M. Bernard Fialaire. Actuellement, les agriculteurs ont le choix entre deux méthodes de calcul pour leurs cotisations sociales : l’assiette triennale de droit commun, qui permet de lisser les revenus sur les trois années antérieures, ou l’assiette optionnelle, qui permet de cotiser sur les revenus de l’année précédente.
Le changement climatique est une réalité. Les agriculteurs sont les premiers à en subir les conséquences. Ils doivent faire face à l’augmentation de la fréquence et de l’intensité d’événements climatiques défavorables. Lorsqu’ils subissent de graves intempéries climatiques, les agriculteurs qui choisissent l’assiette optionnelle sont fortement pénalisés par un calcul qui ne correspond pas à la réalité de leurs revenus.
Les auteurs de l’amendement proposent de prendre en compte les revenus réels de l’année, sur la base d’une assiette provisoire, ce qui permettra aux agriculteurs d’affronter les difficultés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Les agriculteurs font souvent face à des difficultés liées au climat et à la conjoncture économique.
Pour autant, passer d’un mode de calcul à un autre reviendrait, en réalité, à multiplier les filets de sécurité à destination de ceux qui regretteraient le choix du mode de calcul de leurs cotisations pour une année donnée.
Il est, en effet, peut-être un peu facile de changer chaque année de mode de calcul afin d’adopter le plus favorable, en raison d’événements difficiles. Cette possibilité n’est pas offerte à l’ensemble des cotisants et ne doit pas l’être davantage aux agriculteurs.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 593 rectifié bis, présenté par MM. Gold, Artano, Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Fialaire et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 2° du III de l’article L. 241-10 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale ayant pour objet l’action sociale ».
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. De plus en plus d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont amenés à gérer des services d’aide et d’accompagnement à domicile, participant ainsi aux politiques de maintien à domicile et d’action sociale. Or les EPCI ne bénéficient pas de l’exonération de cotisations patronales de sécurité sociale sur les rémunérations des aides à domicile, alors que c’est le cas des centres communaux d’action sociale (CCAS).
Aussi, cet amendement tend à mettre fin à cette inégalité de traitement.
Pour tenir compte de l’avis du Gouvernement sur ce sujet émis lors de l’examen du PLFSS pour 2022, le dispositif précise que seuls sont éligibles à l’exonération les EPCI à vocation unique portant sur l’action sociale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous avions déjà adopté cet amendement l’année dernière. La commission émet donc un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous préférons, dans la continuité de la décision du Conseil constitutionnel du 5 août 2011, réserver l’exonération aux structures spécialisées, qu’elles soient publiques ou privées.
Les EPCI peuvent gérer les services d’aide à domicile dans le cadre d’un centre intercommunal d’action sociale (CIAS).
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 7.
L’amendement n° 376 rectifié n’est pas soutenu.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 203 rectifié bis est présenté par MM. Favreau, Brisson, Sido et Houpert, Mmes Gosselin et Dumas, MM. Genet et Bacci, Mme M. Mercier, MM. Bouchet, Sautarel et Burgoa, Mme Di Folco, MM. Laménie, Charon, Lefèvre, Cadec, Belin, Klinger et Rapin, Mme Demas et M. Gremillet.
L’amendement n° 290 rectifié est présenté par Mme Mélot, MM. Chasseing, Lagourgue, Grand, Wattebled, Decool, Menonville, A. Marc et Capus et Mme Paoli-Gagin.
L’amendement n° 366 rectifié bis est présenté par Mmes Féret, G. Jourda, Jasmin et Monier, MM. Todeschini, Pla, Bourgi, Mérillou, Redon-Sarrazy et Cardon et Mme Conway-Mouret.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 4°bis du II de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« 4°bis Dans des limites fixées par décret, la participation d’un employeur public au titre d’une couverture de protection sociale complémentaire, versée obligatoirement en application d’un accord prévu à l’article L. 827-2 du code général de la fonction publique ou en application de l’arrêté mentionné au II de l’article L. 4123-3 du code de la défense, ou destinées à couvrir les frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident, effectués par les personnes publiques mentionnées à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, ainsi qu’aux remboursements de cotisations de protection sociale complémentaire des agents publics mentionnés à l’article L. 4 du code général de la fonction publique. Ces dispositions entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2023 et jusqu’au 1er janvier 2026 ; »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Patricia Demas, pour présenter l’amendement n° 203 rectifié bis.
