M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Pour notre part, nous nous abstiendrons sur l’article 9 bis, qui est désormais situé dans la partie recettes, de façon tout à fait pertinente d’ailleurs.
En effet, nous avions proposé un amendement, qui a été déclaré irrecevable, visant à abaisser le seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde à 23,6 milliards d’euros pour le montant M en matière de médicaments, au lieu des 24,6 milliards d’euros inscrits initialement.
J’ai encore en tête les propos d’Alain Milon, qui nous avait expliqué l’an dernier que le déclenchement de la clause de sauvegarde n’était, par nature, pas censé intervenir. Or le contexte sanitaire actuel, conjointement à celui de la croissance du médicament, va sans doute au contraire dynamiser le chiffre d’affaires des entreprises pharmaceutiques.
Par notre amendement, nous proposions d’offrir un peu plus de marges financières à notre système de protection sociale en mettant davantage à contribution les entreprises pharmaceutiques, qui, je le rappelle, se portent vraiment très bien.
Pour ne citer qu’un exemple, le directeur de Sanofi, Paul Hudson, perçoit un salaire d’environ 12 millions d’euros annuels, ce qui fait de lui l’un des patrons les mieux payés du CAC 40.
Le bénéfice net de ce grand laboratoire s’est élevé à 12,3 milliards d’euros en 2020, soit une hausse de 340 %. Les dividendes, qui ont dépassé les 4 milliards d’euros, ont connu leur vingt-huitième année consécutive de hausse, et ce malgré l’échec du vaccin contre la covid-19.
Or, tandis qu’il réalisait des profits colossaux, Sanofi a poursuivi sa politique de licenciements. Il ne nous semble donc pas exagéré de demander aux entreprises de faire un effort sur leur contribution en cas d’évolution de leur chiffre d’affaires.
C’est pourquoi nous voulions réévaluer le montant M à la baisse et non à la hausse, comme le prévoit l’article 9 bis et comme tend à le proposer l’amendement de notre collègue Philippe Folliot, que nous examinerons dans un instant.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, sur l’article.
M. Alain Milon. À l’occasion du Conseil stratégique des industries de santé de 2021, le Président de la République avait annoncé plusieurs mesures visant à faire de la France « la première Nation européenne innovante et souveraine en santé ». Le plan Innovation Santé 2030 prévoyait de renforcer nos capacités de recherche biomédicales, d’investir dans les biothérapies et dans la bioproduction de thérapies innovantes, de faire de la France « le pays leader en Europe des essais cliniques » ou encore de soutenir l’industrialisation des produits de santé.
Lors du sommet Choose France 2022, le Président de la République a rappelé le caractère stratégique de l’industrie pharmaceutique.
Pourtant, le PLFSS pour 2023 contient des mesures contraires au discours du Président de la République, en ce qu’elles accroissent considérablement la pression économique sur l’industrie pharmaceutique.
Deux principaux éléments illustrent cette réalité : d’une part, il est demandé au secteur du médicament de réaliser plus de 800 millions d’euros d’économies sous forme de baisses de prix, lesquelles s’ajoutent à celles qui leur sont imposées depuis de nombreuses années ; d’autre part, la clause de sauvegarde, dont le rendement prévisionnel pour 2023 est estimé à 2,4 milliards d’euros, constitue une charge pour les entreprises pharmaceutiques.
Au total, cela représente un montant de 3,2 milliards d’euros, qui vient s’ajouter aux efforts demandés depuis plusieurs années.
Ces éléments portent atteinte, monsieur le ministre, à la capacité d’innovation de ces sociétés et envoient selon nous un signal négatif aux entreprises innovantes.
M. le président. L’amendement n° 311 rectifié, présenté par Mme Micouleau, MM. Chatillon, Belin, Bouchet, Brisson, Burgoa, Calvet, Cambon et Charon, Mmes Delmont-Koropoulis, Demas, Dumas et Dumont, M. B. Fournier, Mme Gosselin, MM. Karoutchi, D. Laurent, Lefèvre et Meignen, Mme Procaccia et MM. Sido et Somon, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 6, 7 et 23
Supprimer ces alinéas.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Brigitte Micouleau.
