M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Allons au bout de ce débat. Notre objectif n’est pas de rendre les malfrats intouchables, non plus, ainsi que l’évoquait le ministre, que de laisser des gendarmes ou des policiers à deux heures du matin, sous la pluie, sans possibilité de réagir face à un véhicule qui leur fonce dessus.
En revanche, nous cherchons à éviter des événements qui donnent lieu à de nombreux commentaires, comme récemment à Saint-Ouen, quand des coups de feu de la police ont atteint les vitres d’un bus de la RATP où se trouvaient des familles et des enfants.
Les drames, selon le terme utilisé par notre collègue Guy Benarroche, liés à ces situations extrêmement complexes, sont nombreux et font du mal au lien entre police et population. Or il nous semble que les policiers sont des citoyens parmi les citoyens.
Dans les débats qui se déroulent sur les réseaux ou dans les commentaires d’articles, un clivage très profond, presque un match, se fait jour entre les défenseurs de la police et ceux qui l’accablent. Il importe donc, à notre sens, de rapprocher policiers et population. Tel est le sens de cet amendement.
Notre groupe prend acte, toutefois, de l’avis qui nous est opposé ; nous reviendrons sur ce sujet dès après ce vote, puisqu’un autre amendement tendra à demander un rapport au ministre.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je ne peux laisser passer cet amendement et ce débat très important et très politique. Le premier amendement que nous avons défendu sur ce texte visait déjà à retisser des liens de confiance entre la population et les forces de l’ordre. Nous sommes en plein cœur du sujet.
L’article 7 bis, qui a été adopté, augmente les peines encourues en cas de refus d’obtempérer. Or cette mesure revient à considérer la question par le petit bout de la lorgnette, cependant que le reste du sujet n’est plus évoqué.
À ce titre, je remercie Jérôme Durain de nous permettre de le voir dans son ensemble et, en particulier, de relever que le problème qui va se jouer dans les mois et les années à venir sur ce thème concerne bien la relation de confiance. Les refus d’obtempérer augmentent et on refuse de modifier le traitement dont ils font l’objet, ainsi que nous le demandons, afin de permettre aux forces de l’ordre et aux citoyens de retrouver de la confiance les uns envers les autres.
Il nous semble donc fondamental que cet amendement soit voté.
M. le président. L’amendement n° 47, présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie et Sueur, Mmes Artigalas et Le Houerou, MM. Gillé et Cardon, Mmes Meunier, Conconne et Monier, M. Cozic, Mmes Carlotti, G. Jourda et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 7 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Trois mois après la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les techniques d’interpellation permettant de mieux lutter contre les refus d’obtempérer. Ce rapport analyse l’augmentation importante du nombre de tirs notamment sur des véhicules en mouvement depuis ces dernières années. Il apporte des réponses en termes de formation professionnelle des personnels de sécurité intérieure. Il examine les évolutions législatives éventuelles.
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Lors de son audition devant la commission des lois, le 21 septembre dernier, M. le ministre a déclaré avoir demandé au directeur général de la gendarmerie ainsi qu’à celui de la police nationale de réfléchir aux questions qui nous occupent. Je sais que la demande de rapport n’est guère prisée ici, mais il me semble que nous devons suivre cela de près.
Nous n’avons pas modifié l’article 435-1 du code de la sécurité intérieure et nous avons un désaccord de fond sur ce sujet ; pour autant, je propose que nous le surveillions comme le lait sur le feu, parce qu’il est très sensible. Il mérite donc d’être documenté au fil de l’eau.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Il s’agit d’une nouvelle demande de rapport, et, vous le savez, nous y sommes hostiles.
De plus, les auteurs de cet amendement semblent considérer que le problème posé par les refus d’obtempérer résiderait dans la réaction des forces de l’ordre.
Ce n’est pas l’approche de la commission des lois, qui considère que la source du problème doit être cherchée du côté des automobilistes qui commettent une infraction, et qu’il convient de les en dissuader par une politique pénale d’une plus grande fermeté.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je souhaite, pour clore cette séance du matin, répondre aux arguments de MM. Durain et Benarroche, avant d’évoquer cet amendement, auquel je ne peux qu’être défavorable.
