Mme le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour présenter l’amendement n° 1669.
Mes chers collègues, je vous remercie de laisser l’oratrice s’exprimer dans un silence religieux. (Protestations amusées sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. David Assouline. Et la laïcité ?
Mme le président. Il s’agit bien sûr d’une formule consacrée ! (Sourires.)
Mme Nicole Bonnefoy. Cet article entérine une nouvelle fois vos prévisions pluriannuelles de dépenses et de recettes de la sécurité sociale pour les quatre années à venir. La réforme que vous vous apprêtez à passer en force, contre l’avis de plus des deux tiers des Français, mérite une vraie expertise et une vraie étude d’impact pluriannuelle.
Or nous ne bénéficions pas d’une analyse précise des principaux enjeux de cette réforme, de ses effets directs et de ses conséquences sur les inégalités entre les femmes et les hommes, le chômage, la croissance, l’emploi ou encore la précarité des seniors.
Les Français sont largement défavorables au report de l’âge légal à 64 ans. Nous l’avons vu encore aujourd’hui dans la mobilisation. Nos concitoyens vous indiquent très clairement leur refus face à l’injustice.
Qu’offrez-vous aujourd’hui aux Français, en vérité ? Toujours plus de précarité, toujours plus d’inégalités. Cet article entérine les terribles choix opérés pour tenter d’amortir les 17,7 milliards d’euros de dette sociale.
Mes chers collègues, l’heure n’est pas aux économies sur la vie de nos concitoyens. Un autre chemin est possible, à l’opposé de celui que trace cette réforme. Je vous propose donc de supprimer cet article.
Mme le président. L’amendement n° 1701 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Bernard Jomier, pour présenter l’amendement n° 1797.
M. Bernard Jomier. Je pense qu’il faut supprimer cet article. Pourquoi ? Tout d’abord, parce que, politiquement, M. le ministre l’a rappelé, l’article 6 est au cœur de la réforme. Quand on est contre la réforme, il est donc logique de supprimer l’article 6 !
Par ailleurs, l’article 6 présente les tableaux d’équilibre pluriannuels des différents régimes de sécurité sociale. Pour ma part, je ne reprocherai pas au Gouvernement de ne pas présenter des tableaux exacts sur des années : tellement de facteurs viennent percuter les équilibres financiers de la sécurité sociale que l’on sait l’exercice risqué. En revanche, vous en êtes rendu à un stade où vos prévisions ne sont pas perspicaces à trois mois.
Nous avons voté le budget de la sécurité sociale en novembre dernier. Si je prends le seul exemple de l’hôpital, nous avons dit, tout au long de l’examen du texte, que les prévisions ne tiendraient pas : vous proposiez une hausse de 4 %, alors que l’inflation s’élevait à 6 %. Vous nous avez répété ad nauseam qu’une telle augmentation du budget de l’hôpital était historique et inédite, et que tout irait bien. Résultat : vous êtes obligé, aujourd’hui, de prévoir 600 millions d’euros supplémentaires.
Au reste, puisque c’est un amendement du Gouvernement, qui, je crois, n’a même pas été voté à l’Assemblée nationale, on ne sait pas grand-chose de cette somme ! On n’en connaît pas le contenu exact. On sait que c’est la prorogation de mesures liées aux revalorisations des urgences, etc., mais ne tenant pas toujours compte de l’inflation.
On nous présente donc des tableaux qui sont faux et qui, pardonnez-moi, sont à la limite de la sincérité. De fait, il ne fallait pas être grand clerc pour juger que vos prévisions étaient intenables !
Non seulement vous nous remettez des tableaux qui ne valent pas grand-chose, mais vous allez encore être obligé de les corriger. Tant qu’à faire, supprimons cet article !
Mme le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour présenter l’amendement n° 1827.
M. Patrick Kanner. Les diverses interventions de mes collègues montrent le caractère bancal de cette réforme d’un point de vue budgétaire. Elle sera pénalisante et injuste pour l’immense majorité de nos concitoyens.
Monsieur le ministre, nous vous avons proposé bien des solutions pour dire aux Français que vous les avez compris, mais tel n’est manifestement pas le cas.
Aussi, je sollicite à mon tour la suppression de l’article 6, qui constitue tout de même le soubassement de la réforme que nous allons bientôt examiner avec l’article 7.
