M. Victorin Lurel. Et pourquoi ?
M. Olivier Dussopt, ministre. La solution à apporter à ce problème ne relève pas du présent texte, mais plutôt des chantiers que vous avez évoqués, autour notamment de la question de la déclaration, de la fiabilité des systèmes d’information et de la capacité à garantir des carrières moins hachées.
Cependant, je ne vous rejoins pas quand vous jugez que le relèvement de deux ans de l’âge de départ légal mettrait les assurés en difficulté. L’âge effectif de départ observé actuellement s’explique par de mauvaises raisons, que nous devons corriger. Mais le relèvement de l’âge légal ne sera pas mordant pour les assurés en outre-mer, puisque l’âge effectif de départ y est déjà supérieur à 64 ans.
Mme Raymonde Poncet Monge. C’est une moyenne !
M. Olivier Dussopt, ministre. En revanche, ce qui est mordant, ce qui contribue au faible niveau des pensions outre-mer, c’est le relèvement de la durée de cotisation voté en 2013, et que nous accélérons avec cette réforme.
Nous devons donc ouvrir de nombreux chantiers pour traiter les problèmes que vous avez évoqués.
Je pense, par exemple, à un chantier qui dépasse très largement le cadre de ce PLFRSS, puisqu’il dépend des seuls partenaires sociaux : à la Guadeloupe et à la Réunion, les salariés du secteur agricole ne sont pas couverts par la retraite complémentaire Agirc-Arrco, alors qu’ils le sont partout ailleurs sur le territoire national. Cette décision relève des partenaires sociaux ; c’est l’examen de cette réforme qui m’a permis de prendre conscience de ce problème.
De même, nous pourrons avancer sur les questions relatives à la retraite à Mayotte, dont la situation appelle des réponses différentes, parce que le système de retraite n’y est obligatoire que depuis 1987 et que les 2 600 pensionnés actuels y touchent une retraite moyenne de 287 euros. Toutefois, cette retraite moyenne très basse s’explique également par le fait que leur durée de cotisation déclarée ne s’élève qu’à neuf années.
Un deuxième exemple de la complexité de notre système de retraite est fourni par le problème de la revalorisation des pensions minimales. Je profite de cette intervention, avant l’examen des articles, pour l’aborder. Elle figure à l’article 10 ; je ne doute pas que nous y arriverons rapidement ! (Sourires.)
Mme Laurence Rossignol. Le dimanche 12 !
Mme Monique Lubin. Il faut débattre !
M. Olivier Dussopt, ministre. Bien sûr, tout dépend de ce que nous entendons par « rapidement » : quelques heures, quelques jours…
Quel est l’engagement pris par le Président de la République pendant la campagne ? Garantir qu’un salarié ayant effectué une carrière complète rémunérée au niveau du Smic touche une pension équivalente à 85 % du Smic net au moment de son départ à la retraite.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Ce n’est pas le cas !
M. Olivier Dussopt, ministre. La difficulté est que nous parlons d’un modèle cible : un salarié qui aurait cotisé toute sa carrière en étant rémunéré au Smic. Évidemment, dans la vraie vie, certains gagnent un peu plus à un moment donné ; d’autres peuvent malheureusement gagner un peu moins. Tel est toutefois notre objectif.
Pour l’atteindre, comme l’a dit M. Lévrier, nous procédons à une première revalorisation qui profitera, dès le mois de septembre, à 1,8 million de retraités actuels. Le montant de cette revalorisation dépendra du nombre de trimestres cotisés. Il s’agit du Mico majoré, dont l’augmentation, pour les retraités actuels, ira de 20 euros à 100 euros – 50 % des retraités concernés, soit 900 000 personnes, bénéficieront d’une revalorisation comprise entre 70 et 100 euros. Nous parlons de bénéficiaires de petites retraites, entre 800 et 1 000 euros. Pour eux, une revalorisation de 70 ou 100 euros est loin d’être négligeable. Elle ne les rendra pas riches, certes – nul ne le prétend –, mais elle ne sera pas négligeable.
Cette revalorisation concernera à la fois ceux qui ont effectué une carrière complète à temps plein et ceux qui ont effectué une carrière complète à temps partiel, mais avec un principe de proratisation, au travers du nombre de trimestres cotisés.
Pour les quelque 800 000 retraités nouveaux que nous comptons chaque année, nous procédons différemment. Environ 200 000 d’entre eux verront leur pension revalorisée, entre 25 et 100 euros. Nous relèverons le minimum contributif de base de 25 euros et le minimum contributif majoré de 75 euros, ce qui explique que les répartitions seront un peu différentes.