Le débat sur les refus d’obtempérer, ainsi que sur la manière dont les policiers et les gendarmes interpellent les personnes et dont la justice les condamne, est sain en démocratie. Les techniques de la police et de la gendarmerie doivent être sans aucun doute améliorées, à proportion de ce que la technologie permet de faire.
Il ne faudrait pas pour autant croire, comme l’a dit M. Benarroche et comme, sans vous faire de procès d’intention, vous semblez le penser, monsieur le sénateur, qu’en changeant de techniques d’interpellation, on fera baisser le nombre de refus d’obtempérer.
Ces faits se produisent parce que des gens se mettent en danger eux-mêmes, mettent en danger la vie des autres et commettent un délit, voire un crime.
Répétons-le : la première des choses à faire, c’est de s’arrêter quand un policier ou un gendarme le demande. Si l’on fait cela, on est déjà bien parti.
Or nous constatons, malheureusement, que ceux qui refusent d’obtempérer le font pour plusieurs raisons, qu’il est intéressant d’analyser afin de comprendre l’augmentation de ces faits. Cette évolution concerne toutes les sociétés occidentales comparables à la nôtre et ne semble pas être liée à l’augmentation de la violence en général.
J’ai eu l’occasion de le dire, une de ces raisons tient peut-être au fait que certains automobilistes conduisent sans permis de conduire, qu’ils ne l’aient pas ou qu’il leur ait été retiré. Il ne faut pas en sous-estimer l’importance. Ils n’ont plus de points, mais ils vont travailler, parfois faire la fête et ils ne s’arrêtent pas, car ils savent qu’ils encourent une condamnation.
Évidemment, le ministre ne saurait proposer de supprimer le permis de conduire ; mais nous devrions peut-être nous interroger sur notre manière de traiter la sécurité routière. L’équilibre est très difficile à trouver entre la condamnation de comportements provoquant des accidents extrêmement graves, qui enlèvent trop de vies sur les routes de France.
Peut-être, et je me suis déjà exprimé à ce propos, pourrions-nous imaginer une autre règle s’agissant des infractions entraînant le retrait d’un faible nombre de points. Il faudrait néanmoins maintenir une sanction envers ceux qui commettent des excès de vitesse qui ne sont pas élevés, mais qui peuvent conduire, aujourd’hui, à la suite du retrait de points, à la perte du permis de conduire. Les personnes concernées sont souvent des usagers de la route très réguliers, car nous ne sommes pas tous égaux devant le permis à points, dans nos comportements et dans nos habitudes. Je le répète, il peut être intéressant d’y réfléchir.
La plupart des individus que nous interpellons après ces refus d’obtempérer sont toutefois responsables de crimes et de délits plus graves. Ils sont parfois eux-mêmes recherchés par la police ou par la gendarmerie ; il est alors logique qu’ils ne s’arrêtent pas, parce qu’ils sont en fuite et qu’ils auraient dû être en prison ou faire l’objet de poursuites pénales. Certains d’entre eux se trouvent sous l’emprise de stupéfiants ou transportent des produits illicites, et ces faits peuvent se cumuler. La majorité des refus d’obtempérer n’est pas le fait de personnes qui n’ont rien à se reprocher.
De même que 100 % des gagnants ont tenté leur chance, 99 % des automobilistes qui refusent de s’arrêter lorsqu’un policier ou un gendarme le leur demande ne le font pas au nom de convictions politiques, ou parce que la façon dont les forces de l’ordre interviennent leur déplaît. Ils le font parce qu’ils ont des choses à se reprocher et qu’ils sont eux-mêmes les auteurs de délits ou de crimes au moment où ils tombent sur un policier ou sur un gendarme.
N’inversons pas la charge de la preuve. Que nous réfléchissions à la façon dont les choses se passent, c’est heureux, car il est toujours possible de s’améliorer ; que nous étudiions les causes de ces refus d’obtempérer, là encore, c’est heureux : il ne faut cependant pas croire que, en changeant les techniques d’interpellation, on diminuerait le nombre de refus d’obtempérer. Ce n’est pas la bonne manière de voir les choses.
