compte rendu intégral
Présidence de Mme Pascale Gruny
vice-président
Secrétaires :
Mme Marie Mercier,
M. Jean-Claude Tissot.
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Procès-verbal
Mme le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Modification de l’ordre du jour
Mme le président. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande de compléter l’ordre du jour du mercredi 14 décembre par l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.
Acte est donné de cette demande.
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Loi de finances pour 2023
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2023, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution (n° 114, rapport n° 115, avis nos 116 à 121).
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
SECONDE PARTIE (suite)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Cohésion des territoires
Mme le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Cohésion des territoires » (et article 41 ter).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Cohésion des territoires » sont, dans le projet de loi de finances pour 2023, de 17,9 milliards d’euros.
L’augmentation des crédits par rapport aux crédits totaux ouverts en 2022 est de 411 millions d’euros, mais cela correspond à une diminution de 1,9 % en euros constants, compte tenu de la prévision d’inflation élevée en 2023.
Je vous présente les quatre programmes qui supportent les crédits destinés aux politiques d’hébergement, d’aides au logement, d’urbanisme et de l’habitat, ainsi qu’à la politique de la ville.
Mon constat essentiel sera que ce budget est présenté sans que le Gouvernement ait défini des objectifs clairs ni tracé une ligne directrice.
Je le constate sur le programme 177, « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », qui finance la politique d’hébergement et d’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées.
Les crédits demandés pour 2023 sur le programme 177 sont de 2,8 milliards d’euros, ce qui correspond en réalité à une diminution en euros constants par rapport à 2022, si l’on prend en compte les crédits ouverts en cours d’année. Une fois de plus, le programme 177 entame l’année avec des crédits qui pourraient bien apparaître comme sous-évalués en cours d’année, d’autant que le Gouvernement n’a toujours pas défini d’objectifs clairs pour la politique du Logement d’abord, laquelle était une priorité du quinquennat précédent.
Cette « navigation à vue » est encore plus évidente pour la politique d’hébergement d’urgence. Le plan Logement d’abord, malgré ses vertus, n’a pas permis de réduire le parc d’hébergement d’urgence, toujours situé à un niveau historiquement élevé, proche de 200 000 logements. Ce niveau est un plateau dont il semble impossible de redescendre, puisque le Gouvernement a renoncé à l’objectif de réduire de 14 000 places ce parc en 2023.
Les raisons sont multiples et il est difficilement envisageable de remettre à la rue les personnes qui ont été hébergées pendant la crise sanitaire. La question des migrants se pose également : le dispositif national d’accueil géré par le ministère de l’intérieur est saturé et engorge, par voie de conséquence, le dispositif d’hébergement du programme 177.
Le programme 109, « Aide à l’accès au logement », comprend à titre principal les crédits destinés au financement de l’aide personnalisée au logement (APL). Les crédits demandés pour 2023 sont de 13,4 milliards d’euros.
Les APL contribuent de manière importante à réduire le taux d’effort des ménages modestes, mais sur le long terme les prestations sociales couvrent toutefois une part de plus en plus réduite des dépenses courantes et les dépenses de logement augmentent. Les ménages doivent faire face au poids croissant de l’inflation, malgré la mise en place de mesures de type « bouclier tarifaire ».
Le programme 135, pour sa part, comprend des crédits consacrés à des actions diverses liées à la construction et l’habitat. Ses crédits sont de 781 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une hausse de près de 50 % environ par rapport à 2022, liée au financement de la rénovation énergétique.
Le secteur de la construction fait face à des tensions importantes sur les prix, mais aussi à des difficultés toujours élevées à obtenir des permis de construire, tandis que la remontée des taux risque de freiner également la demande.
L’autre grand défi est celui de la rénovation du parc existant. La subvention prévue pour l’Agence nationale de l’habitat (Anah) passe de 170 millions d’euros à plus de 400 millions d’euros, auxquels viennent s’ajouter 700 millions d’euros provenant des ventes de quotas carbone et 2,3 milliards d’euros pris sur le programme 174 de la mission « Écologie » pour MaPrimeRénov’.