Mme Brigitte Micouleau. La clause de sauvegarde des médicaments est une contribution ayant pour objectif de maîtriser les dépenses courantes de ces produits dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale.
Le présent amendement vise à conserver, dans l’attente du rapport de la mission sur les modes de financement et de régulation des produits de santé, les modalités actuelles de calcul de cette clause de sauvegarde.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie. Je comprends évidemment l’intention des auteurs de cet amendement. Il est en effet important de veiller à ce que les médicaments acquis par Santé publique France soient bien inclus dans la définition du montant M, afin qu’ils n’augmentent pas artificiellement le montant de cette contribution.
Toutefois, puisque la clause de sauvegarde a vocation à permettre de réguler les dépenses d’assurance maladie relatives à l’ensemble des médicaments et puisque le Gouvernement a reporté cette évolution à la clause de 2024, qui sera appelée en 2025, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Monsieur le sénateur Milon, il faut ajouter aux engagements qui ont été pris par le Président de la République les 7,5 milliards d’euros prévus dans le plan France 2030, qui seront consacrés au développement d’une industrie souveraine en santé. Je tenais à vous le dire.
Comme vous le savez, le Gouvernement avait initialement réfléchi à une clause de sauvegarde atypique pour les années un peu particulières que nous traversons. Après discussion avec le secteur, il a été décidé de faire évoluer la composition de la clause de sauvegarde, qui ne sera plus exclusivement calculée au prorata des chiffres d’affaires. Elle prendra désormais en compte, à hauteur de 30 %, l’évolution du chiffre d’affaires des entreprises.
Nous allons examiner une série d’amendements qui visent à réduire la clause de sauvegarde ou à en minimiser l’impact. Le Gouvernement y sera défavorable, mais je vous expliquerai point par point pour quelles raisons.
Enfin, s’agissant de l’amendement n° 311 rectifié, je ne reviendrai pas sur les excellents arguments de Mme la rapporteure : j’émets comme elle un avis défavorable.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 528 rectifié bis, présenté par MM. Savary, Bascher, Belin, Bonne et Bouchet, Mme Bourrat, MM. Brisson et Burgoa, Mme Canayer, MM. Cardoux, Chaize et Charon, Mmes Chauvin et L. Darcos, M. Daubresse, Mme Delmont-Koropoulis, M. Détraigne, Mmes Di Folco, Dumas, Dumont et Férat, MM. B. Fournier, Genet et Gremillet, Mmes Gruny et Joseph, M. Laménie, Mme Lassarade, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mmes Malet et M. Mercier, M. Meurant, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Noël, MM. Piednoir et Pointereau, Mmes Puissat et Raimond-Pavero, M. Rapin, Mme Richer, MM. Sautarel, Sido, Sol et Somon, Mme Ventalon et M. J.P. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 7
Insérer sept alinéas ainsi rédigés :
…) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Ne sont toutefois pas pris en compte :
« – les spécialités génériques définies au a du 5° de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique ;
« – les spécialités inscrites au répertoire des groupes génériques en application des deux dernières phrases du b du même 5 de l’article L. 5121-1 du même code ;
« – les spécialités de références définies au a du 5° de l’article L. 5121-1 du même code lorsqu’elles sont remboursées sur la base d’un tarif fixé en application du II de l’article L. 162-16 du présent code ou lorsqu’elles le sont sur la base de remboursement la plus chère en vigueur pour les spécialités génériques ou hybrides appartenant au groupe générique ou hybride concerné, en application du III de ce même article, ou lorsque leur prix de vente au public est identique à celui des spécialités du groupe générique auquel elles appartiennent ;
« – les médicaments biologiques similaires définis au a du 15° de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique ;
« – les médicaments hybrides définis au c du 5° de l’article L. 5121-1 du même code »
II. – Alinéa 21
Remplacer le nombre :
24,6
par le nombre :
19,6
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Cet amendement a lui aussi pour objet la clause de sauvegarde et la place des médicaments génériques.
La clause de sauvegarde est un instrument de régulation du marché du médicament. Les médicaments génériques ayant déjà été largement régulés et leur coût étant bas, il me semble intéressant de les exclure de la clause de sauvegarde.