L’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 47.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 8
I. – Le second alinéa de l’article 223-15-2 du code pénal est ainsi modifié :
1° Les mots : « par le dirigeant de fait ou de droit » sont remplacés par les mots : « en bande organisée par les membres » ;
2° Le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « sept » ;
3° Le montant : « 750 000 euros » est remplacé par le montant : « un million d’euros ».
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 74-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Si les nécessités de l’enquête pour rechercher la personne en fuite l’exigent, les sections 1, 2 et 4 à 6 du chapitre II du titre XXV du livre IV sont applicables lorsque la personne concernée a fait l’objet de l’une des décisions mentionnées aux 1° à 3° et 6° du présent article pour l’une des infractions mentionnées aux articles 706-73 et 706-73- 1. » ;
2° L’article 706-73 est ainsi modifié :
a) Après le 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Crime de meurtre commis en concours, au sens de l’article 132-2 du code pénal, avec un ou plusieurs autres meurtres ; »
b) Après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Crime de viol commis en concours, au sens de l’article 132-2 du code pénal, avec un ou plusieurs autres viols commis sur d’autres victimes ; »
c) Le 20° est ainsi rétabli :
« 20° Le délit d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse commis en bande organisée prévu par le dernier alinéa de l’article 223-15- 2 du code pénal. » – (Adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Nathalie Delattre.)
PRÉSIDENCE DE Mme Nathalie Delattre
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.
Après l’article 8
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 108 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
L’amendement n° 167 rectifié bis est présenté par MM. Favreau, Belin, J.B. Blanc, D. Laurent, Savary et Cuypers, Mme Dumont, MM. Laménie, Gremillet et Houpert, Mme Goy-Chavent, MM. Genet et Piednoir, Mme Garriaud-Maylam, MM. Cambon, Longuet, Somon et Tabarot, Mme Schalck et M. Bonhomme.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début de l’article 77-2 du code de procédure pénale, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Dans le cadre d’une convocation en vue d’une audition libre ou d’une garde à vue, le dossier, expurgé des éléments risquant de porter atteinte à l’efficacité des investigations, est mis à la disposition du suspect et de son avocat. »
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 108.
M. Guy Benarroche. Le présent projet de loi comporte de nombreuses modifications de la procédure pénale visant, nous annonce-t-on, à renforcer la filière investigation.
Nous estimons pour notre part que ces modifications doivent s’accompagner d’un renforcement des droits de la défense dès la garde à vue. Nous avions d’ailleurs déjà présenté un amendement dans le même sens lors de l’examen du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, comme n’aurait pas manqué de le relever le rapporteur Marc-Philippe Daubresse…
Cela répond aussi à un besoin de confiance envers les forces de l’ordre.
L’article du code de procédure pénale actuellement en vigueur permet au procureur de communiquer les éléments du dossier de la procédure, mais il ne consacre pas le droit pour les mis en cause et leurs avocats, à ce stade de l’enquête, de demander le dossier, même expurgé de tous les éléments présentant un risque de porter atteinte à l’efficacité des investigations.
Notre groupe souhaite donc renforcer les droits de la défense et le contradictoire dans le cadre de l’enquête préliminaire en donnant au suspect et à son avocat accès au dossier dès le stade de la garde à vue.
L’étude d’impact du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire rappelait que dans la plupart des pays européens, « parmi les droits les plus fréquemment conférés à la personne au cours de l’enquête figurent le droit d’accès au dossier, le plus souvent au cours de la garde à vue, et le droit de demander des actes d’enquête ou de participer à des actes d’enquête et d’être informée de ses droits ».
Cet amendement a été élaboré en lien avec le Conseil national des barreaux (CNB).
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Favreau, pour présenter l’amendement n° 167 rectifié bis.
M. Gilbert Favreau. Dans sa rédaction actuelle, l’article 77-2 du code de procédure pénale limite le droit d’accès au dossier de la procédure par la partie civile ou le plaignant, confiant au parquet le pouvoir d’accorder ou de refuser cet accès.