Mme Patricia Demas. Le présent amendement propose la mise en place d’un dispositif d’exonération transitoire des cotisations sociales des employeurs de la fonction publique sur l’ensemble des couvertures de protection sociale complémentaire. Ce mécanisme transitoire sera mis en place pour la période allant du 1er janvier prochain aux dates respectives d’entrée en vigueur des dispositifs pérennes de protection sociale complémentaire en santé, pour les trois versants de la fonction publique. La disposition s’arrêtera au plus tard le 1er janvier 2026.
Alors que l’ensemble des employeurs de la fonction publique doivent désormais obligatoirement participer au financement de la protection sociale complémentaire des fonctionnaires, l’amendement a pour objet de garantir un haut niveau de protection en santé de ces derniers.
Il s’agit d’assurer l’équité de traitement et le respect du principe d’égalité entre les agents publics.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 290 rectifié.
M. Daniel Chasseing. Le présent amendement vise à mettre en place un dispositif d’exonération transitoire des cotisations sociales des employeurs de la fonction publique sur l’ensemble des couvertures de protection sociale complémentaire. Ce mécanisme sera mis en place pendant la période allant du 1er janvier prochain aux dates respectives d’entrée en vigueur des dispositifs pérennes de la protection sociale complémentaire en santé pour les trois versants de la fonction publique. La disposition s’arrêtera au plus tard au 1er janvier 2026.
Alors que l’ensemble des employeurs de la fonction publique doivent désormais obligatoirement participer au financement de la protection sociale complémentaire des fonctionnaires, l’amendement a pour objet de garantir un haut niveau de protection en santé de ces derniers.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour présenter l’amendement n° 366 rectifié bis.
Mme Corinne Féret. L’amendement étant identique, il est déjà défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. L’année dernière, lors de la mise en place du régime social de la participation des employeurs publics à la protection sociale complémentaire de leurs agents, nous avions rejeté la même proposition. Il serait cohérent de conserver la même position.
En effet, les avantages dont bénéficient les salariés du privé sont liés à la conclusion d’un contrat collectif obligatoire (CCO) – nous avions insisté sur ce caractère collectif obligatoire –, qui constitue objectivement la formule permettant la plus grande mutualisation des risques sur une base solidaire.
Il paraît donc opportun de réserver les avantages fiscaux et sociaux liés à ces cotisations, à des assurances souscrites dans le cadre d’un CCO, formule qui a sans doute vocation à se généraliser à l’avenir.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 203 rectifié bis, 290 rectifié et 366 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 1034 rectifié, présenté par Mmes Lubin et Le Houerou, MM. Jomier et Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Chantrel et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Mérillou, Redon-Sarrazy et Stanzione, Mmes Artigalas et Briquet, MM. Cozic et Marie, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mme Préville, MM. Sueur et Tissot, Mme Carlotti, MM. Devinaz, Gillé, Kerrouche, Temal et J. Bigot, Mme Bonnefoy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 131 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Ces dispositions s’appliquent aux cotisations et contributions dues pour les périodes courant jusqu’au 31 décembre 2025. »
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Cet amendement vise à répondre aux préconisations formulées par le rapport du Gouvernement évaluant l’efficacité du dispositif des jeunes entreprises innovantes (JEI).
Il entend limiter à trois ans le bénéfice des exonérations de cotisations patronales auquel le dispositif donne droit pour ces petites et moyennes entreprises (PME) qui engagent au moins 15 % de leurs charges en dépenses de recherche et de développement.
