Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Je remercie Sylviane Noël d’avoir pris l’initiative de cet amendement ; c’est l’occasion pour nous d’avoir avec le ministre de l’intérieur un débat important. Ce débat, d’ailleurs, concerne non seulement la Haute-Savoie, mais aussi bien d’autres départements sur le territoire national ; sur le terrain, il préoccupe beaucoup les élus. (Mme Annick Billon le confirme.)
Monsieur le ministre, vous avez raison : le président du conseil départemental a un rôle à jouer. Reste qu’en la matière la signature est double : le préfet doit cosigner.
Dans des départements qui, par exemple, sont à mi-parcours de leur schéma départemental, il pourrait être intéressant d’en prescrire la révision…
M. Loïc Hervé, rapporteur. … afin que les objectifs qui y figurent soient soutenables.
Je ne parle absolument pas de réduire l’ambition des schémas départementaux, mais il faudrait simplement les rendre soutenables. On demande à Annemasse, agglomération située aux frontières de Genève, de créer quarante-cinq logements de sédentarisation ; imaginez ce qu’un tel projet représente pour une commune de cette taille !
Le Président de la République est venu récemment dans notre département ; il a pris devant les parlementaires de la Haute-Savoie l’engagement qu’un nouveau texte serait étudié par le Parlement. Vous avez confirmé cette intention. J’ai presque envie, avec la permission de Sylviane Noël, de saisir la balle au bond : nous pourrions compléter les propositions déjà formulées par le Sénat au gré de ses travaux et, assez vite, présenter un nouveau texte de loi dans le cadre d’une niche de la majorité sénatoriale. Il faut aller de l’avant, corriger, s’il y a lieu, ce dispositif de l’amende forfaitaire délictuelle et, en tout cas, apporter des réponses très concrètes aux élus, qui n’en peuvent plus de cette situation.
Merci, monsieur le ministre, pour votre écoute. Je maintiens la demande de retrait adressée à Mme Noël.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.
Mme Laure Darcos. J’ai cosigné l’amendement de ma collègue.
Je ne stigmatise pas les gens du voyage : certains sont bien établis et respectent les lieux où ils sont accueillis.
Au-delà de la question des expulsions, soyons attentifs à l’« après », c’est-à-dire à tout ce qui reste sur les terrains une fois les occupants partis. Dans mon département de l’Essonne, où des gens du voyage sont très souvent de passage, certaines communes se retrouvent encombrées de tas d’immondices épouvantables. La petite ville de Champlan a connu jusqu’à vingt-deux camps illicites sur son territoire ; elle ne sait pas quoi faire des détritus, qui ne sont pas de simples ordures et contiennent y compris des substances très dangereuses, et l’État est lui aussi démuni devant ce phénomène.
On parle beaucoup actuellement de développement durable, mais cette question-là n’est pas assez traitée dans les textes. À mon tour, après Loïc Hervé, de saisir la balle au bond : au-delà même du sujet de l’occupation des terrains, c’est toute la question de l’« après » qui mérite réflexion : la charge pour les communes est épouvantable, et les habitants n’en peuvent plus.
Mme la présidente. Madame Noël, l’amendement n° 127 rectifié quater est-il maintenu ?
Mme Sylviane Noël. Monsieur le ministre, j’ai bien compris que mon amendement était imparfait d’un point de vue juridique ; je vais donc le retirer. Je suis heureuse néanmoins que nous ayons ce débat.
Comme l’a rappelé mon collègue Loïc Hervé, il s’agit d’un problème majeur. Les élus sont en la matière extrêmement démunis ; ils y perdent leur crédibilité auprès de la population, qui ne comprend pas comment des groupes commettant de tels actes peuvent demeurer pendant des semaines sur des terrains de leur commune sans être inquiétés.
Les procédures sont trop longues… Il faut que nous réussissions à ajuster notre réglementation. Je réitère l’invitation de mon collègue : venez en Haute-Savoie rencontrer les élus, monsieur le ministre ; nous vous exposerons précisément les difficultés que nous rencontrons au quotidien. Ainsi pourrons-nous envisager une évolution de la loi Besson.
Quant à l’idée de décompter les aires d’accueil des obligations de la loi SRU, sachez que nous en avons formulé à plusieurs reprises la demande, systématiquement rejetée par votre gouvernement. J’espère qu’un jour nous trouverons un compromis s’agissant d’une question sur laquelle nous sommes très attendus.
