Mme Émilienne Poumirol. Une victoire à la Pyrrhus !
M. Patrick Kanner. … nous continuerons de lutter contre cette réforme, dont les Français ne veulent pas. Ils l’ont encore fait savoir aujourd’hui.
Cette réforme est marquée du sceau du mépris, celui du Président de la République pour le monde syndical, notamment, comme sous son quinquennat précédent, au cours duquel il n’a pas respecté les corps intermédiaires.
Malgré votre fatigue, malgré la nôtre – nous parlons un peu plus que vous, vous l’avez noté (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) –, nous continuerons d’être présents dans cet hémicycle pour dire « non » à cette réforme. Il faut la retirer ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. De mémoire, monsieur Kanner, les Mexicains étaient non pas 5 000, mais 7 000, sous les ordres du général Santa Anna, en 1836. (Rires et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 1862.
M. David Assouline. Nous allons continuer d’essayer de vous sensibiliser au caractère injuste de cette réforme.
Selon une étude réalisée en 2010 par l’Insee, 25 % des 5 % les plus pauvres sont morts sans avoir atteint l’âge de 62 ans. À l’autre extrémité de l’échelle sociale, 95 % des 5 % les plus fortunés – ceux qui gagnent 5 600 euros par mois – sont encore en vie à 62 ans. Seuls 5 % sont déjà décédés.
Ces chiffres illustrent les raisons pour lesquelles la question de la retraite est si sensible pour certaines catégories de la population, celles, et elles sont les plus nombreuses, qui connaissent les plus grandes souffrances au travail durant leur vie.
J’ai entendu des discours hors sol, de ceux que l’on peut tenir quand on ne sort pas de son milieu social. Prendre sa retraite à 64 ans, ce n’est pas horrible pour ceux qui ont travaillé dans une relative sérénité, dans un bureau, mais pour d’autres, c’est une course pour la vie. Ceux-là savent que, à la fin de leur vie professionnelle, ils seront diminués physiquement et moralement et qu’ils mourront peut-être avant les autres. Ils aspirent donc à prendre leur retraite, ils en ont plus besoin que les catégories aisées.
Voilà pourquoi vous devez comprendre ce que disent dans la rue des centaines de milliers de nos concitoyens et pourquoi, en cette période où nous connaissons de grandes difficultés économiques, il faut impérativement retirer cette réforme si vous ne voulez pas fracturer le pays.
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour présenter l’amendement n° 1928.
M. Patrice Joly. Cet amendement est un amendement de rejet de l’Ondam, car le montant fixé conduit en fait à une baisse, en valeur réelle, des dépenses de l’assurance maladie alors que les besoins sont immenses.
C’est là une raison supplémentaire de rejeter ce texte, qui, on le voit bien, n’est pas bouclé de manière satisfaisante, car il ne prend pas en compte les besoins des Français.
Les milliers de Français mobilisés contre cette réforme ces derniers jours, au cours de six manifestations historiques, l’ont d’ailleurs bien compris. Au total, 90 % des actifs sont opposés au report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans.
Votre seule réponse, c’est votre mépris pour l’opposition sénatoriale, qui est bâillonnée ; c’est aussi le mépris du Président de la République, dont c’est la réforme, pour les syndicats, qu’il refuse de recevoir ; c’est enfin le mépris pour les salariés et l’ensemble des Français.
Ce projet n’est pas légitime. Le peuple le montre et vous demande de le retirer.
Il faut travailler sur les différences en termes d’espérance de vie, laquelle varie de deux ans selon le territoire où l’on vit. Elle est plus faible dans les territoires ruraux que dans les territoires métropolitains, mais je sais aussi que beaucoup de quartiers des territoires métropolitains ne sont pas suffisamment dotés. Les écarts d’espérance de vie peuvent même atteindre cinq ans selon les catégories sociales. On mesure ainsi l’ampleur de l’injustice qu’il y a lieu de corriger.
Avec la prolongation de la durée du travail, ces injustices vont encore s’accroître pour ceux qui exercent les métiers les plus difficiles.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter l’amendement n° 2008.