Il paraîtrait plus logique de consacrer un droit d’accès au dossier pour le plaignant dès le moment de la plainte plutôt que de le limiter de la sorte. Les avocats le souhaitent, puisque cela leur permettrait de préparer la défense de leurs clients dès la clôture de l’enquête, et donc au début de la procédure.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Nos deux collègues proposent de renforcer les droits de la défense en permettant au suspect et à son avocat d’avoir accès au dossier de la procédure dès le stade de la garde à vue ou de l’audition libre.
La loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a récemment renforcé le contradictoire dans le cadre de l’enquête préliminaire en permettant à la personne mise en cause d’avoir accès dans certaines conditions au dossier de la procédure.
Le législateur a cependant veillé à préserver un équilibre entre les droits de la défense et l’efficacité de l’enquête, notamment dans son déroulement.
Il ne nous paraît pas justifié de rouvrir ce débat et de remettre en cause cet équilibre si peu de temps après l’adoption de la dernière réforme, et ce, alors que nos concitoyens attendent de la police et de la justice davantage d’efficacité dans l’élucidation des affaires.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 108 et 167 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 10 rectifié bis, présenté par M. Bazin, Mme Eustache-Brinio, MM. Guerriau et Wattebled, Mme Belrhiti, M. Cambon, Mmes V. Boyer, Dumas, Deroche et Drexler, M. Bouchet, Mmes N. Delattre et Herzog, MM. Somon et Lévrier, Mme Duranton, MM. Buis, Bascher et Breuiller, Mme Berthet, MM. Piednoir, Laménie, Saury, Savary et Chasseing, Mme Imbert, MM. Bonhomme, Grand et Vallini, Mme Garriaud-Maylam, MM. Decool et Rapin, Mmes Dumont et Borchio Fontimp, M. Houpert et Mmes Havet, Perrot et Bellurot, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 222-14-3 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les actes de violence, tels que définis aux articles 521-1 et 521-1-1 du présent code, commis sur un animal de compagnie détenu au sein du foyer par le conjoint ou le concubin de la victime ou son partenaire avec qui elle est liée par un pacte civil de solidarité ou, si la victime est mineure, par un ascendant ou par toute autre personne ayant autorité sur elle, sont assimilés à des violences psychologiques. »
La parole est à M. Arnaud Bazin.
M. Arnaud Bazin. Cet amendement étant le premier d’une série de cinq, je souhaite au préalable prévenir tout malentendu : les dispositions proposées ne sont pas des mesures de protection animale ; elles visent à protéger les victimes et à prévenir, dépister les faits de violences intrafamiliales et à y répondre le mieux possible.
Ces cinq amendements ne sont pas le fruit d’une opinion ou d’une thèse ; ils sont inspirés par un fait, établi par de nombreuses études scientifiques internationales, notamment statistiques, qui indiquent l’existence d’un lien fort entre les violences exercées envers un animal domestique dans le foyer et les violences exercées à l’égard du conjoint et des enfants.
Je ne vous infligerai pas la liste des références bibliographiques : je vous renvoie sur ce point à l’exposé des motifs de mes cinq amendements, où vous trouverez celles-ci.
L’animal est un révélateur du climat de violence intrafamiliale, ce que ces amendements tendent à prendre en compte, mais il constitue aussi, pour l’auteur des violences, un moyen de pression sur ses victimes, qu’il peut menacer d’exercer des violences sur les animaux domestiques pour éviter que les victimes ne dénoncent les faits de violence ou qu’elles ne quittent le foyer.
Ces amendements ont été élaborés en lien avec des professionnels, notamment des magistrats, confrontés régulièrement à ces difficultés.
J’ajoute que les ménages concernés sont nombreux, puisque environ 50 % d’entre eux possèdent un chien ou un chat.
L’amendement n° 10 rectifié bis vise à caractériser les sévices graves, les actes de cruauté et les atteintes sexuelles sur un animal de compagnie comme des violences psychologiques pour la victime de violences intrafamiliales. Une telle reconnaissance du statut de victime permettra de l’encadrer par tous les éléments de prévention prévus par la loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. À titre liminaire, et en écho au débat de ce matin, je rappellerai que nous ne souhaitons pas introduire de dispositions excédant le périmètre initial de ce texte.
