M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis pour examiner les montants définitifs des recettes et dépenses du budget de l’État en 2021. Il s’agit d’un passage obligé, un exercice de constatation pour l’essentiel, mais qui nous permet de dresser un bilan financier de l’année précédente et, au passage, d’observer les écarts entre les résultats et les prévisions de la loi de finances initiale.
Et des écarts, il y en a eu… Secouée par une crise sanitaire dont nous avions vainement espéré l’achèvement dès 2020, la France a subi encore 2021 les remous puissants de la pandémie et de la crise économique qui a suivi.
Notre croissance a également connu un rebond historique cette année-là, atteignant 7 % du PIB et établissant un record depuis une cinquantaine d’années, après la récession tout aussi historique de 2020.
Malgré cette croissance, le déficit budgétaire de l’État atteint le niveau abyssal de 170,7 milliards d’euros, ce que ne suffit pas à rattraper le bon niveau des recettes fiscales net, qui ont retrouvé dès 2021 leur niveau d’avant-crise.
Les dépenses brutes subissent une hausse de plus de 16 milliards d’euros, portant le total à 557 milliards d’euros pour 2021, principalement sur les postes de dépenses « Enseignement scolaire », « Défense », « Engagements financiers de l’État » et, bien sûr, le « Plan d’urgence face à la crise sanitaire ».
Les objectifs définis en 2017 en loi de programmation des finances publiques prévoyaient pour 2021 un déficit effectif de 0,9 % du PIB. Les mesures exceptionnelles activées au printemps 2020 ont naturellement bouleversé la donne, aboutissant à un déficit de 6,4 %, très loin de l’objectif fixé quatre ans plus tôt. Ce n’est pas du tout la trajectoire qu’avait envisagée le Gouvernement, pas plus que le Parlement. L’ambition d’un redressement rapide des finances publiques s’est éloignée, mais, dans des circonstances aussi exceptionnelles, il était indispensable de lever certains verrous, sous peine de voir notre économie s’effondrer durablement.
Le « quoi qu’il en coûte » a donc coûté très cher au budget de la France, mais a permis d’épargner à notre économie des stigmates durables, dont elle ne se serait pas remise.
Par ailleurs, si l’incertitude a dominé les orientations budgétaires de 2021, force est de constater que la guerre en Ukraine et la crise de l’énergie ne nous permettront pas de prévoir avec plus de garanties les finances de l’État pour 2023.
Toutefois, alors que nous venons d’adopter le projet de loi sur le pouvoir d’achat, qui prévoit plus de 20 milliards d’euros de dépenses supplémentaires en 2022, bientôt complété par le projet de loi de finances rectificative, trois préoccupations demeurent pour notre groupe : le retour à des finances plus saines, et, bien sûr, le soutien financier aux collectivités territoriales, avec, toujours en ligne de mire, l’indispensable investissement pour un avenir plus durable pour notre pays.
Nous l’avons compris, ce texte devrait être rejeté par notre assemblée, pour des raisons différentes selon les sensibilités politiques. Au RDSE, hormis quelques votes favorables, la majorité du groupe s’abstiendra. (Mme Guylène Pantel et M. Loïc Hervé applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Briquet. (M. le président de la commission des finances applaudit.)
Mme Isabelle Briquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons à l’issue d’une commission mixte paritaire non conclusive pour examiner en nouvelle lecture le projet de loi de règlement du budget de 2021.
Ce texte, qui traduit l’exécution budgétaire de l’exercice passé, n’ayant pas connu d’évolution depuis le 19 juillet dernier – on voit assez mal comment il aurait pu en être ainsi –, appellera de notre part une conclusion identique.
Je ne reviens pas sur les circonstances de son dépôt tardif. Nous avons tous pu largement nous exprimer à ce sujet, et j’ai bien noté l’engagement du ministre des comptes publics à respecter à l’avenir les dates prévues par la LOLF.
Si je peux donner quitus sur ce point, j’ai été moins convaincue par le reste des arguments sur le fond.
Certes, la crise sanitaire a bouleversé considérablement notre fonctionnement habituel ; certes, des dispositifs exceptionnels ont été mis en œuvre pour soutenir notre économie, et le « quoi qu’il en coûte » était nécessaire, mais la crise n’explique pas tout.
