M. René-Paul Savary, rapporteur. Mais ce n’est plus de la répartition.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3531.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 143 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 91 |
Contre | 251 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Avant l’article 1er
Mme la présidente. L’amendement n° 4473 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport comparant les différents systèmes de retraite au sein de l’Union européenne. Il étudie les différents âges légaux, la durée et les taux de cotisation ainsi que les éléments paramétriques permettant d’y déroger. Il décrit précisément les sources de financement entre les revenus du travail et les revenus du capital. Il établit le degré de capitalisation de chacun des systèmes. Il formule enfin le cas échéant sur le modèle des autres systèmes de retraites des pistes pour améliorer notre système de retraite par répartition.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. L’argument brandi comme irréfutable par tous les membres du Gouvernement se décline en trois registres : il y a un déséquilibre insurmontable entre actifs et retraités, on vit plus longtemps, on doit travailler plus longtemps.
Quand cela ne suffit pas, les ministres se contentent de dire que nous sommes les seuls à résister aux grands phénomènes structurants du continent européen, que tous les pays qui nous entourent ont réformé leur système de retraite, en somme que les Gaulois réfractaires s’opposent à la raison.
Ces mêmes arguments justifient la brutalité de la réforme.
Les explications d’Élie Cohen, l’un des soutiens de la première heure d’Emmanuel Macron, ont été reprises sur le site de Public Sénat qui publie la séquence télévisée où l’économiste brandit une carte faisant état de l’âge légal de départ à la retraite dans chaque pays d’Europe : n’importe qui peut constater que la France est une espèce d’« oasis au milieu des pays européens » et la nécessité de la réforme se justifie par un déficit démographique.
Le COR indique dans son rapport, à la page 51, que l’âge moyen de départ à la retraite est de 63 ans en France, soit un an de plus que l’âge légal.
Quant à l’OCDE, elle estime cet âge moyen à 64,5 ans en France, contre 63,9 ans dans le reste de l’Europe. Un travailleur français travaille donc en moyenne plus longtemps qu’un travailleur européen. Quand bien même ce ne serait pas le cas, serait-ce une condition suffisante pour faire passer en force cette réforme injuste sans aucune contribution du capital ?
Comment ne pas repenser aux propos tenus le 4 décembre 2020 par le ministre de l’économie Bruno Le Maire, qui a défendu sa volonté de continuer la réforme des retraites en affirmant que, sur l’ensemble de la durée de vie, collectivement, nous ne travaillions pas suffisamment ? Un ministre qui a passé la première année de la crise sanitaire à demander aux Français d’applaudir les premiers de corvée…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Nous demandons un rapport, même si je sais que le Sénat n’apprécie guère cela – quoique cela puisse varier.
En effet, si beaucoup d’éléments sont sur la table, nous n’allons pas au bout des débats. Par exemple, comme l’a rappelé Cathy Apourceau-Poly, on nous dit que l’âge de départ à 62 ans est une moyenne basse et que tous les autres pays sont à 65 ans, voire 67 ans. Pourtant, le droit français pose deux bornes : d’une part, l’âge légal de départ à la retraite, fixé à 62 ans, d’autre part, l’âge pour partir sans décote, fixé quant à lui à 67 ans.
M. Daniel Breuiller. C’est exact !
M. Fabien Gay. Il faut donc comparer ce qui est comparable, car, dans d’autres pays européens, ces deux bornes n’existent pas.
Par ailleurs, et cela montre encore une fois que l’on veut comparer ce qui n’est pas comparable, nous sommes l’un des rares pays à avoir un système par répartition. Tous les autres ont un système par capitalisation.
D’ailleurs, en Suède, pays où la même réforme a été opérée voilà vingt ans, l’ancien directeur de la sécurité sociale implore Emmanuel Macron de ne pas le faire parce qu’il a vu les dégâts que cela avait provoqués sur les retraités.
À moins qu’il n’y ait un agenda caché et que ceux qui disent la main sur le cœur qu’ils défendent le système par répartition veuillent en réalité passer à la capitalisation. À eux, je redis que nous nous rappelons 2019.
Enfin, il faudrait approfondir la réflexion sur le nombre de retraités pauvres.
On compare beaucoup la France à l’Allemagne, mais, dans ce pays, le recul de l’âge de départ de 65 à 67 ans fait passer le nombre de retraités pauvres de 15 % à 21 %. En France, nous sommes à 10 %, ce qui est déjà trop.
