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Programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, rejeté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
Organisation des travaux
M. le président. Mers chers collègues, monsieur le ministre, il nous reste 68 amendements à examiner sur ce texte. Il ne vous a pas échappé que l’ordre du jour nous impose d’achever ce soir, même tard, l’examen de ce projet de loi.
En effet, l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables débutera demain matin à dix heures trente, avec 669 amendements au menu.
Nous ne devrions pas, en principe, prolonger notre séance au-delà de une heure trente, afin de ne pas décaler l’ensemble de l’ordre du jour.
J’invite donc chaque orateur à observer, dans la mesure du possible, une certaine concision dans ses interventions.
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen de l’article 3.
Article 3 (suite)
M. le président. L’amendement n° 62, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
(En points de produit intérieur brut sauf mention contraire) |
||||||
Ensemble des administrations publiques |
||||||
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Solde structurel (1) (en points de PIB potentiel) |
-4,2 |
-4,0 |
-3,7 |
-3,4 |
-3,1 |
-2,8 |
Solde conjoncturel (2) |
-0,6 |
-0,8 |
-0,7 |
-0,5 |
-0,3 |
0,0 |
Solde des mesures ponctuelles et temporaires (3) (en points de PIB potentiel) |
-0,1 |
-0,2 |
-0,1 |
-0,1 |
0,0 |
0,0 |
Solde effectif (1+2+3) |
-5,0 |
-5,0 |
-4,5 |
-4,0 |
-3,4 |
-2,9 |
Dépense publique |
57,6 |
56,6 |
55,6 |
55,0 |
54,3 |
53,8 |
Dépense publique (en Md€) |
1 522 |
1 564 |
1 600 |
1 637 |
1 669 |
1 709 |
Évolution de la dépense publique en volume (%) * |
-1,1 |
-1,5 |
-0,6 |
0,3 |
0,2 |
0,6 |
Agrégat des dépenses d’investissement** (en Md€) |
- |
25 |
28 |
31 |
33 |
35 |
Évolution de l’agrégat de dépenses d’investissement en volume (%) |
- |
- |
7 |
9 |
6 |
2 |
Taux de prélèvements obligatoires |
45,2 |
44,7 |
44,2 |
44,3 |
44,3 |
44,3 |
Dette au sens de Maastricht |
111,5 |
111,2 |
111,3 |
111,7 |
111,6 |
110,9 |
État et organismes divers d’administration centrale |
||||||
Solde effectif |
-5,4 |
-5,6 |
-5,2 |
-4,7 |
-4,5 |
-4,3 |
Dépense publique (en Md€) |
629 |
636 |
637 |
643 |
655 |
675 |
Évolution de la dépense publique en volume (%)* |
0,0 |
-2,6 |
-2,5 |
-1,1 |
0,4 |
1,6 |
Administrations publiques locales |
||||||
Solde effectif |
0,0 |
-0,1 |
-0,1 |
0,0 |
0,2 |
0,5 |
Dépense publique (en Md€) |
295 |
305 |
314 |
322 |
323 |
326 |
Évolution de la dépense publique en volume (%)* |
0,1 |
-0,6 |
0,1 |
0,4 |
-1,3 |
-1,1 |
Administrations de sécurité sociale |
||||||
Solde effectif |
0,5 |
0,8 |
0,8 |
0,7 |
0,8 |
1,0 |
Dépense publique (en Md€) |
700 |
721 |
747 |
772 |
792 |
811 |
Évolution de la dépense publique en volume (%)* |
-2,6 |
-1,0 |
0,5 |
1,2 |
0,7 |
0,6 |
* Hors crédit d’impôt, hors transferts, à champ constant |
||||||
** Dépenses considérées comme des dépenses d’investissement au sens du dernier alinéa de l’article 1 A et du deuxième alinéa de l’article 1 E de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances |
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Je serai concis : il s’agit d’un amendement de rétablissement de la trajectoire proposée dans le texte initial du Gouvernement.
La rédaction issue des travaux de la commission prévoit une accélération très rapide du rythme de maîtrise de la dépense publique ; le quantum d’économies ainsi proposé nous semble objectivement trop élevé à court terme.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances, rapporteur. Les mots employés par M. le ministre me surprennent un peu : il ne me semble pas que le rétablissement de la trajectoire proposé par la commission des finances du Sénat soit « trop rapide ». À mon sens, le rythme que nous proposons est le bon, celui qui permet à la France de retrouver la bonne trajectoire, à l’instar de plusieurs de ses partenaires européens.