Mme Laurence Rossignol. Vous nous avez invités à présenter nos amendements ; vous auriez été surpris, mes chers collègues, si nous n’avions pas déposé d’amendements de suppression de l’article 15, alors que nous en avions déposé sur l’article liminaire, dont cet article est le pendant. (Mme la rapporteure générale acquiesce.)
Je vois que Mme la rapporteure générale hoche la tête, ce qui signifie qu’elle acquiesce à mon propos. Je sais que si nous n’avions pas déposé d’amendements de suppression, elle n’aurait pas manqué de relever notre incohérence. Pour ma part, je tiens à souligner la cohérence de nos amendements.
Cela étant, je pense que nous n’avons pas suffisamment évoqué, notre débat étant tronqué, la question de la retraite des femmes.
Lorsque le Gouvernement nous a présenté son projet de loi voilà six ou huit semaines, à l’entendre, c’est tout juste s’il n’avait pas été concocté lors d’une réunion du MLF, du collectif #Nous toutes ou de n’importe quelle association féministe contemporaine. C’était un projet pour les femmes ! Remarquez, maintenant que j’ai entendu M. Ciotti nous expliquer que le féminisme était une valeur de droite et que cette réforme était de gauche, je prends avec beaucoup de prudence ce que disent les uns et les autres ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
Il me reste quarante-sept secondes pour vous dire que, non, ce projet n’est pas féministe, parce qu’il ne prend pas en compte les particularités de l’activité professionnelle des femmes, puis de leur retraite.
Puisque l’on parle de l’Ondam, je pense en particulier aux soignantes, le port de charges lourdes ayant été supprimé des critères de pénibilité depuis 2017. Or les infirmières, c’est désolant à dire, ont une espérance de vie inférieure de sept ans à la moyenne des femmes parce que leurs facteurs de pénibilité ne sont plus pris en compte depuis 2017.
Une véritable réforme féministe, monsieur le ministre, au cas où vous auriez réellement songé à en faire une, aurait pris en compte les charges physiques et mentales qui pèsent sur les femmes. Vous auriez pu alors vous présenter devant elles et leur dire que vous aviez fait quelque chose pour elles.
M. le président. Les amendements nos 2090 et 2280 ne sont pas défendus.
La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour présenter l’amendement n° 2289.
M. Jean-Claude Tissot. Comme le précédent, le présent article nous est imposé dans le cadre d’un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Il nous revient à présent de nous prononcer sur un objectif national de dépenses de l’assurance maladie inchangé par rapport à celui qui a été adopté dans le PLFSS pour 2023.
Même si cet article tient en une seule phrase, il y a beaucoup à en dire. Tout d’abord, l’objectif de dépenses fixé par le Gouvernement est insuffisant aujourd’hui, comme il l’était à l’automne. Il table en effet sur des dépenses d’assurance maladie en baisse, alors même qu’elles s’inscrivent dans un contexte d’inflation de plus de 4 %.
Ne pouvant corriger ce chiffre, sous peine de tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution, qui nous interdit la création de toute charge publique, nous proposons la suppression de cet article. À défaut, il faudra que quelqu’un nous explique par quel miracle les dépenses d’assurance maladie seraient suspendues hors du temps et échapperaient à l’inflation.
Or personne, nous le savons, ne nous expliquera rien, puisque le recours du Gouvernement à l’article 44, alinéa 3, nous interdit tout débat sur nos amendements. Nous voilà constitutionnellement réduits à nous exprimer dans le désert.
Cela ne change pas grand-chose pour nos collègues de la droite sénatoriale, qui, depuis le début de nos débats, se sont appliqués à eux-mêmes l’article 44.3 par anticipation en restant volontairement muets. On peut désormais dire que la droite sénatoriale aura littéralement devancé les désirs du Gouvernement !
En termes d’intérêt des débats, le fait que l’on nous dise par avance que nos questions ou propositions ne méritent aucune réponse pose tout de même problème. Au point où l’on en est, on se demande, monsieur le ministre, pourquoi votre gouvernement n’a pas simplement fait cette réforme des retraites par ordonnance ?