M. le président. L’amendement n° 1007, présenté par M. Folliot, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 21
Remplacer le montant :
24,6 milliards
par le montant :
26,1 milliards
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Philippe Folliot.
M. Philippe Folliot. La pandémie de covid-19 nous a montré combien il est essentiel de disposer d’une forme de sécurité, pour ne pas dire de souveraineté, dans le secteur des médicaments. Nous avons alors mesuré toutes nos faiblesses en la matière.
Force est de constater que, en trente ans, l’industrie française du médicament est passée du deuxième au cinquième rang européen, ce qui constitue un véritable déclassement. C’est en réalité la conséquence de la stratégie votée au fil des projets de loi de financement de la sécurité sociale, laquelle a consisté à se servir de l’industrie du médicament comme d’une variable d’ajustement, en pressurisant les prix et en ne faisant aucune différence, dans le cadre d’un schéma de souveraineté, entre les médicaments qui sont fabriqués en France et ceux qui sont importés.
Comme l’ont fort justement souligné notre collègue Alain Milon et certains autres orateurs, la situation devient très difficile pour l’ensemble de l’industrie pharmaceutique.
Alors que le taux de croissance de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie est fixé à 3,7 % et que le montant M pour 2022 était de 24,5 milliards d’euros, le PLFSS pour 2023 porte le montant M à 24,6 milliards d’euros, soit une croissance de 0,4 % des dépenses.
Il nous appartient de faire en sorte que les dépenses de produits de santé, dont 1,7 % sont des médicaments, soient prises en compte à hauteur de ce qu’elles représentent d’un point de vue économique et en termes de souveraineté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. L’amendement n° 528 rectifié bis de M. Savary, qui a pour objet d’exonérer de la clause de sauvegarde les médicaments génériques, biosimilaires, hybrides et matures, vise à protéger ces spécialités génératrices d’économies et à rééquilibrer la clause de sauvegarde, afin de mieux faire porter l’effort par les médicaments responsables de la forte croissance des dépenses de produits de santé.
Comme elle l’avait fait l’année dernière sur une disposition similaire, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement, qui a été rectifié afin de tenir compte de l’effet de cette exclusion sur le montant M et de ne pas affaiblir artificiellement la clause de sauvegarde.
L’amendement n° 1007 de M. Folliot vise à augmenter le montant M et, en conséquence, à réduire la clause de sauvegarde éventuellement due par les entreprises au titre de 2023.
Plusieurs modifications ont déjà été apportées au texte à l’Assemblée nationale pour tenir compte de l’inquiétude des industriels, notamment l’ajout d’un plafond. De plus, la clause de sauvegarde est progressivement devenue depuis longtemps l’un des principaux outils de régulation des dépenses de produits de santé. À cet égard, je partage le point de vue de nos collègues Alain Milon et Philippe Folliot. La répartition de cette clause a été revue pour mieux cibler les médicaments en forte croissance.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Monsieur Folliot, lors des négociations sur les prix des médicaments, il est possible de faire une différence entre les médicaments qui sont produits en France, dans nos territoires, et ceux qui sont fabriqués à l’étranger.
Je rappelle une nouvelle fois que le prix n’est pas la seule dimension de notre politique industrielle. J’ai évoqué précédemment les 7,5 milliards d’euros inscrits dans le plan France 2030. Gérés par le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI), ils vont nous aider à bâtir cette souveraineté.
En matière de régulation se pose également la question des volumes, qui sont traités dans la quatrième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les rendez-vous de prévention à certains âges de la vie permettront de maîtriser une partie des volumes et de la dépense.
Enfin, quand l’action sur les prix et les volumes n’est pas suffisante, il reste, comme l’a souligné M. le rapporteur, la clause de sauvegarde, qui est le dernier mécanisme de régulation de nos dépenses de santé.
C’est la raison pour laquelle nous considérons avoir trouvé le bon équilibre. Je comprends bien le souhait des auteurs de ces deux amendements d’exclure les médicaments génériques, qui font l’objet de discussions sur les prix relativement serrées, et de relever le montant M, qui déclenche la clause de sauvegarde. Néanmoins, s’ils étaient adoptés, ces amendements fragiliseraient l’édifice.