Nous considérons donc qu’un rapport permettrait d’approfondir tous ces sujets de manière que nous puissions légiférer dans de bonnes conditions. (M. Yan Chantrel applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je regrette de ne pas avoir pu déposer de sous-amendement. Toutefois, je soutiens cette demande de rapport tout en soulignant combien le groupe communiste républicain citoyen et écologiste a eu de la chance que son amendement ait été validé.
Il est important de pouvoir établir des comparaisons. En effet, un certain nombre de pays qui ont mis en place des systèmes de capitalisation sont revenus en arrière en constatant que les régimes par capitalisation aggravaient le déficit budgétaire, quand il y en avait un, et ne servaient pas l’intérêt général. De très nombreux pays de l’Union européenne ont fait cette observation.
Il est également important d’établir des comparaisons, parce que les systèmes des différents États membres sont harmonisés au sein de l’Union européenne. Toutefois, cette harmonisation ne se fait pas nécessairement pour le bien des personnes qui sont en mobilité.
C’est la raison pour laquelle je voulais présenter un sous-amendement visant à ce que le rapport demandé étudie aussi la manière dont les personnes qui sont en mobilité pourront bénéficier d’une bonne continuité de leur carrière.
D’une part, il faut qu’ils aient la capacité de faire valoir pour le calcul de leur taux de retraite en France l’ensemble des parties de leur carrière qu’ils auront effectuées à l’international. Le régime européen le permet, mais, d’un pays à l’autre, le mode de calcul n’est pas le même. Il est donc important d’inscrire dans un rapport la nécessité que l’harmonisation se fasse par le haut, en s’inspirant des bons exemples et pas nécessairement des mauvais.
D’autre part, quand on a accompli une partie de sa carrière à l’international, en particulier en Europe, se pose la question des 25 meilleures années qu’a évoquée précédemment Marie-Noëlle Lienemann. En effet, si la moitié de votre carrière est en France et l’autre moitié en Allemagne, les 25 meilleures années en France recouvriront certainement toutes celles où vous y avez travaillé. C’est une véritable difficulté et cela mérite d’être appréhendé dans ce rapport.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je remercie Cathy Apourceau-Poly d’avoir dénoncé un autre mensonge, celui qui consiste à dire que l’on vit plus longtemps et qu’il faut donc travailler plus longtemps. C’est ce que disait M. Sarkozy en 2010, précisant même – M. Sarkozy aime beaucoup la règle de trois – qu’un tiers des profits devait aller aux travailleurs, un tiers au capital et un tiers à l’investissement, et que, pour le gain d’espérance de vie, deux tiers devaient être consacrés au travail et un tiers devait être réservé à la retraite.
De fait, depuis sa réforme de 2010, tout le gain en matière d’espérance de vie a été mangé et l’on est même jusqu’à prendre sur le temps de la retraite, puisque les rapports scientifiques montrent que celui-ci a diminué d’un an. On a donc boulotté 100 % du gain d’espérance de vie et on a pris sur la durée de la retraite.
Votre réforme aura également pour effet de prendre sur la durée de la retraite. Je l’ai dit précédemment, les résultats des projections sont scientifiquement démontrés : celle-ci sera réduite de plus d’un an.
Il s’agit donc bien d’un grand mensonge et je remercie le groupe communiste de le signaler au travers de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Je salue d’un mot cette demande de rapport. À quoi vise-t-elle sinon à ce que l’on nous propose une véritable étude d’impact de cette réforme ?
Si l’on considère l’importance, non pas uniquement financière, mais également sociétale, de ce sujet, la manière dont cela a été traité dans l’étude d’impact est d’une pauvreté affligeante. Il aurait été nécessaire de se doter d’une vision européenne solide sur la question pour démarrer l’examen de ce texte.
On nous dit que les comparaisons sont toujours difficiles. Par exemple, dans certains pays nordiques, les gens travaillent sans problème jusqu’à 65 ans, voire plus. Toutefois, si, à l’aune des études qui nous ont été transmises, on mesure la qualité de vie au travail dans ces pays et en France, on s’aperçoit que notre pays se classe avant-dernier en Europe. Cela signifie que la qualité de vie au travail, quand on est âgé, est très mauvaise chez nous.
Quand, dans un pays, les gens se sentent bien au travail et que l’organisation du travail se structure autour de l’idée que l’on peut poursuivre longtemps une carrière au sein d’une entreprise par exemple, de toute évidence, les gens accepteront plus facilement des contraintes liées à l’âge de départ à la retraite.