Vous auriez fait gagner du temps à nos collègues de droite, qui avaient visiblement mieux à faire que prendre douze journées pour décider, en pleine connaissance de cause, que nos concitoyens devront travailler deux ans de plus.
Certains d’entre vous ont eu l’indécence de traiter de fainéants les travailleurs attachés à prendre leur retraite à 62 ans. Que vont penser nos concitoyens de ces sénateurs prêts à tous les sacrifices pour pouvoir partir en week-end. À vous les artifices, à eux les sacrifices ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. Votre temps de parole est écoulé.
M. Jean-Claude Tissot. Il ne faudra pas venir se plaindre que nos concitoyens n’ont pas une bonne opinion du Sénat et doutent de son utilité.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 3195.
M. Daniel Salmon. Avec cet amendement de suppression, nous vous demandons de reconsidérer en profondeur les logiques « austéritaires » qui ont jusqu’à présent présidé à l’établissement de l’Ondam.
Nous vous demandons de financer les établissements de santé à la hauteur des besoins, soit 1,2 milliard d’euros supplémentaire dès maintenant, en suivant une logique des besoins des territoires de santé et non une logique austéritaire à peine atténuée par des rallonges ponctuelles et insuffisantes.
Ainsi, la rectification partielle de l’Ondam pour 2022 ne suffit pas à masquer un Ondam pour 2023 qui ne rattrape pas le retard des budgets précédents, d’autant que l’inflation persiste et pèse sur les investissements.
Mais, au-delà de cet amendement, cette réforme des retraites pose un débat de fond : quel monde voulons-nous ? Voulons-nous de ce monde qui glorifie la valeur travail, mais qui crée du chômage et de l’exclusion, qui détruit la planète, qui fait pression sur la puissance publique pour l’appauvrir, qui organise la concurrence et l’injustice fiscale ?
Plutôt qu’un monde de régression sociale et de désolation environnementale, allons vers plus de commun et de solidarité et construisons un autre héritage, où le travail aurait plus de sens, serait moins pénible et remis à sa juste place.
C’est pour inventer cet autre monde et défendre leur retraite que les Français ont participé en masse à six manifestations historiques et que 90 % des actifs sont opposés à la retraite à 64 ans. Votre seule réponse, c’est le mépris. Mépris envers l’opposition sénatoriale. Mépris, surtout, du Président de la République envers les syndicats, qu’il refuse de recevoir. Mépris envers les salariés et les Français. « Votre projet n’est pas légitime, retirez-le ! », demandent tous ceux qui travaillent à l’hôpital et qui travaillent pour nous. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour présenter l’amendement n° 4059 rectifié.
M. Pierre Laurent. Nous proposons de supprimer cet article pour vous dire une fois de plus que nous ne pouvons accepter la limitation des dépenses qui en découle, d’autant que d’autres solutions étaient possibles.
Monsieur le ministre, vous avez, de manière assez irrespectueuse, utilisé dans le débat national le nom de notre amie Yolanda Díaz, la ministre du travail espagnole. Vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a eu une négociation, sous pression de la Commission européenne, avec le gouvernement espagnol sur le mode de calcul des pensions de retraite.
Or il se trouve que le gouvernement espagnol a, lui, décidé de mettre davantage à contribution les revenus les plus élevés. Le mécanisme finalement retenu a prévu d’accroître l’assiette de cotisations, c’est-à-dire la part du salaire sur laquelle les employés cotisent, pour dégager des recettes supplémentaires. Ce gouvernement a entériné un doublement d’ici à 2029 du taux de contribution au mécanisme d’équité intergénérationnelle qui alimente le fonds de réserve.
Tout cela fait partie de propositions que nous avons faites pendant le débat, mais qu’évidemment vous avez toutes écartées. Je crois que les Français ne sont pas dupes des arguments que vous avez tenté d’employer pour justifier votre réforme. C’est exactement pour cela que nous en sommes aujourd’hui à la sixième manifestation historique. C’est pour cela que 90 % des actifs restent opposés à la retraite à 64 ans. C’est pour cela qu’ils ne comprennent pas que votre seule réponse soit le mépris : mépris envers l’opposition sénatoriale, mépris du Président de la République envers les syndicats, qu’il refuse de recevoir, mépris envers les Français et les salariés qui manifestent aujourd’hui.