M. le président. L’amendement n° 77, présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 2, tableau, seizième ligne
Rédiger ainsi cette ligne :
Dette au sens de Maastricht |
111,5 |
110,9 |
111,1 |
110,5 |
109,5 |
107,9 |
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Il s’agit de mettre en cohérence le niveau de la dette avec la trajectoire adoptée. J’ai dit que nous ne partagions pas intégralement cette trajectoire ; par cohérence et parce que j’aime les tableaux bien remplis et les textes bien écrits, j’émets néanmoins un avis de sagesse sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 43, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2, tableau, après la seizième ligne
Insérer deux lignes ainsi rédigées :
dont la part d’obligations assimilables du Trésor indexées sur l’inflation |
|
|
|
|
|
|
dont la part d’obligations assimilables du Trésor indexées sur l’indice des prix de la zone euro |
|
|
|
|
|
|
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Encore un tableau, monsieur le ministre ! (Sourires.) Il y a une omission dans cet article, qui a trait à l’importante question des titres de dette publique indexés sur l’inflation, véritable bombe à retardement.
Fin 2021, l’encours des titres indexés émis par l’État s’élevait à 236,4 milliards d’euros, dont 167,6 milliards indexés sur l’inflation de la zone euro, pour un total d’encours de la dette négociable de l’État de 2 145 milliards d’euros – voyez les volumes dont nous parlons.
Quelque 72 % des obligations indexées le sont sur l’indice des prix à la consommation de la zone euro, alors même que l’inflation est bien plus forte sur l’ensemble de la zone – 10 % – qu’en France – 6,2 %.
Pour la seule année 2021, les titres indexés ont renchéri la charge de la dette de 8,8 milliards d’euros. Nous estimons que ce phénomène mérite d’apparaître clairement dans la loi de programmation, en sorte de maintenir une certaine prévisibilité à moyen terme de la charge de la dette.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. S’agissant d’une présentation générale de nos objectifs, ce tableau n’a pas vocation à être mis à jour de façon extrêmement précise et minutieuse au fil du temps.
Je demande donc aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Cet amendement tend à décomposer la présentation de la dette entre les obligations assimilables du Trésor (OAT) et les obligations assimilables du Trésor indexées sur l’indice des prix à la consommation en France (OATi).
Il est à mon sens satisfait, toutes les informations demandées étant disponibles dans le rapport annuel sur la dette, dont les données ont même été renforcées par le législateur dans la loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. Un débat sur la dette doit même désormais avoir lieu dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances.
Le débat sur les OATi revient souvent ; je rappelle que tous les pays du G7 et la quasi-totalité des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont des obligations indexées sur l’inflation, et ce depuis plusieurs décennies. Il s’agit d’une part somme toute assez réduite de nos obligations, autour de 10 %. Si nous y avons recours, c’est que ce type de titres, qui permet de se couvrir contre le risque inflationniste, est recherché par une partie des investisseurs.
En contrepartie, néanmoins, ces OATi sont émises à un taux très nettement inférieur à celui des OAT classiques. Le taux des OATi à 10 ans est ainsi de 0,15 %, contre 2,7 % pour un emprunt classique.
Par ailleurs, le coût de ces OAT indexées sur l’inflation doit s’apprécier sur l’ensemble du cycle économique de l’emprunt, et non uniquement sur quelques années où la hausse des prix serait importante.
Voilà pourquoi je souhaitais insister sur cette question, qui revient légitimement dans le débat dans cette période de forte inflation.
Demande de retrait.
M. le président. Monsieur Savoldelli, l’amendement n° 43 est-il maintenu ?
M. Pascal Savoldelli. Je ne doute pas de votre sincérité, monsieur le ministre : si vous dites que ces précisions figurent dans le document que vous avez mentionné, c’est qu’elles y sont.
Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 43 est retiré.
Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Article 4
L’objectif d’effort structurel des administrations publiques s’établit comme suit :
(En points de produit intérieur brut potentiel) |
||||||
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Effort structurel |
-0,2 |
1,4 |
0,4 |
1,2 |
0,5 |
0,5 |
…dont contribution des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires (inchangée) |
-0,3 |
0,0 |
-0,5 |
-0,1 |
0,0 |
0,0 |
…dont effort en dépense |
0,1 |
1,4 |
0,9 |
1,3 |
0,5 |
0,5 |
M. le président. L’amendement n° 29, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Nous proposons de supprimer cet article, car nous considérons que l’effort en matière de dépenses n’est pas le seul levier politique possible : nous pourrions envisager de recourir aussi au levier fiscal.
