M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. J’aimerais revenir plus précisément sur les refus d’obtempérer, car tout a déjà été dit par mes collègues sur les autres points, et je partage l’opinion de M. Jérôme Durain sur les violences faites aux élus et sur les rodéos urbains.
Plusieurs points me gênent dans ce qui a été ajouté dans le projet de loi à propos des refus d’obtempérer, même si les chiffres que vous nous avez présentés, monsieur le ministre, et je vous en remercie, dressent un constat sur lequel il faut effectivement réfléchir. De même, il faut s’interroger sur les drames liés aux refus d’obtempérer qui arrivent aujourd’hui et dont les forces de l’ordre sont, bien entendu, les premières victimes.
Toutefois, ce qui nous choque, c’est que la seule solution proposée est d’augmenter les peines. Je me permets de dire vous dire, monsieur le rapporteur, que les auditions menées ou qui pourraient l’être dans le cadre d’autres textes de loi montrent bien que ce n’est pas ainsi que l’on résoudra le problème.
Nonobstant la question des peines, je rappelle que, dans beaucoup d’autres pays, les refus d’obtempérer, même s’ils sont importants, ne débouchent pas sur autant de drames qu’en France. Cela montre que le problème est non pas seulement la peine, mais également la formation des policiers et la façon d’utiliser les armes et de procéder à des contrôles, de sorte que ceux-ci n’aboutissent pas à des refus d’obtempérer.
Sur toutes ces questions, nous sommes d’accord pour collaborer, réaliser une mission d’information, réfléchir et auditionner. Mais il nous paraît prématuré d’introduire une solution, présentée comme la seule possible, qui risque d’occulter d’autres problèmes, et pas pour longtemps d’ailleurs, car les refus d’obtempérer continueront même si la peine est augmentée.
M. le président. Je mets aux voix l’article 7 bis, modifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 2 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l’adoption | 317 |
Contre | 12 |
Le Sénat a adopté.
Après l’article 7 bis
M. le président. L’amendement n° 52 rectifié, présenté par Mme Vermeillet, M. Mizzon, Mmes Guidez, Loisier et Ract-Madoux, MM. Levi et Laugier, Mme Sollogoub, MM. Détraigne, Le Nay, Maurey et Moga, Mmes Dindar et Herzog, M. Chauvet, Mme Saint-Pé, MM. J.M. Arnaud et Capo-Canellas, Mmes Billon et Doineau et MM. S. Demilly, Duffourg, Louault et Delcros, est ainsi libellé :
Après l’article 7 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article 40-2 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Préalablement à tout classement sans suite, la mesure de composition pénale prévue à l’article 41-2 est systématiquement engagée lorsque la procédure porte sur un ou plusieurs délits commis à l’encontre d’un maire ou d’un de ses adjoints dans des circonstances prévues au 4° de l’article 222-13 du code pénal, ou commis à l’encontre d’un parlementaire dans les conditions prévues à l’article 222-11 du même code, ou commis dans les circonstances prévues au second alinéa de l’article 433-5 dudit code. »
La parole est à Mme Denise Saint-Pé.
Mme Denise Saint-Pé. Partout en France, les maires sont en proie à des agressions, verbales ou physiques, dans l’exercice de leur mandat. Premiers représentants de l’État dans nos communes, ils doivent être mieux protégés dans leurs fonctions.
En réponse à l’escalade du nombre d’agressions, il appartient à la représentation nationale de contribuer à ce que leur figure d’autorité soit pleinement réintégrée dans l’esprit collectif.
Les plaintes qu’ils peuvent déposer dans ces circonstances font régulièrement l’objet de classements sans suite, qui, sans préjuger de leurs motifs profonds, conduisent à renforcer le sentiment d’abandon des maires et des élus locaux face aux violences dont ces derniers peuvent être victimes.
Cet amendement vise donc à rendre systématique la procédure de composition pénale, procédure de substitution à la poursuite prévoyant le versement d’une amende, préalablement à tout classement sans suite, dans le cadre d’une procédure d’agression physique ou verbale d’un élu dans l’exercice de son mandat.
Ainsi, aucune plainte d’élu en la matière ne resterait sans réponse. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Nous comprenons le souhait d’apporter une réponse aux violences contre les élus. Cependant, la composition pénale est prévue dans les cas où l’auteur reconnaît les faits. Imposer une composition pénale ne peut donc se faire que dans un tel cas de figure.
La portée pratique d’une telle solution est donc limitée aux cas pour lesquels le classement sans suite pourrait être envisagé.