J’ai bien noté, monsieur le ministre, les explications du Gouvernement concernant la dégradation du solde structurel. Si l’on peut tout à fait entendre la part prise par les dispositions de soutien d’urgence, qui n’est pas contestable, il est impossible de ne pas s’interroger sur votre obstination à refuser toute nouvelle recette fiscale.
Ce solde témoigne donc bien de l’impasse fiscale de ce gouvernement, qui refuse de faire contribuer les entreprises et les plus aisés à la solidarité nationale, alors même que, rapport après rapport, l’ensemble des analyses démontrent l’inefficacité de la théorie du ruissellement, pourtant encore mise en avant aujourd’hui. Et ce ne sont pas les propos tenus par le ministre de l’économie et des finances lors des discussions générales du projet de loi sur le pouvoir d’achat et du PLFR qui risquent de nous rassurer sur ce point.
Alors que vous évoquez une stratégie vertueuse pour nos finances publiques, j’ai la faiblesse de croire que les 50 milliards d’euros d’impôt auxquels le Gouvernement a renoncé ces dernières années auraient été fort utiles à l’heure où, toujours selon le ministre de l’économie et des finances, « nous avons atteint la cote d’alerte sur les finances publiques ».
Non, monsieur le ministre, cette stratégie n’est pas vertueuse pour nos finances ; elle n’est pas non plus redistributive pour nos concitoyens.
Ce projet de loi de règlement illustre bien une politique de l’offre centrée sur les plus aisés, oubliant sur le bord de la route les plus fragiles d’entre nous.
Une politique de la demande eût été possible : il aurait fallu pour cela prendre conscience de l’urgence sociale de notre pays et oublier les cadeaux fiscaux généreusement octroyés depuis 2017. On parle souvent de l’ISF comme d’un symbole, mais un symbole à 5 milliards d’euros mérite que l’on s’y intéresse !
La Cour des comptes a par ailleurs pointé dans son rapport le montant très élevé des niches fiscales - plus de 90 milliards d’euros en 2021. Peut-être y aurait-il, là aussi, quelques pistes intéressantes. Nous aurons, j’en suis certaine, l’occasion d’en rediscuter dans les mois qui viennent.
Puisque nous en sommes aujourd’hui à l’exécution des comptes 2021, la Cour n’a pas non plus manqué de relever les entorses aux principes d’annualité et de spécialité budgétaires, qui affaiblissent considérablement la portée de l’autorisation parlementaire.
En effet, le niveau de report de crédits, la confusion entre les exercices budgétaires, l’utilisation répétée de crédits de programmes budgétaires pour financer des dépenses relevant d’autres programmes nuisent grandement à la lisibilité de ce texte.
Ce manque de sérieux et de clarté sert, il est vrai habilement, à masquer les échecs d’une politique gouvernementale très éloignée de la satisfaction affichée par l’exécutif.
Ainsi, en matière de transition écologique, le Gouvernement met en avant le dispositif MaPrimeRénov’, qui aurait bénéficié à 40 000 logements en 2021. Il me semble pourtant que l’objectif annuel était de 800 000 logements. Nous le voyons bien, il y a loin de la coupe aux lèvres, surtout que la Cour, encore elle, indique que seuls 2 500 logements étaient sortis de la catégorie « passoire thermique » en 2021 grâce à ce dispositif.
Ce dernier exemple illustre bien la méthode employée dans la présentation de ces comptes 2021.
Ce projet de loi de règlement n’est pas seulement une exécution budgétaire ; il va bien au-delà. Il est la traduction d’une méthode qui remet en cause la mission de contrôle du Parlement, mais aussi, et surtout, il signe l’entêtement idéologique du Gouvernement dans une politique purement libérale, pourtant mise à mal et sans résultat.
Comme en première lecture, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera contre ce projet de loi de règlement et d’approbation des comptes de 2021. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Éric Bocquet applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Didier Rambaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’année qui vient de s’écouler n’était comparable à aucune autre ; c’est pourquoi le budget qui l’accompagnait a été nécessairement exceptionnel.
Malgré ce contexte, le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021 vient entériner la politique résolument réaliste du Gouvernement.