Vous répétez, monsieur le ministre, que votre choix est de ne pas augmenter les impôts, mais le débat n’est pas de savoir s’il faut ou non les augmenter, comme si les impôts pesaient sur chacun de la même manière. Il est indispensable de prendre en compte les richesses créées dans le pays et de faire un effort de redistribution.
Or la trajectoire proposée correspond en réalité à un recul de la puissance publique, qui nous ramènerait à un niveau de dépense rapporté au PIB équivalent à celui de 1984 ! Depuis lors, pour ne citer que cette variable, la population a crû de 11 millions de citoyens, ce qui nous oblige à raisonner autrement…
Il nous semble utile de verser au débat l’idée selon laquelle les efforts doivent porter non seulement sur la réduction des dépenses, mais aussi sur la recherche de nouvelles recettes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Sans surprise, avis défavorable. J’estime – telle est, me semble-t-il, la position majoritaire dans cette assemblée – que nous devons faire des efforts en matière de dépense publique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 63, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
(En points de produit intérieur brut potentiel) |
||||||
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Effort structurel |
-0,2 |
1,3 |
0,3 |
0,4 |
0,5 |
0,3 |
…dont contribution des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires (inchangée) |
-0,3 |
0,0 |
-0,5 |
-0,1 |
0,0 |
0,0 |
…dont effort en dépense |
0,1 |
1,3 |
0,8 |
0,5 |
0,5 |
0,3 |
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je poursuis ma série d’amendements visant à rétablir les dispositions du texte initial du Gouvernement. En l’espèce, il s’agit de l’effort structurel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Pour ma part, je propose de maintenir l’effort proposé par la majorité sénatoriale : avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
Article 5
I. – Lorsque des écarts importants, au sens de l’article 62 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, sont constatés par le Haut Conseil des finances publiques entre l’exécution de l’année écoulée et la trajectoire de solde structurel décrite à l’article 2 de la présente loi, le Gouvernement, lors de l’examen du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année par chaque assemblée et conformément à ses engagements tels qu’ils résultent du traité mentionné au même article 2 :
1° Expose les raisons de ces écarts appréciés dans le cadre d’une évaluation prenant pour référence le solde structurel et comprenant une analyse de l’effort structurel sous-jacent défini dans le rapport mentionné à l’article 1er de la présente loi ;
2° Indique les mesures de correction envisagées, dont il est tenu compte dans le prochain projet de loi de finances de l’année et dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année. Ces mesures de correction permettent de retourner à la trajectoire de solde structurel décrite à l’article 2 de la présente loi dans un délai maximal de deux ans à compter de la fin de l’année au cours de laquelle les écarts ont été constatés. Elles portent sur l’ensemble des administrations publiques.
II. – Les obligations prévues au 2° du I ne s’appliquent pas :
1° Lorsque le Haut Conseil des finances publiques estime, dans son avis prévu au I de l’article 62 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, que des circonstances exceptionnelles au sens du b) du 3 de l’article 3 du traité mentionné à l’article 2 de la présente loi sont de nature à justifier les écarts constatés ;
2° Lorsque le Haut Conseil des finances publiques n’a pas constaté, sur demande du Gouvernement ou dans son avis mentionné au 1° du présent II, que ces circonstances exceptionnelles ont cessé de l’être. – (Adopté.)
Article 6
L’incidence des mesures afférentes aux prélèvements obligatoires adoptées par le Parlement ou prises par le Gouvernement par voie réglementaire à compter du 1er juillet 2022 ne peut être inférieure aux montants suivants, exprimés en milliards d’euros courants :
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Incidence de l’ensemble des mesures |
-7 |
-5 |
-1,5 |
-1,5 |
-1,5 |
dont incidence relative aux dépenses fiscales |
-1 |
0 |
0 |
0 |
0 |
dont incidence relative aux exonérations, abattements d’assiette et réductions de taux applicables aux cotisations sociales |
-1 |
0 |
0 |
0 |
0 |
L’incidence mentionnée au premier alinéa est appréciée, pour une année donnée, au regard de la situation de l’année précédente.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 3 est présenté par MM. Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 15 est présenté par MM. Breuiller, Parigi, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
L’amendement n° 30 est présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour présenter l’amendement n° 3.