Toutefois, il ne suffit pas d’augmenter les crédits pour colmater les brèches des maisons mal isolées. Il faut aussi agir sur la structuration de l’offre, car force est de constater l’absence d’un véritable écosystème de la rénovation globale des logements. Il faudrait plus d’entreprises capables d’intervenir sur le marché de la rénovation des logements privés. Il faudrait également mieux développer les dispositifs visant à garantir une amélioration de la performance énergétique et à apporter un accompagnement aux ménages, qui n’ont pas la compétence de maîtrise d’ouvrage pour réaliser des rénovations globales.
Or le Gouvernement se contente, pour l’essentiel, d’abonder les crédits de l’aide MaPrimeRénov’ de base. C’est un choix certes plus facile à mettre en œuvre si l’on veut publier des chiffres de réalisation impressionnants, mais dont l’efficacité n’est pas suffisamment prouvée.
S’agissant des logements sociaux, l’objectif de 250 000 logements sociaux agréés en 2021 et en 2022, annoncé par le précédent gouvernement, a été oublié. On arrivera à peut-être 190 000 logements sur deux ans. Aujourd’hui, les objectifs du Gouvernement en matière de logement social manquent de clarté, alors même que le secteur fait face à la hausse importante du taux du livret A sur lequel ses intérêts d’emprunt sont indexés.
La plateforme Action Logement est soumise à une pression particulière. D’une part, l’article 16 du projet de loi de finances la soumet à une contribution de 300 millions d’euros pour financer les aides à la pierre, que le Sénat a supprimée. D’autre part – et c’est sans doute encore plus important –, sa filiale financière, Action Logement Services (ALS), a été classée par l’Insee en administration publique et risque donc d’être interdite d’emprunt sur plus de douze mois. Cette décision comptable risque d’affecter la participation d’Action Logement aux politiques publiques dont la mise en œuvre dépend de sa contribution, à commencer par le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).
Ce programme 135, en toute logique, devrait également contribuer au financement du « zéro artificialisation nette » (ZAN). Ce n’est malheureusement pas le cas, sauf indirectement via la dotation aux établissements publics fonciers. Sur ce point encore, le Gouvernement n’affiche toujours aucune stratégie pour définir un modèle économique du ZAN.
Le fonds friches, qui a été très apprécié en 2021 et en 2022, s’est désormais « fondu » dans le fonds vert de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » : ni les montants ni les modalités d’attribution des crédits ne sont connus. Ce flou est très regrettable, car il entraîne un risque de démobilisation dans un domaine où la vision de long terme est essentielle.
De manière générale, il est fondamental que le Gouvernement s’empare réellement de la question du financement et de la fiscalité de l’objectif ZAN, afin que les communes y voient une opportunité et non une contrainte imposée de manière descendante.
J’en arrive, pour finir, à la politique de la ville, portée par le programme 147. Ses crédits sont de 598 millions d’euros en crédits de paiement, en augmentation de 40 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, mais quasiment stables en euros constants.
Ces crédits budgétaires sont principalement consacrés à une grande diversité d’actions engagées dans le cadre des contrats de ville, mais les résultats de cette politique sont toujours aussi difficiles à percevoir. Plus de 40 % des adultes de 15 ans à 64 ans résidant dans les quartiers de la politique de la ville restent à l’écart du marché de l’emploi, contre moins de 30 % dans les autres quartiers des mêmes unités urbaines.
Pour conclure, il faut regretter que le Gouvernement, cette année encore, repousse le moment où il apportera les financements promis au nouveau programme national de renouvellement urbain, qui dépend donc des contributions d’Action Logement et des bailleurs sociaux, alors que les dépenses de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) commencent à devenir importantes, dépassant les 500 millions d’euros dès 2022. Cela n’est pas fait pour nous rassurer compte tenu des incertitudes pesant sur ces acteurs.