Réaliste, notre politique l’était quand nous avons répondu à l’urgence sociale qui résultait de la crise sanitaire, alors que nous ne pouvions détourner le regard ; elle l’était quand nous avons engagé le « quoi qu’il en coûte » pour préserver notre économie ; elle l’est maintenant, alors que nous décidons de dépenser seulement à la hauteur de nos capacités.
Nous avons amorti un véritable choc économique et social qu’il était impossible de prévoir et auquel nous n’aurions pas pu exposer nos concitoyens sans agir. Le « quoi qu’il en coûte » a eu un prix, mais ce qu’il a permis de sauver n’en avait pas. Je mets au défi quiconque de nier l’importance du rôle qu’ont joué les mesures du Gouvernement pour protéger le pouvoir d’achat des Français lors de la crise sanitaire.
Comme si nous n’avions pas eu assez de crises ces dernières années, la guerre en Ukraine a débuté, amplifiant l’inflation qui résultait de l’importante reprise économique.
Incertitudes, doutes et imprévisions caractérisaient la situation économique et financière de notre pays : le Gouvernement y a répondu avec fermeté, volonté et sincérité.
La longue période durant laquelle nous avons su protéger les Français ainsi que notre économie ne doit cependant pas nous faire perdre de vue notre ligne politique et nos engagements : une action publique efficace et responsable, finançable et financée.
Nous devons maintenant remettre nos comptes en ordre en retrouvant un déficit inférieur à 3 % d’ici à 2027 afin de mettre en place un projet politique responsable et de transmettre une situation financière pérenne aux générations futures.
La réduction de ce déficit est possible par notre politique d’emploi et de croissance qui, en plus de permettre un assainissement de nos comptes, est la seule solution pour améliorer le pouvoir d’achat des Français. Cette politique n’est pas seulement une vue de l’esprit ou idéologique : elle s’incarne positivement dans notre pays, puisque notre taux de chômage est au plus bas depuis 2008.
Comme nous avions commencé à le faire avant la crise sanitaire, nous continuerons ainsi à diminuer le déficit de l’État. C’est déjà le cas, depuis le début de la crise : la hausse des recettes fiscales a permis une baisse du déficit public de plus de 2 %.
Nous pouvons faire l’objet de critiques, positives comme négatives, c’est l’essence même de notre démocratie ; chacun comprend bien pourtant que nous avons agi au mieux, contraints par une situation économique et sanitaire dans laquelle nous avons su à la fois éviter la misère tant redoutée et relancer la croissance tant convoitée.
En définitive, ce projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes 2021 ne constitue pas une approbation totale de chacune des dépenses effectuées l’année passée, mais plutôt la ratification d’une gestion de crise nous permettant d’éviter collectivement la catastrophe économique et sociale.
C’est pourquoi le groupe RDPI le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les textes budgétaires se télescopent, cette semaine : nous examinons depuis hier le projet de loi de finances rectificative pour l’année en cours, nous débattrons demain des grandes orientations budgétaires pour le quinquennat qui s’ouvre et, cet après-midi, nous discutons donc du projet de loi de règlement des comptes pour l’année précédente.
Ce texte, le tout premier de ce nouveau quinquennat, nous ramène à la fin du quinquennat précédent, puisqu’il en clôt le dernier exercice complet.
Comme texte du Gouvernement, il a cristallisé les oppositions de droite et de gauche ; il faut pourtant bien reconnaître que sa portée politique est maigre. Je regrette, à ce titre, que la commission mixte paritaire ne soit pas parvenue à un accord, même si ce résultat était attendu.
Ce projet de loi nous rappelle trop le précédent quinquennat pour permettre le rodage de la nouvelle méthode prônée par le Gouvernement et dont la Première ministre nous a fait ici même la promesse autant que l’éloge lors de son discours de politique générale. Pour renforcer le travail entre le Gouvernement et le Sénat, nous attendrons donc le prochain texte budgétaire ; espérons que cela soit possible dès le projet de loi de finances rectificative.
S’agissant de ce projet de loi de règlement, le désaccord en CMP ne change rien : contester la facture après qu’elle a été réglée ne rend pas plus riche.
