M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Quand on connaît les délais de construction et de mise en œuvre d’un nouveau réacteur nucléaire, comment prétendre que prévoir un décret en Conseil d’État ralentira la procédure ? À Marseille, on dirait c’est une galéjade !
Ce qui la ralentit, c’est notre incapacité à construire de nouveaux réacteurs nucléaires dans les délais impartis. On le voit bien avec l’EPR de Flamanville ! Le Conseil d’État n’a rien à voir avec tout cela… En réalité, il pourrait même prendre vingt-quatre ou trente-six mois pour examiner le décret !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 23 rectifié ter et 104 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 98, présenté par M. Buis, Mme Schillinger, M. Lemoyne, Mme Havet, MM. Marchand, Dennemont et Dagbert, Mme Phinera-Horth, M. Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
1° Première phrase
Supprimer les mots :
et après enquête publique, réalisée en application du chapitre III du titre II du livre Ier et de l’article L. 593-9 dudit code, et avis de l’Autorité de sûreté nucléaire
2° Deuxième et troisième phrases
Supprimer ces phrases.
II. – Alinéa 2, dernière phrase
Supprimer les mots :
, au vu de l’étude d’impact mentionnée au I du présent article, le cas échéant actualisée, et après enquête publique et avis de l’Autorité de sûreté nucléaire, mentionnés à l’article L. 593-8 du même code
III. – Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Cet amendement vise à toiletter les dispositions actuelles de l’article 4 concernant des précisions adoptées en commission qui sont en fait satisfaites par le code de l’environnement.
Par ailleurs, dans le cadre de la délivrance de l’autorisation environnementale, l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire n’est pas utile, car cette autorisation portera non pas sur les enjeux de sûreté nucléaire, mais plutôt sur les aspects préparatoires du chantier.
M. le président. L’amendement n° 76 rectifié, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. L’article 4 prévoit que les travaux peuvent être entamés avant la fin de l’enquête publique pour gagner du temps – une fois de plus, selon nous, au détriment de la consultation et de la transparence.
Il faut accélérer la production d’énergie nucléaire : nous voulons bien l’entendre, puisque, vous en conviendrez, mes chers collègues, nous soutenons cette idée depuis plusieurs années.
Cependant, il est incompréhensible de considérer qu’avant d’être allé au bout des études, avant même d’avoir purgé tous les recours possibles, le porteur du projet pourrait lancer les travaux.
L’article 4 précise que le porteur assumera les risques, y compris financiers. Toutefois, quand le mal sera fait, on ne pourra pas le corriger en renvoyant nécessairement la faute sur le porteur de projet, à qui vous allez demander d’aller toujours plus vite, parfois au détriment du bon sens et à ses risques et périls.
Certes, il est nécessaire d’accélérer, mais pas n’importe comment et pas à n’importe quel prix, en tout cas sans dégrader les sols et l’environnement de façon irréversible, alors qu’un projet n’est pas encore totalement validé ou définitif.
M. le président. L’amendement n° 35, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Il y a une incohérence manifeste à ce que des travaux concernant des « bâtiments annexes » puissent commencer à compter de la délivrance par décret de l’autorisation environnementale sur l’ensemble du projet et avant la clôture de l’enquête publique portant sur la création de la centrale.
Si les modifications du rapporteur, qui introduisent des garanties relatives à l’évaluation environnementale et à la participation du public, vont dans le bon sens, cet amendement a pour objet la suppression de l’alinéa 2, qui permet le démarrage des travaux de construction des bâtiments annexes avant la délivrance de l’autorisation de création du réacteur.
Les citoyens et les collectivités seraient mis encore une fois devant le fait accompli, puisque la centrale, dont l’enquête publique portera sur sa création, aura déjà commencé à être construite. Le gain de temps escompté, qui n’est d’ailleurs pas évalué, ne justifie pas une atteinte disproportionnée à la participation du public, sachant que les retards sont dus – on l’a dit et on le redit – aux difficultés industrielles et non administratives.