Mme le président. La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 1854.
M. David Assouline. Je souhaite également supprimer cet article, qui est une disposition clé, en cela qu’elle est une trouvaille pour apporter quelques arguments justifiant la constitutionnalité de cette loi. Au fond, vous savez bien que tout cela est très bancal.
Nous ne pouvons pas accepter que vos prévisions ne prennent pas en compte les coûts sociaux de cette réforme sur les questions de l’égalité hommes-femmes et du chômage. L’étude de l’Unédic publiée le 1er mars dernier, dont nous avons déjà parlé, montre que, dans les deux ans qui ont suivi la réforme de 2010, quelque 100 000 personnes supplémentaires ont bénéficié des allocations chômage.
Vos prévisions sur quatre ans ne tiennent pas compte de cet élément, alors qu’il n’y a aucune raison que les effets de cette réforme soient moindres, sans parler du coût de l’augmentation des maladies professionnelles ou des accidents du travail. La prolongation du travail après l’âge de 62 ans, lorsque la forme des salariés décline, pèsera sur les comptes.
Par ailleurs, vos propos sur les manifestations me désolent. Deux tiers des Français sont contre cette réforme, et 60 % d’entre eux sont favorables au blocage du pays. Dès lors, de quelle France parlez-vous ? Ce sont ceux qui souffrent le plus et qui se lèvent le plus tôt qui sont dans ces manifestations !
Le vieux discours opposant les manifestants à la France de ceux qui ne manifestent pas et ne font pas grève tombe à plat. Vous êtes hors sol ! Vous reprenez le discours de la droite réactionnaire, sans aucun égard pour l’opinion de nos concitoyens. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Vous, bien sûr, vous êtes la gauche progressiste !
Mme le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour présenter l’amendement n° 1903.
M. Patrice Joly. Cet amendement, comme les précédents, vise à supprimer l’article 6. Pour la branche des retraites, les économies espérées de la réforme sont évaluées à 10 milliards d’euros à l’horizon 2027 et à 17 milliards d’euros à l’horizon 2030.
Toutefois, vous passez sous silence une multitude d’effets budgétaires négatifs. Si l’on prend en compte la somme des dépenses induites par les effets sur le chômage et sur l’assurance maladie, ainsi que par les conséquences macroéconomiques de la réforme – contraction des salaires, baisse de l’activité… –, les économies réalisées tombent, selon l’OFCE, à 2,8 milliards d’euros d’ici à dix ans.
De plus, le Gouvernement n’a pas fourni aux parlementaires les éléments d’analyse indispensables à l’examen de cette réforme, qui est pourtant sans doute l’une des plus importantes du quinquennat. Il n’en a pas précisé les effets directs et indirects ni les conséquences sur les inégalités hommes-femmes, sur le chômage, sur la croissance, sur l’emploi ou encore sur la précarité des seniors.
Enfin, pour aller plus loin sur les conséquences macroéconomiques de cette réforme, si elle est censée engendrer une croissance forte et rapide, ce n’est pas exactement ce que relève l’Insee, l’Institut national de la statistique et des études économiques, et encore moins la direction générale du Trésor.
Dans le document qu’il a présenté au COR l’année dernière, le Trésor prévoyait une hausse du chômage, une hausse des allocataires des minima sociaux, une pression sur les salaires et, bien évidemment, une légère amélioration des comptes publics, qui répond à une volonté d’orthodoxie financière.
Ces équilibres financiers concernant la branche maladie, permettez-moi d’évoquer la question du système de santé, car c’est sur ce sujet que les Français vous attendent, pas sur celui des retraites.
J’ai une pensée pour ceux qui se battent en ce moment même contre la réforme. Dans la Nièvre, 8 000 personnes se sont mobilisées, non seulement contre ce projet de loi, mais aussi pour le maintien de la maternité d’Autun, dans le département voisin. Il est en effet envisagé de la fermer, ce qui aurait pour conséquence pour certains habitants de se trouver à plus d’une heure et quart de la maternité la plus proche.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons supprimer cet article.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter l’amendement n° 2000.
Mme Laurence Rossignol. À l’instant où nous parlons, il y a deux tableaux : celui de l’article 6 et de ses annexes, et celui des manifestations qui se déroulent en France.