Cet amendement et les suivants n’ayant pas été déclarés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution, nous en débattons. Pour autant, mon collègue rapporteur Marc-Philippe Daubresse et moi-même n’avons mené aucune audition des scientifiques que vous évoquez, mon cher collègue, et ce, pour la bonne et simple raison que le sujet excède le périmètre initial de ce texte.
Je ne remets pas en cause le bien-fondé de vos amendements non plus que celui de ce débat, mais pour ce qui est de la méthodologie, il me paraît important que les rapporteurs d’un texte disposent des informations nécessaires afin de proposer un avis aussi éclairé que possible à la commission sur des dispositions qui, comme celles-ci, modifient les codes civil ou pénal.
À ce stade, avec mon collègue Marc-Philippe Daubresse, nous estimons que nous ne disposons pas des éléments qui nous permettraient d’émettre un avis véritablement éclairé sur le fond.
C’est donc avec embarras que nous nous sommes résolus à émettre un avis défavorable. En effet, tout en comprenant vos arguments, mon cher collègue, il ne nous paraît pas opportun de modifier le code pénal.
J’ajoute qu’en termes de symbolique et de présentation, il me paraît délicat de faire figurer, dans les mêmes articles, des mentions relatives aux animaux et des mentions relatives aux victimes, que nous sommes censés protéger et qui sont des personnes humaines.
Comme nous n’avons pas eu de débat préalable et que nous n’avons pas mené d’auditions, j’attire votre attention, mon cher collègue, sur l’opportunité d’introduire de telles dispositions au sein d’un article spécifique.
Je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le sénateur, je comprends bien votre souci de prendre en compte, plus que nous ne le faisons habituellement, la spécificité des sévices graves commis à l’encontre des animaux domestiques par les auteurs de violences conjugales lorsque, comme Mme Rossignol le soulignait ce matin, ces sévices visent à nuire psychologiquement à la victime de violences conjugales, que ce soit pour la retenir ou pour s’en « venger ».
En matière de violences intrafamiliales, nous avançons de manière empirique, et nous ne cessons de prendre en considération de nouveaux éléments, comme celui dont nous débattons, qui semble prendre de plus en plus d’ampleur, notamment dans les classes les plus populaires.
Au-delà des arguments avancés par M. le rapporteur selon lesquels ces dispositions excèdent le périmètre initial de ce texte et relèvent davantage du ministère de la justice que de celui de l’intérieur, je tiens à préciser, à l’attention de nos concitoyens qui nous écoutent et qui pourraient croire que les sévices graves envers les animaux et les violences psychologiques ne sont pas réprimés, que tel n’est pas le cas, et que le code pénal comporte d’ores et déjà des dispositions en ce sens.
Je comprends que vous souhaitez que ces violences puissent constituer un élément aggravant dans le cadre des ordonnances de protection et des condamnations.
Il me semble toutefois que M. le rapporteur n’a pas tout à fait tort lorsqu’il indique qu’il ne faut pas mentionner de manière parallèle les victimes, singulièrement les femmes, et les animaux, qui, s’ils sont parfois victimes eux aussi, ne bénéficient pas dans le droit français des mêmes protections que les personnes.
Tout en étant sensible aux difficultés que vous soulevez, je vous propose donc de retirer cet amendement ainsi que les suivants dans l’attente des résultats de la mission temporaire ayant pour objet le traitement judiciaire des violences intrafamiliales qu’a confiée Mme la Première ministre notamment à l’une de vos collègues, dont le rapport pourra aborder à la fois la question d’une juridiction spécialisée et les violences commises envers les animaux domestiques dans le cadre de séparations ou de violences conjugales.
Ces dernières heures, j’ai eu l’occasion d’échanger avec le garde des sceaux à ce sujet.
