M. Bernard Fialaire. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’interviens en lieu et place de mon collègue Jean-Claude Anglars, sénateur de l’Aveyron.
La désertification médicale n’est pas un problème récent. Environ 30 % de la population vit dans un désert médical, chiffre qu’il faudrait encore préciser selon les spécialités. Les constats sont connus et ont été rappelés ; je ne reviendrai donc pas sur le sujet.
Dans le contexte actuel, où la question de la juste rémunération de l’acte se pose de manière accrue, et alors que la désertification médicale ne concerne désormais plus seulement la médecine générale et qu’il devient nécessaire de réfléchir aux inégalités d’accès aux spécialistes et à d’autres praticiens, cette proposition de loi ravive des débats que nous avons déjà eus au Sénat, mais n’aborde pas de nouveaux sujets.
L’instauration d’une année de professionnalisation obligatoire dans les déserts médicaux pour les médecins généralistes en fin de formation renvoie à des débats très actuels, de même que l’objectif d’une meilleure reconnaissance de la spécialité de médecine générale.
Par ailleurs, l’idée d’une départementalisation des affectations mériterait d’être étudiée à l’avenir pour lutter contre les déserts médicaux, même si le cadre géographique des centres hospitaliers universitaires (CHU) est évidemment plutôt la région qui les entoure.
Cependant, cette proposition de loi comporte des éléments insatisfaisants ; je veux en pointer plusieurs.
D’abord, contrairement à la proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale, que notre assemblée a adoptée le 18 octobre dernier, celle que nous examinons aujourd’hui ne prévoit pas de faire de la médecine générale une spécialité à part entière.
Ensuite, si l’obligation de garde pour les médecins libéraux peut constituer un facteur de désengorgement des urgences médicales, il ne me semble pas nécessaire de devancer, voire de supplanter les discussions en cours entre la profession et les autorités de tutelle.
Par ailleurs, nous avons déjà discuté lors de l’examen du PLFSS pour 2023 du dispositif de régulation à l’installation proposé, ainsi que de celui de rééquilibrage des cotisations sociales, des garanties de revenus et de l’aide à l’installation entre médecins libéraux et salariés, et nous les avons rejetés, pour des raisons pertinentes.
Plus largement, cette proposition de loi, comme d’autres, tend à s’inspirer plus ou moins directement des solutions trouvées dans certains territoires. Il y a des enseignements à tirer des expériences locales.
Dans cette perspective, je veux évoquer les facteurs de la réussite de la politique d’attractivité expérimentée en Aveyron depuis 2010 pour inciter les médecins généralistes à s’y installer. Dans ce département rural du Massif central, caractérisé par un vieillissement de la population et un éloignement des urgences et des hôpitaux, la permanence des soins de proximité et du maillage territorial de médecine générale était un préalable essentiel pour penser le problème de manière globale à l’échelle d’un territoire.
À cette fin, avec le concours du conseil de l’ordre des médecins, de l’université située sur le campus de Rangueil et de l’ARS départementale, nous avons développé l’accueil des stagiaires pour faciliter l’implantation sur le territoire. Nous nous sommes montrés précurseurs par le choix d’une organisation collective en maisons de santé pluridisciplinaire et en réseaux de santé.
L’efficacité de cette organisation et son succès auprès des professionnels ont conduit à la labellisation du territoire en communauté professionnelle territoriale de santé : la première CPTS en Occitanie est peut-être parmi les premières en France.
Il est nécessaire de répondre aux envies et aux besoins des jeunes praticiens, qui ne veulent plus être isolés. Le partage des tâches et la coordination avec les autres praticiens sont au cœur des nouvelles pratiques visant à favoriser l’installation sur le territoire.
Le développement des stages en Aveyron et le statut du médecin maître de stage ont favorisé la transmission des pratiques et l’installation de jeunes médecins. La formation de médecin sapeur-pompier, destinée aux internes, a aussi renforcé l’intégration.
Enfin, le succès de la lutte contre les déserts médicaux repose sur un accompagnement concret de l’installation.