Le point commun à toutes ces analyses est que ce budget ne présente aucune perspective claire sur la politique du logement et de l’urbanisme dans les années à venir. C’est la raison pour laquelle la commission des finances a décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat sur le vote des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».
Elle a en revanche émis un avis favorable sur l’adoption de l’article 41 ter, qui permet d’éviter un risque d’augmentation de la réduction de loyer de solidarité pour les bailleurs sociaux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Viviane Artigalas applaudissent également.)
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Bernard Delcros, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, il me revient d’évoquer le volet, à dominante rurale, de la mission cohésion des territoires avec les programmes 112 et 162 qui rassemblent, notamment, les crédits du fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT).
Le programme 112 voit, cette année, ses crédits augmenter fortement, de près de 35 %, notamment en raison de crédits rapatriés de l’ancienne mission « Plan de relance », mise en place précédemment. À cela s’ajoutent près de 700 millions d’euros de dépenses fiscales portées par le programme 112 en faveur de territoires bénéficiant de zonages spécifiques.
Cette version pour 2023 m’amène à évoquer plus particulièrement trois points.
Premier point, l’État poursuit sa politique contractuelle avec les territoires : nous soutenons cette stratégie.
Les contrats de plan État-région (CPER) de nouvelle génération, et les contrats de plan interrégionaux État-région (CPIER) pour les massifs, sont désormais signés et opérationnels dans la quasi-totalité des régions. Ils bénéficieront, pour 2023, de 143 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE), de près de 56 millions d’euros en crédits de paiement (CP) et de près de 1 milliard d’euros sur la période des contrats 2022-2027.
Les contrats de relance et de transition écologique (CRTE), signés à l’échelle locale et pilotés par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), entrent dans leur troisième année de mise en œuvre. Je veux saisir cette occasion pour rappeler que les CRTE, signés à l’échelle locale, doivent permettre aux élus de disposer de visibilité sur le financement de leurs investissements pour la durée des contrats. C’est l’objet même d’une contractualisation pluriannuelle : elle doit s’appliquer dans tous les territoires de France.
Le programme Petites Villes de demain (PVD), venu compléter fort utilement le programme Action cœur de ville, se poursuit en 2023.
Comme nous le souhaitions, la notion de bourg-centre sans critère de nombre d’habitants a été retenue pour l’éligibilité des communes. C’était essentiel parce que le statut de pôle de services pour un bassin de vie n’est en aucun cas corrélé au nombre d’habitants.
Monsieur le ministre, en ce qui concerne le programme Action cœur de ville et le programme Petites Villes de demain, je pense qu’il convient d’aller jusqu’au bout de cette logique territoriale, de cette stratégie que nous approuvons de soutien aux territoires en mettant en place un programme « Villages d’avenir » destiné à l’échelon communal.
En effet, cela permettrait d’accompagner les territoires jusqu’au plus proche des habitants et d’ouvrir des perspectives aux nombreux maires de petites communes rurales, qui se sentent exclus des dispositifs existants.
Le plan ruralité que prépare la ministre déléguée chargée de la ruralité pour donner une suite à l’agenda rural me semble être la bonne occasion pour mettre en place ce nouveau dispositif et faire aboutir cette stratégie de soutien aux territoires.
Deuxième point, l’ANCT bénéficiera en 2023, au titre du programme 112, d’une subvention pour charges de service public de 63 millions d’euros.
L’agence a aujourd’hui démontré son intérêt, même si elle a encore besoin de renforcer sa visibilité à l’échelle territoriale. Elle a bénéficié en 2022 d’une hausse de treize emplois sous plafond – c’était nécessaire.
Au travers de l’ANCT, le projet de budget pour 2023 maintient les crédits d’accompagnement des collectivités rurales en matière d’ingénierie avec les chefs de projet des programmes PVD, Action cœur de ville et Territoires d’industrie, les volontaires territoriaux en administration, les chargés de mission « Fabrique des territoires », les conseillers numériques ou encore les marchés à bons de commande lancés par l’État.
Je souligne que ces crédits de soutien en ingénierie interne et externe, qui s’élevaient à 10 millions d’euros à la création de l’ANCT il y a deux ans, ont été doublés en 2021 pour être portés à 20 millions d’euros – c’était important et nous le demandions.
L’agence pilote également le déploiement de 2 500 maisons France Services auxquelles seront consacrés près de 37 millions d’euros en 2023. De nouvelles maisons France Services devraient voir le jour dès l’année prochaine. Après cette première phase réussie, nous devons engager une nouvelle étape avec pour objectif une offre de services enrichie, l’entrée de nouveaux opérateurs, des agents mieux formés aux métiers davantage reconnus, l’accès à tous les habitants facilité et un financement des maisons pérennisé et revalorisé.
Tel est le chantier à mener en 2023 avec le ministre de la transformation et de la fonction publiques, désormais en charge des maisons France Services.
Enfin, troisième point, j’en viens aux dépenses fiscales figurant au programme 112 pour un montant de près de 700 millions d’euros. Elles sont associées à plusieurs zonages, sept au total.
Ces zonages qui arrivaient à échéance à la fin de l’année 2020 ont été utilement prorogés jusqu’à la fin de l’année 2023, comme nous le souhaitions. L’année qui vient sera donc déterminante quant à l’avenir de ces dispositifs.
Parmi eux, je veux rappeler l’attachement de tous les ruraux au maintien des zones de revitalisation rurale (ZRR) et au soutien qu’elles apportent à l’économie, au secteur médico-social et aux collectivités. Leur maintien est une nécessité pour le secteur rural, je tiens à insister sur ce point.
M. Michel Canévet. Très bien !
M. Bernard Delcros, rapporteur spécial. Concernant le programme 162, « Interventions territoriales de l’État », il est doté pour 2023 de près de 86 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 62 millions d’euros en crédits de paiement.
Au-delà de la reconduction des huit actions déjà inscrites en 2022, le projet de budget pour 2023 prévoit une nouvelle action consacrée à la mise en œuvre d’un plan de lutte contre les sargasses dans les Antilles doté de 5,1 millions d’euros.
Chers collègues, concernant les programmes 112 et 162 dont j’ai la charge, je suis favorable à titre personnel à l’adoption de leurs crédits, mais je rappelle que le vote sur la mission est global et inclus donc le volet présenté par Jean-Baptiste Blanc. Sur l’ensemble de la mission, la commission des finances a majoritairement émis un avis de sagesse. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget pour le logement qui nous est proposé prolonge plus les orientations antérieures qu’il ne fait de choix. C’est un budget de transition qui nous laisse soit inquiets, soit sur notre faim.
Cet entre-deux est particulièrement sensible sur trois dossiers clés : le financement du logement social, la rénovation énergétique et la construction neuve.
Concernant le financement du logement social, l’État a décidé de prolonger la réduction de loyer de solidarité (RLS) d’une année supplémentaire avant toute négociation d’un « pacte de confiance » avec les bailleurs sociaux ou d’une convention quinquennale avec Action Logement.
Ainsi, l’article 16 du projet de loi de finances avait pour but de prélever une nouvelle fois 300 millions d’euros à Action Logement, tandis que l’article 41 ter vise à maintenir le rendement budgétaire de la RLS à 1,3 milliard d’euros.
Pourtant, il n’y avait rien de naturel à cela. Le fonds national des aides à la pierre (Fnap) n’a-t-il pas vocation à être financé par l’État plutôt que par les bailleurs sociaux ? La RLS n’avait-elle pas vocation à disparaître ou, pour le moins, à décroître face à la hausse des taux d’intérêt, des coûts de construction et aux enjeux de rénovation du parc HLM ?