La circulaire du garde des sceaux de septembre 2020 a marqué une étape vers une meilleure réponse pénale ; nous y contribuons aussi, dans le cadre de ce texte, en renforçant les sanctions.
Le débat sur cette question se prolongera lors de l’examen de la proposition de loi visant à permettre aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, un édile victime d’agression, déposée par Mme Nathalie Delattre, que nous examinerons le mois prochain.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Saint-Pé, l’amendement n° 52 rectifié est-il maintenu ?
Mme Denise Saint-Pé. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 52 rectifié est retiré.
L’amendement n° 163 rectifié, présenté par M. Gold, Mme N. Delattre, MM. Guérini et Guiol, Mme Pantel, MM. Artano, Cabanel, Corbisez et Requier, Mme M. Carrère et M. Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 7 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 40-1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au 2° du présent article, en cas d’infraction sur une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public ou sur une personne investie d’un mandat électif public dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, le procureur de la République ne peut procéder au rappel prévu par le 1° de l’article 41-1 sans l’accord de la victime. Il en va de même en cas d’infraction commise sur le conjoint, un enfant, un parent, un frère ou une sœur d’une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public ou sur une personne investie d’un mandat électif public si l’infraction était motivée par cette qualité. »
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Dans les communes, le phénomène des agressions d’élus est bien connu des maires et des personnels municipaux. Les élus se retrouvent seuls, face à un nombre grandissant d’infractions et à des agressions, menaces, intimidations, insultes ou injures. Ces actes les touchent dans l’exercice de leurs fonctions, ou en raison de celles-ci, mais concernent également les membres de leurs familles.
Fort de ce constat, Éric Gold avait déposé en octobre 2019 une proposition de loi visant à lutter contre les incivilités, menaces et violences envers les personnes dépositaires de l’autorité publique, chargées d’une mission de service public ou investies d’un mandat électif public, afin de renforcer la réponse pénale en cas d’agressions d’élus ou de dépositaires de l’autorité publique.
Cet amendement reprend l’article 1er de cette proposition de loi et vise à interdire le simple rappel à la loi, sauf accord de la victime, en cas d’infraction commise sur une personne dépositaire de l’autorité publique ou sur un membre de sa famille.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Le rappel à la loi a souvent été considéré comme une réponse pénale insuffisante. À compter du 1er janvier 2023, il sera remplacé par l’avertissement pénal probatoire, lequel offre des garanties plus importantes aux victimes. Il nous semble préférable d’attendre les effets de cette nouvelle mesure avant de voter sa suppression.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Madame Carrère, l’amendement n° 163 rectifié est-il maintenu ?
Mme Maryse Carrère. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 163 rectifié est retiré.
L’amendement n° 161 rectifié, présenté par MM. Maurey, Canévet et Capo-Canellas, Mme Vermeillet, MM. Delcros, Delahaye, Lafon, Henno, J.M. Arnaud, Bonneau, S. Demilly et Duffourg, Mme Herzog, M. Kern, Mmes de La Provôté et Guidez, MM. Le Nay, Louault, P. Martin, Chatillon et Reichardt, Mme Ventalon, MM. B. Fournier et Belin, Mme Deroche, MM. C. Vial, Pellevat, D. Laurent et Courtial, Mmes Schalck et Joseph, M. Genet, Mme Lassarade, M. Bonhomme, Mmes Dumont et Puissat, MM. Bouchet, J.P. Vogel, E. Blanc et Anglars, Mmes Garriaud-Maylam, Pluchet et Muller-Bronn, MM. Burgoa, de Nicolaÿ et Laménie, Mme Richer, MM. Brisson et Paccaud, Mme Demas, MM. Chaize, Tabarot, Verzelen, Pointereau et Savary, Mmes Drexler et Noël et MM. J.M. Boyer, Chasseing, Wattebled, Médevielle et Decool, est ainsi libellé :
Après l’article 7 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au plus tard le 1er septembre, le Gouvernement remet tous les deux ans au Parlement un rapport recensant les signalements d’infraction et les plaintes déposées par les titulaires d’un mandat électif public et les suites, y compris le cas échéant les condamnations, qui leur ont été données. Le rapport formule, en tant que de besoin, des préconisations pour améliorer la réponse pénale donnée à ces infractions et à ces plaintes.
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Ainsi que je l’ai déjà rappelé, la commission est défavorable par principe aux rapports.