M. le président. L’amendement n° 100, présenté par M. Buis, Mme Schillinger, M. Lemoyne, Mme Havet, MM. Dagbert, Dennemont et Marchand, Mme Phinera-Horth et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Après les mots :
à l’article 1er de la présente loi
insérer les mots :
, et des équipements et installations nécessaires à son exploitation, au sens de l’article L. 593-3 du code de l’environnement,
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Cet amendement vise à permettre de garantir la faisabilité de la construction du projet de réacteur électronucléaire dans les meilleurs délais, par l’ajout des équipements et installations nécessaires à l’exploitation conditionnant le fonctionnement du réacteur électronucléaire.
Omettre les équipements et installations, c’est se priver d’une partie opérationnelle de cet article, qui permet – je le rappelle – de démarrer certains travaux dès l’obtention d’une autorisation environnementale, donc, là encore, de gagner du temps.
M. le président. L’amendement n° 101 rectifié, présenté par M. Buis, Mme Schillinger, MM. Lemoyne, Patriat et Marchand, Mme Havet, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Phinera-Horth et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
le ministre chargé de l’urbanisme
par les mots :
l’autorité administrative
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Cet amendement tend à remplacer le ministre chargé de l’urbanisme par l’autorité administrative pour le contrôle des règles de fond d’urbanisme. Il se trouve que les autorisations ne relèvent pas systématiquement du ministre chargé de l’urbanisme : les autorisations environnementales relèvent du ministre chargé de l’environnement, et l’autorisation de création du réacteur nucléaire dépend du ministre chargé de la sûreté nucléaire.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Pascal Martin, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, et moi-même avons souhaité consolider la procédure d’anticipation de travaux.
Les amendements nos 76 rectifié et 35 ont pour objet la suppression de toute possibilité d’anticipation des travaux. À l’inverse, les autres amendements tendent à supprimer les garde-fous institués par notre commission. L’amendement n° 98 vise à tout supprimer. L’amendement n° 100 tend à ajouter de nouveaux équipements liés à l’exploitation des réacteurs et l’amendement n° 101 rectifié à retirer la référence au ministre chargé de l’urbanisme.
Il ne me semble pas du tout opportun d’écarter ainsi le travail approfondi et collégial que nos deux commissions ont conduit.
C’est la raison pour laquelle, face à ces propositions de suppression des dispositions ou des garde-fous, il me semble nécessaire de conserver la rédaction équilibrée de notre commission. Celle-ci vise simplement à garantir l’absence de difficultés sur le plan de la sûreté et de la sécurité et à rappeler les garanties légales applicables, dans un souci de protection des acteurs locaux.
La commission demande par conséquent le retrait de l’ensemble de ces amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements nos 98, 100 et 101 rectifié : la rédaction permettra de simplifier, accélérer, clarifier et sécuriser juridiquement la procédure, ce qui est l’objectif du texte.
Je rappelle que, comme cela a été souligné, l’enjeu du développement industriel et des délais de ce développement est évidemment important. Ce texte permet d’éviter que les procédures administratives ne bloquent certaines étapes. Cette demande a été très clairement formulée par les opérateurs qui sont à la manœuvre – je pense notamment à EDF.
Il faut aussi entendre la voix de ceux qui portent le projet et travaillent sans attendre les décisions qui seront prises dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie. Ils prennent le risque de travailler sur un projet qui pourrait ne pas être adopté in fine.
Nous avons décidé d’avancer pour ne pas mettre en jeu, à aucun moment, la sécurité énergétique de notre pays – chacun peut comprendre cet objectif.
L’objet de l’amendement n° 76 rectifié est quelque peu surprenant parce qu’il revient à accélérer en mettant le pied sur le frein.
M. Fabien Gay. C’est le « en même temps » ! (Sourires.)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’amendement n° 35 est plus cohérent, puisqu’il vise à freiner avec le pied sur le frein ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. L’amendement n° 99, présenté par M. Buis, Mme Schillinger, M. Lemoyne, Mme Havet, MM. Marchand, Dennemont et Dagbert, Mme Phinera-Horth et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par les mots :
jusqu’à la délivrance de l’autorisation de création mentionnée à l’article L. 593-7 du même code de l’environnement
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Cet amendement vise à établir une limite temporelle aux dispositions dérogatoires qui autorisent le Gouvernement à prendre, au début du projet, l’autorisation environnementale rendue nécessaire par les travaux de construction. Cela permet ainsi le retour au droit commun pendant l’exploitation du réacteur électronucléaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Il ne me paraît pas utile de prévoir l’impossibilité de modifier l’autorisation environnementale après la délivrance de l’autorisation de création.