C’est l’ensemble de ces critères qu’il faut arriver à mesurer avant d’aboutir à tout dispositif de nature financière.
Je suis donc très favorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Un rapport comparant le niveau des retraites en Europe est extrêmement important, ne serait-ce que pour éviter de raconter n’importe quoi, la plupart du temps pour dévaloriser le système français qui serait coûteux, qui relèverait de la gabegie et qui ne serait pas efficace économiquement.
En Italie, M. Mario Monti a modifié l’âge de départ à la retraite en le portant à 67 ans. Pourtant, la part de dépenses des retraites dans le PIB n’a fait que s’accroître.
La situation est même devenue insoutenable, au point que le gouvernement italien a dû revenir à un âge légal de départ à la retraite à 62 ans et à 41 annuités de cotisation pour l’obtention d’une retraite à taux plein. L’abaissement du niveau des retraites et le mécontentement social étaient tels qu’il a été contraint de reculer.
La comparaison avec l’Allemagne est, elle, extrêmement édifiante : le niveau des retraites y est particulièrement bas et le nombre de retraités de plus de 69 ans qui travaillent est très élevé. Je veux bien que ce pays soit considéré comme le fin du fin de la compétitivité mondiale – et encore, notre voisin crée très peu d’emplois dans les secteurs à forte compétitivité –, mais sans doute pas en matière de retraites…
On le sait aussi, plus nos concitoyens sont âgés, plus ils ont des problèmes de santé et éprouvent des difficultés à s’adapter aux évolutions technologiques : les formations qui leur sont proposées en fin de carrière, au vu des sauts technologiques que nous connaissons, sont en effet inopérantes.
Oui, nous avons besoin de ce comparatif entre les différents systèmes de retraite.
Contrairement au discours dominant selon lequel le système français serait toujours le moins bon et le plus coûteux,…
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … sachez qu’au Luxembourg les salariés partent à la retraite à 60,2 ans !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.
M. Daniel Breuiller. Tout d’abord, permettez-moi de vous dire que je suis fier de vivre dans un pays qui aurait le système de retraite le plus généreux.
Vous le savez, mes chers collègues, j’aime beaucoup la ville d’Arcueil. Lorsque j’en ai été le maire, j’ai réalisé quelques recherches dans les archives : il y a soixante-dix ans, le centre communal d’action sociale (CCAS) s’appelait le bureau d’aide aux vieux travailleurs.
Heureusement, grâce à nos régimes de retraite et aux progrès sociaux, le CCAS ne s’appelle plus ainsi aujourd’hui. En revanche, il doit, hélas ! beaucoup s’occuper de la jeunesse, des travailleurs précaires et de toutes les personnes malmenées par notre société, celles qui ont des carrières hachées, ainsi que tous les travailleurs pauvres qui seront pénalisés par votre réforme, monsieur le ministre.
Je soutiens évidemment la demande d’étude d’impact formulée par nos collègues communistes. Il est toujours intéressant de se comparer à ses voisins, en tenant compte bien sûr de l’ensemble des indicateurs, y compris le taux de pauvreté, voire la richesse de la vie associative à laquelle contribuent les systèmes de retraite concernés.
Cela étant, pardonnez-moi, mes chers collègues du groupe CRCE, si je soutiens pleinement votre demande, j’aimerais tout de même pouvoir d’abord disposer du rapport du Conseil d’État ! (Rires et applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.) Celui-là a déjà été rédigé et je me demande bien pourquoi on le cache aux parlementaires et aux Français.
C’est probablement parce qu’il y est écrit que le véhicule législatif utilisé rendra inconstitutionnelles toutes les mesures qui atténueront la dureté de la réforme que vous engagez. C’est d’ailleurs la nature même de ce texte qui nous empêche de déposer des amendements visant à en améliorer les dispositions.
Mon intervention ne vise en aucun cas à produire un effet de scène : je vous redemande, monsieur le ministre, de nous remettre ce rapport.
Pour terminer, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, ainsi que le ministre chargé des comptes publics, de la concision de vos réponses, grâce à laquelle nous ne croulons pas sous une montagne de chiffres ou d’arguments techniques incompréhensibles. (Rires sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.) Vraiment, merci ! (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Il est utile de procéder à des comparaisons et de pouvoir disposer d’au moins quelques éléments scientifiques, car cette question suscite beaucoup de fantasmes.