En l’occurrence, l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) a mis en place un observatoire des agressions envers les élus, qui suit ce sujet de près et qui devrait être en mesure de fournir les informations dont souhaite disposer Hervé Maurey.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Capo-Canellas, l’amendement n° 161 rectifié est-il maintenu ?
M. Vincent Capo-Canellas. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 161 rectifié est retiré.
L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par M. Savin, Mme Bourrat, M. Meurant, Mme Dumont, MM. Cambon, Pellevat, Calvet et Reichardt, Mme Malet, MM. Karoutchi, Somon et Bascher, Mme Puissat, MM. Panunzi et Cadec, Mme Dumas, MM. Bacci, Bonne et Laménie, Mme Demas, MM. Brisson et Hugonet, Mmes M. Mercier, Goy-Chavent, Imbert et Berthet, MM. Piednoir, H. Leroy, Pointereau, Tabarot et Meignen, Mme Garnier, M. Saury, Mme Lopez, MM. Grand et Bonhomme, Mmes Bonfanti-Dossat et F. Gerbaud, M. J.B. Blanc, Mmes Garriaud-Maylam, Thomas et Eustache-Brinio, M. Chaize, Mme Procaccia, M. Sautarel, Mme Micouleau, MM. C. Vial et Allizard, Mme Borchio Fontimp, MM. Belin, Savary, Bouchet, Houpert et Anglars, Mme Joseph, M. Regnard, Mmes Bellurot, Drexler et Gruny, MM. Duplomb, J.M. Boyer et Mouiller, Mmes de Cidrac et Deroche et M. Genet, est ainsi libellé :
Après l’article 7 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 11° des articles 221-4, 222-8 et 222-10, après le 16° de l’article 222-12 et après le 15° de l’article 222-13 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …°À la suite d’une réaction disproportionnée de l’auteur qui s’est senti offensé par la victime. »
La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Les marches blanches organisées par les familles et la population en hommage aux victimes de violences gratuites s’enchaînent, les slogans « plus jamais ça ! » se succèdent, en vain jusqu’à maintenant.
Redoine, Adrien, Grégory, Sofiane, Kevin, Thomas ont été défigurés pour un refus de cigarette, poignardés pour avoir doublé une voiture dans une station d’essence, frappés à mort pour une place de parking…
Ces actes commis sur la voie publique choquent particulièrement en raison de la disproportion entre le degré de violence de leurs auteurs et leurs motivations, dérisoires.
Ces mobiles si légers ressemblent à des excuses pour laisser libre cours à une explosion de la violence et satisfaire un souhait d’agresser, peu importe qui en sera la victime. Les auteurs de ces faits, particulièrement dangereux et susceptibles d’agresser n’importe qui, doivent être mis hors d’état de nuire.
Cette violence gratuite est une forme de criminalité sans raison. Les agresseurs eux-mêmes sont incapables de l’expliquer : les victimes se sont trouvées au mauvais endroit, au mauvais moment.
Lors du discours de politique générale qu’il a prononcé à l’Assemblée nationale le 12 juin 2019, le Premier ministre Édouard Philippe avait réaffirmé la volonté du Gouvernement de mettre en œuvre un plan pour lutter contre ces violences gratuites. « Nous ne devons plus rien laisser passer », disait-il.
Cet amendement, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vise donc à prendre en compte les violences gratuites qui se multiplient aujourd’hui et face auxquelles nous n’avons pas de réponse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. On ne peut rester insensible à l’argumentaire de Michel Savin, et le sujet des violences gratuites n’est pas sans lien avec notre débat.
Il s’agit cependant d’une question complexe, qui mériterait une étude à part entière. Or nous n’avons pu la mener dans le cadre de l’examen de ce texte ; cet amendement ayant été déposé tardivement, nous n’avons pas pu organiser d’auditions à ce sujet.
En première analyse, on ne peut que s’interroger sur les conséquences que l’adoption d’un tel amendement emporterait sur la tenue du procès pénal : ne risque-t-on pas d’assister à des discussions byzantines pour savoir si la réaction de l’auteur des faits était proportionnée ou pas ? Le procès ne risque-t-il pas de dériver vers une analyse du comportement de la victime, pour apprécier si celui-ci constituait ou non une provocation ?
Ces questions justifieraient que nous entendions des universitaires et des professionnels de la justice afin de bien mesurer les effets de cette exception au principe général d’indifférence des mobiles en droit pénal.
Pour ces raisons, la commission demande, à regret, le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.