D’abord, il est nécessaire, du point de vue du droit, de conserver la possibilité de modifier l’organisation à tout moment.
Ensuite, le Gouvernement a clairement indiqué que les travaux afférents à l’autorisation environnementale, d’une part, et à l’autorisation de création, d’autre part, ne seraient pas effectués selon une logique séquentielle.
Enfin, l’anticipation des travaux est une disposition clé pour accélérer la relance du nucléaire. Nous avons simplifié la procédure. J’observe que les acteurs de la filière nucléaire sont inquiets de l’amendement dont nous débattons : ils estiment qu’il est « flou » et « pénalisant ».
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je ne partage pas tout à fait votre vision, monsieur le rapporteur. M. Buis a su entendre une demande très claire des opérateurs.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. Dossus, Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 593-7 du code de l’environnement est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – L’autorisation ne peut être délivrée qu’avec l’accord du conseil municipal de la commune d’implantation, ainsi que des conseils municipaux des communes directement impactées en termes de visibilité par un projet d’implantation d’une installation nucléaire de base. »
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Avec ces trois amendements en discussion commune, nous essayons de trouver un consensus pour reprendre les idées que la majorité sénatoriale a développées lors de la discussion du projet de loi EnR, mais qu’elle n’a pas reprises pour ce texte, qui relève pourtant de la même logique.
Dans un souci de cohérence des travaux de notre assemblée, nous avons décidé de déposer ces amendements qui visent à garantir l’acceptation sociale de notre politique énergétique, ainsi que l’intégration de nos installations électriques dans nos beaux paysages.
Si j’ai bien compris notre collègue Gérard Longuet, la consultation publique n’a pas réellement d’importance dans nos choix énergétiques. Nous vous proposons ici de donner plutôt voix au chapitre aux maires dans la politique énergétique française. Il s’agit d’acter un principe simple : le droit de veto des communes visuellement touchées par l’implantation d’une centrale électronucléaire.
La raison qui a prévalu au dépôt de cet amendement est paysagère : il s’agit de préserver la beauté des panoramas français. En effet, une centrale nucléaire est tout aussi dommageable, parfois plus pour certains, sur nos paysages qu’un champ d’éoliennes. Ceux qui ont déjà emprunté la vallée du Rhône peuvent témoigner que les centrales de Cruas ou du Tricastin ne valorisent pas cette belle vallée.
Nous souhaitons donc, avec cet amendement, que les conseils municipaux des communes visuellement touchées par les nouvelles centrales puissent accepter ou non cette dégradation de leur qualité de vie.
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Dossus, Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 593-7 du code de l’environnement est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – L’autorisation ne peut être délivrée qu’avec l’accord des conseils municipaux des communes situées dans le périmètre initial du plan particulier d’intervention de l’installation nucléaire de base, mentionné à l’article L. 741-6 du code de la sécurité intérieure. »
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Cet amendement de repli a pour objet la mise en place d’un périmètre qui a peut-être davantage de sens dans le cadre du projet de loi que nous examinons aujourd’hui.
Nous souhaitons que le droit de veto s’applique aux communes situées dans un périmètre de vingt kilomètres autour d’une centrale, ce qui correspond au périmètre du plan particulier d’intervention dans lequel sont prévues un certain nombre de mesures relatives au système d’alerte en cas d’incident ou à la distribution de pastilles d’iode. C’est donc plus cohérent.
Si les communes et leurs habitants sont touchés par ces mesures, il nous semble raisonnable que les conseils municipaux aient leur mot à dire. Cette proposition fait écho aux vœux exprimés aujourd’hui par le président Gérard Larcher, qui souhaitait plus de liberté et de simplicité pour nos territoires.