Mme Isabelle Briquet. Cet amendement vise à supprimer l’article 6, qui acte la poursuite de la stratégie de désarmement fiscal du Gouvernement – en dix ans, le montant des recettes fiscales supprimées et des cadeaux fiscaux octroyés s’élève au total à 392 milliards d’euros…
Pour le quinquennat qui s’ouvre, le manque à gagner sera de 7 milliards d’euros par an à compter de 2023 – soit 35 milliards sur le quinquennat –, de 5 milliards d’euros par an à compter de 2024 – soit 20 milliards sur le quinquennat –, de 1,5 milliard d’euros par an à compter de 2025 – soit 4.5 milliards sur le quinquennat –, de 1,5 milliard d’euros par an à compter de 2026 – soit 3 milliards sur le quinquennat – et de 1,5 milliard d’euros par an à compter de 2027 – soit 1,5 milliard sur le quinquennat.
Dans un contexte de crise économique, écologique et sociale, ce choix est celui de l’irresponsabilité budgétaire et de l’abandon des territoires et des populations qui ont le plus besoin de dépenses publiques. C’est pourquoi le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’y oppose fermement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour présenter l’amendement n° 15.
M. Daniel Breuiller. Je souscris à l’argumentaire de ma collègue Isabelle Briquet. Nous considérons que cet article affecte la capacité d’action de la puissance publique en prévoyant 64 milliards d’euros de pertes de ressources alors que nous sommes confrontés à une triple crise, sociale, climatique et économique.
Cette mesure de désarmement de l’État va à l’encontre de notre capacité à assumer les défis qui s’annoncent.
Loin de constituer un outil pour préparer l’avenir, cet article nous condamne à l’inaction, et ce au détriment des collectivités locales et des foyers qui sont dans le besoin.
Nous en demandons donc la suppression.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 30.
M. Pascal Savoldelli. Dans le même esprit que ce que viennent de dire mes collègues, je souhaite argumenter contre cet article, en commençant par noter que dans ce projet de loi de programmation toutes les baisses d’impôts du précédent quinquennat sont effacées d’un trait de plume – ça, c’est fait : pas mal !
Nous apprenons par ailleurs que le Gouvernement entend réduire la fiscalité de 16,5 milliards d’euros sur le quinquennat ; et la facture serait de 7 milliards d’euros pour 2023. Au chapitre des mesures nouvelles, je citerai la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, qui va coûter 3,2 milliards d’euros – autant de recettes en moins pour l’État ; le premier temps de la suppression de la CVAE, qui revient à soustraire 4,1 milliards d’euros du budget de l’État ; l’indexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu, pour la modique somme de 6,2 milliards d’euros ; la suppression définitive de la taxe d’habitation pour les plus riches, 2,8 milliards d’euros supplémentaires…
Je ne m’étends pas plus longtemps sur cette liste, mais c’est une mauvaise nouvelle pour l’État, puisqu’il s’agit – je l’ai dit – d’autant de recettes en moins.
J’ai de nouveau évoqué ce matin, en réunion de la commission des finances, la nécessité de dégager des recettes plus importantes pour l’État, afin de développer des politiques publiques. C’est peu de dire que les dispositions de l’article 6 ne vont pas dans ce sens…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. J’émets un avis défavorable sur ces amendements, ce qui ne surprendra personne.
Une disposition de ce type doit obligatoirement figurer dans toute loi de programmation des finances publiques, en vertu de la Lolf.
À mon sens, il est nécessaire qu’en France le poids des prélèvements obligatoires en proportion du PIB diminue. Afin de tenir compte de l’impératif d’équilibre des comptes publics et de respecter la trajectoire que nous avons définie, il faut fixer un plancher programmatique pour cette baisse.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Avis défavorable également.
Les choses sont très claires : si vous êtes pour l’augmentation des impôts, il faut voter ces amendements de suppression. Pour notre part, nous souhaitons continuer de les baisser – c’est l’objet de l’article 6.
J’entends votre opposition à la suppression de la contribution à l’audiovisuel public et à celle de la CVAE – vous avez eu l’occasion de vous exprimer sur ces questions lors de précédents débats. Je suis perplexe, en revanche, concernant la troisième mesure que vous avez citée pour la critiquer, à savoir l’indexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu.
En l’occurrence, il s’agit sans aucune ambiguïté d’une mesure de soutien aux classes moyennes, et même aux catégories modestes qui paient l’impôt sur le revenu. Sans cette mesure, qui coûte effectivement 6,4 milliards d’euros, l’impôt sur le revenu augmenterait pour les Français qui bossent et qui galèrent. Pour le coup, je ne comprends pas votre opposition.