Pour un ministre du logement, n’est-ce pas mener une politique à courte vue que de laisser le ministère du budget prendre, de fait, le contrôle du 1 % logement ? Demain qui financera la rénovation urbaine ou Action cœur de ville, qui sont des programmes vitaux pour les collectivités territoriales ?
La rénovation énergétique des logements est le deuxième grand sujet. La loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, a imposé un calendrier resserré qui est susceptible d’avoir des conséquences majeures sur le logement, car de très nombreuses résidences principales sont classées E, F ou G.
Un geste attendu et depuis longtemps proposé par le Sénat a été fait dans le projet de loi de finances rectificative en doublant temporairement le déficit foncier des propriétaires de logements énergivores. Le projet de loi de finances prévoit une importante augmentation des crédits de l’Anah. Pour autant, monsieur le ministre, donnez-vous les moyens aux Français de se lancer massivement dans les rénovations globales qui leur permettront de faire de précieuses économies, y compris lorsqu’ils habitent en copropriété ? Avez-vous entrepris une levée systématique de tous les freins à ces travaux, car c’est toute une filière qui doit se mettre en mouvement ?
Quant au soutien de la construction neuve, quelle visibilité allez-vous donner ? Le logement est un secteur de temps long et d’investissement qui a besoin d’un cadre stable et clair, tout à l’opposé de niches fiscales prolongées d’une année sur l’autre.
C’est ce cadre que j’appelle de mes vœux pour l’investissement locatif, par exemple, à travers un statut du bailleur privé. Je souhaite également que soit réhabilité l’acte de construire auprès des maires et de nos concitoyens en sachant lier la capacité financière à agir avec la dynamique de la construction et de la population. Sortons enfin de l’absurdité de vouloir « construire moins pour loger plus » et répondons vraiment aux besoins des Français !
Mme le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Dans ce contexte, la commission des affaires économiques a décidé de s’abstenir sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires ». Elle n’a pas souhaité afficher une opposition qui ne donnerait pas sa chance à des compromis constructifs, mais elle n’a pas non plus voulu donner l’impression de soutenir des évolutions qu’elle ne partage pas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Viviane Artigalas, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement propose pour 2023 des crédits dédiés à la politique de la ville en augmentation de 7,1 %, soit 39,6 millions d’euros de plus. C’est d’autant plus positif que cette hausse s’inscrit dans un effort quasi constant depuis 2017. C’est d’ailleurs cette constance que je voudrais souligner.
De fait, il n’y aura guère de moyens vraiment nouveaux, car l’essentiel servira à financer le dispositif Quartiers d’été à hauteur de 30 millions d’euros, qui est déjà en place depuis trois ans, et à abonder une enveloppe supplémentaire de 5 millions d’euros pour des postes d’adultes-relais qui sont censés être déjà officiellement ouverts.
Par ailleurs, le budget conforte l’ensemble des actions préalablement lancées, notamment les 200 cités éducatives, pérennisées jusqu’en 2027, et les bataillons de la prévention.
Cela étant, je ne veux pas minimiser notre satisfaction. Les Quartiers d’été sont confortés et leurs moyens budgétés dès le début d’année alors que, depuis leur création à l’issue du confinement en 2020, leur financement n’était assuré qu’en cours d’année, parfois très tardivement, mettant les collectivités et les associations dans une situation fort délicate. Ce dispositif était pourtant plébiscité par les maires en raison de son effet positif en termes de tranquillité publique et d’éducation.
Je serai plus critique concernant les adultes-relais en raison du décalage entre les annonces officielles, qui ont porté le nombre des postes censés être ouverts de 4 000 à 6 514 au cours du quinquennat précédent, et la réalité du terrain où 4 600 personnes sont réellement à l’œuvre. Je voudrais, monsieur le ministre, que vous vous attaquiez vraiment aux causes du problème, car on sait que la présence au plus proche des habitants est une des clés de réussite de la politique de la ville.