Votre projet n’avait pas de légitimité en entrant dans cet hémicycle ; il en aura encore moins en en sortant après l’utilisation du 49.3 sénatorial. Vous n’avez qu’une seule solution, monsieur le ministre : retirez votre projet ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – MM. Daniel Salmon et Rémi Cardon applaudissent également.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous évoquons là l’objectif national des dépenses d’assurance maladie. Avec ma collègue Corinne Imbert, qui est chargée de cette branche, nous avions eu quelques doutes, monsieur le ministre, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, sur le montant de dépenses que vous aviez retenu. C’est la raison pour laquelle nous avions souhaité qu’il soit recalibré.
Lors de la discussion générale, j’ai demandé la communication des éléments nécessaires à notre réflexion concernant l’Ondam, qui ne nous semblait pas adapté à l’ensemble des dépenses identifiées par Corinne Imbert.
Je veux indiquer à ma collègue Laurence Rossignol, dont je connais la constance, que ses questions sont tout à fait légitimes. Nous débattons suffisamment de ces sujets en commission des affaires sociales pour ne pas en être surpris. Monsieur le ministre, j’y insiste, pouvez-vous nous donner les éléments relatifs au montant de l’Ondam ?
Je remercie M. Kerrouche d’avoir évoqué le roi Ubu dans cette enceinte. Alfred Jarry est né à Laval, en Mayenne : je suis toujours sensible aux citations d’auteurs de mon département. Ubu roi, c’est l’absurde : cette pièce montre un personnage plus empli de passion que de raison. Mais il faut savoir faire preuve des deux ! Pour se laisser entraîner par la passion, il faut s’en donner les moyens. Les comptes publics, c’est aussi la raison de mon engagement politique : pour toute protection sociale, il faut mettre en face les moyens financiers nécessaires pour pouvoir la mettre en œuvre dans la durée. Il faut donc faire preuve de raison ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Fabien Genet. La passion de la raison !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. L’avis du Gouvernement est évidemment défavorable, pour au moins deux raisons.
Première raison, cet article 15 est obligatoire. Le supprimer reviendrait à mettre en cause la validité de l’intégralité du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.
Seconde raison, je présenterai dans un instant un amendement pour rehausser le niveau de l’Ondam à hauteur de 750 millions d’euros, dont 600 millions au profit des établissements de santé, ce qui permettra de financer la prolongation des mesures d’urgence sur la rémunération du temps de travail de nuit. Nous financerons cette surrémunération, qui devait prendre fin le 31 mars 2023, le temps que le travail se poursuive sur la valorisation des sujétions à l’hôpital et la permanence de soins.
Ce relèvement de l’Ondam permettra aussi de financer, à hauteur de 150 millions d’euros, le sous-objectif concernant les soins de ville, afin de tenir compte des prévisions de dépenses supplémentaires en 2023.
La croissance de l’Ondam sera donc de 3,5 %, hors dépenses de crise, pour faire suite à des annonces de revalorisation salariale pour les personnels des établissements de santé et médico-sociaux, ainsi qu’à des compensations d’inflation – cela a été vu par les différents services de la manière la plus juste qui soit.
Je veux aussi préciser que, si ce relèvement de l’Ondam ne vous est présenté qu’à cet instant, c’est parce qu’une fois les décisions prises, le délai de saisine du Haut Conseil des finances publiques ne permettait pas de le faire avant.
Parmi tous les arguments qui ont été évoqués, je voudrais revenir sur un point abordé par M. Assouline : celui de la part des Français les plus défavorisés qui sont malheureusement décédés à l’âge de la retraite. Cet argument, qui est souvent utilisé, ne s’avère pas pertinent, même s’il pointe un défi de taille.
On dit que 25 % des 5 % de Français les plus pauvres sont décédés à l’âge de la retraite – l’âge qui est aujourd’hui souvent avancé est celui de 62 ans –, mais la réalité est plus dramatique que cela : 25 % des Français les plus défavorisés sont décédés à 60 ans. C’est non pas la question d’âge qui est importante, mais celle du revenu.