La complexité trouve un relief particulier quand on observe qu’environ 40 000 de ces 200 000 retraités vont franchir la barre des 1 200 euros, que 40 000 vont bénéficier de la revalorisation maximale, de 100 euros, mais que ce ne seront pas forcément les mêmes, car tout le monde ne part pas du même niveau de retraite.
Nous nous sommes livrés à un exercice de transparence en la matière, qui a fait voir que, pour la première génération, celle de 1962, le franchissement de la barre des 1 200 euros sera provoqué à la fois par la revalorisation et par les phénomènes d’indexation. En revanche, nous savons que le nombre de personnes dont la pension dépassera les 85 % du Smic du simple fait de la réforme sera multiplié par quatre entre la génération de 1962 et celle de 1972, qui partira à la retraite dix ans plus tard.
En somme, 200 000 retraités touchant de petites pensions bénéficieront d’une meilleure retraite grâce à la pension minimale mise en place par la réforme.
Enfin, voici mon quatrième et dernier point : en écho aux interventions sur les seniors, sur la qualité de vie au travail, sur les conditions de travail et sur le dialogue social, je veux préciser que cette réforme des retraites, telle que nous la présentons, n’est pas un aboutissement, mais un jalon, à l’échelle de ce seul quinquennat.
Elle vient après les dispositions sur la participation et l’intéressement adoptées cet été dans le cadre de la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat ; elle vient aussi après la réforme du marché du travail et de l’assurance chômage.
Elle vient avant un texte que la Première ministre a annoncé vouloir présenter au Parlement avant l’été – il devrait en tout cas être examiné par votre assemblée avant les élections sénatoriales de septembre – et qui portera sur l’emploi, le travail et l’insertion. Ce texte sera l’occasion d’aborder des sujets extrêmement variés, de donner suite à l’accord national interprofessionnel entre les partenaires sociaux sur le partage de la valeur, de conforter ce qui a été fait en matière d’apprentissage et de formation continue et professionnelle, et de donner suite aux Assises du travail, qui ont été évoquées à la tribune, sur les questions de qualité de vie au travail et de conditions de travail.
À titre personnel, j’ai tout particulièrement à cœur la lutte contre les accidents graves au travail, qui causent chaque année la mort de 650 personnes, alors que 9 600 sont victimes d’un accident du travail leur laissant une forme d’incapacité permanente d’au moins 10 %. Nous devons conforter ces chantiers et renforcer ces priorités.
Nous aborderons également la démocratie dans l’entreprise, car, à l’heure où les collectifs de travail sont physiquement éparpillés par le télétravail, le travail en tiers-lieu et le travail à distance, il est important de faire en sorte que la démocratie puisse s’exprimer différemment et que l’accès à l’information soit amélioré dans ces cadres nouveaux. Cela aussi est une priorité pour nous.
Par ailleurs, je ne doute pas qu’un certain nombre de sujets que nous aurons à aborder dans le cadre du présent débat, alors qu’ils n’ont qu’un lien ténu avec la forme que prend cette réforme, c’est-à-dire un PLFRSS, pourront trouver leur place dans ce projet de loi pour l’emploi, le travail et l’insertion. Je pense notamment au travail des seniors, mais aussi à d’autres sujets.
Ainsi, M. Marseille a mentionné tout à l’heure la volonté de membres de son groupe de priver de la majoration de 10 % les parents qui se voient retirer définitivement l’exercice de l’autorité parentale. C’est un objectif auquel je souscris, mais il est déjà partiellement atteint. De surcroît, cela s’apparente plutôt à une peine complémentaire que les juges pourraient prononcer à l’occasion d’une condamnation. Il faudrait donc inscrire cette mesure non pas dans un PLFSS, mais plutôt dans un texte relatif à la justice, car c’est à elle qu’il reviendrait de sanctionner par une telle peine complémentaire des parents qui, dès lors qu’ils sont coupables de violences sur les enfants, peuvent être qualifiés de parents indignes.
Nous allons affronter ces débats en ayant conscience de la complexité que j’ai exposée et de la difficulté qu’il y a parfois à bien articuler les mesures entre les différents textes et les différentes priorités. Mais je ne doute pas que, dans quelques jours – je ne veux pas faire preuve d’impatience –, nous aurons examiné l’ensemble des dispositions, afin que le texte soumis ensuite à la commission mixte paritaire soit un texte amélioré. C’est le souhait que je formule.
En tout cas, merci à toutes et à tous pour vos interventions ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC ; M. Rémy Pointereau applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
4
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, vendredi 3 mars 2023 :
À neuf heures trente :
Examen de la motion n° 388 tendant à soumettre au référendum le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.
À dix-sept heures, le soir et la nuit :
Suite du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, dont le Sénat est saisi en application de l’article 47-1, alinéa 2, de la Constitution (texte n° 368, 2022-2023).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures cinquante.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER