Mme la présidente. L’amendement n° 185, présenté par MM. Dantec, Benarroche et Breuiller, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 191 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Le rythme de l’artificialisation des sols entre la dixième et la vingtième année suivant la promulgation de la présente loi doit être tel que la consommation totale d’espace observée à l’échelle nationale, depuis cette promulgation, soit inférieure à 75 % de celle observée sur les dix années précédant la promulgation de la présente loi. Le rythme de l’artificialisation des sols entre la vingtième et la trentième année suivant la promulgation de la présente loi doit être tel que, depuis cette promulgation, la consommation totale d’espace observée à l’échelle nationale soit inférieure à 87 % de celle observée sur les dix années précédant la promulgation de la présente loi. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre préliminaire :
Dispositions de programmation
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement vise à combler un manque évident de la loi Climat et résilience : l’objectif de –50 % d’artificialisation nouvelle est très clair pour ce qui concerne la prochaine décennie, bien que sa mise en œuvre soit sujette à débat, nous y reviendrons, mais qu’en sera-t-il pour les suivantes ?
Il est question d’une trajectoire qui nous mène à zéro artificialisation en 2050. Or, si nous avons réduit de moitié l’artificialisation en 2031, il n’y a aucun chiffre pour la suite.
Cet amendement vise donc à définir une trajectoire par rapport à la période de référence : –50 % en 2031, –75 % dix ans plus tard et –87 % en 2051. Comme la loi doit permettre une certaine souplesse, les territoires qui ne consommeront pas l’intégralité de l’enveloppe au cours de la première décennie pourront reporter la part non consommée sur la suivante, à condition de respecter l’objectif de –75 % à la fin de la décennie.
En effet, il me semble important que l’État précise comment il voit les vingt ans qui suivront la première décennie – c’est véritablement un angle mort de la loi.
Par ailleurs, je regrette profondément – nous avons eu l’occasion d’en parler en commission spéciale – que nous n’appliquions pas la définition des Enaf à l’ensemble de la période, qui permet de distinguer l’attache urbaine d’un côté et les espaces naturels de l’autre. Cela aurait profondément simplifié la loi et l’aurait rendue plus lisible.
Aussi, les dispositions de cet amendement se fondent sur le présupposé que l’on maintiendrait au cours de l’ensemble de la période la définition des Enaf, avec une trajectoire de baisse régulière.
Cet amendement me semble de bon sens. J’aimerais un jour comprendre pourquoi l’État n’a pas choisi de conserver les Enaf jusqu’en 2050 !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Mon cher collègue, cette proposition de loi vise à apporter de la souplesse. Nous comprenons parfaitement l’urgence climatique et votre volonté de cranter des trajectoires ambitieuses, mais nous cherchons à lever des contraintes, non à en ajouter.
Par ailleurs, nous souhaitons dire que les élus font déjà preuve de sobriété foncière depuis longtemps et que l’on peut leur faire confiance pour s’inscrire d’eux-mêmes dans la trajectoire.
Aussi, la commission spéciale demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. Le Gouvernement aborde la période 2031-2050 avec humilité. Nous ne sommes pas encore en 2031 ! Ce n’est que lorsque nous nous approcherons de cette date que nous pourrons observer comment le texte que nous aurons voté aura été appliqué et faire valoir une éventuelle clause de rendez-vous.
Avant de déterminer les trajectoires de la période qui suit, il conviendra de tirer les leçons de la période écoulée, ainsi que d’examiner où nous en sommes et quels sont les besoins.
Honnêtement, si nous en étions au vote initial d’un texte, nous pourrions définir des trajectoires. Mais nous sommes en train de réviser des dispositions pour lesquelles nous sommes parfois allés un peu vite… Ainsi, je me garderais d’ajouter des trajectoires précises entre 2031-2050 avant d’avoir constaté à quoi la première décennie aura abouti.
Le Gouvernement demande donc lui aussi le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettrait un avis défavorable.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. J’entends les arguments qui viennent d’être avancés, mais ils ne répondent qu’à l’une de mes deux questions, celle qui porte sur la trajectoire.
Mon autre interrogation est la suivante : pourquoi donc est-on sorti de la définition des Enaf pour les vingt ans qui suivent ?
Cette question, qui se posera de nouveau lorsque nous discuterons de l’article 9, est très importante. L’objet de cet amendement était également d’ouvrir le débat sur les Enaf durant la période 2031-2050. Il s’agissait donc en quelque sorte d’un amendement d’appel.
Aussi, je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 185 est retiré.
Article 1er
I. – Le IV de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est ainsi modifié :
1° À la dernière phrase des 1°, 2°, 3° et 4°, le mot : « trente » est remplacé par le mot : « quarante-deux » ;
2° Au 6°, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « six » ;
3° Au premier alinéa du 7° et au 8°, le mot : « six » est remplacé par le mot : « sept ».
II. – Le chapitre Ier du titre V du livre II de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa de l’article L. 4251-7 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Lorsque l’évolution du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires intervient en application du 1° du IV de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et vise à intégrer au document des objectifs et des trajectoires de réduction de l’artificialisation des sols dans le délai fixé par le même 1°, le projet est approuvé par arrêté du représentant de l’État dans la région dans un délai d’un mois. La phrase précédente s’applique également lorsque ladite évolution du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires vise simultanément à intégrer les objectifs mentionnés à l’article L. 141-5-1 du code de l’énergie en application des VI à VII de l’article 83 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 précitée, les objectifs mentionnés à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales en application du IV de l’article 219 de la loi précitée, ou la stratégie mentionnée au quatrième alinéa de l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales en application de l’article 37 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale. » ;
2° Le troisième alinéa du I de l’article L. 4251-9 est complété par trois phrases ainsi rédigées : « Lorsque l’évolution du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires intervient en application du 1° du IV de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et vise à intégrer au document des objectifs et trajectoires de réduction de l’artificialisation des sols dans le délai fixé par le même 1°, la mise à disposition du public par voie électronique est réalisée simultanément à la soumission pour avis du projet de schéma aux personnes et aux organismes prévus à l’article L. 4251-6 du présent code. Dès leur transmission, ces avis sont rendus publics par voie électronique, dans des conditions précisées par décret. La phrase précédente s’applique également lorsque ladite évolution du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires vise simultanément à intégrer les objectifs mentionnés à l’article L. 141-5-1 du code de l’énergie en application des VI à VII de l’article 83 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 précitée, les objectifs mentionnés à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales en application du IV de l’article 219 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, ou la stratégie mentionnée au quatrième alinéa de l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales en application de l’article 37 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale. »
III (nouveau). – Le livre Ier du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 143-38 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Lorsque l’évolution du schéma de cohérence territoriale intervient en application du 5° du IV de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et vise à intégrer au document des objectifs et trajectoires de réduction de l’artificialisation des sols dans le délai fixé par le 6° du même IV, la mise à disposition du public peut être réalisée par voie électronique simultanément à la soumission pour avis du projet de modification aux personnes publiques associées prévues aux articles L. 132-7 et L. 132-8 du présent code. Dès leur transmission, ces avis sont rendus publics par voie électronique, dans des conditions précisées par décret. » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 153-47 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Lorsque l’évolution du plan local d’urbanisme intervient en application du 5° du IV de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 précitée et vise à intégrer au document des objectifs et des trajectoires de réduction de l’artificialisation des sols dans le délai fixé par le 7° du même IV, la mise à disposition du public peut être réalisée par voie électronique simultanément à la soumission pour avis du projet de modification aux personnes publiques associées prévues aux articles L. 132-7 et L. 132-9 du présent code. Dès leur transmission, ces avis sont rendus publics par voie électronique, dans des conditions précisées par décret. »
IV (nouveau). – L’article L. 132-14 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La commission de conciliation se réunit, à la demande de tout établissement mentionné à l’article L. 143-1, établissement public de coopération intercommunale ou commune compétente en matière de document d’urbanisme, dans le cadre de l’évolution d’un document d’urbanisme visant à y intégrer les objectifs de réduction de l’artificialisation des sols en application du 5° du IV de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. »
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Demilly, sur l’article.
M. Stéphane Demilly. Je salue tout d’abord les auteurs de cette proposition de loi, qui apportent des réponses à des questions majeures relatives au droit à construire, au développement économique et à l’aménagement du territoire.
Il y aurait beaucoup à dire sur l’objectif ZAN, mais, le temps étant compté, j’aborderai rapidement deux points.
