M. Rémi Féraud. Cet amendement dû à l’initiative de Marie-Arlette Carlotti a trait à la métropole Aix-Marseille-Provence et en particulier aux relations financières entre la métropole et ses communes membres.
Notre proposition fait suite à l’avis rendu par la chambre régionale des comptes (CRC), en application de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, à la décentralisation, à la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite 3DS, sur le niveau des attributions de compensation versées aux communes par la métropole et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre.
Dans cet avis rendu l’été dernier, la chambre régionale des comptes « constate que la métropole Aix-Marseille-Provence a versé 631 [millions d’]euros au titre des attributions de compensation aux communes membres en 2021 ; que la chambre évalue pour ce même exercice le montant de référence des attributions de compensation […] à 453 [millions d’]euros » seulement.
Ainsi, d’après la chambre, cette surévaluation manifeste des attributions de compensation nuit à l’équilibre budgétaire de la métropole, réduit ses propres capacités d’investissement et se fait au détriment des communes pauvres et des territoires les plus fragiles socialement.
Par conséquent, le présent amendement vise à instaurer une procédure d’encadrement des attributions de compensation de la métropole aux communes, afin que leur niveau corresponde aux charges transférées. Il tend en outre à instituer une dotation de solidarité communautaire pour réduire tant les disparités de ressources et de charges que les grandes inégalités de richesse entre les communes, afin de les compenser. L’amendement est assorti d’un ensemble de garanties visant à respecter le principe de libre administration de chacune des communes membres.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° II-1193 rectifié bis.
M. Guy Benarroche. J’y insiste, cet amendement est des plus importants pour la métropole d’Aix-Marseille-Provence.
Je sais quelles sont les réserves de nos travées face aux décisions venant d’en haut ou à l’immixtion de l’État dans le travail des collectivités ; je les partage.
Toutefois, cet amendement me semble malheureusement nécessaire eu égard à l’actuelle situation de blocage, due à la fois à la situation locale et à la rédaction de la loi 3DS, qui, j’ai eu l’occasion de le dire, s’est arrêtée au milieu du gué.
C’est vrai, la question des finances a été enfin posée au travers de la commande de deux rapports à la CRC relatifs aux relations financières entre la métropole et les communes. Le premier rapport a été remis en octobre. Il a permis de mettre en évidence près de 180 millions d’euros de versements qualifiés d’indus, aux dépens, in fine, de la métropole. Voilà où nous en sommes. Le constat est sans appel : la métropole n’a pas les moyens d’agir et les flux financiers perçus par les communes ne relèvent pas de la stricte neutralité des transferts de compétences. Il faut que tout le monde le sache. Nous sommes donc dans une situation très délicate. Le rapport a été demandé par le Sénat au travers de la loi 3DS, il existe, mais il se pourrait que rien ne change.
La métropole doit retrouver les moyens de sa mission, qui est de conduire ses nombreux projets à une échelle pertinente. Les communes doivent elles aussi retrouver les moyens d’agir selon leurs compétences. Cet amendement va dans ce sens, celui d’une répartition juste, équilibrée et progressive des moyens, prenant ainsi en compte les craintes.
L’objet de l’amendement ne consiste pas à remettre en cause l’ensemble des 178 millions d’euros qualifiés d’indus ; il vise seulement à prévoir qu’au moins 50 % de la somme soit redirigée vers les besoins réels tant des communes que de la métropole. En limitant la variation du budget des collectivités jusqu’à présent bénéficiaires, le tout étant lissé sur quatre ans, il tend à limiter également les conséquences négatives pour les communes.
Je peux entendre que l’on souhaite laisser du temps à la concertation avec les acteurs locaux, mais jusqu’à quand attendra-t-on ? Depuis plus d’un an, j’ai alerté préfet, Premier ministre, Président de la République et président de la métropole ; cette métropole mal née fait l’objet de réflexions quasi permanentes et les changements actés ne sont que les prémices d’une amélioration durable de son action.
Au moment où l’État met en œuvre son projet « Marseille en grand », cette métropole et la commune de Marseille doivent retrouver des rapports financiers apaisés. Le temps est à l’action. J’ai pendant un temps espéré que les communes et la métropole parviendraient, devant l’évidence, à sortir de cette situation aussi absurde que délétère, mais le temps presse.