En effet, une interrogation triennale du dispositif permettrait d’en contrôler la bonne efficacité alors que le volet social du dispositif JEI ferait l’objet de près de 50 millions d’euros de fraudes ou de déclarations erronées chaque année.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement est cohérent avec les dispositions de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, examinée la semaine dernière.
Il était également cohérent avec le nouveau cadre organique qui, d’une part, réserve aux lois de financement de la sécurité sociale le droit d’instaurer des niches sociales de plus de trois ans – le dispositif, dont il est question ici, a été créé par une loi de finances – et qui, d’autre part, prévoit une évaluation de chaque niche sociale sur une base triennale.
Peut-être pourrions-nous attendre les résultats de la prochaine évaluation du dispositif propre aux JEI avant d’adopter une telle mesure.
La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Ces dispositifs sont en cours d’évaluation ; par conséquent, attendons les résultats.
Néanmoins, cette niche sociale a été jugée comme étant extrêmement utile, notamment par le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, publié l’année dernière, qui insiste sur l’efficacité de ce dispositif en matière d’emploi. Il a aussi été placé en tête des incitations fiscales à l’innovation ainsi qu’à la recherche et développement par la Commission européenne, en 2014.
Nous attendons donc tous avec impatience les résultats de l’évaluation de ce dispositif. Pour l’heure, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1034 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 7 bis (nouveau)
I. – À l’article L. 741-4 du code rural et de la pêche maritime, après le mot : « articles », est insérée la référence : « L. 241-13, ».
II. – Le I s’applique aux cotisations dues au titre des périodes d’emploi courant à compter du 1er février 2022. – (Adopté.)
Article 7 ter (nouveau)
Au 1° de l’article L. 640-1 du code de la sécurité sociale, après le mot : « psychologue, », il est inséré le mot : « psychomotricien, ». – (Adopté.)
Article 7 quater (nouveau)
I. – Le code des transports est ainsi modifié :
1° L’article L. 5553-11 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, la première occurrence du mot : « sont » est remplacée par les mots : « peuvent être » ;
b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le bénéfice de l’exonération prévue au premier alinéa est subordonné à une autorisation préalable délivrée, après vérification du respect des conditions prévues au présent article, par décision de l’autorité compétente de l’État. L’autorité compétente de l’État s’assure du respect des conditions mentionnées aux premier et troisième alinéas.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. » ;
2° À la fin de la seconde colonne de la soixante-seizième ligne du tableau du second alinéa du I de l’article L. 5785-1, la référence : « n° 2016-816 du 20 juin 2016 » est remplacée par la référence : « n° … du … de financement de la sécurité sociale pour 2023 ».
II. – Le présent article s’applique aux cotisations et contributions dues au titre des périodes d’emploi courant à compter du 1er janvier 2023.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Comme toutes les niches fiscales et sociales, il est opportun de procéder à des contrôles – cela arrive en l’occurrence dix-sept années après la création du dispositif.
Depuis la loi du 3 mai 2005, les entreprises d’armement à vocation internationale jouissent d’une exonération de la contribution patronale vieillesse à l’Établissement national des invalides de la marine, de la cotisation d’allocations familiales et de la contribution de l’allocation d’assurance contre le risque de privation d’emploi pour un coût évalué à 46 millions d’euros en 2020, compensé par l’État.
L’article prévoit enfin de subordonner l’octroi de cette niche à une autorisation préalable délivrée par l’État.
Si un tel article est proposé, il est difficile de ne pas penser que des abus ont été commis.
Une chose est certaine : les entreprises qui ont bénéficié de cette exonération, au premier rang desquels figure CMA CGM, n’ont absolument pas besoin de cet avantage indu qui s’ajoute à l’avantage fiscal de la taxe dite au tonnage.
Chaque fois, le chantage à la compétitivité et à la concurrence est avancé. En somme, le capitalisme s’exonère du modèle social pour préserver les règles de son modèle.
Si CMA CGM bénéficiait de l’intégralité de la niche sociale reconduite à cet article – nous ne pouvons toutefois pas démontrer ce point –, elle représenterait 0,26 % des bénéfices de l’entreprise pour le seul deuxième trimestre 2022.
Le coût pour l’État s’élèverait à 20 millions d’euros… S’agissant d’une entreprise réalisant 7,6 milliards d’euros de bénéfices en un trimestre, ce serait une hérésie !
Le fondement de cette niche réside peut-être dans les liens familiaux et d’intérêts qui existent au sommet même de l’État, par l’entremise d’Alexis Kohler, avec le croisiériste MSC…
Chaque mesure, lorsqu’elle paraît injustifiée sur le plan comptable et financier, jette le soupçon sur la décision politique qui en est à l’origine.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 7 quater.
(L’article 7 quater est adopté.)
Après l’article 7 quater
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 707 rectifié est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
L’amendement n° 772 rectifié est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 7 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 241-5 du code de la sécurité sociale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Il est instauré un malus, fixé par voie réglementaire, sur les cotisations des employeurs dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles pour les entreprises n’ayant pas pris les mesures nécessaires pour éliminer un risque avéré de maladie professionnelle.
« La détermination de l’effort de l’employeur en matière de prévention et de lutte contre les maladies professionnelles se fait sur la base de critères définis par voie réglementaire à partir du bilan social de l’entreprise, défini aux articles L. 2312-28 à L. 2312-33 du code du travail. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 707 rectifié.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement vise à prévenir les risques d’épuisement au travail en instaurant un malus pour les entreprises n’ayant pas pris les mesures nécessaires pour éliminer un risque avéré de maladie professionnelle.
Le syndrome d’épuisement professionnel, plus communément appelé burn-out, est un phénomène croissant dans nos sociétés contemporaines.
Les chiffres de cette épidémie discrète sont alarmants : l’Institut de veille sanitaire évaluait en 2015 à près de 500 000 le nombre de salariés en état de souffrance psychologique liée au travail, parmi lesquels 7 % environ étaient en épuisement professionnel – il est évidemment très difficile d’obtenir des chiffres solides.
Cet amendement tend donc à prévenir les risques d’épuisement professionnel en incitant les entreprises à prendre les mesures nécessaires pour éviter les risques d’accidents du travail ou de maladies professionnelles. Concrètement, il s’agit de relever les taux de cotisations auprès de la branche AT-MP des entreprises présentant une sinistralité anormalement élevée.
Le rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les maladies et pathologies professionnelles dans l’industrie (risques chimiques, psychosociaux ou physiques) et les moyens à déployer pour leur élimination, fruit du travail des députés Pierre Dharréville et Julien Borowczyk, qui invitait à mieux connaître, reconnaître et prévenir ces maladies, préconisait la mise en place d’un tel malus lié aux accidents du travail. Cette proposition a en outre été reprise par M. Didier Migaud, alors Premier président de la Cour des comptes, lors de son audition par notre commission des affaires sociales en 2018. Avec de tels parrains, mes chers collègues, vous n’hésiterez pas à voter cet amendement !
Cette tarification des risques professionnels permettrait également de dégager des fonds pour la réparation, l’évaluation et la prévention des risques professionnels ; ainsi, elle participerait à la promotion de la santé au travail.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 772 rectifié.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Deux raisons expliquent l’avis défavorable de la commission sur ces amendements.
En premier lieu, la tarification AT-MP est déjà calculée en fonction du nombre de sinistres survenus dans les entreprises ou dans leur secteur et de leur coût moyen : en moyenne, plus de 70 % du montant des cotisations dépend de la sinistralité des entreprises.
En second lieu, les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) peuvent imposer des majorations de cotisation aux entreprises qui présentent des risques exceptionnels, notamment lorsqu’elles ne respectent pas les règles d’hygiène et de sécurité ou n’observent pas les mesures de prévention édictées par la caisse.