M. Michel Savin. J’entends les arguments de M. le rapporteur, mais j’aurais aimé que M. le ministre s’exprimât sur ce point. Le sujet des violences gratuites n’est pas récent, cela fait des années qu’il est sur la table et le Premier ministre, comme je l’ai indiqué, l’avait évoqué en 2019. Depuis lors, rien ne s’est passé.
Il n’y a pas eu d’auditions, soit. J’ai déposé un amendement en commission, le délai était peut-être trop court, mais je ne peux pas rester insensible face à ces familles que nous rencontrons et qui vivent des situations dramatiques en raison de violences gratuites auxquelles elles ont été confrontées, alors que nous n’avons pas de réponses à leur apporter.
Cet amendement pourrait ouvrir la discussion et son dispositif être travaillé et amélioré au cours de la navette parlementaire. C’est une des propositions que je souhaitais vous soumettre.
Si je le retirais aujourd’hui, je suis persuadé qu’il se passerait encore des mois sans que nous discutions de ce sujet. Je le maintiens donc, en espérant que la navette permette de le perfectionner. Il faut apporter une réponse à ces familles.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Loïc Hervé, rapporteur. La procédure parlementaire ne nous permet pas de conduire des auditions durant la navette. On peut profiter de celle-ci pour améliorer un texte sur le plan légistique, clarifier un point dont on n’est pas tout à fait certain ; en l’espèce, il s’agit d’une question de fond, réelle et sérieuse, qui doit être traitée dans le cadre des travaux de la commission des lois. Je viens d’échanger avec son président, qui m’a assuré que cela sera fait. En revanche, nous ne pouvons pas nous engager sur la navette. Avec Marc-Philippe Daubresse, nous n’organiserons pas d’auditions dans ce cadre, parce que cela n’est pas possible.
Je maintiens donc ma demande de retrait.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je réponds bien volontiers à M. le sénateur Savin, même s’il me semblait que les explications livrées par M. le rapporteur étaient suffisantes.
La question principale que nous devons nous poser est la suivante : cet amendement risque-t-il de fragiliser les condamnations que subissent ceux qui se rendent coupables de violences envers les élus, alors même que nous les considérons déjà comme discutables, puisque nous en discutons ?
Le rapporteur a apporté un argument massue en première analyse : si, au cours du procès, on passe du temps à définir le ressenti de l’auteur des faits et son comportement pour fixer la peine, il n’est pas certain que l’on obtienne les résultats que vous appelez de vos vœux.
Par ailleurs, la rédaction de votre amendement donne l’impression qu’il y aurait deux types de violences. Or il ne me semble pas que nous devions, en droit, appréhender ainsi les choses : est-ce l’auteur et son intention qui comptent, ou bien la gravité de la violence subie, notamment, par l’élu ?
M. Michel Savin. Il s’agit non pas seulement des élus, mais de tous les citoyens.
M. Gérald Darmanin, ministre. J’entends bien, nous parlons des élus, mais cela concerne les violences gratuites de manière générale.
Il importe, en définitive, de considérer les conséquences de l’acte de violence et il ne faudrait pas que la motivation de son auteur ou son comportement priment. Il convient donc ici de faire un peu de philosophie du droit pénal.
Je ne sous-estime pas du tout le problème que vous abordez, monsieur le sénateur. On parle beaucoup de tribunaux spécialisés. Je ne suis pas certain qu’il faille en créer pour chaque problème, mais il est clair que l’on parvient parfois, avec des parquets – et donc des services de police – spécialisés, à améliorer les procédures et à mieux faire condamner des personnes, en appréhendant mieux ces actes et leur multiplicité.
Nous travaillons en ce moment, avec le garde des sceaux, pour disposer de substituts spécialisés sur certaines violences que l’on pourrait qualifier de gratuites. Il est vrai que cela concernerait surtout les très grandes villes, et pas suffisamment tous les territoires de la République, mais il ne me semble pas que votre amendement permette de répondre à la question, pourtant importante, que vous soulevez.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je viens au secours de cet amendement, après avoir écouté les observations de M. le rapporteur et de M. le ministre, lesquelles m’apparaissent, pour autant, tout à fait raisonnables, légitimes et fondées.
J’appelle votre attention sur le nombre important de cosignataires de cet amendement : cela indique que nos collègues ont pris conscience de la réalité de ces faits, lesquels semblent connaître une augmentation exponentielle. Je ne dispose malheureusement pas de statistiques à ce sujet, mais il suffit de lire la presse pour constater combien ces actes gratuits prolifèrent à l’heure actuelle.
