M. André Gattolin. L’article 5, relatif à la CVAE, que vous avez rejeté après avoir pris tant de peine à le réécrire, n’y change rien.
L’échec de la commission mixte paritaire chargée d’examiner le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, réunie ce matin même, est une triste illustration de ces incohérences.
Vous dénoncez une trajectoire peu ambitieuse et réclamez des efforts plus importants : soit. Je vous rappelle néanmoins que vous n’avez pas pu respecter la trajectoire que vous vouliez fixer pour 2023 dans le projet de loi de programmation, à savoir une baisse du déficit public représentant 4,6 % du PIB. Il vous aura fallu improviser une seconde délibération portant sur un certain nombre d’amendements de la première partie pour afficher un déficit à peine en recul.
En outre – disons-le franchement –, vous n’êtes parvenus à cet assez piètre résultat…
M. Alain Richard. Oui !
M. André Gattolin. … qu’au prix du rejet en bloc du budget de l’agriculture – rien de moins ! –, des crédits de la mission « Cohésion des territoires », de la mission « Immigration, asile et intégration » et de la mission « Engagements financiers de l’État ».
C’est un futur retraité de la vie parlementaire qui vous parle – autant dire que je m’adresse à vous en toute amitié (Sourires.) : mes chers collègues de la majorité sénatoriale, je vous apprécie tous personnellement et individuellement, mais, tels les membres d’une équipe de foot qui perd, vous omettez de parler entre vous, d’agir collectivement et en cohérence sur le terrain,…
M. André Gattolin. … au point, très souvent, de procéder dans l’hémicycle à des votes en totale contradiction avec vos choix en commission.
Vous l’avez compris, les élus du groupe RDPI voteront contre cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Joël Guerriau et Bernard Fialaire applaudissent également.)
M. Alain Richard. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Éric Jeansannetas.
M. Éric Jeansannetas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme du marathon budgétaire de 2022.
Moment phare de chaque session parlementaire, l’examen du projet de loi de finances est normalement le théâtre des grands arbitrages qui guideront l’action politique pour l’année à venir : députés et sénateurs sont censés enrichir ce texte pour répondre au mieux aux préoccupations de nos concitoyens et des territoires qu’ils représentent.
Bien sûr, la commission mixte paritaire n’est pas conclusive. Bien sûr, la motion tendant à opposer la question préalable sera votée, et nous la voterons. Cette issue n’en est pas moins regrettable, monsieur le ministre.
Non bridé par le 49.3, le Sénat a pu travailler. Il a même produit un nombre record d’amendements – 3 035 cette année, dont environ 600 ont été votés – et passé de nombreuses heures avec vous dans cet hémicycle ; nous vous remercions d’ailleurs de votre présence. (M. le ministre délégué sourit.) Pour ce qui les concerne, les élus du groupe socialiste ont proposé 282 amendements, dont 41 ont été adoptés.
Le Sénat a pleinement joué son rôle dans la navette parlementaire, dont, aujourd’hui, on cherche malheureusement le sens et l’utilité.
Nous n’allons pas employer ces minutes pour parler de la dixième utilisation consécutive de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution par l’exécutif en l’espace de quelques semaines. Les élus, les partis politiques, la presse et les Français le font suffisamment pour que – je l’espère – vous mesuriez le poids de ces décisions sur la perception que notre nation a de ses politiques, de son gouvernement et de ses élus.
Au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, je déplore le manque de responsabilité dont a fait preuve le Gouvernement. Monsieur le ministre, vous aviez besoin du Sénat pour que votre budget cesse d’afficher du mépris à l’égard de nos collectivités territoriales.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai !
M. Éric Jeansannetas. D’ailleurs, ce projet de loi de finances ne protège pas plus les collectivités que nos concitoyens contre la hausse de l’inflation.
La majorité – relative – du Président de la République avait l’occasion de tenir compte du scrutin législatif du mois de juin dernier, elle l’a manquée ! À l’Assemblée nationale, la succession des recours au 49.3 par le Gouvernement a conduit à défaire les résultats des votes intervenus afin d’établir un texte qui intègre 99 % des propositions de votre seule majorité !