Mme Laurence Cohen. Tout à fait !
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre, malgré tous vos efforts pour opposer les Français les uns aux autres, et malgré votre fantasme d’organiser un jour une grande manifestation macroniste sur les Champs-Élysées, à l’image de la manifestation gaulliste du 31 mai 1968. (M. le ministre délégué sourit. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe RDPI.), votre espérance reste vaine.
Je ne sens pas beaucoup de soutien au Gouvernement chez les Français… Les chiffres qui nous remontent sont exceptionnels : 12 000 personnes ont manifesté à Beauvais aujourd’hui, soit deux fois plus que lors des manifestations précédentes ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Dans certaines communes, il y a plus de manifestants que d’habitants, parce que tout le canton est venu manifester ! Le plus important, ce sont ces chiffres-là. Les efforts que vous déployez pour opposer les Français les uns aux autres, au travers de vos propos, sont moralement inacceptables, politiquement inutiles et socialement destructeurs !
Il est temps de changer vos tableaux, pour prendre en compte ceux des manifestants. Posez vos dossiers et adressez-vous aux Français pour leur dire : « Nous vous avons compris ; nous avons essayé, vous n’avez pas voulu ; tâchons désormais de rattraper le mal que l’on vous a fait. » (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. Fabien Gay. Il y a du monde dans la rue !
Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 3196.
Mme Raymonde Poncet Monge. J’ose dire que je souhaite supprimer cet article, parce que j’estime, au vu des rapports dont j’ai pris connaissance, qu’il est insincère quant aux effets macroéconomiques de la réforme.
Monsieur le ministre, les calculs de la Drees sur les transferts de dépenses vers les autres branches portaient sur l’année 2019. Vous pouvez les reprendre, mais alors corrigez-les ! Pour vous rien n’a changé. Vous faites semblant d’oublier, dans le tableau d’équilibre, que 3 milliards d’euros de pensions d’invalidité ne devraient plus y figurer.
Pour les autres branches, cette mesure d’âge va reporter sur l’ensemble des minima sociaux plus de 1 milliard d’euros de dépenses. Les indemnités de sécurité sociale augmenteront de près de 1 milliard d’euros à cause des arrêts maladie, souvent de longue durée. L’assurance chômage devra couvrir 1,3 milliard d’euros de dépenses supplémentaires, souvent aussi pour du chômage de longue durée. Derrière ces 3 milliards d’euros se cachent 200 000 personnes par génération qui verront leur sas de précarité s’allonger !
Monsieur le rapporteur, vous nous dites souvent que ces deux ans ne seront pas deux ans ferme et que nous trompons les travailleurs. Mais, pour ces 200 000 personnes qui perçoivent les minima sociaux, qui sont en arrêt longue maladie ou qui sont chômeurs de longue durée, cet allongement de deux ans représente bien deux ans ferme !
France Stratégies vous le dit : les mesures d’âge figent les situations. Ainsi, vous n’avez plus qu’à les retirer. J’espère vous avoir convaincu, monsieur le rapporteur, que 200 000 personnes prendront bien deux ans ferme avec cette loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Mme le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 4385 rectifié.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le ministre, plusieurs centaines de milliers de personnes sont dans la rue depuis ce matin. Les manifestations sont d’une ampleur qui n’avait pas été vue depuis plusieurs années, que ce soit à Arras, à Nantes, à Lille ou à Paris. (M. Xavier Iacovelli manifeste son impatience.)
M. François Patriat. Et à Saint-Tropez aussi ! (Sourires sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Il est plus que temps que vous retiriez votre projet de réforme. La rue le réclame. Réfléchissez, monsieur le ministre !
Cet amendement vise à supprimer l’article 6 sur les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base de sécurité sociale.
Pour la branche maladie, le Gouvernement prévoit une progression des dépenses de santé de 3,6 % en 2024, puis de 3,2 % en 2025 et 2026. Or, selon les estimations de la commission des comptes de la sécurité sociale, l’évolution naturelle des dépenses de santé est de +4,4 % par an. Cela signifie que le Gouvernement prévoit d’imposer trois années supplémentaires d’austérité à notre système de santé, avec un niveau de dépenses insuffisant par rapport à l’évolution naturelle.
En ce qui concerne la branche famille, la création du service public de la petite enfance est censée être financée par un excédent de seulement 500 millions d’euros.
