions non souhaitées à des formations à l’insu du consommateur. Le préjudice estimé dans le cadre des plaintes pénales déposées par la Caisse des dépôts entre mars 2020 et mai 2022 s’élève à 27 millions d’euros. Quant aux signalements de fraude ou d’escroquerie au CPF sur la plateforme 33700 de lutte contre les SMS indésirables, ils ont été multipliés par quatorze entre le premier semestre 2021 et le premier semestre 2022 !
De tels chiffres démontrent, s’il le fallait, qu’il est nécessaire de légiférer pour renforcer l’ordre public économique. Ces arnaques sont prégnantes, en forte croissance et de plus en plus sophistiquées.
C’est pourquoi nous proposons, par le biais de l’article 9, d’adapter les moyens de l’État, notamment ceux de la DGCCRF, sur l’ensemble de la chaîne de contrôle. Oui, nous voulons agir, de l’enquête aux sanctions, en renforçant notamment les moyens d’enquête de la direction générale : grâce à cet article, ses agents pourront échanger des informations avec la police judiciaire, afin que soit facilitée l’élucidation des enquêtes.
Nous souhaitons aussi simplifier la mise en œuvre des mesures correctives – elles existent déjà –, qui sont destinées à favoriser l’arrêt de certaines pratiques. Vous avez tous en tête le déréférencement récent d’une plateforme qui vendait des produits à risque ; cette procédure de déréférencement sera dorénavant facilitée, dès lors que des cas de fraude auront été avérés.
Si ces mesures correctives ne suffisent pas, des sanctions sont bel et bien nécessaires pour mettre à mal ces arnaques en forte croissance.
C’est pourquoi, comme l’a dit M. le rapporteur pour avis, forts des conclusions de la DGCCRF, direction générale dont j’ai l’honneur d’avoir la charge, nous proposons de porter à trois ans la peine d’emprisonnement encourue en cas de commission d’une pratique commerciale déloyale donnant lieu à la signature d’un contrat, et à sept ans lorsque cette pratique est commise en bande organisée. Si les agents de la DGCCRF nous disent qu’une peine de deux ans n’est pas dissuasive, il faut les entendre, compte tenu de l’expertise et de l’expérience dont témoigne leur travail quotidien.
Nous renforçons par ailleurs la publicité des procédures, ou « name and shame », particulièrement utile. Nous proposons enfin que les principales procédures mises en œuvre par la DGCCRF, que ce soit en matière commerciale ou en matière concurrentielle, puissent faire l’objet d’une mesure de publicité ; cette publicité serait bien sûr réservée aux cas de fraude les plus graves.
Je ne serai pas plus longue, mais j’avais à cœur d’insister sur la croissance réellement exponentielle de ces arnaques et pratiques frauduleuses en ligne, qui sont de surcroît toujours plus élaborées. Aujourd’hui, il est assurément nécessaire d’adapter notre arsenal juridique pour mieux protéger nos consommateurs.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces quatre amendements.
M. Bruno Belin. Tout ça pour ça !
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Merci d’avoir pris le temps de bien expliquer l’objet de cet article, madame la ministre.
Nous avons tous été très fortement sollicités en réaction au durcissement envisagé de ces dispositions et des peines afférentes. Il ne s’agit pas ici – je veux y insister, et peut-être pourrez-vous le confirmer, madame la ministre – de cibler les petits artisans qui font du démarchage téléphonique, parfois un peu « hors des clous » – je pense en particulier au secteur de la rénovation. Il s’agit vraiment de lutter contre des organisations qui utilisent la fraude comme une pratique commerciale de masse.
Il faut rassurer le petit entrepreneuriat français sur les objectifs qui sont ceux du Gouvernement, et que notre commission soutient. Si nous nous en sommes remis à la sagesse de notre assemblée sur l’amendement n° 46 rectifié bis de M. Duplomb, c’est précisément pour permettre à chacun de s’exprimer sur ces sujets, mais, sur le fond, nous sommes d’accord avec ce qui est proposé.
Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. C’est un vrai sujet. L’Institut d’émission des départements d’outre-mer (Iedom) note une augmentation du surendettement des ménages déjà fragiles. Certains bénéficiaires de minima sociaux sont en effet sollicités pour effectuer des achats. Il existe certes des achats compulsifs – c’est autre chose –, mais aussi de véritables arnaques.
J’ai en tête ces fausses convocations par mail, envoyées par une prétendue brigade de protection des mineurs, destinées à extorquer de l’argent à des personnes faussement accusées de fréquenter des sites pornographiques.
Mme Victoire Jasmin. Le problème est l’insuffisance des moyens de contrôle. Vous avez évoqué la DGCCRF, mais les effectifs manquent pour effectuer les vérifications sous tous leurs aspects.
Les contrôles ne sont menés qu’à partir du moment où des personnes moins vulnérables, elles-mêmes confrontées au problème, réagissent. Or ce sont les personnes les plus fragiles qui paient le plus facilement – on leur fait croire toutes sortes de choses, qu’elles doivent de l’argent, etc.
Il faut doter les services de l’État, à tous les niveaux, des moyens nécessaires pour résoudre ces difficultés.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Je vais retirer mon amendement, d’autant plus aisément que les arguments qui ont été exposés me conviennent.