Ensuite, je voudrais insister une nouvelle fois sur la situation de l’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV) pourtant central pour l’évaluation. Vous le savez, notre commission a dénoncé le fait qu’il soit devenu une coquille vide, sans personnel, sans moyen et sans lien avec la recherche ou presque. Où en êtes-vous de sa relance, monsieur le ministre ?
Enfin, je veux évoquer la contribution budgétaire de l’État au NPNRU. Le programme est entré en phase active. L’Anru va donc avoir un rythme de décaissement de l’ordre de 1 milliard d’euros par an au cours des cinq prochaines années.
Or l’État ne tient pas ses engagements. Il doit financer 1,2 milliard d’euros sur les 12 milliards du programme d’ici à 2031. De 2017 à 2022, malgré sa promesse d’apporter 200 millions d’euros, seuls 92 millions ont été versés. Reste donc plus de 1,1 milliard d’euros à payer, soit un rythme de 110 millions d’euros par an environ. Pourtant, une nouvelle fois, en 2023, l’État ne versera que 15 millions d’euros : sa crédibilité est en jeu ! Là aussi, monsieur le ministre, nous attendons des engagements.
En conclusion, si je relève en points positifs la constance du Gouvernement dans les politiques menées et les moyens accordés à la politique de la ville, les limites que j’ai indiquées et les inquiétudes pour l’avenir, alors que se préparent les futurs contrats de ville, ont conduit la majorité de la commission des affaires économiques du Sénat à proposer de s’abstenir sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires ». (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Valérie Létard applaudit également.)
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (M. Michel Canévet applaudit.)
M. Alain Duffourg, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme 177 finance des structures d’hébergement qui permettent de lutter contre le sans-abrisme. Le nombre de places d’hébergement financées constitue le point nodal de l’examen de ce programme et absorbe 98 % de ses crédits.
Le parc d’hébergement a culminé à un niveau inédit de plus de 203 000 places en mars 2021, soit 40 000 places de plus qu’en février 2020. Dès le printemps de l’année 2021, le Gouvernement avait fait part de son intention de maintenir 200 000 places ouvertes jusqu’au 31 mars 2022, avant qu’une décrue progressive ne soit engagée au cours de l’année 2022, pour atteindre un seuil de 186 000 places en 2023.
Le Gouvernement a néanmoins renoncé à son projet de réduction de nombre de places et le programme 177 a été abondé de 40 millions d’euros supplémentaires. Ce choix va permettre de répondre à l’urgence alors que la demande de places est encore très forte.
Cependant, nous le savons tous, la lutte contre le sans-abrisme doit passer d’une réponse construite dans l’urgence s’appuyant majoritairement sur des places d’hébergement à un accès le plus rapide possible au logement, avec un accompagnement social adapté aux besoins. C’est le sens du plan Logement d’abord qui arrive à son terme cette année.
Ce plan fait l’objet d’un consensus dans le secteur, ses objectifs étant partagés par tous les acteurs associatifs. Depuis le lancement du plan quinquennal en 2017, pas moins de 390 000 personnes hébergées ou sans-abri ont accédé au logement social ou à une solution de logement adapté, avec des résultats en amélioration continue. Ces sorties vers le logement n’ont toutefois pas permis d’enregistrer une baisse de la demande d’hébergement d’urgence. En dix ans, les crédits alloués au programme ont doublé et ceux qui sont consacrés à l’hébergement d’urgence ont été multipliés par quatre.
Monsieur le ministre, nous attendons l’annonce de la prochaine séquence du plan Logement d’abord, dans les délais les plus brefs.
Néanmoins, l’examen de cette mission fait ressortir un problème récurrent qui n’a jamais été abordé : celui de l’immigration. Sur les 200 000 places qui ont été attribuées, 15 % sont allées à des nationaux, le reste a bénéficié à des personnes en situation irrégulière, sans titre de séjour ou sans papiers, voire en passe d’être expulsées.
Au regard des moyens financiers engagés par l’État dans ce projet de loi de finances, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits qui sont soumis à notre examen. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Nadège Havet applaudit également.)