M. Jean-Marc Boyer. Et le ZAN ?
M. le président. L’amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Dantec, Salmon, Labbé, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 593-7 du code de l’environnement est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – L’autorisation ne peut être délivrée qu’avec l’accord du conseil municipal de la commune d’implantation d’une installation nucléaire de base. »
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Il ne s’agit pas vraiment d’un amendement de repli. Vous connaissez ma modération et ma volonté de rechercher le consensus… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Je prie Thomas Dossus de m’en excuser, mais j’estime que les deux amendements précédents sont quelque peu maximalistes et pourraient jouer sur les oppositions entre communes : bref, on ne s’en sortirait pas !
En revanche, il est évident qu’il faut demander son avis à la commune d’accueil. Le rapporteur a largement insisté dans la discussion générale sur le fait qu’il intégrait le développement du nucléaire dans une logique de décentralisation. Sans l’accord de la commune, les choses vont très mal se passer !
Demander l’accord des communes me paraît indispensable dans le cadre de la démocratie locale, dont nous avons évidemment besoin et que nous défendons tous ardemment sur ces travées. Chers collègues de la majorité sénatoriale, lors de l’examen du projet de loi EnR, vous avez su trouver les mots pour défendre vos amendements – malheureusement sans totalement convaincre. Nous les avons entendus et cela nous a permis de progresser.
Il n’y a pas que cela qui nous fait progresser : il faut aussi tenir compte de l’expérience.
Je viens d’une région où beaucoup de projets similaires – centrales nucléaires, extensions de ports, aéroports… – ont échoué ; à chaque fois, le conseil municipal s’y était opposé. Par conséquent, plutôt que de laisser l’État se fatiguer, s’époumoner et mobiliser des moyens importants pour essayer d’imposer des projets qui ne se font pas, il me semble plus sage de demander en amont son avis au conseil municipal et de ne pas revenir dessus s’il est défavorable. Faute de quoi, nous continuerons de perdre beaucoup d’énergie et d’argent public. Or le sénat est extrêmement sensible à l’économie des moyens publics.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Ces trois amendements visent à solliciter l’avis des élus communaux ou intercommunaux.
Je peux déjà vous rassurer : nous avons auditionné l’ensemble des élus concernés et tous attendent ces nouveaux projets avec impatience. (MM. Ronan Dantec et Guy Benarroche protestent et réclament la liste de ces élus.) En termes de liste, il s’agirait plutôt d’une liste d’attente, mes chers collègues ! C’est important de le souligner ! (M. Ronan Dantec s’exclame.)
La rédaction proposée introduirait de l’ambiguïté dans le périmètre d’application et conduirait à privilégier certaines communes par rapport à d’autres, ce qui pose problème. J’y insiste, loin d’être vu comme un frein, ce texte suscite l’intérêt des élus.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de ces trois amendements ; à défaut, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il y a quelque chose de piquant à entendre le groupe qui a plaidé contre le veto des maires lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables demander qu’on l’introduise dans ce texte par souci de cohérence.
Dans un même souci de cohérence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.
M. Stéphane Piednoir. Comme vient de le souligner Mme la ministre, il s’agit d’une sorte de cohérence à front renversé !
L’argumentation de M. Dantec est assez remarquable.
M. Ronan Dantec. Absolument !
M. Stéphane Piednoir. Toutefois, elle est incomplète. Or une démonstration incomplète est une mauvaise démonstration !
Si j’ai bien compris, ce projet de loi ne concerne que les implantations sur des sites existants ou dans le périmètre de sites existants. C’est une différence par rapport aux projets d’énergies renouvelables, par exemple, localisés sur de nouveaux sites et consommant du foncier.
Nous avons un accord tacite, puisque des sites qui accueillent aujourd’hui des réacteurs ont été dimensionnés. Céline Brulin évoquait voilà quelques instants le site de Penly, qui est prêt à recevoir un réacteur en l’état, sans aucun aménagement supplémentaire. La situation est donc quelque peu différente.
Il me semblait important d’apporter cette précision pour que les débats soient parfaitement clairs. (M. Philippe Mouiller applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je veux rendre hommage à Mme la ministre, qui défend une position cohérente sur les deux sujets, tout comme sur la question de l’intérêt public majeur.