Cet amendement est issu d’un travail plus collectif et plus ancien qu’il n’y paraît, mené avec divers acteurs locaux, des parlementaires, et il a fait l’objet d’échanges réguliers avec le Gouvernement.
Je reste optimiste et je suis convaincu que les communes et la métropole peuvent et doivent se mettre d’accord. Il n’en demeure pas moins qu’il est grand temps de prendre nos responsabilités à l’échelon local comme dans cet hémicycle. Le statu quo ne profite ni à la métropole, ni à nos territoires, ni à nos communes !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons récemment eu l’occasion d’étudier les rapports entre une métropole et ses communes membres avec le cas, semblable, d’Île-de-France Mobilités.
J’aurai plusieurs remarques de fond.
D’abord, en remettant en cause le fonctionnement actuel, que les communes ont intégré pour construire leur budget, nous risquerions de fragiliser les investissements de certaines d’entre elles.
Ensuite, le code général des impôts prévoit quatre types de procédures de révision de l’attribution de compensation : révision libre avec accord entre l’EPCI et ses communes membres, révision liée à de nouveaux transferts de charges, révision unilatérale sans accord entre l’EPCI et ses communes membres, révision individualisée avec un accord entre l’EPCI et une majorité qualifiée des communes membres. Il me paraît très important de s’en tenir à ces quatre options.
Enfin, la dotation de solidarité communautaire (DSC) est obligatoire pour les métropoles, même s’il est vrai qu’elle n’est que symbolique pour la métropole Aix-Marseille-Provence.
Une fois ces constats dressés, je conclus en rappelant qu’il n’appartient pas, en vertu du principe de libre administration des collectivités locales, à une assemblée parlementaire de décider pour le compte de collectivités disposant de leurs propres modalités de fonctionnement. Prenons garde à cela, d’autant que, d’après ce que je crois comprendre, les différentes sensibilités de l’échiquier politique sont loin d’être unanimes sur le sujet. Nous devons donc rester prudents.
La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Ces amendements visent, d’une part, à réviser, sur le fondement du rapport de la CRC de Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), les attributions de compensation afin de modifier les montants versés aux communes et, d’autre part, à instituer par délibération une dotation de solidarité communautaire égale aux deux tiers du montant de la baisse des attributions de compensation. En cas d’absence de délibération, ces amendements tendent également à prévoir que le préfet saisit la chambre régionale des comptes pour fixer le montant des attributions de compensation et arrête la dotation de solidarité communautaire.
Je le rappelle, en vertu de la loi 3DS, les élus locaux doivent tirer les conséquences de l’avis de la chambre régionale des comptes sur les flux financiers entre la métropole et ses communes dans un délai de deux mois.
Or, plus de trois mois après la communication de cet avis, qui a en outre été rendu public, aucune initiative forte n’a été prise par les élus du territoire pour réviser les attributions de compensation et instituer une dotation de solidarité communautaire.
Donc, la mesure proposée au travers de ces amendements permettra d’avancer. Il faut avancer pour Marseille, pour la métropole, pour les Marseillais, et dans le cadre du plan « Marseille en grand » soutenu par le Président de la République au profit des Marseillais.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour explication de vote.
M. Stéphane Le Rudulier. Ces amendements m’étonnent, car ils sont inconstitutionnels – le rapporteur général l’a très bien dit – dans la mesure où contreviennent au principe de libre administration des collectivités territoriales.
En les adoptant, que ferait le législateur ? Il s’immiscerait dans une relation financière entre des communes membres et un EPCI. Ce serait une première et je suis assez attristé que ce soient des sénateurs qui aient déposé de tels amendements, alors même que le Sénat est la chambre des communes et des territoires. Franchement, j’aurais voulu ne jamais avoir à prendre la parole sur une telle proposition…
En outre, relisez bien les amendements : c’est la technique du rabot ! Pour prendre le seul exemple de la ville de Salon-de-Provence, il est précisé dans le rapport de la chambre régionale des comptes que cette collectivité doit accomplir un effort 6 millions d’euros en quatre ans sur son budget de fonctionnement ! Rien que cela ! Cela annonce clairement un déséquilibre financier criant dans quatre ans… Finalement, cela appauvrirait l’ensemble des communes au bénéfice de la ville centre.