Pour ce qui est de la branche vieillesse, les économies espérées grâce à la réforme, qui s’élèvent à 10,3 milliards d’euros à l’horizon de 2027 et à 17,7 milliards d’euros à l’horizon de 2030, passent sous silence une multitude de conséquences budgétaires négatives.
Si l’on fait la somme des dépenses induites – chômage, maladie… – et des effets macroéconomiques, les économies réalisées grâce à la réforme tombent à 2,8 milliards d’euros d’ici à dix ans, selon l’OFCE.
Tant sur la forme que sur le fond, nous refusons cet article, qui entérine la réforme scélérate des retraites. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, j’ai pris bonne note de l’exposé des motifs de chacun de ces amendements de suppression de l’article.
Depuis le début de l’examen de ce projet de loi, le mystère plane sur la note de synthèse du Conseil d’État. Certains semblent être en appétit sur cette énigmatique affaire, aussi vais-je m’efforcer de les rassasier quelque peu, en levant un coin du voile sur cette note de synthèse. (Manifestations d’intérêt sur les travées des groupes GEST et SER.)
Eh bien, au risque de vous décevoir, mes chers collègues, le Conseil d’État nous invite à voter l’article 6. (MM. François Patriat et Michel Dagbert applaudissent.) Ce n’était sans doute pas ce que vous attendiez, mais voilà la recommandation du Conseil d’État sur les alinéas 7 et 8.
M. Thierry Cozic. Et sur les autres articles ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. C’est pourquoi, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, la commission émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements de suppression de l’article.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je répondrai en quelques points aux arguments qui ont été soulevés et aux questions qui ont été posées.
En ce qui concerne la sincérité des hypothèses retenues, je rappelle que le Haut Conseil des finances publiques, dans son avis, public, que vous pouvez consulter sur le site du Sénat, a jugé crédibles les estimations qui figurent dans le texte.
S’agissant d’un éventuel effet de report sur d’autres prestations sociales, si celui-ci venait à se concrétiser, il serait infiniment moins important que le surcroît de cotisations induit par l’amélioration du taux d’emploi des seniors. Je rappelle que nous prévoyons 300 000 emplois supplémentaires d’ici à 2030, du fait de la réforme et de l’allongement de la durée du travail.
Par ailleurs, je m’étonne que ceux qui interviennent régulièrement pour appeler à davantage de transparence et pour réclamer que davantage de documents leur soient communiqués déposent des amendements visant à supprimer un article dont le seul objet est d’éclairer le Parlement sur les sous-jacents de la réforme et les perspectives pour nos comptes sociaux !
En effet, le cœur de cet article, sa raison d’être, c’est, conformément à la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, d’éclairer le Parlement.
M. Bernard Jomier. Et l’avis du Conseil d’État ?
M. Hussein Bourgi. On veut l’avis du Conseil d’État !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Alors que vous réclamez régulièrement que le Parlement soit davantage éclairé, vous proposez de supprimer un article dont c’est précisément l’objet…
M. Mickaël Vallet. Nous allons voter l’article alors !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Au sujet des manifestations, certains d’entre vous ont en quelque sorte fait la leçon au Gouvernement et à la majorité sénatoriale qui soutient cette réforme.
Mme Laurence Rossignol. Ils peuvent se défendre tous seuls, monsieur le ministre !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Il y a une vraie différence entre vous et nous. (Marques d’assentiment et vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ça, c’est sûr !
M. Rachid Temal. C’est l’évidence !
M. Hussein Bourgi. Vous êtes de droite et nous sommes de gauche !
M. Fabien Gay. Vous n’écoutez pas les Français !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Cette vraie différence, c’est que nous, même lorsque c’est difficile, nous assumons notre position et nos convictions, pas vous ! (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. Vincent Éblé. Quel donneur de leçons !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Plusieurs d’entre vous ont déclaré qu’ils revenaient des manifestations.
Avez-vous dit aux manifestants que, hier soir, vous aviez défendu un amendement pour augmenter la CSG sur les petits retraités à partir de 1 600 euros ? Leur avez-vous dit que vous aviez défendu un amendement visant à appliquer des droits de succession aux petits agriculteurs, qui en sont actuellement exonérés, sur la terre qu’ils ont travaillée et qu’ils veulent transmettre à leurs enfants ? (Mêmes mouvements.)