On a beaucoup entendu dire ces derniers temps que, puisque l’on est mieux loti que les autres en matière de retraites – nous sommes censés partir plus tôt que nos voisins, avec un meilleur de niveau de retraite, etc. –, il faudrait qu’on le soit moins dorénavant et qu’on légifère en ce sens. J’avoue que j’ai du mal à comprendre ce raisonnement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Cet amendement du groupe CRCE est très utile. Cela a été souligné, comparer les systèmes de retraite à l’échelle européenne pour trouver les meilleures solutions est une approche extrêmement intéressante.
En France, en règle générale, on ne part à la retraite qu’après l’âge légal : l’âge moyen de départ à la retraite est aujourd’hui de 63 ans. Dans beaucoup de pays européens, c’est l’inverse : les gens partent à la retraite avant d’atteindre l’âge légal de départ, avec une décote.
La question de fond est donc non pas tant celle de l’âge pivot que celle du montant des rémunérations perçues lorsque l’on est en activité, du montant des cotisations versées et in fine du montant de la pension dont on bénéficiera au moment de choisir de partir à la retraite.
Quand on analyse précisément les systèmes pays par pays, on constate que bon nombre d’Européens partent à la retraite avant les Français, tout en bénéficiant de niveaux de pension équivalents, voire supérieurs aux nôtres, tout simplement parce que leurs régimes de retraite ont été conçus de la sorte. Il y a des leçons à en tirer.
Il serait donc extrêmement utile, je le répète, de pouvoir exploiter ce rapport avant de prendre des décisions définitives.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. J’interviens non pas pour avancer de nouveaux arguments, mais pour vous poser une question, madame la rapporteure générale.
Vous ne nous avez pas expliqué pourquoi vous étiez défavorable à notre amendement. Vous vous êtes contentée d’émettre un avis, sans autre motivation.
La pratique sénatoriale qui consiste à refuser de manière systématique toute demande de rapport s’appliquera-t-elle à nos débats ? En d’autres termes, rejetterez-vous toutes les demandes de rapport qui émaneront tant de nos travées que de celles de la majorité sénatoriale ?
M. Jean-François Husson. Il faudra venir tous les jours pour le savoir !
M. Pierre Laurent. Si tel n’est pas le cas, sur quels critères vous fonderez-vous pour accepter certaines demandes et en refuser d’autres ? Dans le cas d’espèce, pourquoi êtes-vous défavorable à notre amendement ? S’il s’agit d’une règle générale, j’en prendrai acte, même si je continuerai de défendre cet amendement ; dans le cas contraire, je souhaite connaître les arguments qui conduisent à le refuser.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. En la matière, mon cher collègue, il n’existe pas de règle générale ; en revanche, un usage prévaut, que vous connaissez bien et qui consiste, pour la commission des affaires sociales, à émettre chaque année, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, un avis défavorable sur toutes les demandes de rapport.
M. Pierre Laurent. C’est bien noté !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cela n’empêche pas notre assemblée de voter certains amendements tendant à prévoir la remise de tels rapports.
M. Pierre Laurent. Pourquoi êtes-vous défavorable à notre amendement ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il s’agit de la première demande de rapport depuis le début de l’examen de ce texte. Il n’est d’ailleurs pas encore voté ! Attendons de voir si votre amendement sera adopté, ce qui pourrait être le cas si vous vous montrez très persuasifs. (Sourires.)
Mme Laurence Cohen. Quels sont vos arguments ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. C’est le thème du rapport qui importe !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Compte tenu du nombre très élevé d’amendements déposés sur le texte, la commission n’a eu d’autre choix que de les étudier très rapidement.
M. Hussein Bourgi. De manière expéditive !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Non ! René-Paul Savary et moi-même avons analysé tous les amendements, un par un, malgré leur nombre. Croyez-moi, mon cher collègue, cela nous a pris du temps.
Je rappelle qu’au Sénat les commissions saisies au fond d’un texte émettent rarement un avis favorable sur les demandes de rapport. Chaque année, de telles demandes sont très nombreuses, alors que très peu de rapports sont finalement produits. Du reste, nul ne peut imaginer que l’on puisse demander une infinité de rapports au Gouvernement.
Pour en revenir au rapport que vous demandez, qui permettrait de comparer les différents systèmes de retraite en Europe, sachez que pouvez retrouver un certain nombre d’informations dans les annexes de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ces éléments contredisent d’ailleurs certaines affirmations qui ont été énoncées.