En l’espèce, la facture a été salée. Le déficit s’est établi en 2021 à 6,4 % du PIB, notre dette publique, qui représente 113 % du PIB, atteint un niveau inquiétant, bien plus près des 120 % que des 60 % prévus par nos engagements européens.
Cela aurait pu être encore pire si nous n’avions pas eu quelques bonnes nouvelles : le dynamisme de la croissance, finalement estimée à près de 7 % du PIB, et le recul du chômage ont significativement augmenté les recettes publiques. Nous pouvons nous en réjouir.
Évidemment, la stratégie française, portée par le Gouvernement et soutenue par le Parlement, a contribué à limiter la casse de la crise sanitaire ; c’était le seul objectif du « quoi qu’il en coûte ».
Cette stratégie a payé, il est important de le rappeler, car, à trop noircir le tableau, on risque de regretter le soutien total de l’État à l’économie, aux entreprises et aux salariés. Or cela ne serait pas la meilleure façon de préparer l’avenir.
Il faut le dire et le rappeler : la France a bien géré la crise ; les mesures que nous avons collectivement décidé de mettre en œuvre ont permis de protéger les salariés et les entreprises dans une crise sans précédent. Les Français comptaient sur l’État et celui-ci a été au rendez-vous.
Alors que les tensions sociales resurgissent de toutes parts, nous avons su préserver le pacte républicain. Il faudra désormais se mettre à l’œuvre, travailler plus et gagner plus, pour ne pas laisser les prochaines générations payer l’addition du « quoi qu’il en coûte ». Nous devons tourner cette page, mais nous pouvons nous réjouir de l’avoir écrite collectivement.
En tout état de cause, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera majoritairement en faveur de ce projet de loi de règlement, comme il l’avait fait en première lecture. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais faire plaisir au président de la commission des finances : je vais m’astreindre à la sobriété dont nous allons tous devoir faire preuve cet après-midi et cette nuit !
Après avoir entendu les uns et les autres, il me semble que le match que nous avons joué il y a une semaine va recommencer exactement dans les mêmes conditions, puisque personne n’a fait évoluer ses positions. Sans trahir de secret, et comme l’a déjà bien exposé le rapporteur général, le groupe Les Républicains votera contre ce projet de loi.
Nous ne partageons pas la lecture qu’en fait le ministre, qui a parlé du redressement des comptes, mais plutôt celle de nos collègues du groupe Union Centriste, celle que la Cour des comptes en a faite dans son rapport.
C’est une lecture critique, notamment de certains actes de gestion, tels que les reports de crédits très importants, en 2020 comme en 2021, ou encore l’engagement de certains crédits sur des programmes différents de ceux pour lesquels ils avaient été votés. Ces éléments ont poussé le Parlement à exprimer son mécontentement.
Dernier élément, la majorité précédente avait fait du Printemps de l’évaluation l’alpha et l’oméga de sa politique. M. le ministre, alors membre de la commission des finances de l’Assemblée nationale, le sait bien. Malheureusement, cette année, cet événement n’a pas eu lieu et aucun des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis présents dans cet hémicycle n’a pu organiser une seule audition à cette fin.
Nous aurons, demain, l’occasion de parler à nouveau de la politique économique que vous souhaitez mener et nous aurons des débats que je souhaite plus nourris, et mieux étayés par des auditions, lors de la discussion du projet de loi de finances. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Breuiller.
M. Daniel Breuiller. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la concision dont a fait preuve Mme Lavarde m’a pris de court, je regrette de n’avoir pas fait le même choix !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il n’est pas trop tard ! (Sourires.)
M. Daniel Breuiller. Je vais tout d’abord mettre fin à un suspense insoutenable : le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne votera pas ce projet de loi de règlement. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.) J’aurais pu m’arrêter là, mais je vais ajouter quelques mots. En écoutant les ministres nous appeler à nous réjouir de ce texte, j’ai pensé aux trois petits singes de la sagesse : celui qui ne voit pas, celui qui n’écoute pas et celui qui ne parle pas.
La sagesse, nous aurions aimé la trouver dans chacun des textes qui nous sont soumis. Nous aurions aimé, par exemple, que les délais de présentation de ce projet de loi de règlement soient respectés, afin de pouvoir en tirer les enseignements à temps pour le projet de loi de finances rectificative.