On parle sans cesse de péréquation, mais, mes chers amis, la péréquation, ce n’est pas la technique du rabot. Cela consiste à prendre aux plus riches…
M. Pascal Savoldelli. Ouh là !
M. Stéphane Le Rudulier. … pour donner aux plus pauvres.
M. Pascal Savoldelli. Eh bien alors ?
M. Stéphane Le Rudulier. Voilà le but de la péréquation, de la véritable péréquation, via la dotation de solidarité communautaire, mais vos amendements ne tendent pas à proposer cela, mes chers collègues ! Ils visent à appauvrir tout le monde au profit de la commune-centre.
C’est vrai, les charges de centralité sont une réalité, mais il était possible d’aller chercher d’autres ressources. À ce titre, mon collègue Benarroche et moi avions présenté comme solution le déplafonnement du versement mobilité. Le Gouvernement l’avait balayé d’un revers de main et, à présent, ce même gouvernement vient nous mettre en garde en brandissant le plan « Marseille en grand ».
Voilà pourquoi je ne voterai pas ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Stéphane Le Rudulier a brillamment défendu sa position, mais je ne la partage pas.
Notre proposition ne relève pas de la politique du rabot : des normes sont fixées, des maxima sont prévus. Il faut bien lire l’amendement et le lire en entier.
Pourquoi un tel amendement ? Il reflète un échec et un espoir.
L’échec est de n’avoir pas anticipé, dès la loi 3DS, les conséquences du rapport qu’allait remettre la chambre régionale des comptes, alors que chacun d’entre nous, y compris – et surtout – dans les Bouches-du-Rhône, savait quelle en serait sa teneur, car, soyons clairs, personne ne se fait d’illusions sur la situation. C’est aussi l’échec de la prise en compte des besoins financiers importants de la métropole, pour être à la hauteur de ses projets, et du besoin réel de solidarité entre communes au sein de la métropole, afin de donner tout son sens au destin commun métropolitain. C’est tout de même important.
L’espoir, coconstruit de longue date par des élus locaux, des parlementaires et le Gouvernement, est celui de voir enfin s’établir un équilibre plus juste des relations financières. L’espoir est que la mobilisation de nos collègues du groupe SER, dont la sénatrice des Bouches-du-Rhône Marie-Arlette Carlotti, mais aussi de Jérémy Bacchi, élu du même département, porte ses fruits.
Le dépôt de ces amendements a d’ailleurs eu l’effet escompté : jeudi dernier se tenait une réunion du conseil métropolitain des maires et, comme par hasard, juste après le dépôt de nos amendements et la défense qu’en a fait le maire de Marseille, Benoît Payan, une proposition a été mise sur la table.
Face à ces amendements, conçus initialement comme une solution de repli en cas d’absence d’accord local, d’accord trop tardif, voire de statu quo indécent après la parution du rapport de la CRC, les acteurs locaux ont joué le jeu, ils ont pris leurs responsabilités et les baronnies d’hier ont laissé place – je l’avoue – à des discussions sérieuses. Des avancées réelles ont ainsi été obtenues, je vous l’accorde, ainsi qu’un engagement de répartition des moyens entre, d’un côté, une métropole qui a besoin de ressources pour financer ses projets et, de l’autre, des communes qui, sans la solidarité, ne peuvent appartenir au destin commun du territoire ni assumer les compétences propres que la loi 3DS leur a accordées.
Néanmoins, ce n’est qu’un début, car, à cette heure – je ne sais pas quelle heure il est… (Sourires.) –, rien n’a été acté, rien n’a été écrit, rien n’a été signé, cela m’a encore été confirmé.
Mme la présidente. Veuillez conclure.
M. Guy Benarroche. Emmanuel Macron était à Aix-en-Provence aujourd’hui et les discussions ont eu bon train entre Martine Vassal, Benoît Payan et lui, vous le savez tous, surtout ceux d’entre vous qui viennent des Bouches-du-Rhône.
Mme la présidente. Cela suffit, monsieur Guy Benarroche !
M. Guy Benarroche. Il faut avancer, maintenant ! Nous serons vigilants sur les actions réellement engagées.
Mme la présidente. Votre temps de parole est épuisé !