Tout d’abord, j’évoquerai une problématique spécifique aux milieux ruraux : la sédentarité des populations caractéristique de nos territoires. La restriction du nombre de permis de construire délivrés implique la fin de la construction de nouveaux pavillons, ce qui décourage l’arrivée dans les villages de jeunes couples avec enfants et entraîne un amenuisement des effectifs scolaires dans ces communes, donc, à terme, des fermetures de classes et d’écoles.
C’est un sujet de base, que j’ai d’ailleurs abordé avec le recteur de l’académie d’Amiens, car il me semble que cette évolution du ZAN aura sur la démographie scolaire un impact évident, qui n’a pas été suffisamment étudié. Il faut l’avoir en tête et, autant que faire se peut, l’anticiper.
Ensuite, j’évoquerai les grands projets nationaux, et même internationaux, comme le canal Seine-Nord.
Ce projet de 107 kilomètres, qui connectera la liaison fluviale Seine-Escaut – 20 000 kilomètres de voies européennes –, entraînera la création de milliers d’emplois lors des travaux et de milliers d’autres à terme, grâce au développement des plateformes multimodales. Les 1 036 hectares de consommation nette de cette infrastructure ne doivent évidemment pas être inclus dans le calcul ZAN, et surtout pas à l’échelon régional.
En ce sens, l’article 4 de cette proposition de loi est un moindre mal, puisqu’il prévoit de comptabiliser séparément au sein d’une enveloppe nationale ces grands projets. Il eût été selon moi plus judicieux de les exclure complètement du calcul ZAN national, mais faute de grives, on mange des merles.
Je compte donc sur vous, mes chers collègues, pour que la version finale du texte ne pénalise pas les régions qui accueillent de grands projets vertueux sur le plan environnemental, comme le canal Seine-Nord, cette infrastructure si attendue dans le continent européen. (Mme Amel Gacquerre et M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville, sur l’article.
M. Franck Menonville. Tout d’abord, permettez-moi de saluer le travail des auteurs de cette proposition de loi.
Il était important de revoir ce dispositif, qui est mal adapté à nos territoires ruraux. Nous partageons bien évidemment l’objectif qui le sous-tend, à savoir réduire la consommation de l’espace dans notre pays – au reste, nul ne le conteste –, mais il est nécessaire de l’appliquer de manière différenciée, davantage territorialisée et mieux adaptée aux territoires ruraux.
Les règles doivent répondre à la diversité des territoires et des besoins, afin d’assurer la revitalisation de nos territoires ruraux. En effet, une application uniforme de l’objectif de réduction de –50 % à l’horizon de 2031 à toutes les communes signifierait que près de la moitié d’entre elles disposeraient d’une enveloppe d’artificialisation quasi nulle pour la période 2021-2031.
Force est de constater que ce sont les communes qui ont le moins artificialisé qui se verraient imposer les contraintes les plus fortes, ce qui freinerait ainsi leur développement. À l’inverse, celles qui ont fortement artificialisé disposeraient d’enveloppes toujours importantes. Il s’agit d’une question majeure, qui a déjà été évoquée par Bruno Sido.
Par ailleurs, j’évoquerai également les grands travaux, les grands chantiers d’intérêt national dans les départements de la Haute-Marne et de la Meuse, en particulier le projet Cigéo de stockage de déchets nucléaires. Si nous comptabilisons celui-ci à l’échelle du département, nous empêchons toute possibilité de construction et de développement sur le territoire ! Ainsi, l’intégration et la mutualisation proposées par les auteurs de ce texte de loi vont dans le bon sens.
Enfin, je rappelle que la crise sanitaire a fait émerger de nouveaux besoins dans nos territoires ruraux et une nouvelle vision de la ruralité qu’il nous faut conforter.
Aussi, nous devons donner aux territoires ruraux les capacités de répondre aux attentes de leurs habitants. Nous devons inverser la spirale. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Jacques Le Nay applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, sur l’article.
M. Olivier Paccaud. Permettez-moi à mon tour de saluer la qualité du travail de notre rapporteur et de la présidente de la commission spéciale.
Dans la lignée des interventions de certains de mes collègues, j’estime que, si l’enfer est pavé de bonnes intentions, le ZAN en est un cas d’école, d’autant plus que les politiques publiques sont pétries de la porcelaine de leurs contradictions.