Malheureusement, dans ce texte, j’ai surtout trouvé ce que vous ne dites pas, monsieur le ministre, ce que vous n’entendez pas et ce que vous ne voyez pas.
Tout d’abord, vous ne dites pas la vérité aux Français sur la situation économique du pays. Le déficit budgétaire reste très élevé et vous reportez des crédits non consommés, à hauteur de 23 milliards d’euros, de 2021 vers 2022, ainsi que l’a noté la Cour des comptes. Vous dérogez ainsi au principe de l’annualité budgétaire. Peut-être constituez-vous une cagnotte pour financer des surprises ? Je forme le vœu qu’il s’agisse du SMIC à 1 500 euros (M. Loïc Hervé s’exclame.), mais je n’ai pas entendu cela dans les premiers débats concernant le projet de loi de finances rectificative.
Vous n’entendez pas, ensuite, les conséquences de vos mesures en termes d’inégalités : 9,2 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté dans notre pays, et la crise du covid a créé de nouveaux vulnérables, comme l’indique la Fondation Abbé Pierre.
Les mesures de soutien à l’activité ont protégé les salariés, mais essentiellement ceux qui bénéficiaient d’un emploi stable et beaucoup moins les populations pauvres ou les salariés en emploi précaire. Ce sont nos concitoyens les plus modestes qui ont déclaré avoir subi les pertes de revenus les plus lourdes.
La hausse de l’emploi que vous avez évoquée avec satisfaction concerne, il faut le reconnaître, avant tout des emplois précaires « ubérisés » ; ce ne sont pas les emplois que l’on peut souhaiter pour nos enfants ou pour nos concitoyens.
Vous prenez, en outre, des mesures de défiscalisation et de désocialisation, dont il faudra payer la facture.
Les classes les plus modestes ont proportionnellement beaucoup plus contribué à l’effort que les plus riches de notre pays, auxquelles vous avez pourtant fait de nombreux cadeaux, comme la suppression de l’ISF ou la flat tax. Ce projet de loi de règlement acte tout de même de grands succès, à l’image des 57 milliards d’euros de dividendes, un record en Europe !
Quant au soutien aux collectivités, il est aux abonnés absents, malgré la mobilisation exceptionnelle dont celles-ci ont fait preuve durant la crise, montrant bien leur volonté de contribuer à l’amélioration de la vie quotidienne de nos concitoyens.
Enfin, monsieur le ministre, vous ne voyez pas les effets de l’inaction climatique de votre gouvernement, deux fois condamné à ce sujet.
L’écologie est censée être une priorité du plan de relance, alors que 4,5 milliards d’euros d’autorisations d’engagement prévues au titre du volet écologie n’ont pas été consommés, soit 25 % du budget alloué. Le retard pris par la France dans la mise en œuvre de sa transition écologique nous conduit à une catastrophe et à une dépendance énergétique mortifère.
Les budgets, c’est du fossile à tous les étages, alors que nous devrions redoubler d’efforts et de moyens en faveur du renouvelable et de la sobriété : 40 000 logements sont rénovés par MaPrimeRénov’, alors qu’on en visait 800 000 !
Je vous rassure, mes chers collègues : dans ce projet de loi de règlement, quand on trouve le terme « environnement », celui-ci se rapporte en général à « l’environnement économique »…
Nos propositions sont sur la table pour le débat du projet de loi de finances rectificative, elles n’ont pas encore retenu toute votre attention ; je forme le vœu que la dégradation rapide du climat (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) et ses conséquences dramatiques vous amènent à mieux écouter. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la première lecture de ce texte, je vous expliquais qu’il n’y avait pas de trésor de guerre pour l’État.
Aujourd’hui, je vais profiter de cette nouvelle lecture pour nuancer vos affirmations quant à la bonne santé financière des collectivités, lesquelles ne disposent pas davantage d’un trésor de guerre.
Si les transferts financiers des collectivités ont été en hausse en 2021, c’est simplement pour compenser ce qui leur a été pris : la première salve de suppression de la part de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) destinée aux régions et le dynamisme de la compensation de cette réforme, la fiscalité transférée pour compenser des mesures de décentralisation ou encore une meilleure consommation des crédits. Je vous le dis, monsieur le ministre : il n’y a pas eu de cadeau pour les collectivités.