Mais je veux surtout remercier notre collègue Piednoir pour ses précisions extraordinairement intéressantes. Nous savons en effet que nous ne pourrons plus installer de réacteurs, notamment les plus puissants, au bord des fleuves et des rivières en raison du réchauffement climatique – il n’est qu’à voir ce qui s’est passé cet été pour le comprendre. Or si les seuls sites concernés sont ceux qui existent déjà, il ne reste que peu de possibilités, et il sera impossible d’en réaliser douze !
J’adresse donc un grand merci à M. Piednoir, qui vient, à travers cette précision, de diviser par deux, en quelques secondes, le nombre de nouveaux réacteurs EPR 2 que nous pourrons construire en France – preuve que le débat parlementaire sert toujours à quelque chose !
M. Philippe Mouiller. Ce n’est même pas drôle !
M. Ronan Dantec. Nous sommes en train d’avancer assez sensiblement et assez rapidement !
Par ailleurs, il sera intéressant de prendre connaissance de la liste, qui doit être rendue publique, des auditions menées par le rapporteur Gremillet pour savoir quels sites sont favorables à ces projets. Je ne suis pas sûr qu’il en ait trouvé autant que nécessaire pour installer des centrales nucléaires en nombre suffisant.
M. le président. L’amendement n° 51 rectifié, présenté par Mme de Marco, MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa du I de l’article L. 593-7 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’autorisation mentionnée au premier alinéa du présent I, ne peut être délivrée que si l’installation projetée n’est pas située dans une zone inondable ou ayant subi des inondations ou des submersions marines, telles que définies à l’article L. 566-1. »
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. De nombreux territoires français sont menacés par un risque d’inondation ou de submersion marine. Dans l’estuaire de la Gironde, le trait de côte pourrait reculer de 479 mètres, selon les projections du Giec.
Les conséquences sur nos installations nucléaires seraient majeures. En Gironde, lors de la tempête Martin, en 1999, nous avons toutes et tous pris conscience de cette menace. La centrale nucléaire du Blayais fut inondée et nous avons frôlé la catastrophe : les vagues sont passées au-dessus de la digue, pourtant dimensionnée sur une surcote millénale et sur un coefficient de marée de 120. L’inondation a endommagé le système de refroidissement et deux réacteurs ont été arrêtés en urgence. Je pense que personne ici ne souhaite revivre un tel événement.
Ainsi, mes chers collègues, l’amendement que je vous propose d’adopter fait appel à votre bon sens : n’installons pas un réacteur nucléaire sur une zone vulnérable aux inondations et aux submersions marines.
La catastrophe du Blayais a démontré notre incapacité à anticiper les conséquences des événements météorologiques majeurs. Cela est d’autant plus vrai que les modèles employés pour estimer ces risques comportent des failles et que les conséquences du dérèglement climatique demeurent imprévisibles.
Au cours du siècle, la fréquence et l’intensité des catastrophes climatiques ne cesseront d’augmenter. Selon le Giec, la commune de Braud-et-Saint-Louis, où est implantée la centrale nucléaire du Blayais, devrait être régulièrement submergée.
Par cet amendement, il s’agit tout simplement d’assurer la sûreté de notre parc nucléaire et la sécurité de nos concitoyens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Je voudrais d’abord préciser à M. Dantec que les auditions étaient librement accessibles et qu’un membre de son groupe a assisté à plusieurs d’entre elles.
Cet amendement a trait à un véritable sujet. J’ai d’ailleurs souligné, lors de mon intervention en discussion générale, que nous avions décidé d’intégrer la résilience au changement climatique dans la démonstration de sûreté des réacteurs, qu’il s’agisse des installations situées en bord de mer ou à l’intérieur des terres. Ce contexte nouveau doit être intégré aux réflexions.
Votre demande est largement satisfaite, madame de Marco : l’interdiction de la délivrance de l’autorisation de création de réacteurs dans des zones soumises aux inondations ou aux submersions ne me paraît pas utile dans la mesure où la démonstration de sûreté prévoit déjà une étude complète des risques.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.