Le malus supplémentaire proposé dans ces amendements serait donc superfétatoire, même si je reconnais, mes chers collègues, que vos arguments sont tout à fait légitimes et compréhensibles.
Je vous invite donc à retirer ces amendements, mes chères collègues.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Le Gouvernement a un avis similaire à celui de la commission.
Aux raisons avancées par Mme la rapporteure générale, j’ajouterai un argument sur les données qu’il est proposé d’utiliser pour définir les critères de ce malus : se servir des bilans sociaux ne paraît ni pertinent ni envisageable à moyen terme, car ceux-ci reposent sur des données beaucoup plus limitées que celles qu’exploitent les caisses de sécurité sociale.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 707 rectifié et 772 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 813 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 7 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 242-7 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Des cotisations supplémentaires sont en particulier imposées aux entreprises donneuses d’ordre lorsqu’une entreprise sous-traitante dépasse un taux de sinistralité fixé par décret. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement, dans le même esprit que les précédents, vise à la fois à trouver de nouvelles recettes pour notre système de sécurité sociale et à en finir avec les pratiques non vertueuses de certaines entreprises.
Il a en effet pour objet la sous-traitance, mode d’organisation du travail de plus en plus fréquent et qu’il convient de dénoncer.
S’il est demandé au sous-traitant de veiller à la sécurité de ses travailleurs, le donneur d’ordre est également, en principe, soumis à l’obligation légale de veiller à l’organisation de la prévention des risques liés à la coactivité.
L’article L. 241-5-1 du code de la sécurité sociale prévoit d’ailleurs que la valeur du risque qui aide à calculer les cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles doit être partagée entre l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice.
Cependant, les donneurs d’ordres tendent toujours plus à externaliser vers leurs sous-traitants les risques physiques et psychosociaux associés à un travail d’exécution. Cette tendance inquiétante est confirmée par un rapport de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), élaboré par des chercheurs de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Ce rapport démontre que les salariés des entreprises sous-traitantes sont plus exposés que ceux des donneurs d’ordre aux risques physiques et au manque d’autonomie dans le travail, à une intensité du travail liée aux contraintes de rythme, à des problèmes d’insécurité de l’emploi et de travail isolé, ainsi qu’à des horaires pénibles. Ce même rapport explique également que plus l’activité principale du donneur d’ordre est éloignée du site d’exécution de l’activité sous-traitée, plus ces risques sont importants.
Pour toutes ces raisons, la répartition du risque doit être rééquilibrée. Nous proposons donc logiquement, pour pallier ces conséquences nocives pour les travailleurs, que les cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles soient augmentées pour les entités ayant recours à la sous-traitance lorsqu’une entreprise sous-traitante dépasse un taux de sinistralité fixé par décret.
Il est temps de dénoncer les entreprises qui ont souvent recours à la sous-traitance ; je pense en particulier, parmi les scandales récents et plusieurs luttes marquantes, aux travailleurs de Chronopost dans mon département du Val-de-Marne, auxquels Pascal Savoldelli et moi-même apportons notre soutien.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je pense, ma chère collègue, que nous partageons tous la dénonciation des abus que vous avez relatés. Il est vrai que le recours à la sous-traitance est très courant dans certains secteurs d’activité.
Le code du travail prévoit cependant que le responsable de l’entreprise utilisatrice doit assurer la coordination générale des mesures de prévention des risques professionnels qu’il prend et de celles que prennent les responsables de toutes les entreprises extérieures intervenant dans son établissement. En cas de risques spécifiques liés à la présence de salariés de différentes entreprises sur un même site, les entreprises concernées doivent établir un plan de prévention.
En outre, la Carsat peut, notamment en présence de risques liés aux interférences induites par la sous-traitance, enjoindre à l’entreprise utilisatrice de prendre des mesures de prévention. En cas d’inobservation des mesures prescrites, la Carsat peut imposer à l’entreprise utilisatrice des cotisations supplémentaires.
Pour ces deux raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.