M. Guy Benarroche. Nous maintenons notre amendement, que nous défendons avec un grand engagement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je veux apporter quelques éléments complémentaires à la Haute Assemblée. Je ne suis ni de Marseille ni d’Aix-en-Provence, mais j’ai tout de même entendu quelques échos de cette situation.
D’après ce que j’ai compris, à la suite d’une initiative assez bien coordonnée du Gouvernement et d’acteurs locaux, les choses bougent un peu. Mais, selon nous, si elles doivent bouger, cela doit se faire à l’échelon local ; j’ai même entendu qu’une initiative gouvernementale aurait l’avantage de contraindre un peu les acteurs locaux à se réunir plus vite pour trouver une solution.
Je pense qu’ils n’ont pas besoin de cela. Je le répète : libre administration des collectivités locales ! (Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. Guy Benarroche. Ça fait dix ans qu’on le dit !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je ne suis pas là depuis dix ans : je décris simplement la situation actuelle.
Ne touchons pas à la libre administration des collectivités locales. En outre, disons-le : les majorités locales ont changé, les équipes également. La situation est en train de bouger. Faisons confiance aux acteurs locaux : je crois comprendre que vous-mêmes, monsieur Benarroche, en faites partie.
Le moment est venu de faire avancer les choses, mais je ne crois pas pour autant qu’il faille introduire trop de verticalité, imposer trop de décisions parisiennes à la métropole d’Aix-Marseille-Provence, laquelle mérite de faire ses choix souverainement.
Mme la présidente. Avant de procéder au vote, je vais répondre à l’interrogation de notre collègue Benarroche : il est vingt-deux heures seize et il reste 116 amendements à examiner… (Sourires.)
Je mets aux voix les amendements identiques nos II-1168 rectifié et II-1193 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 37 A (nouveau)
À compter du 1er janvier 2023, le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 1379 est ainsi modifié :
a) La seconde phrase du 16° du I est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Les produits de cette taxe font l’objet d’une répartition avec l’établissement public de coopération intercommunale ou avec les groupements de collectivités dont elle est membre, selon des modalités déterminées par délibérations concordantes de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale et du conseil municipal de la commune membre concernée. Ces délibérations produisent leurs effets tant qu’elles ne sont pas rapportées ou modifiées. » ;
b) La seconde phrase du 5° du II est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Les produits de cette taxe font l’objet d’une répartition avec l’établissement public de coopération intercommunale ou avec les groupements de collectivités dont elle est membre, selon des modalités déterminées par délibérations concordantes de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale et du conseil municipal de la commune membre concernée. Ces délibérations produisent leurs effets tant qu’elles ne sont pas rapportées ou modifiées. » ;
2° Le 3 du IX de l’article 1379-0 bis est ainsi rédigé :
« 3. Lorsqu’ils perçoivent la taxe d’aménagement, les établissements publics de coopération intercommunale mentionnés aux 1 et 2 du présent IX déterminent le partage des produits de cette taxe avec leurs communes membres, selon des modalités déterminées par délibérations concordantes de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale et du conseil municipal des communes concernées. Ces délibérations produisent leurs effets tant qu’elles ne sont pas rapportées ou modifiées. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° II-56 rectifié est présenté par M. Delcros, Mme Vermeillet, MM. J.M. Arnaud, Canévet, Capo-Canellas, Delahaye, Maurey, Mizzon et les membres du groupe Union Centriste.
L’amendement n° II-1037 est présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances.
L’amendement n° II-1107 est présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour présenter l’amendement n° II-56 rectifié.
Mme Sylvie Vermeillet. L’article 109 de la loi du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 a rendu obligatoire le reversement de tout ou partie de la taxe d’aménagement entre communes et EPCI en fonction des charges d’équipements publics assumées par chacune des collectivités.
Lors de l’examen du second projet de loi de finances rectificative pour 2022, le groupe Union Centriste a fait adopter un amendement visant à revenir à la situation antérieure à celle qu’a créée cet article 109 et par conséquent sur l’obligation pour les communes de délibérer sur l’affectation d’une fraction du produit de la taxe d’aménagement à leur EPCI.
Cette mesure a été conservée dans le texte final de la commission mixte paritaire.
Par coordination et afin de garantir le retour pérenne à la situation antérieure, cet amendement vise à supprimer l’article 37 A du projet de loi de finances pour 2023, devenu sans objet.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° II-1037.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Défendu !