Ainsi, alors que l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) – nous n’en avons pas dit un mot – nous a fait déverser des milliards d’euros pour démolir des tours et aérer des quartiers, il est question avec le ZAN de densification et de verticalité…
Alors que l’on parlait jadis d’aménagement du territoire, l’expression a disparu du vocabulaire gouvernemental et même de l’architecture ministérielle : nous avons une ministre de la cohésion des territoires, mais d’aménagement, point. Veut-on faire de la ruralité une réserve de Peaux-Rouges ? Veut-on transformer nos campagnes en conservatoires de la vie rurale ou en écomusées ?
La version du ZAN issue des décrets gouvernementaux est une espèce de monument technocratique bâti avec des parpaings de malthusianisme et de décroissance, sans aucun bon sens. Il est donc grand temps de réécrire le dispositif à l’encre de la lucidité et de la proximité : c’est, je l’espère, ce qui sera fait avec cette proposition de loi.
Nous sommes tous favorables à la sobriété foncière, mais pas au zéro – j’insiste sur le mot – artificialisation nette. La formule claque comme un diktat, comme une condamnation à une mort lente par asphyxie de nos campagnes.
À défaut de vouloir, à l’instar d’Apollinaire, rallumer les étoiles, je souhaite que les 30 000 lucioles qui illuminent la France ne s’éteignent pas, car le grand brasier des métropoles ne suffira pas à éclairer et réchauffer tout le pays. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, sur l’article.
Mme Angèle Préville. Réduire l’artificialisation est une nécessité. Les dix dernières années n’ont pas été vertueuses, au contraire : l’équivalent d’un département a été artificialisé.
Pour lutter contre le dérèglement climatique et préserver la biodiversité – c’est bien de cela qu’il s’agit –, nous devons réduire le rythme d’artificialisation et bien mieux cadrer notre développement, lui aussi nécessaire, ne serait-ce que parce que la population française augmente.
Cela étant, les décrets d’application de la loi Climat et résilience, pris l’été dernier, ont non seulement été vécus comme particulièrement sévères, voire brutaux, mais ils ont eu des conséquences draconiennes pour certaines communes rurales, notamment dans mon département.
D’une certaine manière, la confusion règne, le maître mot ayant été cette fameuse division par deux de l’artificialisation nouvelle d’ici à 2030, sans tenir compte des spécificités de chaque territoire, c’est-à-dire de la différenciation.
Pourtant, il semble évident que, dans certaines situations, les besoins sont plus importants, par exemple pour une commune pourvue d’une école, pour une autre, particulièrement attractive, comptant un grand nombre de constructions récentes, donc en fort développement, ou encore pour une troisième qui accueille une entreprise florissante. Or ces communes ont vu leur droit à construire drastiquement diminué. C’est à n’y rien comprendre !
Les élus, s’ils ne désespèrent pas, s’interrogent sur leur rôle. Cette proposition de loi apporte des solutions concrètes que vous devez entendre, monsieur le ministre.
Néanmoins, il faudra reconnaître la particularité de chaque territoire, sous peine de passer à côté des aspirations légitimes des élus, qui sont pleinement conscients des enjeux et qui adhèrent unanimement à cet objectif.
Nous pouvons et devons leur faire confiance. Chacun dans cet hémicycle les rencontre régulièrement ; aussi pouvons-nous convenir que nous ne pouvons pas continuer ainsi. Nous devons construire le dispositif avec intelligence, de manière à associer les élus, car ils sont responsables.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, sur l’article.
M. Alain Marc. Nous avons le souci que ce fameux ZAN ne soit pas une machine à broyer la ruralité et à empêcher son développement. Pour ce faire, nous devons nous appuyer sur des données fiables.
Pour affirmer, tous les dix ans, qu’un petit département s’est artificialisé, il convient de se fonder sur des données non contestables. Or, quand on examine les chiffres par commune de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), on s’aperçoit que le critère retenu est le parcellaire cadastral, et non l’artificialisation réelle.
Aussi, il est primordial de nous doter d’un réel outil de mesure pour évaluer l’artificialisation, pour nos territoires, mais aussi et surtout pour la ruralité. À l’heure actuelle, ce dernier n’existe pas. Alors que nous disposons d’outils satellitaires pour mesurer les parcelles agricoles au titre de la politique agricole commune (PAC), nous en sommes dépourvus pour mesurer réellement l’artificialisation. C’est tout de même étrange !