M. Thomas Dossus. Allez leur dire, dans les cortèges !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Avez-vous dit aux manifestants que vous avez croisés que vous proposiez de surtaxer les heures supplémentaires, qui concernent un salarié sur deux et deux ouvriers sur trois ? Leur avez-vous dit que vous proposiez d’augmenter le coût du travail pour nos artisans et commerçants, au point d’entraîner une destruction massive d’emplois ? Vous proposiez 700 euros de charges en plus pour un salarié au Smic ! (Mêmes mouvements.)
M. Éric Kerrouche. Bref, ce serait l’apocalypse !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous assumons nos convictions et nos positions. Dans les cortèges, vous dites que vous voulez taxer les milliardaires. Mais dans cet hémicycle, vous proposez de matraquer les classes moyennes ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et Les Républicains. – Vives protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote.
Mme Hélène Conway-Mouret. En écoutant l’ensemble des interventions visant à supprimer l’article 6, une question vient spontanément à l’esprit, toute simple, mais fondamentale.
M. Emmanuel Capus. « Pourquoi tant de répétitions ? »…
Mme Hélène Conway-Mouret. Quand on se rend compte que la grande majorité des Français n’auront pas cotisé les 43 annuités nécessaires pour cause de carrière hachée, de dégradation de l’état de santé ou par choix de vie, pour se consacrer à la vie associative ou à sa famille, finalement, repousser l’âge de départ à la retraite n’est-il pas une façon de pousser ceux-ci à cotiser auprès d’assurances et de fonds de retraite privés ?
Mme Hélène Conway-Mouret. Est-ce là la face cachée de cette réforme ?
M. Vincent Éblé. Ce n’est même pas caché !
Mme Hélène Conway-Mouret. Sinon, comment expliquer votre attachement à ce report de deux ans ?
Mme le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. À l’instar de mes collègues, je salue les 50 000 personnes qui ont manifesté à Lyon. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Marie-Arlette Carlotti et M. Éric Bocquet applaudissent également.)
Si le ministre retirait sa réforme, il pourrait éviter aux habitants de Villefranche-sur-Saône de défiler eux aussi dans un quart d’heure…
Monsieur le ministre, si nous voulons supprimer cet article, c’est parce que nous estimons que vous faites preuve d’un manque de sincérité. Cela fait plusieurs mois que la bataille des chiffres a fait éclater au grand jour les approximations du Gouvernement. Le week-end dernier, Aurore Bergé a dû préciser que cette réforme n’était pas une arnaque. Si elle a dû le préciser, c’est que certaines annonces du Gouvernement en ont fait douter…
En décembre dernier, Marlène Schiappa, Bruno Le Maire ou encore Olivier Véran évoquaient un plancher à 1 200 euros mensuels grâce à cette réforme. Le 10 février, Franck Riester, qui n’en disait pas moins quelques jours auparavant, a amorcé un grand rétropédalage. Le travail de nos députés, notamment celui de Jérôme Guedj, a mis au jour le faible nombre de personnes qui bénéficieraient de cette mesure.
Saluons toutefois Olivier Dussopt, qui a fait preuve d’un éclair de sincérité lorsqu’il a reconnu que certaines prises de paroles avaient pu être confuses. Cela arrive, car c’est un sujet d’une grande complexité, mais il y a aussi une grande improvisation de votre part. Aussi comprendrez-vous que nous doutions un peu de votre sincérité.
Loin de ces chiffres et de ces approximations, nous avons surtout constaté la brutalité de cette réforme.
En effet, non seulement vous voulez faire travailler les Français deux ans de plus, mais vous avez passé la soirée à écarter des pistes pour taxer les plus grandes fortunes, les milliardaires et même les robots ! Nous avons été très imaginatifs, comme l’ont reconnu certains collègues de droite, pour vous proposer d’autres solutions, mais vous les avez toutes rejetées, préférant faire payer ceux qui triment déjà beaucoup.
Mme le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.