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° II-1107.
M. Pascal Savoldelli. L’objet de cet amendement a été bien expliqué.
Il faut savoir que la réforme de la répartition de la taxe d’aménagement a chamboulé l’équilibre qui avait été trouvé entre les communes et les EPCI. La date butoir du 1er octobre 2022 pour délibérer de cette répartition a remis le sujet sur la table, permettant à tous les élus locaux de constater de nouveau à quel point cette réforme constituait un contresens.
Pour notre part, nous nous appuyons sur ce que l’Association des maires ruraux de France a déclaré, car ses mots sont justes : cette « obligation de reversement nie » – je dis bien « nie » – « le fondement même de la dynamique de coopération intercommunale.
Auparavant, une commune pouvait déterminer, en fonction des équipements intercommunaux qu’elle accueillait, si elle entendait reverser tout ou partie du produit de sa taxe d’aménagement à l’intercommunalité. Cette réforme, menée sans concertation, est injuste en ce que, désormais, toutes les communes doivent reverser un taux identique, alors que les équipements intercommunaux peuvent être en petite, voire en très petite quantité sur le territoire de certaines d’entre elles. En outre, les modalités de reversement sont d’autant plus laborieuses que les modalités de calcul sont floues.
Quant à l’obligation de délibérer, elle ressemblait fâcheusement à une nouvelle injonction gouvernementale s’inscrivant dans un lent, mais non moins violent, mouvement de mise sous tutelle des collectivités locales.
Certains élus, certains maires, notamment de petites villes, parlent d’une forme d’infantilisation à propos de cette mesure. Pourquoi décider, au détour d’une loi de finances, que les communes, qui subissent par ailleurs l’envolée des prix de l’énergie et des denrées alimentaires tout en pâtissant de la perte de la taxe d’habitation, devraient reverser 10 % du produit de leur taxe d’aménagement ?
Il faut donc supprimer l’article.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-56 rectifié, II-1037 et II-1107.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 37 A est supprimé et les amendements nos II-1106, II-1092, II-1213 et II-1175 rectifié bis n’ont plus d’objet.
Après l’article 37 A
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nous allons maintenant examiner de nombreux amendements portant article additionnel et ayant pour objet la répartition du produit de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer) entre les collectivités. Je veux en dire d’emblée quelques mots.
Je rappelle que l’Ifer est une taxe qui vise à intéresser fiscalement les collectivités à l’implantation de certaines installations sur leur territoire, comme, à l’heure actuelle, les éoliennes, les centrales photovoltaïques ou hydrauliques. Ses règles et les modalités de répartition de son produit entre communes, EPCI et département peuvent actuellement varier selon la nature des installations.
Tous ces amendements ont le même objectif : renforcer la part perçue par les communes afin de les inciter à s’engager davantage dans des projets.
La loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 a fait un premier pas en ce sens en octroyant 20 % du produit de l’Ifer aux communes d’implantation pour les éoliennes nouvellement installées, afin de parvenir à la répartition suivante : 20 % pour la commune, 50 % pour l’EPCI, 30 % pour le département. La commission des finances y était – je le rappelle – défavorable, car la répartition précédente de l’Ifer éolien lui paraissait conforme à la répartition des compétences entre les échelons.
La loi du 1er décembre 2022 de finances rectificative pour 2022 – la seconde LFR pour 2022 –, adoptée la semaine dernière à la suite d’un accord en commission mixte paritaire, prévoit un alignement de l’Ifer assis sur le photovoltaïque en transférant de nouveau 20 % du produit aux communes au détriment des départements, au titre des centrales installées à compter de 2023.
La répartition à laquelle on parvient est la même que pour l’éolien : 20 % pour les communes, 50 % pour les EPCI, 30 % pour les départements. Plusieurs des amendements déposés sont donc d’ores et déjà satisfaits.
Il ne semble pas opportun de bouleverser de nouveau ces tout récents équilibres que nous avons mis en place, d’autant plus que nous travaillons – je tiens à le préciser tout de suite – à enveloppe constante. Autrement dit, tout renforcement de la part communale se ferait au détriment des autres échelons.
Pour cette raison, je demanderai le retrait de tous les amendements portant article additionnel après l’article 37 A, à l’exception de deux d’entre eux.