Quatorze ans après les premières mesures prises en Aveyron, 9 % de l’effectif des internes y restent à l’issue de leur stage, contre 1 % en moyenne pour les territoires ruraux. Depuis 2011, il y a eu 105 installations de médecins généralistes pour 107 départs, soit un renouvellement presque complet de l’effectif.
Certes, l’Aveyron est beau. Mais cela ne suffit pas à expliquer une telle réussite ! (Sourires.) Celle-ci repose plus certainement sur la mise en place d’écosystèmes qui font émerger les conditions favorables à l’intégration de nouveaux praticiens.
Pour conclure, il me semble que cette proposition de loi arrive à la fois trop tôt, parce que la concertation entre les professionnels de santé et les pouvoirs publics, dont nous avons parlé, est toujours en cours, et trop tard, parce qu’elle fait écho à des débats que nous avons déjà eus.
Comme mes collègues du groupe LR, je voterai donc contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat examine ce soir un nouveau texte visant à lutter contre les déserts médicaux.
Le texte a le même objectif que la proposition de loi de Bruno Retailleau, objectif que l’on retrouve dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.
Cette proposition de loi arrive donc, si l’on peut dire, à contretemps. Pourtant, le problème qu’elle soulève reste entier. Une autre initiative transpartisane vient d’être présentée à l’Assemblée nationale. Le Parlement reste mobilisé, et notre groupe considère qu’il est important que le Sénat puisse débattre de ces enjeux, qui affectent tout particulièrement nos territoires ruraux. Je veux donc remercier notre collègue Émilienne Poumirol.
Le déficit chronique de médecins en France est le résultat de plusieurs décennies d’inaction. Le remplacement du numerus clausus par le numerus apertus va dans le bon sens, mais ce n’est pas assez rapide.
L’article 1er du texte ajoute une année de professionnalisation au cursus de formation des étudiants en médecine générale. Cette année devrait être effectuée dans un désert médical, en pratique ambulatoire, auprès d’un maître de stage universitaire.
Cela va dans le bon sens. Je crains pour ma part que le fait d’imposer l’encadrement du stagiaire par un maître de stage universitaire ne soit parfois contre-productif. En effet, il pourrait être difficile de trouver partout de tels maîtres de stage, surtout dans certains départements éloignés des CHU. C’est pourquoi je défendrai deux amendements tendant à assouplir ces conditions, en prévoyant la possibilité de réaliser cette année ou, à tout le moins, un semestre, auprès d’un médecin traitant référent.
L’exposé des motifs de la proposition de loi indique que les étudiants pourront toucher 3 500 euros nets par mois. J’avais proposé pour ma part une rémunération équivalente à dix consultations par jour, soit 5 000 euros par mois. Cela revient peu ou prou à la même chose, une fois les frais de transport pris en compte. Enfin, je tiens à dire que l’organisation prévue, en lien avec le conseil départemental, me paraît pertinente. Le département est la collectivité de proximité la plus adaptée, les conseillers départementaux sont proches des maires et connaissent la réalité du territoire.
L’article 2 encourage la coordination entre les professionnels. Nous ne pouvons qu’y être favorables. Les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) la favorisent déjà.
L’article 3 rétablit l’obligation de garde pour les médecins libéraux. Notre groupe sait que cette mesure est contraignante et peut nuire à l’attractivité du statut. Cependant, elle nous paraît nécessaire pour garantir l’accès aux soins partout en France. Le recours aux CPTS nous semble à cet égard pertinent.
L’article 4 instaure un conventionnement sélectif, en prévoyant qu’un médecin libéral ne peut pas être conventionné en zone dense, sauf si l’un de ses confrères déjà installés cède sa place. Nous sommes favorables à cette mesure, qui répond à un besoin exprimé par de nombreux élus des territoires ruraux.
En revanche, l’article 5 du texte pose problème. Il prévoit une égalité de traitement, en matière d’aides publiques, entre médecins libéraux et médecins salariés. Or les conditions d’exercice des médecins salariés et libéraux ne sont pas les mêmes.