Au Sénat, ensuite, vous avez fait le choix de ne pas retenir nos propositions ou si peu… Tout naturellement, l’échec de la commission mixte paritaire en témoigne – il était écrit d’avance, reconnaissons-le.
Nous avons donc désormais une version finalisée du texte – nous attendons l’analyse vigilante du Conseil constitutionnel –, sur laquelle nous pouvons nous prononcer. Disons-le d’emblée : le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera contre.
S’agissant des recettes, notre groupe a tenté – en vain, il faut bien l’admettre – de rééquilibrer ce budget et, plus particulièrement, de proposer une fiscalité plus juste, plus équitable et plus adaptée aux activités économiques et sociales actuelles. Nos propositions de bon sens en matière de justice sociale ont tout simplement été balayées, tant par la majorité sénatoriale que par le Gouvernement.
Mes chers collègues qui siégez sur les travées de droite, pour le dire sans ambages, alors que l’urgence sociale est indéniable, en matière de recettes, vous partagez avec le Gouvernement exactement la même vision et défendez les mêmes propositions libérales.
Pourtant, si, face à l’inflation galopante, la fraternité devrait être le maître-mot de l’action publique, vous tous avez fait le choix de vous obstiner en poursuivant sur la voie du libéralisme : rejet du rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et de l’instauration de la taxation sur les superprofits, réticence à verdir la fiscalité… Où est passée la recherche du consensus et du compromis avec l’ensemble des forces républicaines ?
Il en est de même pour les dépenses. En dépit de la mise en échec systématique de nos dispositions en matière de recettes, qui vous aurait donné des marges budgétaires supplémentaires, nous avons tenu à vous faire de nouvelles propositions. Malheureusement, force est de constater que le maintien des services publics dans les territoires, notamment ruraux, n’était pas votre priorité : hôpitaux, écoles, bureaux de poste… rien de tout cela n’était au cœur de ce budget, nous le déplorons !
Votre indifférence à l’égard du terrain s’illustre aussi par le sort réservé aux collectivités territoriales : toutes alertent sur leurs difficultés de financement – elles subissent les mêmes crises que nous… Pourtant, monsieur le ministre, vous avez fait fi de l’adoption par le Sénat de la proposition socialiste d’indexer la dotation globale de fonctionnement sur l’inflation. Je ne peux pas non plus passer sous silence votre entêtement à vouloir supprimer la CVAE, pourtant sauvée, si je puis dire, par le Sénat grâce à une proposition venue de la gauche !
Finalement, vous aurez réussi l’exploit de présenter une copie qui ne satisfera aucun élu local ni aucune association représentative de ces derniers. Soulignons-le !
Dans un contexte marqué par une inflation importante, la sortie de la crise sanitaire, la guerre aux portes de l’Europe, notre pays a, je pense, besoin d’un État fort. Au contraire, votre politique est fondée sur deux principes clairs : le désarmement fiscal en matière de recettes et la contraction des interventions de l’État en matière de dépenses.
Monsieur le ministre, somme toute, si votre gouvernement prétend incarner une forme de modernité en renouvelant les modes d’exercice du pouvoir, la réalité est tout autre ! Vous défendez une politique libérale – je partage le constat dressé par Éric Bocquet –, pour ne pas dire ultralibérale ; c’est aux antipodes des besoins de notre pays et de notre population !
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons que nous opposer à ce projet de loi de finances pour 2023. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli. (Applaudissements sur des travées des groupes CRCE et GEST.)
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les débats sur ce budget sont placés sous le signe de la contrainte et, au gré de la dizaine de recours au 49.3, des coups de force répétés !
Monsieur le ministre, vous nous parlez de « fermeté ». Oui, vous avez raison ! Elle s’exprime par cette nouvelle étape dans la confiscation du pouvoir ! Vous faites mine d’avoir gagné contre une solution différente proposée par la gauche, mais votre budget sera adopté sans avoir été voté… On ne gagne jamais contre la démocratie.