Mme la présidente. L’amendement n° 127 rectifié quater est retiré.
L’amendement n° 78, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’article 14 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le Gouvernement présente au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur l’usage des générateurs d’aérosols lacrymogènes ou incapacitants par les forces de l’ordre lors des manifestations et événements sportifs.
II. – Ce rapport peut faire l’objet d’un débat en commission permanente ou en séance publique.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Depuis quelques années, les forces de l’ordre font un usage répété et accru des bombes lacrymogènes lors de manifestations, voire d’événements sportifs. On connaît les effets d’un tel usage sur la santé des personnes présentes dans la zone où les gaz sont dispersés. Songez à la gestion des incidents survenus aux abords du Stade de France le 28 mai 2022 à Saint-Denis : nous n’en ignorons rien, le Sénat ayant rédigé sur ces questions relatives au maintien de l’ordre un important rapport d’information, après avoir entendu, entre autres, le préfet Lallement. Il a été démontré qu’à cette occasion un mauvais usage avait été fait des grenades lacrymogènes.
Venant de Marseille, il me faut citer aussi ce fait divers dramatique qui a vu le décès, en décembre 2018, d’une octogénaire frappée à la tête par un tir de grenade alors qu’elle se trouvait à la fenêtre de son appartement dans le centre-ville, où se déroulait une manifestation de « gilets jaunes ».
Il s’agit non pas de dire que tout va mal, mais qu’il y a là, dans ces pratiques aléatoires et disproportionnées au regard de la réalité du terrain, une vision du maintien de l’ordre très particulière, qui n’est pas la seule possible et qui porte atteinte, nous semble-t-il, à l’État de droit.
Il faut mener une réflexion sur cette doctrine ; par cet amendement, nous demandons au Gouvernement de dresser un bilan de l’usage des aérosols lacrymogènes ou incapacitants lors des manifestations et des événements sportifs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Le prochain examen d’un texte spécifique portant sur l’organisation des jeux Olympiques nous permettra de rediscuter de la sécurité des événements sportifs.
Avis défavorable sur cette demande de rapport.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 78.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Chapitre IV
Faire face aux crises hybrides et interministérielles
Article 15
Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Le chapitre V du titre Ier du livre Ier est abrogé ;
2° À la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 742-1, après le mot : « actions », sont insérés les mots : « ou de décisions » ;
3° Après l’article L. 742-2, il est inséré un article L. 742-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 742-2-1. – Lorsqu’interviennent des événements de nature à entraîner un danger grave et imminent pour la sécurité, l’ordre ou la santé publics, la préservation de l’environnement, l’approvisionnement en biens de première nécessité ou la satisfaction des besoins prioritaires de la population définis à l’article L. 732-1, le représentant de l’État dans le département du siège de la zone de défense et de sécurité peut, si le représentant de l’État dans le département l’estime nécessaire pour assurer le rétablissement de l’ordre public et mettre en œuvre les actions mentionnées au troisième alinéa de l’article L. 742-1 et le sollicite, l’autoriser, à ces seules fins, à diriger l’action de l’ensemble des services et établissements publics de l’État ayant un champ d’action territorial, alors placés pour emploi sous son autorité. Le représentant de l’État dans le département prend les décisions visant à rétablir l’ordre public ou à mettre en œuvre les actions mentionnées au même troisième alinéa après avis de l’autorité compétente de l’établissement public.
« La décision du représentant de l’État dans le département du siège de la zone de défense et de sécurité est prise pour une durée maximale d’un mois. Elle détermine la ou les circonscriptions territoriales à l’intérieur desquelles elle entre en vigueur. Elle peut être renouvelée, dans les mêmes formes, par période d’un mois au plus, si les conditions l’ayant motivée continuent d’être réunies. Il y est mis fin sans délai dès que les circonstances qui l’ont justifiée ont cessé. »
Mme la présidente. L’amendement n° 198, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L’article 15 renforce l’autorité fonctionnelle exercée par le préfet sur les services déconcentrés de l’État et sur les établissements publics couvrant un large champ de l’action publique.
Nous considérons que le régime actuel de l’état d’urgence permet déjà d’octroyer des prérogatives exorbitantes du droit commun aux préfets ; il n’est pas nécessaire de prévoir une disposition spécifique pour les zones départementales. Cet article nous semble donc superfétatoire.