Il faut garder en tête ce que vient de dire Mme la présidente de la commission des affaires économiques : la DGCCRF doit faire le nécessaire pour arrêter ces entreprises qui, sur le web ou ailleurs, ont une activité frauduleuse, tout en veillant à préserver tous ceux, artisans et petits entrepreneurs, à qui il arrive de faire du démarchage en n’étant pas toujours, faute de moyens d’expertise, « dans les clous », pour reprendre les mots de la présidente.
Les explications de M. le rapporteur pour avis et de Mme la ministre m’ayant convaincu – merci à tous les deux –, je retire mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 46 rectifié bis est retiré.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je remercie Mme la ministre de ses explications en ce qui concerne la magnitude des fraudes. Tracfin a ciblé cette année, au titre de la fraude au compte personnel de formation, 43,2 millions d’euros, ce qui est énorme. Vous avez mentionné les cagnottes en ligne et les cryptoactifs, qui posent de multiples problèmes de transparence et à propos desquels le Parlement européen propose de légiférer.
Je voudrais signaler que l’ensemble des dispositifs de fraude que vous avez mentionnés sont aussi des procédés de blanchiment et de financement du terrorisme. Il faut donc y prêter une attention toute particulière ! C’est la raison pour laquelle il me semble très important que la DGCCRF, Tracfin et l’ensemble des services qui sont à votre disposition, madame la ministre, aient les moyens nécessaires à leur action.
On risque en effet de se retrouver avec énormément de fraudes à contrôler sans avoir les moyens humains pour le faire. S’il est indispensable de sanctionner, il faut corrélativement que soient réunis les moyens humains permettant de garantir la réalité des sanctions.
J’ajoute que le texte qui a été voté pour lutter contre le démarchage abusif ne donne pas du tout satisfaction. Merci pour vos explications, donc, et rendez-vous lors de l’examen du projet de loi de finances !
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Segouin, pour explication de vote.
M. Vincent Segouin. Mon intervention s’inscrira dans la continuité de ce qui vient d’être dit. J’ai bien entendu les propos de Mme la ministre sur l’ampleur du problème que nos concitoyens subissent au quotidien, et sur les facteurs qui l’expliquent.
Nous allons, à des fins de dissuasion, vers une augmentation de la peine, mais la DGCCRF a-t-elle les moyens suffisants pour mener à bien son travail ? Par ailleurs, la réponse de la justice, en termes de délais notamment, est-elle satisfaisante ? Ces questions restent, me semble-t-il, en suspens…
Vous nous avez parlé, madame la ministre, de MaPrimeRénov’ : 628 signalements d’entreprises prises en défaut, dont 52 % violent la réglementation. J’ai calculé qu’en l’espèce la réponse pénale était inférieure à 15 %. Les chiffres sont-ils au diapason pour ce qui est des autres infractions évoquées ? La DGCCRF répond-elle bien à l’ensemble des demandes qui lui sont adressées ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour explication de vote.
Mme Florence Blatrix Contat. Au bénéfice des explications qui viennent d’être données, je vais retirer mon amendement, madame la présidente.
Il serait néanmoins utile que nous disposions d’un suivi des statistiques relatives aux amendes prononcées et aux peines appliquées ; il faudra que le Sénat conduise ce travail.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Tout à fait !
Mme la présidente. L’amendement n° 289 rectifié est retiré.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Je répondrai favorablement à toutes les demandes de précisions et de données chiffrées qui me seront adressées. Ayant la chance d’avoir à mes côtés, en plus de mon cabinet, des représentants de la DGCCRF, je suis à votre disposition pour échanger à ce sujet en toute transparence – nous n’avons absolument rien à cacher.
Je souhaite par ailleurs verser au débat un élément complémentaire relatif aux amendes : les hausses des sanctions financières proposées par les auteurs des amendements en discussion sont toutes inférieures à ce que le droit en vigueur prévoit déjà. Je vous rappelle que les amendes peuvent déjà être portées à 10 % du chiffre d’affaires, ce qui fait tout de même beaucoup, en tout cas davantage que ce qui est proposé ici.
En tout état de cause, nous aurons évidemment plaisir à partager avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, les données dont nous disposons ; n’hésitez pas.
Mme la présidente. Monsieur Moga, l’amendement n° 3 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Moga. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié est retiré.
Monsieur Sautarel, l’amendement n° 77 rectifié est-il maintenu ?
M. Stéphane Sautarel. Je le retire également, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 77 rectifié est retiré.
L’amendement n° 78, présenté par M. Cadec, Mme M. Mercier, M. Bonhomme, Mme Chauvin, MM. Panunzi, Sautarel et Somon, Mmes Berthet, Lassarade et Devésa, M. Gueret, Mme Gosselin, MM. Chaize, Klinger et Burgoa, Mmes F. Gerbaud, Belrhiti et Muller-Bronn, MM. Saury, Paccaud, Tabarot et Karoutchi, Mmes Dumont, Létard et Micouleau, MM. Lefèvre et Pellevat, Mme Raimond-Pavero, MM. Bouchet, Kern et Calvet, Mme Deseyne, M. Rapin, Mmes Imbert et Bourrat, MM. Belin, Levi et Anglars, Mme Canayer, M. de Nicolaÿ, Mme Drexler et MM. Meurant, Longeot, Joyandet et Charon, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 35
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Au second alinéa de l’article 313-1 du code pénal, le montant : « 375 000 » est remplacé par le montant : « 500 000 ».
La parole est à Mme Marie Mercier.