Je vous suggère, mon cher collègue, d’interroger Mme Lienemann, qui semble parfaitement connaître les systèmes de retraite de l’ensemble des pays européens : vous aurez ainsi l’équivalent du rapport que vous demandez.
M. Jean-Pierre Sueur. Mon rappel au règlement porte sur l’article 40 de la Constitution.
Je vous ai écoutée avec soin, madame la rapporteure générale. Je ne saisis pas pourquoi un certain nombre d’amendements ayant pour objet la remise d’un rapport au Parlement n’ont pas reçu un avis défavorable en vertu de l’usage que vous venez de rappeler – ce que l’on comprendrait très bien –, mais ont tout simplement été déclarés irrecevables au titre de l’article 40.
J’ai tout aussi attentivement écouté le président de la commission des finances, Claude Raynal, qui se réjouissait tout à l’heure à l’idée que l’amendement du groupe CRCE puisse être adopté. Pourquoi un certain nombre d’autres amendements de même nature ont-ils été jugés irrecevables au titre de l’article 40 ?
Cela présuppose, mes chers collègues, que ces rapports pourraient créer des dépenses ou des charges supplémentaires pour l’État, alors que, par définition, on ne peut pas savoir par avance ce qui figurera dans ces rapports. Par ailleurs, la production d’un rapport n’entraîne pas de coût particulier.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Ces amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution et non de son article 40 !
M. Jean-Pierre Sueur. Si tel est le cas, madame la présidente de la commission, il faudra m’expliquer, amendement par amendement – nous pourrons avoir ces échanges lors des explications de vote –, pourquoi ces amendements ne présentent aucun « lien, même indirect, avec le texte » que nous sommes en train d’examiner.
En effet, aux termes de l’article 45 de la Constitution, « tout amendement est recevable […] dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Pourtant, la plupart des amendements qui ont été déclarés irrecevables au titre de cet article…
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jean-Pierre Sueur. … ont bel et bien un rapport, même indirect, avec ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, ce qui ne vous a pas échappé, madame la présidente de la commission. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Avant l’article 1er (suite)
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote sur l’amendement n° 4473 rectifié.
M. Victorin Lurel. Lorsqu’un gouvernement utilise au maximum les ressources qu’offre la Constitution de la Ve République, en imposant un projet de loi de financement de la sécurité sociale pour cette réforme des retraites, en écartant l’avis du Conseil d’État, en brandissant l’article 40 de la Constitution, que reste-t-il aux députés ou aux sénateurs pour défendre leurs idées ? L’arme du pauvre, mes chers collègues : l’amendement et, plus particulièrement, les demandes de rapport permettant de contourner le fameux article 40 – et non l’article 45 dont Jean-Pierre Sueur a parfaitement parlé.
Avant de me préoccuper des systèmes de retraite en Europe, je m’intéresse à ce qui se passe chez moi, en Guadeloupe, comme d’ailleurs en Martinique et partout ailleurs dans les outre-mer.
Si un rapport sur ces territoires avait été produit en amont, le texte dont nous discutons n’aurait pas été déposé tel quel : il prévoirait des mesures de différenciation sans pour autant porter atteinte à l’unité de la République.
Si un tel rapport ou une étude d’impact, voire une fiche d’évaluation sur la situation en outre-mer avait été élaboré, le texte que nous examinons serait peut-être un peu différent.
Aujourd’hui, la seule différence entre les régimes de retraite applicables dans les départements et régions d’outre-mer (Drom) et ceux de la métropole tient au seuil de récupération sur succession. Pourtant, M. le ministre propose de revenir sur le relèvement de ce seuil de 39 000 à 100 000 euros qui profite actuellement aux seuls ultramarins, alors qu’il aurait suffi d’étendre cette mesure à l’ensemble du territoire de la République.
Mes chers collègues, tous ces rapports sont nécessaires pour que l’on puisse décider moins aveuglément ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)
Rappel au règlement
M. Jean-Yves Leconte. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 17 bis du règlement du Sénat.
Un certain nombre d’amendements prévoyant des demandes de rapport ont été déclarés irrecevables, non pas au titre de l’article 40 ou de l’article 45 de la Constitution, mais en application de l’article L.O. 111-3-12 du code de la sécurité sociale.
D’après ce que je comprends de ce que nous a écrit la présidente de la commission des affaires sociales, ce serait parce qu’un rapport n’a pas d’effet sur les comptes de la sécurité sociale.