Vous demandez pourquoi nous nous interdirions d’augmenter les impôts ; s’il ne faut jamais s’interdire de rien, j’indique que le Président de la République a formulé un engagement qui vaut garantie : tant que nous serons aux responsabilités, non seulement nous n’augmenterons pas les impôts, mais nous continuerons de les baisser.
Les comparaisons européennes ont fait florès au cours de ce débat, d’aucuns expliquant par exemple que la France reviendrait plus tard que ses voisins sous les 3 % de déficit… S’il est un domaine où nous sommes champions d’Europe, ou presque, ce sont bien les prélèvements obligatoires…
M. Daniel Breuiller. Et les dividendes !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. En la matière, la France est vice-championne d’Europe, derrière le Danemark, ce qui, de notre point de vue, justifie de continuer de faire baisser ces prélèvements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3, 15 et 30.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par MM. Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
|
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
Incidence de l’ensemble des mesures |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
dont incidence relative aux dépenses fiscales |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
dont incidence relative aux exonérations, abattements d’assiette et réductions de taux applicables aux cotisations sociales |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
La parole est à Mme Isabelle Briquet.
Mme Isabelle Briquet. Cet amendement de repli vise à acter le principe d’une stabilité des recettes fiscales pour le quinquennat qui s’ouvre, après cinq années de baisses centrées sur les plus aisés et les grandes entreprises.
Je ne répéterai pas ce que j’ai déjà dit, d’autant que la réponse donnée à l’instant par M. le ministre était éclairante.
Néanmoins – je ne suis pas la seule à le dire : la Cour des comptes a pointé ce risque –, il n’est pas raisonnable de poursuivre de la sorte un désarmement fiscal qui se traduit à la fois par le creusement du déficit et de la dette et par des coupes budgétaires brutales dans les politiques publiques, en particulier dans celles qui sont destinées aux plus fragiles.
Nous souhaitons au moins que les impôts ne baissent pas de nouveau dans les années à venir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Nous avons eu l’occasion, au sein de cet hémicycle, de rappeler à plusieurs reprises combien le niveau des prélèvements obligatoires de toutes natures était élevé en France. Cette situation, on le sait, pèse sur la compétitivité de nos entreprises, mais aussi sur le budget des ménages, et pas seulement des plus aisés.
Aussi votre argumentaire quant à l’indexation de l’impôt sur le revenu ne m’a-t-il pas entièrement convaincu. Il faut faire attention : le mieux est parfois l’ennemi du bien !
Sans surprise, la commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 6.
(L’article 6 est adopté.)
Article 7
Lorsqu’elles ont un caractère incitatif ou constituent une aide sectorielle, les dépenses fiscales instituées par une loi promulguée à compter du 1er janvier 2023 sont applicables pour une durée précisée par la loi qui les institue et qui ne peut excéder trois ans. Les dépenses fiscales ne peuvent être prorogées que pour une période maximale de trois ans à condition d’avoir fait l’objet d’une évaluation, présentée par le Gouvernement au Parlement, des principales caractéristiques des bénéficiaires de la mesure, qui précise l’efficacité et le coût de celle-ci.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 44, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Première phrase
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
deux
II. – Seconde phrase
Après le mot :
maximale
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
de deux ans. L’année précédant l’extinction de la dépense fiscale concernée, le Gouvernement présente au Parlement une évaluation des principales caractéristiques des bénéficiaires de la mesure, qui précise l’efficacité et le coût de celle-ci.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Cet amendement vise à ramener de trois à deux ans le plafond applicable à la création et à la prorogation d’une niche fiscale. Certes, la remise d’un rapport est prévue, mais cela ne doit pas exonérer l’exécutif du respect de ces délais.
Je précise que cet article avait été rejeté à l’Assemblée nationale.
La fiabilité du chiffrage des dépenses fiscales est limitée ; peut-être pouvons-nous le reconnaître ensemble. Je me contente, mes chers collègues, de vous livrer un point de repère : sur les 465 dépenses fiscales recensées en PLF pour 2023, 56 n’ont pas de chiffrage au titre de l’année 2021, dernier exercice clos, parce que leur coût n’a pas pu être déterminé.
Nous devons donc être vigilants ; à cet égard, un délai de deux ans me paraît correct s’il s’agit de faire en sorte que toute niche fiscale créée ou prorogée, quoi qu’on en pense sur le principe, fasse l’objet d’une évaluation de la part de l’exécutif comme des deux chambres, Assemblée nationale et Sénat.