M. Assouline a rappelé le niveau de revenu à partir duquel on appartenait aux 5 % des Français les plus favorisés. Le niveau de revenu en deçà duquel on appartient à la catégorie des 5 % de Français les plus défavorisés est un revenu en moyenne égal ou inférieur à 500 euros par mois sur la durée de son existence.
On est là face à la question de la très grande précarité, qui est loin de l’enjeu des retraites, car on parle malheureusement de Françaises et de Français qui n’ont quasiment à aucun moment de leur vie accès au travail, en tout cas jamais de manière durable, et qui vivent ou survivent avec des niveaux de revenu égaux ou inférieurs aux minima sociaux. Pour eux, la question de la retraite ne se pose donc malheureusement pas.
Je tenais à préciser ce point parce que, dans les débats sur les retraites, ce chiffre de 25 % des Français les plus défavorisés décédés à l’âge de la retraite est souvent cité. C’est malheureux, mais cela ne signifie pas qu’il n’y a rien à faire, loin de là ! Ces personnes ne sont malheureusement pas concernées par ces âges de départ du fait de leur très grande précarité.
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour un rappel au règlement.
M. Rémi Féraud. Mon rappel au règlement, que je ferai au nom de mon groupe, est fondé sur l’article 33 du règlement du Sénat.
Lorsque Rémi Cardon s’est exprimé dans le temps qui lui était imparti, déjà très court, l’un de nos collègues s’est permis de dire : « Il est jeune, il dit des conneries. »
Mme Sophie Primas. Qui a dit cela ?
M. Rémi Féraud. Est-ce vraiment un propos acceptable dans notre hémicycle ? Est-ce la seule chose que nous aurions à dire aux plus jeunes sénateurs ? N’est-il pas préférable, pour donner son avis sur le projet de réforme des retraites, de s’inscrire pour intervenir sur les articles ?
Je souhaite que celui qui a prononcé cette phrase malheureuse s’excuse auprès de notre collègue Rémi Cardon. Elle sera de toute façon inscrite dans le compte rendu de nos débats.
Je regrette aussi, monsieur le président, que Rémi Cardon ait été très largement privé des 120 petites secondes – car le temps de parole que nous avons est, je le redis, extrêmement court –, car ce propos et le tumulte qui s’en est ensuivi l’ont empêché de bénéficier de son temps de parole. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Paccaud. On récolte toujours ce que l’on sème !
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Ce collègue, c’est moi¸ monsieur le président. (Ah !sur les travées du groupe Les Républicains.) Mes propos ont été déformés et sortis de leur contexte.
Lorsque Rémi Cardon s’est exprimé, il a dit, s’adressant à l’autre partie de l’hémicycle : « Ah, mais vous êtes encore vivants ? » Lorsque les sénateurs visés ont réagi, Mme la ministre Rossignol a dit que l’on s’en prenait à lui parce qu’il était jeune. J’ai répondu : « Est-ce parce qu’il est jeune qu’il dit de telles conneries ? »
M. Rémi Cardon. C’est encore pire !
M. Thani Mohamed Soilihi. Nous avons tous été jeunes. Je suis prêt à retirer mes propos si notre collègue s’engage à ne plus dire de sottises de la sorte. (Rires et applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, monsieur Féraud.
Mes chers collègues, je vous rappelle qu’en application de l’article 36, alinéa 10, du règlement, les interpellations de collègue à collègue sont interdites, et elles ont été nombreuses depuis quelques jours…
Je vous invite à respecter les interventions de chacun des intervenants et je vous rappelle que, normalement, les rappels au règlement portant sur des mises en cause personnelles se font à l’issue de la séance. Mais, en l’occurrence, mieux valait purger tout de suite la situation ! (Rires sur diverses travées.)