Cela étant, cet édifice n’est pas idéal, puisque l’on a besoin de la clause de sauvegarde, qui est activée depuis deux ou trois ans. Il n’est pas satisfaisant d’avoir recours à une mesure d’ordre général pour réguler la dépense en santé.
C’est pourquoi la rapporteure générale de l’Assemblée nationale a introduit dans le texte, par voie d’amendement, un article qui permettra d’ouvrir la discussion sur la régulation des dépenses de santé et, plutôt que d’ajuster ou de fragiliser la clause de sauvegarde, d’embrasser très largement ce sujet.
J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Le PLFSS est devenu complètement opaque. Franchement, c’est à ne plus rien y comprendre ! On y inscrit des taux de progression pour cette année par rapport à la même époque l’année dernière, mais, en réalité, le taux M a déjà été largement dépassé en 2022… Au mois de novembre, les médicaments vendus seront donc automatiquement inclus dans la clause de sauvegarde.
En conséquence, les entreprises européennes ne vendent plus à la France. Il ne faut pas s’étonner ensuite si l’on a des pénuries de médicaments. C’est antinomique avec nos objectifs en matière de souveraineté ! Il faut revoir le dispositif. La clause de sauvegarde est devenue une taxation. C’est une dérive complète !
Ce qu’il faut, c’est agir sur les prescriptions. Or les efforts en la matière ne sont pas d’une redoutable évidence. Vous pénalisez les entreprises pharmaceutiques, mais elles vendent des médicaments qui ont été prescrits ! Ce ne sont pas elles qui prescrivent dix boîtes de paracétamol quand une seule suffirait. Il faut peut-être voir avec le prescripteur…
On le sait, parce que nous avons déjà travaillé sur cette question avec Jean-Marie Vanlerenberghe, des efforts doivent être réalisés en matière de pertinence des prescriptions.
Je remercie Mme la rapporteure d’avoir émis un avis favorable sur mon amendement. Les médicaments génériques, biosimilaires, hybrides et matures ont déjà été beaucoup taxés. Si l’on veut continuer à trouver des médicaments matures sur le marché, il faut peut-être cesser de les taxer. Je ne retirerai donc pas mon amendement. Il faut discuter de ces sujets.
Attention, les laboratoires ne tiennent pas le même discours que vous, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Monsieur le sénateur, la politique du prix du médicament ne sert pas uniquement à équilibrer des comptes lors de la discussion annuelle du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. René-Paul Savary. Quoique…
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Elle a été conçue initialement pour que le médicament soit accessible à nos concitoyens.
Vous avez raison, les discussions sur les médicaments génériques sont particulièrement serrées et peuvent parfois susciter des interrogations sur la politique du prix et ses limites dans les territoires où l’industrie pharmaceutique a une implantation assez forte.
Toutefois, notre politique de souveraineté ne se limite pas à la clause de sauvegarde. Je ne reviendrai pas sur les crédits prévus dans le plan France 2030. Je rappellerai simplement la baisse des impôts de production, qui va permettre de conforter les industriels français. Nous ne sommes donc pas en train d’assassiner les laboratoires pharmaceutiques !
Cela étant, je l’ai dit, il n’est pas satisfaisant de faire de la régulation avec un outil aussi grossier qu’une clause de sauvegarde. C’est la raison pour laquelle l’article proposé par la rapporteure générale à l’Assemblée nationale est le bienvenu pour ouvrir très largement le champ de la discussion.
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.
M. Philippe Folliot. Monsieur le ministre, vous le savez, la recherche est un élément essentiel dans l’industrie du médicament. Or la recherche, c’est long, c’est difficile et cela nécessite des moyens.
Si nous voulons avoir une industrie pharmaceutique performante, il faut qu’elle puisse réaliser un minimum de marges sur les médicaments qui sont vendus aujourd’hui, afin de pouvoir investir dans la recherche. C’est là un enjeu majeur.
Je trouve dommage, monsieur le ministre, que vous ne mettiez pas en avant cet aspect. Il faut avoir une stratégie globale. In fine, on assiste au déclassement que j’évoquais précédemment. Nous perdons des places dans le classement des industries européennes. Alors que nous nous situons aujourd’hui au cinquième rang, nous serons bientôt au sixième ou au septième ! C’est catastrophique, indépendamment des questions de souveraineté, dont je ne parle même plus, car les mêmes questions se posent à l’échelle européenne.