Le ZAN doit se fonder sur des outils de mesures fiables et incontestables, car nous avons pu constater, après une vérification très fine sur le parc naturel régional des Grands Causses, que les évaluations réalisées par l’État étaient souvent très supérieures à la réalité. On part ainsi d’un postulat complètement erroné. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, sur l’article.
M. Philippe Folliot. Bien entendu, nous partageons tous, monsieur le ministre, l’objectif de sobriété qui a été fixé dans la loi Climat et résilience. Je fais partie de ceux qui n’ont pas voté ce texte, parce que je subodorais certains effets, que nous voyons d’ailleurs poindre au travers des décrets d’application. Ceux-ci ont heurté nombre d’élus.
Vous le savez, monsieur le ministre, tout cela est très injuste pour certains territoires. Je vous en citerai deux exemples, dans mon département du Tarn.
Après moult tergiversations de l’État, une autoroute, l’A69, va enfin voir le jour entre Castres et Toulouse – les travaux commencent en ce moment. Comment expliquer aux élus que, maintenant que cette artère va irriguer le territoire, ils seront totalement bloqués dans l’accompagnement, pourtant nécessaire, des nouvelles perspectives de développement local ?
Par ailleurs, comment expliquer aux élus des coteaux du Gaillacois ou du Carmausin, du Cordais et du Causse ou des monts de Lacaune qu’ils n’auront pas la capacité de répondre aux besoins de leurs populations, alors qu’ils ont été particulièrement vertueux jusqu’à présent en artificialisant peu ou pas ?
À cet égard, la loi Climat et résilience est particulièrement injuste, en cela qu’elle pénalise les bons élèves. Comme l’ont dit certains de mes collègues, la moitié de zéro est égale à zéro !
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Philippe Folliot. J’ajouterai, quelques jours après le magnifique résultat obtenu à Londres par l’équipe de France de rugby, qu’une petite municipalité qui voudrait à l’avenir construire un terrain de rugby ne pourra pas le faire, car cela constituerait une artificialisation des sols.
Mme la présidente. C’est fini !
M. Philippe Folliot. Aussi, j’espère, monsieur le ministre, que le Gouvernement saura écouter la voix des élus et des territoires ruraux. (Mme Nadia Sollogoub applaudit.)
Mme la présidente. Il faudrait aussi que les orateurs écoutent la voix de la présidente ! (Sourires.)
La parole est à M. Éric Kerrouche, sur l’article.
M. Éric Kerrouche. La question du ZAN traverse l’ensemble de nos communes et, d’une certaine façon, on peut désormais définir l’urbanisme de la même manière que Gide définissait l’art : il « naît de contraintes, vit de lutte et meurt de liberté ». En l’espèce, sur le sujet du ZAN, il est évident que cette proposition de loi apporte de nombreux progrès.
Tout n’est certes pas résolu, notamment la question de la période de référence – certains ne seront pas placés dans les mêmes conditions que les autres – ou celle de la différenciation des territoires qui n’ont pas la même trajectoire. Mais il y a des améliorations, singulièrement à cet article 1er, qui permet d’adapter les étapes de la procédure de modification du Sraddet. En effet, le calendrier issu de la loi Climat et résilience n’était pas satisfaisant.
Philippe Bas a beau avoir déclaré que la région n’avait pas de compétences particulières en matière d’urbanisme, il n’en demeure pas moins que, depuis la création de l’établissement public régional en 1972, elle a celle, qui est essentielle, de la planification.
Il s’agit d’un rôle important, mais il fallait qu’un temps suffisant puisse être consacré au dialogue territorial pour élaborer un document qui est plus que complexe, car il est pluriannuel et structure les décennies à venir. Ce travail est d’autant plus difficile que les règles de comptabilisation de l’artificialisation définies dans les décrets, dont la publication a été tardive, sont floues.
De plus, l’enquête que j’ai réalisée avec le groupe d’étude en novembre 2022 a montré que moins de la moitié des élus locaux s’estimaient suffisamment informés et, surtout, que plus la strate de communes était basse, plus cette information était considérée comme limitée.
Nous sommes donc satisfaits de cet article, tout en soulignant la nécessité de respecter les délais de consultation du public en matière de démocratie environnementale.