M. Daniel Breuiller. Monsieur le ministre, M. Véran a eu beau annoncer que la pluie de criquets annonciatrice de l’apocalypse allait s’abattre sur le pays, cela n’a pas empêché des millions de personnes de contester votre réforme et elles continueront de le faire… (Sourires sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
Au sein de cet hémicycle, il semble que les témoignages soient peu appréciés : lorsque j’avais livré celui de l’Atsem d’Arcueil qui estimait qu’on allait lui voler les deux meilleures années de sa vie, des murmures de réprobation avaient parcouru les rangs de notre hémicycle. Pourtant, chacun reconnaît l’aspect respectable et essentiel du métier d’Atsem, et Arcueil, la ville d’Érik Satie et de la devise olympique, est, je n’en doute pas, unanimement appréciée.
Je me permettrai donc de partager un autre témoignage : celui de Stéphane. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Ah ! Où est Stéphane Piednoir ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Breuiller. Stéphane est né en 1952. Ni jeune ni vieux, il est directement et indirectement concerné. Il m’a écrit, ainsi qu’à vous, monsieur le ministre, et pas seulement sur sa situation personnelle.
« Nous regrettons tout d’abord, a-t-il écrit, que cette mesure ait été annoncée sans concertation préalable avec les élus locaux. Nous anticipons une forte augmentation de l’absentéisme avec le report de l’âge légal à 64 ans. Malgré la mise en place de la retraite progressive à 62 ans, l’absentéisme est déjà important chez les plus de 60 ans, avec en moyenne 49 jours d’absence pour raisons de santé.
« Aujourd’hui, dans certains secteurs, nous avons des difficultés à assurer la continuité de services publics locaux aussi essentiels que les crèches, le périscolaire, les cantines et les services sociaux.
« Il est en effet compliqué pour de nombreuses communes de recruter des contractuels sur des postes de remplacement, par nature précaires, et plus encore dans les zones où le coût de la vie est élevé, ce qui est le cas d’une grande partie de l’Île-de-France. Cela donne lieu à des reports de charges importants sur les équipes en place, avec des phénomènes d’épuisement au travail, qui nourrissent l’absentéisme. »
Je tenais à saluer Stéphane Beaudet, président des maires d’Île-de-France et vice-président de la région Île-de-France ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le ministre, il y a une vraie différence entre vous et nous : c’est celle qui existe entre un projet de droite et un projet de gauche, car ce n’est pas la même chose.
Vous arguez que nous comptons taxer davantage les petits, etc. Il faut raison garder : les exonérations de cotisations sociales représentent non pas 20 milliards d’euros, mais 70 milliards d’euros, dont certaines sont certes compensées, mais pas toutes.
Par exemple, les exonérations qui sont prélevées sur les salaires sont en réalité une trappe sur les bas salaires, car elles créent un effet de substitution par des emplois précaires à bas salaire des emplois stables et qualifiés. De plus, elles induisent un effet de seuil : les entreprises embauchent au niveau des exonérations dont elles bénéficient. Mettre fin aux exonérations, c’est donc développer l’emploi et l’augmentation des salaires en favorisant un nouveau type de croissance.
Comme vous nous demandez des propositions, nous allons réitérer celles que nous avons déjà formulées à plusieurs reprises, car il paraît que la répétition est la mère de la pédagogie.
Si vous mettiez à contribution les revenus financiers, en appliquant le taux des cotisations patronales aux 360 milliards d’euros de profits des grandes entreprises, vous feriez entrer 36 milliards d’euros dans les caisses de l’État, dont 15 milliards d’euros pour les retraites.
La modulation à la hausse du taux des cotisations patronales pénaliserait les entreprises qui licencient et pratiquent de bas salaires et inciterait les entreprises à développer l’emploi, les salaires et la formation, y compris les PME.
Voilà nos propositions pour faire autrement ! Quant à vous, vous nous faites examiner des tableaux dans lesquels vous réajustez un Ondam (objectif national de dépenses d’assurance maladie) qui mettra encore à genoux les hôpitaux. Plusieurs de nos collègues nous disent, la main sur le cœur, défendre les professionnels de santé, protéger nos hôpitaux alors qu’ils comptent voter le texte. Mes chers collègues, vous faites tout le contraire !
En votant cette réforme des retraites, vous allez encore aggraver les conditions de travail des milliers de salariés que vous avez applaudis pendant la crise de la covid-19.
C’est pourquoi nous refusons vos propositions. (Mmes Michelle Gréaume et Michelle Meunier applaudissent.)