Les administrations publiques, la sécurité sociale ou les collectivités territoriales sont confrontées à un gouvernement qui fuit ses responsabilités. Ce budget marque le désengagement de l’État sur le financement de la formation continue, via le compte personnel de formation, au détriment des travailleurs, et sur le financement de l’apprentissage dans la fonction publique territoriale, au détriment des collectivités, par exemple.
En vérité, le partage de la valeur créée est sans cesse raboté et sans cesse volé aux travailleuses et aux travailleurs – en voilà un angle mort dans votre budget ! Partager la valeur, c’est pourtant accroître la contribution du capital, en mobilisant les transactions financières, les dividendes ou les bénéfices par exemple, mais c’est également s’interdire de faire payer les mesures de soutien aux ménages et aux collectivités par l’ensemble des concitoyens.
Ensuite, vous créez une fiction : vous prétendez aider ceux qui subissent l’explosion des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, mais ce sont ceux-là même que vous faites contribuer aux 47 milliards d’euros du bouclier tarifaire ! Nous savons d’ailleurs comment ils le financent : par la baisse des droits au chômage, par l’allongement du temps de travail dans la semaine et dans leur vie professionnelle, par la baisse en euros courants de l’impôt sur le revenu des plus riches, par le rejet de l’amendement adopté pour baisser la TVA sur le transport ferroviaire.
Monsieur le ministre, votre politique ne soutient pas les plus précaires ; elle fait majoritairement des perdants !
Face aux crises systémiques, être « en responsabilité » – pour reprendre cette grande expression – aurait impliqué, selon nous, de préserver ces sentinelles de la République – ce dernier rempart – que sont les collectivités territoriales, lorsque l’État est rendu défaillant.
D’un côté, ce budget, en supprimant la CVAE, prive les collectivités des recettes de fiscalité économique, d’un autre, l’indexation de la DGF sur l’inflation, qui est pourtant érigée en priorité absolue, est amputée de 4 % en euros courants. Par ailleurs, le filet dit de sécurité est consciemment mal tissé, bien loin du bouclier indispensable pour leur permettre d’équilibrer leur budget – j’ai bien dit « équilibrer leur budget », puisque les collectivités ont cette obligation, contrairement à l’État, monsieur le ministre !
M. Éric Bocquet. Eh oui !
M. Pascal Savoldelli. Sous l’impulsion des élus locaux et de notre groupe, le Sénat avait amélioré ce filet de sécurité, mais, encore une fois, le ministre des finances l’a restreint : des milliers de communes en sont privées. C’est un signal extrêmement préoccupant que votre gouvernement envoie aux collectivités.
Les départements en pâtiront également : ils constateront que la modeste revalorisation du revenu de solidarité active (RSA) pèsera quelque 240 millions d’euros en 2023 ; d’ailleurs, le RSA est de plus en plus conditionné.
À la fin des fins – et non pas malheureusement de la faim, pour ainsi dire –, ce sont toujours les précaires qui payent, quitte à en faire des travailleurs rémunérés en deçà du salaire minimum estonien ! J’ai en effet fait ce rapide calcul et la comparaison vous plaira sans doute, monsieur le ministre.
Enfin, le Gouvernement tente de diviser les collectivités territoriales entre elles : la métropole du Grand Paris contre les établissements publics territoriaux, les communes rurales contre les communes urbaines, les départements selon leur potentiel financier, les autorités organisatrices de mobilités d’Île-de-France contre celles d’ailleurs. La concrétisation de ce projet dangereux se fait, encore une fois, au détriment des habitants, qui voient leurs services publics se dégrader, et des usagers, qui constatent une baisse de la cadence des transports publics « en même temps » – le fameux ! – qu’une hausse du passe Navigo en Île-de-France.
J’étais avec les maires du département mardi dernier pour partager leur colère : ils ont le sentiment d’être dépossédés de leurs capacités d’action. Les élus locaux sont confrontés à des choix cornéliens, puisqu’ils doivent choisir – rien de moins ! – entre fermer leurs écoles ou d’autres services publics essentiels, tels que les centres communaux d’action sociale. L’État transfère sa responsabilité aux élus locaux, qui sont pourtant privés de leur fiscalité, de leurs dotations, et ne sont pas à même de faire face à leurs dépenses d’énergie.