Sur l’amendement n° II-136 rectifié de notre collègue Rapin, compte tenu du nombre d’amendements sur le sujet, je m’en remettrai à la sagesse de la Haute Assemblée. Cet amendement vise à ce que les communes perçoivent ces 20 % de l’Ifer éolien au titre des installations datant d’avant 2019. Je me permets néanmoins d’attirer l’attention du Sénat sur le fait qu’une telle mesure entraînerait, ou entraînera, une perte sèche d’assiette fiscale pour les intercommunalités, sans avoir d’effet incitatif, puisque les éoliennes sont déjà installées.
Sur l’amendement n° II-171 de notre collègue Maurey, je solliciterai l’avis du Gouvernement. Cet amendement a pour objet le partage du produit de l’Ifer entre communes limitrophes lorsqu’une éolienne est située à proximité immédiate de l’une d’elles, pour ne pas dire à la frontière entre elles. Je m’interroge en effet sur la faisabilité technique du dispositif et sur les risques éventuels de saupoudrage, si j’ose dire, qu’un tel amendement pourrait provoquer.
Mme la présidente. Je suis saisie de seize amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-1204 rectifié bis, présenté par MM. Requier et Guiol, Mmes M. Carrère et N. Delattre, M. Gold, Mme Pantel, M. Roux, Mme Guillotin et MM. Artano et Bilhac, est ainsi libellé :
Après l’article 37 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 9° du I de l’article 1379 est ainsi rédigé :
« 9° Une fraction de la composante de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux relative aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent, aux centrales de production d’énergie électrique d’origine photovoltaïque installées à compter du 1er janvier 2023, et aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique hydraulique des courants situées dans les eaux intérieures ou dans la mer territoriale, prévue aux articles 1519 D et 1516 F. Pour ces dernières, le produit est rattaché au territoire où est installé le point de raccordement au réseau public de distribution ou de transport d’électricité.
« Pour l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux relative aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent et aux centrales de production d’énergie électrique d’origine photovoltaïque installées à compter du 1er janvier 2023, cette fraction est égale à 50 %. Pour l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux relative aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique hydraulique des courants, cette fraction est fixée à 50 % ; » ;
2° L’article 1379-0 bis est ainsi modifié :
a) Au deuxième l’alinéa du V, la référence : « 1519 F », est supprimée ;
b) Le V bis est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° 30 % de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux relative aux centrales de production d’énergie électrique d’origine photovoltaïque prévue à l’article 1519 F. » ;
3° Le I de l’article 1586 est ainsi modifié :
a) Au 3°, les mots : « à l’article 1519 D qui n’est pas affecté à une commune ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre » sont remplacés par les mots : « aux articles 1519 D et 1519F qui ne sont pas affectées à une commune et à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre » ;
b) Au 4°, les mots : « et les centrales de production d’énergie électrique d’origine photovoltaïque » et les mots : « et 1519F » sont supprimés ;
4° Le 2 du II de l’article 1609 quinquies C est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …) Sur délibération de la commune d’implantation des installations prise dans les conditions prévues au I de l’article 1639 A bis, d’une fraction du produit perçu par la commune des composantes de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux relatives aux centrales de production d’énergie électrique d’origine photovoltaïque, prévue à l’article 1519 F, installées à compter du 1er janvier 2023. » ;
5° Le I bis de l’article 1609 nonies C est ainsi modifié :
a) le c du 1 est ainsi rédigé :
« c) Aux centrales de production d’énergie électrique d’origine hydraulique prévue à l’article 1519 F et aux centrales de production d’énergie électrique d’origine photovoltaïque installées avant le 1er janvier 2023, prévue à l’article 1519 F » ;
b) Après le 1 bis, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 1 … Sur délibération de la commune d’implantation des installations prise dans les conditions prévues au I de l’article 1639 A bis, d’une fraction du produit perçu par la commune des composantes de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux relatives aux centrales de production d’énergie électrique d’origine photovoltaïque, prévue à l’article 1519 F, installées à compter du 1er janvier 2023. »
II. – Les dispositions prévues au I s’appliquent aux centrales de production d’énergie électrique d’origine photovoltaïque installées ou renouvelées à compter du 1er janvier 2023.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.