Il faut être clair : les médecins salariés ne peuvent pas garantir une offre de soins complète sur l’ensemble du territoire. Il existe trop de contraintes d’organisation liées au droit du travail. Le salariat répond peut-être aux aspirations de certains jeunes médecins – c’est possible à l’hôpital, où il y a plus de médecins –, mais les médecins libéraux prodiguent plus de présence et de soins que les médecins salariés. Ils sont donc les plus à même de lutter contre les déserts médicaux. Je rappelle que ce sont eux qui gèrent, avec les paramédicaux, les maisons de santé dans un cadre associatif. C’est pourquoi je présenterai un amendement de suppression de l’article 5.
Cette proposition de loi a le mérite de remettre dans le débat un sujet d’extrême importance pour la cohésion territoriale et sociale de notre pays. Notre groupe déterminera son vote sur le texte en fonction des ajustements qui auront été retenus. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est la deuxième fois en quelques mois que nous débattons du sujet prégnant des zones sous-denses. Cela témoigne de l’urgence de la situation et du manque de réponse à la hauteur de la part du Gouvernement.
Le constat est connu et s’aggrave. Un médecin sur deux ne prend plus de nouveaux patients, alors que 660 000 personnes souffrant d’une affection de longue durée n’ont pas de médecin traitant. Le fait que ce problème affecte presque toute la France ne doit pas masquer l’aggravation des disparités entre territoires. Ainsi, 30 % de la population vit dans une zone d’intervention prioritaire, c’est-à-dire une zone fortement tendue.
Les territoires ruraux sont particulièrement touchés, car ils subissent à la fois le non-remplacement des médecins et la fermeture d’hôpitaux de proximité, de services d’urgence, ou de maternités. En conséquence, selon la Drees, 60 % des habitants de territoires ruraux connaissent des difficultés d’accès à un médecin généraliste et 6 millions de personnes se retrouvent sans médecin traitant. Cela affecte particulièrement les jeunes, mais aussi les plus pauvres et les plus isolés.
Devant un tel creusement des inégalités territoriales, nous avons le devoir d’agir, et d’agir vite, car la fin du numerus clausus, pour autant qu’elle soit suffisante, ne portera pas ses fruits avant une décennie. Cela oblige à gérer le moyen terme, au travers, par exemple, de mesures plus contraignantes de planification de l’offre, comme il est proposé dans le texte.
En effet, jusqu’à présent, les mesures d’incitation financière se sont soldées par des échecs. En outre, comme la Cour des comptes l’a relevé, elles ont plutôt provoqué des effets d’aubaine pour des médecins qui exerçaient déjà en zone sous-dense.
Face à cela, le Gouvernement ne propose que des demi-mesures.
C’est le cas de la dixième année d’études introduite dans le PLFSS pour 2023. Certes, plusieurs études concluent qu’un stage long dans une zone sous-dotée pourrait encourager certains médecins à s’y installer. Mais qui peut croire qu’il s’agit là d’une solution suffisante ?
Pour notre part, nous estimons plutôt que le premier cycle devrait être raccourci. Il est donc dommage qu’une dixième année soit ajoutée sans refonte de l’ensemble des cycles. En tout état de cause, la volonté que cette année soit accomplie prioritairement dans une zone sous-dense ne peut s’entendre que si des mesures de régulations s’appliquant à tous les professionnels, et non pas seulement aux jeunes médecins entrants, sont prises parallèlement.
Nous sommes donc assez favorables à d’autres mesures de régulation équilibrant l’effort.
Ainsi, nous soutenons l’idée, exprimée dans ce texte, de conditionner le conventionnement des médecins, dans les zones surdotées, au remplacement à l’identique de médecins déjà installés sur le territoire de vie-santé concerné, afin de ne pas accroître encore les inégalités, à l’instar de ce qui se fait pour de multiples autres professions de santé.