Votre budget traduit votre idéologie : l’argent va à l’argent ! Pour toutes ces raisons et parce que l’intérêt général n’est pas au rendez-vous, nous nous opposerons à votre projet de loi de finances. (Applaudissements sur des travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Joël Guerriau applaudit également.)
Mme Sylvie Vermeillet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après trois mois de travail en commission et trois semaines d’un examen intensif, mais attentif, en séance publique, où pas moins de 3 000 amendements ont fait l’objet de discussions, nous sommes réunis aujourd’hui pour nous prononcer sur le projet de loi de finances pour 2023 adopté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale, après engagement par le Gouvernement de sa responsabilité sur le fondement de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.
Nous vous le disons clairement, monsieur le ministre : nous regrettons qu’un aussi grand nombre de mesures adoptées par le Sénat n’aient pas été prises en compte par l’Assemblée nationale et le Gouvernement dans la version finale. Bruno Le Maire nous avait indiqué en ouverture des débats être « à l’euro près ». Visiblement, il n’est pas « au milliard près »…
Plusieurs mesures volontaristes de rationalisation des niches fiscales, en d’autres termes d’optimisation des ressources publiques, adoptées sur l’initiative du groupe Union Centriste, ont ainsi été balayées d’un revers de main par l’exécutif, sans la moindre explication, ni même parfois le moindre chiffrage de la part de Bercy.
Les crises sont devenues omniprésentes. Il nous faut composer avec elles. Leur multiplication a pour inéluctable conséquence de détériorer la situation de nos finances publiques. Pourtant, la Banque centrale européenne vient de resserrer le robinet budgétaire, si je puis dire, et l’augmentation des taux d’intérêt sur les marchés financiers nous invite collectivement à être responsables.
C’est dès 2023 qu’il aurait fallu engager les comptes de l’État sur la voie du redressement. Plusieurs amendements de notre groupe, qui une fois de plus aura eu le sens des responsabilités, y auraient contribué.
Monsieur le ministre, nous vous l’avons dit à l’issue du vote sur la première partie du projet de loi de finances et nous vous le répétons aujourd’hui : nous regrettons de ne pas être parvenus à élargir la contribution exceptionnelle de solidarité à l’ensemble des secteurs économiques, au-delà du seul secteur de l’énergie. S’il est parfaitement légitime que la collectivité publique vienne au chevet des entreprises lorsqu’elles sont en difficulté, il est non moins légitime que ces mêmes entreprises, lorsque leur santé est meilleure, concourent à l’effort collectif d’assainissement des comptes publics.
M. Vincent Delahaye. Tout à fait !
Mme Sylvie Vermeillet. De même, la suppression de l’article 5, qui aurait sauvé la CVAE perçue par le bloc communal et les départements, aurait garanti à la sphère publique de sauvegarder immédiatement près de 4 milliards d’euros de recettes fiscales, tout en préservant l’autonomie financière des collectivités locales, malmenée depuis de trop nombreuses années.
M. Patrick Kanner. Eh oui…
Mme Sylvie Vermeillet. Parmi les mesures adoptées pour soutenir nos collectivités territoriales figurait la réintégration dans le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) des opérations d’aménagement et d’agencement, qui y étaient devenues inéligibles du fait de la réforme de l’automatisation. Nous avions volontairement laissé de côté les opérations d’acquisition, par souci, là encore, d’en limiter le coût pour les finances publiques. Le Gouvernement n’a, hélas ! pas conservé la disposition du Sénat, pourtant légitime et nécessaire au regard des investissements élevés que les collectivités ont engagés.
Par ailleurs, nous avions substantiellement simplifié et renforcé le filet de sécurité, pour le rendre accessible à un plus grand nombre de collectivités touchées par la crise énergétique, afin de leur permettre d’aborder plus sereinement les échéances à venir. Le Gouvernement lui-même semblait admettre la trop grande complexité des critères retenus dans le dispositif au titre de l’année 2022. Pour autant, que fait-il pour l’année 2023 après avoir recouru au 49.3 ? Il réintroduit ces mêmes critères, au détriment de l’intelligibilité du mécanisme, donc au détriment des élus locaux.