Article 15 (suite)
M. le président. L’amendement n° 4724, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Pour l’année 2023, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base et ses sous-objectifs sont fixés comme suit :
(En milliards d’euros) |
|
Sous-objectif |
Objectif de dépenses |
Dépenses de soins de ville |
104,0 |
Dépenses relatives aux établissements de santé |
101,3 |
Dépenses relatives aux établissements et services pour personnes âgées |
15,3 |
Dépenses relatives aux établissements et services pour personnes handicapées |
14,6 |
Dépenses relatives au fonds d’intervention régional et au soutien national à l’investissement |
6,1 |
Autres prises en charge |
3,4 |
Total |
244,8 |
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. J’ai présenté cet amendement en m’opposant aux amendements de suppression. Il est donc défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Favorable.
M. le président. Le vote est réservé.
Le vote sur l’article 15 est également réservé.
Après l’article 15
M. le président. L’amendement n° 2992 rectifié, présenté par Mmes Jasmin et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Le Houerou, M. Jomier, Mmes Poumirol, Meunier, Rossignol et Blatrix Contat, MM. Bourgi, Chantrel et Cardon, Mme Conway-Mouret, MM. Durain et Leconte, Mme Monier, MM. Temal, Tissot, Lurel, Féraud et Marie, Mme de La Gontrie, MM. Raynal et Stanzione, Mme Carlotti, M. Redon-Sarrazy, Mme Artigalas, MM. Jacquin, Assouline, Mérillou, Houllegatte et Lozach, Mme Van Heghe, M. Magner, Mme Bonnefoy, MM. Roger, Montaugé, Cozic et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Au 3° du I de l’article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale, après le mot : « spécifiques », sont insérés les mots : « , liés notamment à l’éloignement, à l’insularité, aux surcoûts des dépenses de personnel, de maintenance du matériel et de mise aux normes des bâtiments ainsi qu’aux sur-dépenses liées à la précarité sanitaire des populations ».
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Il s’agit d’un amendement visant à insérer un article additionnel après l’article 15, en vue d’assurer un financement réaliste et adapté à la situation des outre-mer.
Cet amendement de ma collègue Victoire Jasmin vise à préciser les critères sur lesquels reposent les coefficients géographiques.
À la Guadeloupe et aux quatre coins du monde, il y a eu six manifestations historiques ; et 90 % des actifs sont opposés à la retraite à 64 ans. La seule réponse, c’est le mépris. Mépris envers l’opposition sénatoriale. Mépris, surtout, du Président de la République envers les syndicats, qu’il refuse de recevoir. Mépris envers les salariés et les Français. Votre projet n’est pas légitime, retirez-le – je ne le dirai pas en créole ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
La crise sanitaire a mis en en lumière les difficultés structurelles de l’offre de soins en outre-mer et la sous-dotation généralisée des établissements de santé de ces territoires.
Depuis plusieurs années, Mme Jasmin et ses collègues des départements d’outre-mer (DOM) alertent le Gouvernement sur l’urgence de revoir le financement de ces établissements, notamment par la revalorisation des coefficients géographiques.
Dans tous les départements d’outre-mer, les hôpitaux font face à des surcoûts liés à l’insularité, aux dépenses de personnel, aux frais d’approche, de transport et aux taxes, aux évacuations sanitaires, mais également à la mise aux normes des bâtiments en matière sismique et cyclonique.
Les coefficients géographiques appliqués dans les outre-mer par la sécurité sociale aux tarifs nationaux, au forfait annuel et à la dotation complémentaire des établissements de santé, bien que majorés par rapport à l’Hexagone, ne compensent pas les charges pesant sur les hôpitaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je voudrais dire à notre collègue Victoire Jasmin combien je suis sensible à la question qu’elle pose au travers de cet amendement. Elle l’avait déjà soulevée lors du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale.
J’aimerais que nous essayions ensemble de déterminer ces critères. Les définir dans un texte législatif risque de nous conduire à des oublis, par exemple celui d’un critère qui s’avérerait important. Ce qui peut valoir pour une île ou un territoire peut avoir des effets négatifs sur un autre. Il serait bon que nous puissions examiner ce sujet avec elle et peut-être avec nos autres collègues des outre-mer. La santé doit être la même pour tous, quel que soit le territoire. C’est cette égalité de traitement qui doit prévaloir.
L’avis est défavorable, mais je veux travailler sur ce sujet avec elle, car je sais combien il lui tient à cœur.