D’où l’expression que j’ai utilisée dans la discussion générale : la Lopmi serait l’antichambre de la réforme à venir portant départementalisation de la police judiciaire.
Nous serons évidemment très attentifs à l’évolution des textes comme aux travaux de la mission d’information que la commission des lois du Sénat vient de créer sur cette question. Mais, pour l’heure, nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Le présent article, dont Mme Assassi demande la suppression, renforce les prérogatives des préfets de département en cas d’événement d’une particulière gravité, en plaçant sous leur autorité les services et les établissements publics de l’État ayant un champ d’action territorial.
En commission, nous avons même adopté – et c’est une bonne chose – un amendement visant à placer également l’agence régionale de santé sous l’autorité du préfet.
De fait, je ne partage pas les craintes que vous avez évoquées. Alors que nous venons de traverser une intense période de crise, nous devons profiter de l’examen de ce projet de loi pour renforcer nos capacités en la matière et réaliser une forme d’unité de commandement autour du préfet. Il s’agit là d’un article tout à fait opportun.
Le Sénat a d’ailleurs rédigé, dès 2020, sous la direction de Philippe Bas, un rapport d’information afin de mieux organiser la Nation en temps de crise.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 69, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
I – Alinéa 5, première phrase
Supprimer les mots :
la sécurité, l’ordre ou la santé publics,
II – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette disposition n’est pas applicable à l’établissement public mentionné à l’article L. 1435-1 du code de la santé publique, lorsque la situation dans le département justifie la mise en œuvre des dispositions de l’article L. 3131-1 du même code pour les mesures qu’elles prévoient et qui relèvent de la compétence de cet établissement. »
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Les sénateurs de notre groupe reconnaissent la nécessité de pouvoir assurer, au niveau départemental, une unité de commandement en temps de crise, permettant de garantir la rapidité, l’efficacité et l’intelligibilité des décisions à prendre.
Néanmoins, nous considérons que la liste des crises à l’occasion desquelles le préfet est habilité à diriger l’action de l’ensemble des services et établissements de l’État est trop large. L’amendement vise donc à recentrer l’habilitation préfectorale sur les événements résultant de la crise climatique, qui doivent concentrer toute l’attention de l’appareil d’État.
Le projet de texte inclut en effet « des événements de nature à entraîner un danger grave et imminent pour la sécurité, l’ordre et la santé publics », formulation qui nous paraît bien trop large et qui permet d’appliquer ces dispositions lors de périodes de manifestations et de mouvements sociaux d’ampleur et, par conséquent, de renforcer une certaine forme de réponse de l’État, par la main du préfet.
L’attention disproportionnée que le Gouvernement porte aux menaces à l’ordre public et à la sécurité reflète, me semble-t-il, une politique du tout-sécuritaire que nous avons dénoncée au cours des débats sur ce projet de loi d’orientation, qui n’est pas la nôtre puisque nous ne considérons pas la population comme une possible menace.
Par ailleurs, les auteurs de cet amendement soulignent que les menaces sécuritaires et sanitaires font – ou ont déjà fait – l’objet de régimes dérogatoires du droit commun, au travers des états d’urgence sécuritaire et sanitaire.
Enfin, les auteurs de l’amendement considèrent que l’extension des pouvoirs du préfet doit être recentrée sur les menaces climatiques, qui vont s’accentuer ces prochaines années et décennies. Ils font d’ailleurs remarquer que l’exposé des motifs du projet de loi indique que « tous les scénarios anticipant les crises de demain convergent vers leur augmentation, du fait a minima de phénomènes climatiques extrêmes », ce qui montre que l’objet premier de cette disposition est la crise climatique et ses conséquences – feux de forêts, épisodes météorologiques extrêmes, pénurie de denrées alimentaires, sécheresse. L’été que nous venons de traverser, durant lequel sont survenus une tempête meurtrière en Corse et des feux de forêt dévastateurs de mai à septembre, doit concentrer toutes les attentions de l’État.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Je ne peux pas soutenir l’amendement de notre collègue Guy Benarroche. En effet, cette réflexion sur les pouvoirs du préfet s’applique à tous les types de crises ; il ne faut pas les limiter aux crises environnementales – ce qui pourrait d’ailleurs soulever des questions d’interprétation s’agissant de la définition d’une crise environnementale, en tout cas liée au changement climatique, comme vous l’avez évoqué.