M. Guy Benarroche. C’est vrai.
Mme Sylvie Vermeillet. Monsieur le ministre, malgré ces griefs, nous tenons à vous remercier des discussions toujours positives et constructives que nous avons eues, tout au long des débats, ainsi que de votre disponibilité et de vos prises de position argumentées.
Mme Sylvie Vermeillet. En revanche, nous sommes nombreux à déplorer l’absence répétée, à l’exception de l’ouverture de la discussion générale initiale, du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur des sujets aussi cruciaux pour l’avenir du pays. Nous pensions que la configuration politique actuelle pouvait contribuer, à ses yeux, à la revalorisation du rôle du Sénat.
Sans surprise, la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 6 décembre dernier n’a pas été conclusive. Ainsi que l’a rappelé le rapporteur général, un trop grand nombre d’articles restaient en discussion.
Compte tenu non seulement de l’échec de la commission mixte paritaire, mais également des délais prévus par la Constitution qui rendent impossible l’examen complet du texte en nouvelle lecture, le groupe Union Centriste adoptera quasi unanimement la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu’au banc des commissions. – MM. Arnaud Bazin et Marc Laménie applaudissent également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. Husson, au nom de la commission, d’une motion n° I-2.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement du Sénat ;
Considérant que, du point de vue du scénario macroéconomique sur lequel repose le projet de loi de finances, il apparaît que la prévision de croissance du produit intérieur brut (PIB) pour 2023, retenue à 1 %, paraît bien trop optimiste, au regard des perspectives du consensus des économistes, mais aussi des propos du Président de la République lui-même, et ne tient pas compte des récents développements conjoncturels comme le ralentissement de l’activité au troisième trimestre 2022, la hausse des taux directeurs de la Banque centrale européenne ou encore la prévision de récession en Allemagne et de stagnation de l’activité en zone euro ;
Considérant qu’alors que les crises sanitaire et énergétique s’enchainent voire se superposent, le nécessaire soutien aux ménages et aux entreprises ainsi que l’affectation des moyens indispensables au bon fonctionnement des services publics doivent s’accompagner d’un effort notable pour maîtriser la dépense ordinaire des administrations publiques ;
Considérant qu’au contraire, le Gouvernement fait le choix d’identifier les politiques publiques sur lesquelles il souhaite augmenter les crédits sans indiquer sur quelles missions des économies devraient parallèlement être réalisées dans le budget de l’État, conduisant ainsi à des efforts trop restreints pour redresser les comptes publics et pour retrouver à terme des marges de manœuvre budgétaires utiles pour répondre le plus efficacement possible à toute nouvelle crise ;
Considérant que, dès lors, les niveaux du déficit public et de la dette publique demeurent particulièrement élevés et extrêmement préoccupants, alors que la hausse des taux d’intérêt pourrait rapidement devenir insoutenable pour la France ;
Considérant que le rétablissement de l’article 5 dans le texte du projet de loi, qui supprime la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et permet donc de réduire le poids des impôts de production pesant sur les entreprises, ne s’accompagne toujours pas de meilleures garanties quant aux modalités de compensation prévues pour les collectivités territoriales qui se voient une nouvelle fois privées, dans un contexte déjà difficile, d’une ressource fiscale locale et craignent d’être victimes de la perte de lien entre leurs ressources et le dynamisme économique de leurs territoires ;
Considérant qu’il est regrettable que l’Assemblée nationale soit également revenue sur les mesures adoptées par le Sénat pour soutenir les petites et moyennes entreprises, en particulier le rehaussement du plafond de leurs bénéfices soumis au taux réduit d’impôt sur les sociétés en tenant compte de l’inflation, ou encore la prorogation, pour une année supplémentaire, et le renforcement du crédit d’impôt pour les travaux de rénovation énergétique de leurs bâtiments à usage tertiaire ;
Considérant que, s’agissant des finances locales, il convient de se féliciter du fait que le texte considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture a confirmé la suppression opérée par le Sénat de l’article 40 quater qui réintroduisait le dispositif de contractualisation avec les collectivités territoriales pourtant rejeté par les deux assemblées lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 ;