Je tiens donc à remercier M. Savin d’avoir pris l’initiative de cet amendement, et nous devons trouver une solution à ce problème.
J’ai bien compris qu’il n’était pas possible de faire véritablement évoluer cet amendement pendant la navette ; néanmoins, monsieur le ministre, n’y a-t-il pas lieu que vous vous empariez de ce dossier ? Si le Sénat votait aujourd’hui cette mesure, sans pour autant souhaiter que l’Assemblée nationale la reprenne en l’état, vous pourriez intervenir dans le débat, de manière que nous aboutissions à un texte correspondant à l’attente de M. Savin et des nombreux cosignataires de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Il me semble qu’un avis de sagesse de ma part, suivi de l’adoption de cet amendement par le Sénat, pourrait permettre de mener ce travail à l’Assemblée nationale, son rapporteur mis au fait des préoccupations exprimées par votre assemblée. Celui-ci l’examinera dans une optique compréhensive et constructive ; pour autant, ne soyez pas surpris si cette proposition est modifiée, voire supprimée.
Je change donc l’avis du Gouvernement et je m’en remets à la sagesse du Sénat, sous réserve de ce que je viens d’indiquer, avec l’espoir de ne pas vexer M. le rapporteur.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 7 bis.
L’amendement n° 119, présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, MM. Kanner et Bourgi, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Le Houerou, MM. Sueur, Leconte et Marie, Mme G. Jourda, M. Gillé, Mmes Artigalas et Carlotti, M. Cozic, Mmes Conconne et Meunier, MM. Cardon et Jacquin, Mmes Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 7 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 4° de l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure est ainsi rédigé :
« 4° Lorsqu’ils ne peuvent immobiliser les véhicules, embarcations ou autres moyens de transport, dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt, autrement que par l’usage de leurs armes, dans le but de les empêcher de perpétrer de manière imminente des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles de tiers ; ».
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Cet amendement marque la suite, et peut-être la fin, de notre débat sur les refus d’obtempérer.
Je remercie M. le ministre, qui a consacré beaucoup de temps à nous répondre, qui a apporté des éléments chiffrés et qui nous a invités à une réunion de travail à l’occasion de laquelle nous avons déjà pu évoquer le sujet. Cela n’est pas toujours le cas, il fallait le dire.
Pour autant, nous ne partageons pas l’approche statistique qui nous est présentée. Les policiers et les gendarmes tirent plus que dans d’autres pays et ils tirent plus sur des véhicules.
Ces faits sont documentés par l’inspection générale de la police nationale (IGPN) : entre 2012 et 2016, celle-ci a enregistré 1 253 tirs, contre 1 584 tirs entre 2017 et 2021.
S’il est vrai que les refus d’obtempérer ont augmenté, le nombre de tirs dans ces situations a crû davantage, proportionnellement.
Jacques Toubon, alors Défenseur des droits, s’inquiétait que le projet de loi de 2017 relatif à la sécurité publique complexifie le régime juridique de l’usage des armes.
Cette loi a en effet modifié les textes en vigueur à ce sujet, et notre amendement vise à revenir à la rédaction proposée par un amendement du groupe radical de l’époque, défendu par M. Giraud, que monsieur Darmanin a bien connu au Gouvernement. D’ailleurs, il s’agit presque d’un amendement du Gouvernement, puisqu’il a été écrit par les services du ministère de l’intérieur : il vise à proposer une rédaction de l’article 431-1 du code de la sécurité intérieure comprenant la notion d’« imminence ».
Nous revenons sur ce sujet parce qu’il nous semble que la confusion qui règne dans le débat public autour de ces refus d’obtempérer est de nature à altérer très profondément le rapport entre police et population. C’est notre seule préoccupation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Les conditions d’usage des armes en cas de refus d’obtempérer ont été précisées par le législateur au début de l’année 2017, après un dialogue nourri entre l’Assemblée nationale et le Sénat qui a abouti à une formulation équilibrée tenant compte des exigences du maintien de l’ordre, tout en limitant le recours aux armes à feu au strict nécessaire.
Le code de la sécurité intérieure prévoit que l’usage des armes est autorisé lorsque policiers et gendarmes « ne peuvent immobiliser autrement […] des véhicules, embarcations ou autres moyens de transport, dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ».
Cet amendement tend à effacer le compromis trouvé à l’époque, pour revenir à la rédaction initiale du projet de loi déposé par le Gouvernement, plus restrictive encore pour les forces de l’ordre.
Ce n’est pas la direction dans laquelle nous souhaitons nous engager ; l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?