Le préfet de département doit être le patron des services quand tout va bien, et doit être aussi – et surtout – le patron de tous les services lorsque la cohésion sociale est affectée, et pas seulement en cas de crise environnementale.
Nous sortons de plusieurs crises ; nous savons donc ce que cela représente. Ces dernières heures, les préfets ont encore pris des décisions, soulignant ainsi que le pouvoir préfectoral dans le département est le pouvoir légitime de l’État ; il représente l’État, détenteur du pouvoir exécutif, et doit pouvoir prendre des décisions rapides. La commission des lois considère que c’est le bon échelon.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 41, présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Gillé, Mme G. Jourda, M. Jacquin, Mmes Carlotti, Conconne et Artigalas, MM. Cardon et Cozic, Mmes Le Houerou, Meunier, Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Avant le mot :
prise
insérer les mots :
motivée et rendue publique. Elle est
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. L’objet de l’amendement concerne de nouveau le renforcement de la compétence de l’autorité fonctionnelle du préfet sur les services déconcentrés de l’État. Il nous semblerait utile que les conditions qui président à ce renforcement soient motivées et publiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Madame la présidente, je voudrais faire part à Jérôme Durain d’une observation que j’ai déjà faite en commission et qui ne le surprendra pas.
Lors d’une crise importante – et nous avons tous vécu des crises compliquées sur le terrain –, on ne va pas demander en plus aux services du préfet de zone de rendre publiques les raisons ayant motivé le placement sous l’autorité du préfet de département de l’ensemble des services et établissements publics de l’État concernés ! Le risque serait alors d’aboutir à la publication, par ses services, d’un arrêté type commençant par ces mots : « Étant donné la gravité de la situation, … », qui détaillerait ensuite les pouvoirs confiés au préfet de département.
Je comprends l’esprit de cet amendement. Néanmoins, sur un plan opérationnel, les dispositions qu’il prévoit n’ont aucun intérêt et alourdissent la charge de travail des services dans une période où le préfet de zone, le préfet de région et le préfet de département auront d’autres chats à fouetter que de produire des arrêtés – même si je sais que l’on ne doit pas fouetter les chats ! (Sourires.)
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Durain. Je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 41 est retiré.
Je mets aux voix l’article 15.
(L’article 15 est adopté.)
Après l’article 15
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 42 est présenté par MM. Bourgi et Durain, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Gillé, Mme G. Jourda, M. Jacquin, Mmes Carlotti, Conconne et Artigalas, MM. Cardon et Cozic, Mmes Le Houerou, Meunier, Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 68 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
A. – Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° L’article L. 411-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 411-1. – Sans préjudice des attributions de l’autorité judiciaire, la police nationale relève de l’autorité du ministre de l’intérieur. » ;
2° Après l’article L. 411-1, sont insérés deux articles L. 411-1-2 et L. 411-1-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 411-1-2. – L’organisation administrative et territoriale des services de la police nationale qui sont en charge de missions de police judiciaire veille à permettre à l’autorité judiciaire de diriger et de contrôler la police judiciaire et assure également à ce titre la spécificité de services de la police nationale dédiés à des missions de police judiciaire, tant à l’échelon national que territorial.
« Art. L. 411-1-3. – L’organisation administrative et territoriale des services de la police nationale en charge de missions de police judiciaire est fixée par décret en Conseil d’État. Ce décret est pris après avis préalable de la Cour de cassation lequel est transmis au Conseil d’État dans le cadre de son examen du projet de décret. L’avis de la Cour de cassation est également recueilli pour tout arrêté ou texte d’application dudit décret.
« L’avis de la Cour de cassation, prévu par le présent article, est rendu par l’assemblée générale des magistrats du siège et du parquet de la Cour de cassation après étude préalable du projet de texte par le bureau de la Cour de cassation. Il est rendu public lors de la publication du texte sur lequel il a été rendu. » ;
3° Après l’article L. 421-2, sont insérés deux articles L. 421-2-1 et L. 421-2-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 421-2-1. – L’organisation administrative et territoriale des services de la gendarmerie nationale qui sont chargés de missions de police judiciaire veille à permettre à l’autorité judiciaire de diriger et de contrôler la police judiciaire et assure également à ce titre la spécificité de services de la gendarmerie nationale dédiés à des missions de police judiciaire, tant à l’échelon national que territorial.