De plus, la fameuse stabilité de la dotation globale de fonctionnement (DGF) est toujours un leurre, puisque ce dispositif n’est toujours pas indexé sur l’inflation.
Pis encore, le Gouvernement mélange péréquation verticale et horizontale, par un tour de passe-passe qui me semble un peu trop gros. Il affiche ainsi fièrement des augmentations, comme pour la dotation de solidarité urbaine (DSU) ou la dotation de solidarité rurale (DSR), alors qu’il les finance en écrêtant les dotations d’autres collectivités.
Cela apparaît dans la péréquation, qui a représenté 42,2 % du total de la DGF des communes en 2021, contre 40,9 % en 2020.
Plutôt que d’aller chercher des recettes là où il y en a afin d’améliorer les services publics, le Gouvernement a, durant l’année 2021, franchit une nouvelle étape de la suppression de la taxe d’habitation, pour un coût total de plus 17 milliards d’euros pour l’État.
Cela représente, d’abord, une perte d’autonomie financière considérable pour les collectivités, à hauteur de 35 % de leurs ressources fiscales. En outre, vous indiquiez ne faire aucun cadeau à quiconque, alors que cette suppression en est un beau, à destination des 20 % de nos concitoyens les plus riches.
Rebelote – c’est cohérent ! – avec la baisse des impôts de production, une mesure coûteuse – plus de 10 milliards d’euros – qui bénéficie majoritairement aux grandes entreprises ! Cet impôt essentiel à l’économie locale va disparaître entièrement en 2023, pour un nouveau coût de près de 9 milliards d’euros.
Les collectivités ont prouvé la solidité de leur budget, mais l’embellie financière de 2021 n’est pas un rebond naturel suivant la crise, les situations sont très variées et de nombreuses recettes ne sont pas revenues à leur niveau passé.
À titre d’exemple, la taxe de séjour enregistre une baisse de 24 % entre 2019 et 2021 ; au contraire, les recettes très instables, comme les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), tirent l’ensemble vers le haut.
Cette bonne santé financière doit être relativisée. Elle ne constitue pas un trésor de guerre, mais représente une remontée à la surface. Les problèmes structurels demeurent, ils se sont aggravés sous le premier mandat d’Emmanuel Macron et perdureront.
Le financement des compétences et les compensations d’impôts supprimés sont insuffisants, comme la compensation aux départements de la revalorisation du RSA, votée au gré de l’absence de majorité du Gouvernement à l’Assemblée. Celle-ci est, certes, une avancée, mais représente une goutte d’eau au regard du reste à charge accumulé au fil des années.
Les dotations viennent de moins en moins abonder directement les budgets locaux, et sont remplacées par des dispositifs de contractualisation et d’appels à projets préorientés selon les priorités gouvernementales. En plus d’entraîner l’érosion de l’autonomie fiscale des collectivités, cette logique va à l’encontre de leur libre administration.
L’année 2022 se présente comme une nouvelle épreuve, avec l’inflation galopante qui impacte les collectivités exclues des dispositifs d’aide de l’État et qui se trouvent dans l’obligation de voter leur budget à l’équilibre. Eh oui, c’est ainsi !
Les collectivités territoriales n’ont d’autre choix que la baisse de l’offre de service public ou la hausse des impôts et des tarifs. L’État continue d’en demander toujours plus avec moins, nous le voyons aujourd’hui avec la revalorisation du point d’indice, qui n’est toujours pas compensée. Le Gouvernement prend des décisions sans les assumer financièrement, il se déresponsabilise sur le dos des élus locaux, qui payent l’addition.
À en croire la communication gouvernementale, incompréhensible à mes yeux, sur les nouvelles coupes budgétaires prévues pour les collectivités en 2023, la prochaine loi de finances semble devoir assombrir encore le tableau.
N’est-il pas paradoxal de vouloir réduire les dépenses des collectivités tout en ne cessant de les augmenter par des décisions unilatérales ?
Pour ces raisons, et au vu du temps qui m’a été imparti, c’est par le biais de ce propos sur les collectivités territoriales que je vous indique que nous ne voterons pas ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)