Sachant le temps qui est nécessaire pour développer un médicament,…
M. Alain Milon. Dix ans !
M. Philippe Folliot. … il faut avoir une vision globale et prendre en compte la dimension industrielle.
Certains collègues ont évoqué les actionnaires de l’industrie du médicament. Or ce n’est pas partout pareil. Un certain nombre de groupes pharmaceutiques sont détenus par des fondations et investissent l’argent qu’ils gagnent pour financer le but social de la fondation. C’est une réalité de terrain !
Quand, en plus, ces groupes investissent dans les territoires depuis des décennies pour y développer un microcosme économique vertueux, il est dommage que des décisions trop rapides et arbitraires mettent en péril des industries et des perspectives de développement d’un territoire. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je trouve assez extraordinaire ce que l’on vient d’entendre ! Il semble que l’on n’ait pas connu la crise du covid-19 et que l’on n’ait pas mesuré l’emprise des laboratoires sur le prix des médicaments et sur la politique du médicament. C’est comme si rien ne s’était passé !
Alors que les pénuries de médicaments se multiplient dans notre pays et qu’il a été démontré dans des rapports extrêmement intéressants et transpartisans du Sénat qu’elles étaient entretenues, alors que même le paracétamol est un produit en rupture, nous devons en tirer des enseignements.
Le Gouvernement ne doit pas se priver d’une maîtrise publique et de souveraineté dans ce domaine. Mes chers collègues, de nombreux pays, qui ne sont pas communistes – je pense au Brésil, à l’Inde, à des pays d’Afrique, à la Suisse et même aux États-Unis – ont des outils qui leur permettent d’intervenir quand ils ont besoin d’un médicament ou d’un vaccin.
En France, l’AP-HP, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, dispose d’une pharmacie centrale qui peut produire des médicaments pour les besoins de ses établissements. Nous pourrions généraliser cette pratique.
Vous refusez ce que nous vous proposons. Au lieu de cela, vous nous vantez les qualités extraordinaires des laboratoires pharmaceutiques, comme s’ils n’avaient absolument pas réalisé des milliards d’euros de bénéfices et distribué d’importants dividendes, au détriment de la recherche.
La recherche, mon cher collègue, est financée par des fonds publics ! (M. Alain Milon fait des signes de dénégation.) Et les brevets sont ensuite détournés pas le privé. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Alors, un peu de décence ! Et si ce que je dis ne vous plaît pas, c’est pareil !
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Je pense que je vais choquer encore un peu plus notre collègue Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Ce n’est pas grave !
M. Alain Milon. Je lui rappelle ce que j’ai dit hier dans la discussion générale, car c’est un point important, monsieur le ministre : lorsqu’un laboratoire obtient de la Haute Autorité de santé une autorisation pour un médicament, il lui faut ensuite négocier son prix avec le Comité économique des produits de santé (CEPS).
Généralement, il se passe ensuite dix-huit mois avant qu’il obtienne l’autorisation de mise sur le marché, contre trois mois en Allemagne et deux mois au Royaume-Uni. Nos délais sont tellement longs que les médicaments sont plus facilement vendus dans ces pays, où les délais sont nettement plus courts.
Quand on discute avec les laboratoires pharmaceutiques, quels qu’ils soient, avec les entreprises du médicament (Leem) en particulier, au risque de choquer encore une fois Laurence Cohen, ils nous disent tous la même chose : ils ne sont pas contre le fait de participer à la solidarité nationale, bien au contraire. Ils souhaitent le faire au maximum de leurs possibilités, mais à une condition, c’est d’avoir de la visibilité.
Or il n’y a pas de visibilité dans les PLFSS. Cette année, on leur prend 3,2 milliards d’euros de plus que l’année passée – 800 millions d’euros de baisses de prix et 2,4 milliards d’euros au titre de la clause de sauvegarde. Certes, ils ont réalisé des chiffres d’affaires plus importants. Mais l’année prochaine, on leur prendra peut-être 4 milliards d’euros ou 2 milliards d’euros. Or les laboratoires, je le répète, demandent de la visibilité, ne serait-ce que sur la durée du quinquennat.