« Art. L. 421-2-2. – L’organisation administrative et territoriale des services de la gendarmerie nationale en charge de missions de police judiciaire est fixée par décret en Conseil d’État. Ce décret est pris après avis préalable de la Cour de cassation lequel est transmis au Conseil d’État dans le cadre de son examen du projet de décret. L’avis de la Cour de cassation est également recueilli pour tout arrêté ou texte d’application dudit décret.
« L’avis de la Cour de cassation, prévu par le présent article, est rendu par l’assemblée générale des magistrats du siège et du parquet de la Cour de cassation après étude préalable du projet de texte par le bureau de la Cour de cassation. Il est rendu public lors de la publication du texte sur lequel il a été rendu. »
II. – Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi et selon les modalités prévues par le dernier alinéa des articles L. 411-1-3 et L. 421-2-2 du code de la sécurité intérieure, la Cour de cassation délivre un avis, rendu public par ses soins, relativement aux textes réglementaires en vigueur, régissant l’organisation administrative et territoriale des services de la police nationale et de la gendarmerie nationale en charge de missions de police judiciaire, et qui n’auraient pas encore fait l’objet d’un tel avis.
III. – L’article 12-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 12-1. – Le procureur de la République, le juge d’instruction ou les autorités judiciaires compétentes ont le libre choix des officiers de police judiciaire territorialement compétents ou des services ou des formations auxquelles appartiennent les officiers de police judiciaire territorialement compétents et qui seront chargés de l’exécution de leurs réquisitions ou commissions rogatoires. »
B. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre …
Réaffirmer la direction et le contrôle de la police judiciaire par l’autorité judiciaire
La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 42.
M. Jérôme Durain. Il s’agit d’un amendement dont le premier signataire est notre collègue Hussein Bourgi.
Dans son avis du 10 mars 2022 portant sur la première version de la Lopmi, le Conseil d’État a mis en garde sur l’existence d’une certaine érosion des pouvoirs de direction et de contrôle des enquêtes par le parquet, et donc par l’autorité judiciaire. Il nous semble – et à l’auteur de cet amendement –, qu’un mécanisme de consultation pour avis pourrait être utilement créé afin que toute réforme à venir, y compris par voie réglementaire, concernant l’organisation des services de police ou de gendarmerie en charge de missions de police judiciaire, soit soumise à l’avis simple de la Cour de cassation.
En harmonisant les règles applicables à la police nationale et à la gendarmerie nationale, nous voulons que le principe de la spécificité de services de police nationale et de la gendarmerie nationale dédiés à des missions de police judiciaire demeure assurer, tant à l’échelon national qu’à l’échelon territorial.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 68.
M. Guy Benarroche. Dans une décision récente, le Conseil constitutionnel a rappelé qu’il résulte de l’article 66 de la Constitution que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire.
Le rapport final du comité des États généraux de la justice a souligné son attachement à ce que la police judiciaire continue d’exercer directement ses activités sous la direction des magistrats du parquet ou, le cas échéant, des juges d’instruction.
Jérôme Durain a, quant à lui, évoqué la position du Conseil d’État.
Le présent amendement vise tout d’abord à inscrire plus clairement l’exigence constitutionnelle, rappelée par le Conseil constitutionnel, dans la partie législative du code de la sécurité intérieure et à lui donner un sens plus concret en fixant des principes fondamentaux pour l’organisation administrative et territoriale des services en charge de missions de police judiciaire au sein de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, et en permettant de prendre en compte l’avis de l’autorité judiciaire sur cette organisation.
L’amendement harmonise les règles applicables à la police nationale et à la gendarmerie nationale.
Il pose le principe selon lequel doit demeurer assurée la spécificité des services de la police nationale et de la gendarmerie nationale dédiés à des missions de police judiciaire, tant à l’échelon national qu’à l’échelon territorial.
Enfin, cet amendement vise aussi à garantir le libre choix des officiers de police judiciaire ou des services auxquels ils appartiennent, par l’autorité judiciaire compétente. En effet, cette liberté de choix est indispensable pour que cette dernière puisse décider, selon le contexte, quels seront les destinataires les plus pertinents de ses instructions ou réquisitions. L’indépendance des enquêtes judiciaires dépend de ce principe de libre choix des enquêteurs.
Cet amendement a aussi été proposé par l’Union syndicale des magistrats.
Cet amendement est l’un des derniers que nous examinons sur ce texte ; il nous paraît néanmoins s’agir d’un point important.