Retrait, sinon avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. J’ai eu l’occasion ce matin d’évoquer cet amendement et les suivants à l’appui de mes démonstrations sur l’ordonnance de protection, et en ce qui me concerne, je les voterai.
L’amendement n° 10 rectifié bis vise non pas à faire entrer la condition animale dans le code civil, mais à mieux définir ce que sont les violences psychologiques.
Nous ne disposons que de définitions faites par des professionnels ou bien jurisprudentielles des violences psychologiques, mais il suffit de s’intéresser à l’actualité pour comprendre que de nombreux éléments qui relèvent de violences psychologiques ne sont pas encore clairement identifiés comme tels.
Par cet amendement, notre collègue souhaite que soit pris en compte – je parle sous votre contrôle, monsieur Bazin – que les violences commises envers un animal domestique peuvent constituer des faits de violence psychologique exercés, non pas sur l’animal, mais sur les autres membres du foyer, c’est-à-dire le plus souvent la femme et les enfants.
Dans le cadre de la lutte contre la radicalisation – un domaine que vous connaissez bien, monsieur le ministre –, nous savons qu’il existe des signaux faibles. Eh bien, les violences contre les animaux constituent des signaux faibles en matière de violences intrafamiliales !
Le fil conducteur des amendements de notre collègue Bazin est juste, et le présent amendement a toute sa place dans ce texte.
Je reviendrai ultérieurement sur les difficultés que nous rencontrons à exercer notre droit d’amendement en séance, car cela devient impossible…
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Je n’ai l’intention de contrarier ni le ministre ni le rapporteur, mais je tiens à exprimer ma position.
Comme l’a bien expliqué – et bien compris – notre collègue Rossignol, il s’agit simplement de reconnaître que des violences physiques commises sur un animal domestique représentent des violences psychologiques pour les personnes vivant dans le foyer. Tel est l’objet de l’amendement.
Il me semble que la reconnaissance de ces violences psychologiques dont les enfants ou le conjoint peuvent être victimes permettra de doter les juges d’un cadre plus solide pour apprécier les faits.
Si je peux comprendre qu’il est difficile pour la commission et le rapporteur d’émettre un avis sur un sujet qui n’a pas été expertisé au fond, je rappelle qu’un amendement présenté ce matin par notre collègue Savin a été voté…
M. Loïc Hervé, rapporteur. Oui, mais avec un avis défavorable !
M. Arnaud Bazin. … alors même que les dispositions qu’il tendait à introduire emportent des difficultés d’appréciation bien plus grandes.
Au-delà du sort qui sera réservé à cet amendement et aux suivants, il me paraît important que nous débattions de ce sujet important, car la prise en compte des violences commises envers les animaux domestiques permettra de progresser dans leur prévention et leur traitement. Il ne s’agit nullement de mettre sur le même plan les violences envers les animaux et les violences envers les personnes.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Nous le rappelions ce matin, la commission des lois est attentive à la rédaction du code pénal et du droit en général. L’adoption de cet amendement entraînerait une modification du code pénal, et ce, alors que nous examinons un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur et en dépit de mes observations, de celles du ministre et de celles que j’avais déjà formulées devant la commission.
L’article 222-14-3 du code pénal est ainsi rédigé : « Les violences prévues par les dispositions de la présente section sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s’il s’agit de violences psychologiques. » Vous souhaitez introduire à sa suite, c’est-à-dire au sein d’un chapitre général, le cas particulier que vous évoquez.
Autrement dit, les violences commises envers des animaux seront mentionnées au sein même de l’article qui mentionne les violences commises envers les personnes, constituant même un facteur aggravant !
Cela pose une difficulté de fond sur laquelle je souhaite vous alerter, mon cher collègue. Comme je l’ai indiqué, le fait que je n’ai pas pu auditionner les scientifiques que vous avez mentionnés pose également une difficulté de méthode.
De surcroît, en faire un facteur aggravant de faits de violences sur personne, cela me paraît de nature à compromettre le bon déroulement des travaux du Sénat et le sérieux de la commission des lois. J’ai évoqué ces difficultés à deux reprises lors des travaux en commission, mais je tenais à les évoquer également en séance publique.