Nous soutenons aussi la disposition rétablissant, par la responsabilité collective, l’obligation de participer à la permanence des soins ambulatoires. En effet, aujourd’hui, seulement 38 % des médecins y participent, contre 67 % voilà sept ans. Cette proportion ne cesse de baisser. S’y ajoutent de fortes disparités territoriales. Voilà le résultat du laisser-faire et de l’appel au seul volontariat.
Mais ces mesures doivent s’inscrire dans des réformes structurelles, qui engagent le long terme.
En l’occurrence, la solution pour réduire les déserts médicaux passe aussi par la décentralisation des premières années d’exercice de la médecine, comme le recommande l’Organisation mondiale de la santé (OMS) – cela a été amorcé timidement en France –, et par la diversification des étudiants.
En effet, selon la méta-analyse de la Drees, l’origine géographique et sociale des étudiants ressort dans tous les pays comme un déterminant majeur du choix d’installation. Ainsi, être originaire d’une zone rurale accroît l’intérêt d’exercer en zone rurale, souvent sous-dense.
Parallèlement aux réformes structurelles que nous appelons de nos vœux, le texte propose dès maintenant des solutions de régulation. Les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires voteront donc en sa faveur. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chercher désespérément un rendez-vous médical, devoir se rendre aux urgences, faute de médecin disponible… Nous avons, pour beaucoup d’entre nous, vécu ces moments de désolation face à un système de santé imparfait.
Lorsque l’accès aux soins devient un parcours du combattant, il faut agir. Comment parvenir demain à faire en sorte que chacun puisse avoir rapidement accès à un médecin proche de chez lui ?
Les propositions sont multiples. Face à cet éventail de choix, il faut trouver un juste équilibre. Entre coercition et laisser-faire, entre incitation et obligation, entre belles idées et réalité, les choses sont plus complexes.
Le texte qui nous est soumis relève d’une vision très coercitive. Quatre articles créent des obligations : obliger les médecins généralistes à réaliser leur année de professionnalisation en zones sous-dotées ; obliger une organisation des professionnels de santé en équipe de soins primaire, à partir de 2026 ; obliger les médecins libéraux à réaliser des gardes ; obliger, d’une certaine manière, les médecins libéraux à s’installer dans des zones précises…
Ces obligations comportent plusieurs risques : d’abord, celui que nos futures générations de médecins ne privilégient l’exercice salarié plutôt que l’exercice libéral ; ensuite, celui d’une fuite des professionnels de santé vers l’étranger, où les propositions ne manquent pas ; enfin, celui du surmenage pour les médecins libéraux qui se plieront à ces obligations, car ils seront submergés sous les demandes avant les effets de la suppression du numerus clausus.
Mais il n’est pas acceptable que nos concitoyens ne parviennent pas, dans certaines zones, à trouver un médecin disponible en soirée et soient forcés de se rendre aux urgences, parfois loin de chez eux, pour des raisons qui n’en sont pas.
Il n’est pas non plus acceptable que certains de nos territoires se voient privés de médecins et que nos concitoyens se retrouvent esseulés face à des pathologies complexes. En effet, 11 % des Français de plus de 17 ans n’ont pas de médecin traitant et 1,6 million de Français renoncent chaque année à des soins médicaux.
Il nous faut donc évidemment répondre à cette situation, sans perdre de vue que, comme l’a montré une étude du CHU de Clermont-Ferrand voilà quelques années, près de 45 % des médecins généralistes français exerçant en libéral étaient en situation de burn-out.
Aller contre la volonté des médecins ne me semble pas le plus productif.
Pour faire face à une telle situation, des mesures fortes ont déjà été prises : la suppression du numerus clausus ; l’exonération des cotisations de retraite pour les médecins libéraux en cumul emploi-retraite pour 2023 ; la notion d’une responsabilité collective de participation à la permanence des soins, qui a été étendue aux chirurgiens-dentistes, aux infirmiers diplômés d’État (IDE) et aux sages-femmes ; l’expérimentation visant à permettre des consultations de médecins généralistes et spécialistes en zones sous-dotées.
Je crois qu’il faut laisser le temps à ces nouvelles mesures de prendre effet. Si la responsabilité collective ne suffisait pas, le rétablissement des gardes obligatoires s’imposerait. Mais donnons d’abord le temps à la concertation.
Nous pourrions par exemple demander que les gardes soient effectuées de cinq heures à minuit – passé cette heure, il s’agit d’urgences absolues –, mieux rémunérées, les hôpitaux envoyant les week-ends des médecins ou des internes en zones sous-dotées.
Plusieurs autres pistes de réflexion ont été proposées par nos collègues Patricia Schillinger et Philippe Mouiller dans leur rapport d’information : renforcer les liens entre les collectivités et les facultés de médecine, utiliser davantage les outils de télémédecine ou encore accélérer le déploiement des contrats locaux de santé. Sans faire office de solution unique, ces mesures pourraient constituer des outils pour favoriser l’égal accès aux soins.
La concertation me semble être la voie à privilégier.
C’est tout l’objet des CNR territoriaux santé en cours. J’étais moi-même présent la semaine dernière à celui de Dijon. En échangeant avec des professionnels de santé, nous voyons bien que nous souhaitons tous une amélioration de l’accès aux soins, une meilleure répartition entre la médecine de ville et l’hôpital et une plus grande coordination entre les professionnels.
L’objectif étant partagé, il nous semble préférable de chercher ensemble des solutions grâce à la concertation, sans décourager les médecins libéraux.
Mes chers collègues, compte tenu du fait que le texte est trop contraignant et que, pour notre part, nous retenons uniquement la possibilité de restaurer un système de gardes obligatoires, nous nous abstiendrons. (Mme Samantha Cazebonne applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Corinne Imbert. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons la proposition de loi visant à rétablir l’équité territoriale face aux déserts médicaux et garantir l’accès à la santé pour tous.
Le sujet fait régulièrement l’objet de propositions de loi, de rapports et de diverses questions sur l’initiative des sénatrices et sénateurs, et il a occupé une partie de nos débats lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En effet, l’accès aux soins demeure un sujet de préoccupation essentiel pour nos concitoyens et nos élus locaux.
La réalité, nous la connaissons tous au sein de cet hémicycle ; nous partageons les constats. Le manque de médecins généralistes ne touche plus seulement nos campagnes ; il concerne également de grands centres urbains. Urbains ou ruraux, nous sommes tous concernés.
Les raisons qui ont conduit à une telle situation sont multiples. Le problème est plus complexe qu’il n’y paraît.
Les élus locaux se sentent désarmés et nos compatriotes demeurent dans le désarroi le plus total lorsqu’ils sont confrontés à des difficultés en matière d’accès aux soins.
Toutefois, peut-être n’en serions-nous pas à discuter de la création d’une année de professionnalisation pour les médecins généralistes en fin de formation si le Gouvernement avait pris le décret d’application de la disposition, inscrite dans la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, instaurant au moins six mois en troisième année d’internat de médecine générale en autonomie supervisée auprès d’un médecin généraliste en zone sous dense.
Le décret d’application n’a jamais été pris malgré les promesses des ministres. Dont acte. Mais notre système de santé est déjà suffisamment mis à mal, y compris sur le plan éthique – je vous renvoie à l’avis 140 du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), qui vient juste d’être publié –, pour rendre acceptable ce défaut d’application d’une loi.
Je souhaite que le Gouvernement prenne la mesure de l’insuffisance, en particulier sur les sujets et les textes relatifs à la santé.
L’article 1er du texte proposé par nos collègues instaure une année de professionnalisation à la suite du troisième cycle de médecine générale.
Loin d’être opposée à une telle mesure, la majorité sénatoriale a adopté au mois d’octobre dernier la proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale, afin de lutter contre les déserts médicaux, déposée par Bruno Retailleau. Celle-ci prévoit que le troisième cycle de médecine générale sera d’au moins quatre années, comme l’ensemble des autres spécialités. Nous privilégierons cette rédaction, plus solide sur le plan législatif, même si les objectifs des deux propositions de loi peuvent se rejoindre.
L’article 3 rétablit l’obligation de garde pour les médecins libéraux. L’article 4 étend à ces derniers un dispositif de régulation à l’installation.
Notre famille politique est historiquement attachée au caractère libéral de la médecine de ville. Si la notion de zones surdotées a pu s’appliquer par le passé, elle apparaît dépassée et illusoire en 2022.
Alors que le temps médical est compté, nous ne sommes pas certains des éventuels bénéfices d’une telle mesure. Au contraire, ses effets collatéraux nous semblent largement sous-estimés, notamment en matière d’attractivité pour la médecine générale.
De surcroît, à l’heure où des négociations conventionnelles se sont ouvertes entre l’assurance maladie et les syndicats de médecins pour une durée de six mois, il apparaît primordial de garantir la sérénité de ce dialogue, au cours duquel – je n’en doute pas – les points soulevés aux articles 3 et 4 seront discutés.
Le vote unilatéral au Sénat d’une mesure coercitive à l’installation serait un mauvais signal. Nous préférons attendre les conclusions des négociations conventionnelles.
L’article 5 concerne les centres de santé. Nous estimons que les médecins libéraux et les médecins salariés ne sont pas soumis aux mêmes contraintes. Ils ne doivent donc pas être aidés de la même manière.
En réalité, les centres de santé ne sont pas la solution idéale. Certains ne parviennent même pas à recruter autant de médecins que l’objectif qu’ils s’étaient fixé. De plus, une aide à un médecin salarié ne doit pas être une subvention déguisée à un centre de santé, même si nous reconnaissons qu’ils sont souvent déficitaires au début de leur fonctionnement.
Enfin, je tiens à rappeler que la majorité sénatoriale travaille depuis des années sur ces questions. De nombreuses mesures sont régulièrement évoquées lors de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale et des différents textes en rapport avec la santé : favoriser le cumul emploi-retraite, simplifier les démarches administratives pour dégager du temps médical ou encore favoriser l’exercice pluridisciplinaire.
Ainsi, nous sommes force de propositions, loin de tout dogmatisme, faisant toujours preuve du bon sens qui caractérise la Haute Assemblée. Aussi continuons-nous de plaider en faveur d’une nouvelle loi santé, afin de repenser plus globalement l’accès aux soins dans notre pays, en concertation avec les différents acteurs de santé, dont, bien entendu, les médecins.
Pour toutes ces raisons, et bien que partageant certains constats et objectifs des auteurs de la proposition de loi, le groupe Les Républicains ne la votera pas. Une accumulation de textes ne semble pas pertinente. Faisons confiance aux négociations conventionnelles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin et M. Bernard Fialaire applaudissent également.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
proposition de loi visant à rétablir l’équité territoriale face aux déserts médicaux et à garantir l’accès à la santé pour tous
Article 1er
Le premier alinéa du II de l’article L. 632-2 du code de l’éducation est remplacé par dix alinéas ainsi rédigés :
« II. – Le troisième cycle de médecine générale est suivi d’une année de professionnalisation lors de laquelle les étudiants exercent des fonctions de prévention, de diagnostic et de soins, avec pour objectif de parvenir progressivement à une pratique professionnelle autonome. Ils exercent en pratique ambulatoire auprès d’un maître de stage universitaire, dans l’un des territoires mentionnés au 1° de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique.
« Leurs conditions matérielles d’exercice sont fixées par décret, après négociation avec les organisations syndicales des étudiants de troisième cycle des études de médecine générale.
« Les étudiants choisissent leur futur lieu d’exercice sur une liste départementale fixée par une commission départementale d’affectation et d’accompagnement à l’exercice de l’année de professionnalisation. Elle est composée :
« 1° D’un représentant de l’unité de formation et de recherche de médecine correspondante ;
« 2° Du directeur de délégation départementale de l’agence régionale de santé ;
« 3° D’un représentant du conseil départemental ;
« 4° D’un représentant du conseil départemental de l’Ordre des médecins ;
« 5° Un représentant départemental de l’union régionale des professionnels de santé ;
« 6° Un représentant départemental de l’Association des Maires de France.
« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent II. »