Considérant qu’en revanche, s’il faut se réjouir de la reprise, même partielle, de certains apports du Sénat s’agissant du « filet de sécurité » mis en place pour l’année 2023 au bénéfice des collectivités territoriales, ne peut qu’être déploré le maintien dans le texte considéré comme adopté par l’Assemblée nationale d’un critère de perte d’épargne brute pour déterminer l’éligibilité au dispositif, dans la mesure où il est très fortement excluant et générateur d’importants effets de seuil et dès lors que les modalités de calcul de la dotation mettent déjà en relation la différence entre la progression des dépenses et celle des recettes ;
Considérant qu’il est également fort regrettable que d’autres mesures de soutien aux collectivités territoriales n’aient pas été conservées, en particulier l’intégration des opérations d’aménagement et d’agencement dans le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), devenues inéligibles avec la réforme de l’automatisation ;
Considérant qu’il convient de saluer le fait que le texte considéré comme adopté par l’Assemblée nationale reprenne la position du Sénat en conservant, sous réserve de divers aménagements, l’essentiel des modifications apportées au dispositif proposé par le Gouvernement s’agissant de la contribution sur la rente inframarginale applicable à la production d’électricité ;
Considérant que, pour autant, même si le Sénat a fait preuve d’un sens aigu des responsabilités en votant les mesures proposées par le Gouvernement pour contrer la hausse des prix de l’énergie et faire contribuer les producteurs d’énergie comme le prévoient les textes européens, il n’en demeure pas moins que les dispositifs proposés n’ont cessé d’évoluer, de façon majeure, au cours de la navette parlementaire, sans que les parlementaires disposent d’études d’impact particulièrement solides, ce qui nécessitera une attention particulière dans leur mise en œuvre ;
Considérant qu’alors que le Sénat avait adopté plusieurs amendements de sincérisation budgétaire, notamment s’agissant des crédits non répartis, il paraît très critiquable que le projet de loi tel que considéré comme adopté par l’Assemblée nationale revienne sur toutes ces mesures et confirme bien que le Gouvernement s’était ménagé une confortable « réserve de crédits » au sein de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles puisqu’il la réduit dès la nouvelle lecture pour couvrir, à hauteur de 700 millions d’euros, la nouvelle « aide aux carburants » de 100 euros prévue au sein de la mission « écologie, développement et mobilité durables » ;
Considérant qu’il convient de saluer la conservation, en nouvelle lecture, de plusieurs apports du Sénat de première lecture, à l’instar de l’exonération de malus pour les véhicules des services départementaux d’incendie et de secours, des prolongations de dépenses fiscales essentielles pour le soutien économique outre-mer, des mesures destinées au financement pour de nouvelles lignes à grande vitesse (LGV) ou encore de la traduction législative de plusieurs recommandations de la mission d’information de la commission des finances relative à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales ;
Considérant qu’au contraire, il n’est pas compréhensible que la majorité gouvernementale n’ait pas rejoint le Sénat sur beaucoup des amendements qu’il a adoptés à une très grande majorité voire à la quasi-unanimité, par exemple lorsqu’il souhaitait, dans un contexte de hausse des taux d’intérêt et donc de durcissement des conditions d’emprunt immobilier, soutenir l’accession à la propriété des primo-accédants les plus modestes, en relevant le plafond légal du prêt à taux zéro (PTZ) ;
Considérant que l’Assemblée nationale a également rétabli plusieurs articles qui ne relèvent pas du domaine des lois de finances selon la jurisprudence établie par le Conseil constitutionnel ;
Considérant enfin que le Sénat a rejeté les crédits des missions « Administration générale et territoriale de l’État », « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », « Cohésion des territoires » et « Immigration, asile et intégration » dont les crédits ont été rétablis par l’Assemblée nationale sans réponse aux objections qui avaient été soulevées ;
Considérant, en conséquence, que l’examen en nouvelle lecture par le Sénat de l’ensemble des articles restant en discussion du projet de loi de finances pour 2023 ne conduirait vraisemblablement pas à faire évoluer le texte ;
Le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2023, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture n° 203 (2022-2023).
La parole est à M. le rapporteur général, pour la motion.