C’est la raison pour laquelle je réclame, comme je l’ai souligné hier, une loi de programmation pour la santé pour les cinq ans du mandat présidentiel, de manière que chacun puisse savoir où il va, en particulier les laboratoires pharmaceutiques, qui sont prêts à participer à la solidarité nationale.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 1007 n’a plus d’objet.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 312 rectifié, présenté par Mme Micouleau, MM. Chatillon, Belin, Bouchet, Brisson, Burgoa, Calvet, Cambon et Charon, Mmes Delmont-Koropoulis, Demas, Dumas et Dumont, M. B. Fournier, Mme Gosselin, MM. Karoutchi, D. Laurent, Lefèvre et Meignen, Mme Procaccia et MM. Sido et Somon, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
3° Les deux derniers alinéas de l’article L. 138-12 sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
II – Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant de la contribution due par chaque entreprise redevable ne peut excéder 10 % de son chiffre d’affaires calculé selon les modalités définies à l’article L. 138-11. »
III – Alinéa 25
Supprimer cet alinéa.
IV. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Brigitte Micouleau.
Mme Brigitte Micouleau. Le présent amendement vise à mettre en cohérence de façon pérenne les modalités de calcul du plafond de reversement du montant M avec le périmètre de cette taxe, sur la base du chiffre d’affaires des produits remboursables net des différentes remises visées par l’article L. 138-10 du code de la sécurité sociale.
En effet, la pérennisation de cette mise en cohérence est nécessaire à la protection des petites entreprises innovantes en France.
M. le président. L’amendement n° 16 rectifié quater, présenté par M. Moga, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Louault, Panunzi, Duffourg, Kern, Le Nay, Mizzon et Henno, Mme Billon, MM. Perrin et Rietmann, Mme Vermeillet, MM. L. Hervé, Belin, E. Blanc, Levi, Chatillon et Meurant, Mme Guidez, M. Maurey, Mmes Muller-Bronn, Gacquerre et Jacquemet, M. Folliot, Mmes Dumont, Belrhiti et Morin-Desailly, MM. Genet et P. Martin, Mmes Renaud-Garabedian et Herzog, MM. Saury, Gremillet, Bansard et Chauvet et Mmes Saint-Pé et de La Provôté, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 10, première phrase
1° Remplacer le taux :
70 %
par le taux :
50 %
2° Après la référence :
L. 138-11
supprimer le mot :
et
3° Compléter cette phrase par les mots :
et, à concurrence de 20 %, en fonction du lieu de production des médicaments concernés
II. – Après l’alinéa 10
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° Après le troisième alinéa de l’article L. 138-12, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« La part de la contribution due en fonction du lieu de production est ainsi déterminée :
«
Part des médicaments visés à l’article L. 138-10 du présent code produits en France métropolitaine, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy ou à Saint-Martin |
Fraction de la part de la contribution dont sont redevables les entreprises concernées |
Fraction de la part de la contribution de l’entreprise en fonction de son chiffre d’affaires calculé selon les modalités définies à l’article L. 138-11 |
Inférieure ou égale à 20 % |
40 % |
Chiffre d’affaires de l’entreprise redevable à 40 % / Chiffres d’affaires de l’ensemble des entreprises redevables à 40 % |
Supérieure à 20 % et inférieure ou égale à 40 % |
30 % |
Chiffre d’affaires de l’entreprise redevable à 30 % / Chiffres d’affaires de l’ensemble des entreprises redevables à 30 % |
Supérieure à 40 % et inférieure ou égale à 60 % |
20 % |
Chiffre d’affaires de l’entreprise redevable à 20 % / Chiffres d’affaires de l’ensemble des entreprises redevables à 20 % |
Supérieure à 60 % et inférieure ou égale à 80 % |
10 % |
Chiffre d’affaires de l’entreprise redevable à 10 % / Chiffres d’affaires de l’ensemble des entreprises redevables à 10 % |
Supérieure à 80 % |
0 % |
0 |
» ;
La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat.