Mme le président. Veuillez conclure, cher collègue.
M. Jean-Michel Arnaud. M. le Président de la République a demandé que l’on s’efforce de régler les difficultés au plus près du territoire. Par cette proposition de loi qui rétablit la liberté locale et la différenciation territoriale, notre collègue Jean-Yves Roux nous offre une opportunité de le faire ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP, et CRCE. – Mmes Viviane Artigalas et Angèle Préville, ainsi que MM. Sebastien Pla et Jean-Yves Roux applaudissent également.)
M. Loïc Hervé. Excellent !
Mme le président. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, INDEP et UC.)
Mme Maryse Carrère. Madame le président, madame la ministre, mes chers collègues, chacun se souvient ici du mois de juillet 2021, au cours duquel nous avons longuement débattu de la différenciation territoriale à l’occasion de la loi 3DS.
La ministre de la cohésion des territoires de l’époque, Mme Jacqueline Gourault, avait pris le temps de nous expliquer le sens de cette différenciation territoriale. Je me permets donc de reprendre ses mots : « Une République différenciée, c’est […] une République davantage décentralisée, où les compétences des collectivités sont confortées et clarifiées. C’est un État plus agile, plus réactif et plus proche, qui adapte sa réponse et accompagne main dans la main les initiatives des collectivités. »
La proposition de loi de notre collègue Jean-Yves Roux me semble parfaitement conforme à cet état d’esprit. Celle-ci se propose en effet de ménager une administration plus agile, plus réactive et plus proche des petites collectivités.
Vous le savez, mes chers collègues, le groupe du RDSE s’attache à toujours défendre les territoires et leurs spécificités, particulièrement celles des territoires ruraux.
Notre groupe n’était pas favorable au transfert obligatoire des compétences eau et assainissement des communes aux communautés de communes et aux communautés d’agglomérations instauré par la loi NOTRe. Avec quelques années de recul, nous constatons, hélas ! que ce transfert imposé pose des difficultés. En effet, comme nous le redoutions, le niveau intercommunal ne permet pas toujours de répondre aux besoins de chaque commune.
Les remontées de terrain sont sans équivoque : au-delà des positions de principe que l’on peut avoir sur l’intercommunalité, ce recours forcé pose de réelles difficultés.
Notre groupe a toujours dit son attachement au tandem commune-département. Pour autant, nous ne sommes pas obtus et nous reconnaissons que la mise en commun des moyens peut également être une bonne chose. Mais tel n’est pas le cas ici.
Nous rappelons régulièrement dans cet hémicycle que nous sommes la chambre des territoires ; il nous revient donc d’agir en responsabilité sur cette question. C’est la raison pour laquelle je salue cette initiative de notre collègue Jean-Yves Roux, tout comme celles de Mathieu Darnaud et de Jean-Michel Arnaud, qui ont également déposé des propositions de loi sur cette thématique. Depuis cinq ans, celle-ci fait du reste l’objet d’un travail constant au Sénat, lequel ne manque pas une occasion de rappeler ses positions.
Notre rapporteur Alain Marc a travaillé pour améliorer le dispositif proposé. Je salue sa connaissance du sujet et son expertise.
Ce texte prévoit de mettre un terme au transfert obligatoire des compétences eau et assainissement en introduisant un dispositif assoupli, lequel prendra en considération les situations créées par la loi NOTRe tout en laissant une marge de liberté aux communes.
Madame la ministre, pour 3 600 communes qui assument cette compétence seules,…
Mme Maryse Carrère. … on déstabilise des centaines de syndicats et de communes qui n’ont pas attendu la loi NOTRe pour mutualiser leurs moyens de gestion ou se fédérer et qui font aujourd’hui un travail exemplaire.
M. Loïc Hervé. Bien sûr !
Mme Maryse Carrère. Ce transfert de compétences aux communautés d’agglomérations est obligatoire depuis deux ans. Il me semble que le moment est venu de réaliser un bilan, car de nombreuses communautés d’agglomérations sont embourbées dans des problématiques de création de services et dans des difficultés techniques et surtout financières.
M. Loïc Hervé. Eh oui !
Mme Maryse Carrère. Cette proposition de loi constitue un compromis acceptable. Mon groupe y sera donc unanimement favorable. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, INDEP, UC et Les Républicains. – Mmes Viviane Artigalas et Angèle Préville, ainsi que M. Sebastien Pla applaudissent également.)
Mme le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Mathieu Darnaud. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « Hâtez-vous lentement, et, sans perdre courage, Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage ». Par ces vers empruntés à Boileau, madame la ministre, je veux traduire l’état d’esprit qui nous anime.
Vous avez bien compris la détermination, l’opiniâtreté à ne rien lâcher, à ne rien concéder sur ce sujet. Je veux toutefois redire, à la suite de mes collègues, notamment Jean-Michel Arnaud, Maryse Carrère et Cécile Cukierman, que, s’il est une compétence singulière qui ne ressemble à aucune autre, c’est bien celle de l’eau plus encore que de l’assainissement.
Cette compétence répond en effet, non pas à une logique intercommunale – elle n’y répondra jamais –, mais à une logique de bassin versant. En dépit de tous vos efforts et des contre-vérités que vous nous assénez, vous ne parviendrez jamais à contredire cette vérité implacable, dont découle la nécessaire liberté qui doit être accordée à ceux des élus de nos territoires qui ont la meilleure expertise pour organiser la politique en matière d’eau. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)
Mais qu’il me soit permis, avec un peu plus de gravité, de revenir sur certains des propos que vous avez tenus à cette tribune, madame la ministre.
Vous venez nous dire que les agences de l’eau financent les communes isolées, qu’elles sont à l’écoute des territoires.
M. Jean-Michel Arnaud. Incroyable !
M. Loïc Hervé. C’est faux !
M. Mathieu Darnaud. Je vous invite à prendre attache avec les communes qui ont mis en place des dossiers de subvention pour leur schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux. Aucune d’entre elles n’est financée dès lors qu’elle est isolée !
Autrement dit, le Gouvernement et vos agences de l’eau, madame la ministre, foulent aux pieds la loi elle-même, puisque le transfert n’est obligatoire qu’à compter de 2026. Il est grave de ne respecter ni le législateur ni la volonté des élus des territoires !
Je ne reviendrai pas sur les arguments techniques et juridiques – les orateurs qui m’ont précédé les ont remarquablement exposés – qui ont présidé au dépôt de cette proposition de loi. Je souhaite à mon tour remercier notre collègue Jean-Yves Roux, ainsi que Jean-Michel Arnaud qui avait pris la même initiative avant lui et toutes celles et tous ceux qui, depuis la loi NOTRe, s’efforcent de faire entendre la singularité de la compétence eau.
Madame la ministre, le Gouvernement doit respecter le travail accompli par les élus locaux de nos territoires.
Vous avez tenté de nous asséner une autre contre-vérité, en soulignant que les syndicats existants, y compris ceux qui sont infracommunautaires, étaient préservés et pouvaient continuer à exercer les compétences.
C’est aussi ce que la ministre avait essayé de nous vendre lors de l’examen de la loi 3DS, dont j’étais corapporteur avec Françoise Gatel.
Or à y regarder de plus près – c’est subtil ! –, par le principe de la subdélégation, vous ne permettez même pas au syndicat infracommunautaire d’avoir sa propre existence et ses propres règles juridiques. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes SER, GEST et CRCE.)
Encore une supercherie gouvernementale, mais s’agissant de la compétence eau, nous y sommes désormais habitués !
M. Daniel Breuiller. Comme pour les retraites !
M. Mathieu Darnaud. Vous avez abordé le sujet sous l’angle de la culpabilisation, madame la ministre, nous reprochant de ne pas avoir le souci d’économiser l’eau dans les Hautes-Alpes, les Alpes-de-Haute-Provence, en Ardèche…
M. Loïc Hervé. Ou en Haute-Savoie !
M. Mathieu Darnaud. … ou en Haute-Savoie en effet, parce que ces territoires ne seraient pas concernés par la sécheresse.
Permettez-moi de vous dire, madame la ministre, que dans mon département, les robinets de la commune de Coucouron ne distribuent pas d’eau potable depuis le mois d’août. Gardez donc vos leçons de morale et écoutez plutôt ce que nous avons à vous dire, car, s’il est un sujet sur lequel nous sommes soucieux de ce qui se passe sur le territoire, c’est bien celui de l’eau !
Pour avancer de manière constructive, encore faut-il considérer le sujet de la façon la plus objective possible. Il est à cet égard absolument nécessaire que le Gouvernement entende ce que les élus de ces communes et de ces syndicats ont à lui dire.
Vous n’évoquez jamais les syndicats, madame la ministre, car votre volonté – nous le savons – est de les placer eux aussi en coupe réglée sous le joug des intercommunalités.
Pour notre part, nous affirmons avec force que l’eau a sa propre vérité, à l’aune de chacun des territoires de France, et que, si nous voulons être demain au rendez-vous des enjeux de l’eau comme vous nous y invitez, il est grand temps de redonner aux élus la liberté et l’agilité à laquelle ils aspirent ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE. – Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE.)
Mme le président. La parole est à M. Franck Menonville. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Franck Menonville. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour évoquer ensemble le sujet, récurrent dans notre hémicycle, du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes.
Rappelons que ce transfert obligatoire imposé par le Gouvernement en 2015 lors de l’examen de la loi NOTRe, et auquel le Sénat s’oppose avec constance, est inadapté à la réalité des territoires.
Je tiens tout d’abord à saluer, cher Jean-Yves Roux, votre initiative d’inscrire ce sujet ô combien important à notre ordre du jour. Celle-ci s’ajoute aux initiatives de nos collègues Mathieu Darnaud et Jean-Michel Arnaud.
À la réticence des élus locaux et du Parlement, différents motifs censés justifier la nécessité de ce transfert ont été opposés. À titre d’exemple, je citerai l’urgence de réduire la dispersion des compétences ou encore l’importance d’abaisser le taux de fuite des réseaux.
Ces explications ne sauraient justifier le transfert définitif des compétences en 2026, qui suscite l’opposition d’une large partie des élus locaux – des maires, bien sûr, mais aussi d’un certain nombre de présidents d’intercommunalités – qui, dans le contexte inflationniste que nous connaissons, ont bien d’autres préoccupations et urgences en tête – énergie, investissements…
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires estime que l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) n’est pas toujours l’échelon idoine pour assurer le service de l’eau et de l’assainissement en ce qu’il ne coïncide pas du tout avec la réalité hydrique et géographique du terrain.
Comme l’a rappelé notre rapporteur Alain Marc, dont je salue le travail, ce passage de flambeau engendre une perte de compétences à l’échelon local, mais aussi une hausse des dépenses publiques locales du fait du recrutement de nouveaux agents dédiés.
La commune reste dans certaines situations l’échelon le plus satisfaisant pour exercer les compétences eau et assainissement.
À plusieurs reprises, le Parlement a tenté de revenir sur le caractère impératif de ce transfert. Certains reports et assouplissements – il convient de le rappeler – ont été permis grâce au Sénat.
L’échéance se rapprochant, force est de constater que de nombreuses communes éprouvent des difficultés à régulariser dans les temps ce transfert de compétences. C’est tout particulièrement le cas dans les territoires les plus ruraux et de montagne.
D’après une publication récente d’Intercommunalités de France, seulement 48 % des intercommunalités exerçaient la compétence eau en octobre dernier. Ce chiffre illustre bien les difficultés ressenties sur le terrain pour faire face à ce transfert imposé au forceps.
Plutôt qu’une approche uniformisée, nous souhaitons privilégier une réponse sur mesure adaptée aux besoins et aux spécificités des territoires. Il convient de faire confiance aux élus locaux.
Le texte amendé par la commission et notre rapporteur apporte la souplesse nécessaire et permet de répondre à tous les cas de figure qui se présentent à nous. En permettant un transfert à la carte des compétences eau et assainissement, cette proposition de loi donne aux communes la marge de manœuvre indispensable pour mener sereinement leur mission et offrir les meilleurs services à leurs habitants.
Il conviendra toutefois de veiller – c’est un véritable défi pour demain – à ce que nos concitoyens disposent d’une eau de qualité et en quantité suffisante, conformément à la réglementation.
Adopter cette proposition de loi, c’est faire confiance aux maires. Adopter cette proposition de loi, c’est faire vivre les principes de différenciation et de subsidiarité en s’appuyant sur une dynamique de liberté locale.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires que je représente votera donc en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Daniel Breuiller.
M. Daniel Breuiller. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte dont nous débattons aujourd’hui vise à faire figurer de nouveau les compétences eau et assainissement dans la liste des compétences facultatives des communautés de communes.
J’aurais aimé faire une synthèse des propos tenus par notre collègue Sueur et par les autres orateurs, mais je dois avouer que le débat au sein du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires a été assez animé.
Les questions de l’eau et de l’assainissement sont centrales. La présente proposition de loi interroge la capacité des communes à choisir de transférer ou non les compétences eau et assainissement à l’intercommunalité, ce qu’une précédente loi avait rendu obligatoire.
Par respect du principe de subsidiarité, nous jugeons légitime que des élus puissent librement choisir de mettre en commun, ou non, les compétences eau et assainissement et décider des modalités de cette mise en commun selon les particularités de leur territoire.
En matière de gestion de l’eau, les questions relatives à la géographie et aux capacités techniques se posent nécessairement.
Souvent, le périmètre administratif de l’intercommunalité ne se superpose pas à la réalité hydrique du territoire. Je pense notamment aux territoires ruraux et aux territoires de montagne, pour lesquels le transfert de ces compétences peut ne pas être opportun.
Cette proposition de loi a le mérite de faire véritablement confiance aux élus locaux. Elle leur laisse une liberté de choisir, « à la carte », la manière dont ils veulent gérer l’eau et l’assainissement : ensemble ou seuls, une compétence sans l’autre ou les deux en même temps.
Il faut toutefois admettre que l’intercommunalité permet d’envisager des projets plus ambitieux et de mutualiser les coûts et les risques pour mieux investir face aux enjeux environnementaux croissants.
Car oui, la multiplication des épisodes de chaleur et de sécheresse nécessitera de plus en plus de mises en commun pour éviter les conflits d’usage autour de l’eau.
À ce titre, je souhaite revenir sur la question centrale qui se posera à l’avenir. On a longtemps cru, en France, que l’accès à l’eau serait garanti à tous et pour tous les usages. Cette affirmation n’est plus d’actualité : nous avons connu des sécheresses estivales redoutables, et nous connaissons aujourd’hui des sécheresses hivernales dont la réalité brutale annonce de nouveau des étés difficiles.
L’été 2022 nous a bien montré que l’accroissement du nombre des épisodes de canicule et de sécheresse a des conséquences directes sur l’eau potable et sur l’assainissement. Ceux qui s’en sortent bien aujourd’hui de façon isolée s’en sortiront-ils toujours aussi bien demain ?
Quelque 90 % des cours d’eau étaient en grand déficit cet été – les gorges du Verdon et le lac de Serre-Ponçon étaient complètement à sec – et une centaine de collectivités ont été privées d’eau potable, ce qui a rendu nécessaire l’acheminement d’eau par camions-citernes et la distribution de millions de bouteilles.
À l’aune de ces crises, on comprend que la présente proposition de loi ne constitue pas une solution en soi pour répondre à ces enjeux locaux, car aucune collectivité ne s’en sortira seule.
Que l’on se place à l’échelle communale ou intercommunale, le problème demeure le même. Aujourd’hui, la politique de l’eau est sous-financée dans une fourchette de 800 millions à 3 milliards, voire 4 milliards d’euros par an. On est loin du compte !
Les réseaux, souvent vieillissants et usagés, ont besoin d’être rénovés. Les canaux sont vétustes au point que 20 % de l’eau produite disparaît dans les sous-sols avant d’atteindre un robinet.
C’est aussi un enjeu social fort, car l’inflation et le sous-investissement gonflent et gonfleront les prix de l’eau au détriment des usagers. Aujourd’hui, 1 million de foyers sont déjà concernés par une facture d’eau d’un montant supérieur à 3 % de leurs revenus.
Si l’on peut soutenir l’intelligence des élus territoriaux et respecter leur faculté de faire les meilleurs choix pour leur commune, on peut aussi souligner la nécessité de mutualiser et d’investir collectivement.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires se partagera sur ce texte entre quelques votes pour et une majorité d’abstentions, mes collègues estimant que cette proposition de loi n’est pas la réponse aux problèmes évoqués.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans la vie législative – nous ne le savons que trop –, de simples amendements peuvent avoir une immense portée.
C’est en effet par un simple amendement gouvernemental au funeste projet de loi NOTRe, en 2015, sans étude d’impact ni avis du Conseil d’État, que le gouvernement d’alors avait fait adopter le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux EPCI, y compris dans les communautés de communes.
Face à l’opposition farouche de l’Association des maires de France et d’une bonne partie du Sénat, nous avons depuis obtenu de haute lutte un certain nombre d’assouplissements : plusieurs reports de la date de transfert, finalement fixée au plus tard au 1er janvier 2026 sous conditions, la possibilité de déléguer la compétence à un syndicat ou à une commune par la loi du 3 août 2018 et la loi Engagement et proximité du 27 décembre 2019. Enfin, la loi 3DS du 21 février 2022 prévoit le maintien après le 1er janvier 2026 des syndicats infracommunautaires de gestion des eaux existant au 1er janvier 2019 au sein d’une communauté de communes, sauf délibération contraire de cette dernière.
Nonobstant ces différentes mesures d’adaptation législative, le résultat final ne semble pas avoir répondu totalement aux inquiétudes des élus de la ruralité et de la montagne, car il ne résout pas le problème de fond : la loi oblige toujours les communes à transférer l’eau et l’assainissement à leur communauté de communes.
La mise en place de cette communautarisation généralisée a été voulue, nous dit-on, pour éviter une trop forte dispersion des modalités d’exercice de ces compétences, laquelle, selon le législateur de l’époque, serait à l’origine d’un manque de rationalisation des services.
La loi NOTRe se donnait ainsi pour objectif une mutualisation efficace des moyens techniques et financiers nécessaires à une meilleure maîtrise des réseaux de distribution d’eau potable et d’assainissement, notamment dans les zones rurales.
Nous y voilà, les mots magiques sont lâchés : « rationalisation, maîtrise, mutualisation, circulez ! »
Combien d’inepties génératrices de gabegie d’argent public ont été inventées sur la base de ce mirage ? Comment un principe aussi général peut-il être opérant au vu de la très grande hétérogénéité des situations locales ?
L’Assemblée des communautés de France (AdCF) a constaté que, à la fin de 2021, seules 33 % des communes avaient effectivement transféré aux communautés de communes la compétence en question.
À l’évidence, la fixation du niveau d’exercice de cette compétence ne peut être uniforme et déconnectée du terrain, mais doit a contrario relever de considérations matérielles et techniques propres à chaque territoire.
Cela vaut encore davantage pour les territoires ruraux, où les modalités de gestion d’un service public peuvent varier d’une commune à l’autre et nécessiter de maintenir une gestion directe par la commune ou les syndicats en place afin de permettre une capacité d’intervention plus souple et plus efficace.
Que dire encore des investissements coûteux et des recrutements qui seraient nécessaires à la seule mise en œuvre de ces transferts, si tant est qu’ils ne soient pas contestés par la Cour des comptes, sans réel bénéfice en termes d’efficacité pour les territoires concernés ? À n’en pas douter, ces transferts s’accompagneraient dans certains cas d’une hausse importante du prix de l’eau !
Aussi, en ce qui concerne les communautés de communes, les auteurs de la présente proposition de loi entendent privilégier une approche pragmatique, moins coûteuse et technocratique, adaptée aux réalités géographiques et hydrologiques des territoires. Suivant l’essence même du principe de subsidiarité, il reviendrait aux communes de décider du niveau d’exercice de ladite compétence en matière d’eau et d’assainissement.
Nous sommes donc impatients de connaître la position du Gouvernement et, par la suite, l’avis de l’Assemblée nationale. Le Gouvernement finira-t-il par accepter de revenir sur une disposition profondément contestée sur le terrain ?
Le fait qu’à peine un tiers des communautés de communes se soient vu transférer la compétence eau, presque dix ans après la loi NOTRe, montre que les maires restent prudents sur le sujet, ce qui devrait suffire à faire réfléchir le Gouvernement.
Pour conclure, et avant même d’examiner le texte proposé par nos collègues du groupe RDSE, que je remercie, il me semble indispensable de préciser un point technique qui peut prêter à confusion lorsque l’on évoque, sans autre précision, l’eau et l’assainissement.
Le réseau d’eau potable est sous pression et peut donc avoir n’importe quel périmètre. En revanche, les réseaux d’eaux pluviales et d’eaux usées sont gravitaires. L’eau potable est facturée, comme l’assainissement des eaux usées, via une redevance pour la collecte, le transport et l’épuration. Au contraire,…
Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Raymond Hugonet. … les dépenses de collecte d’eaux pluviales ne sont pas couvertes par des recettes propres. Les coûts afférents sont donc incorporés dans le budget général de la collectivité.
Mme le président. Il faut conclure !
M. Jean-Raymond Hugonet. Attention donc au titre même de la proposition de loi puisque, traditionnellement,…
Mme le président. Votre temps de parole est écoulé !
M. Jean-Raymond Hugonet. … le terme « eau » renvoie à l’eau potable, alors même que l’assainissement inclut les eaux usées et les eaux pluviales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Marc, rapporteur. Madame la ministre, après toutes ces interventions, y compris la vôtre, je n’ai pas encore compris le cheminement intellectuel qui vous conduit à affirmer que le basculement de la compétence de la commune à celle de l’intercommunalité ferait baisser le taux de fuite. Pour le dire franchement, cela me dépasse ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.) Peut-être ne suis-je pas suffisamment intelligent ?
Je souscris à ce qu’a dit mon collègue du groupe écologiste : si l’on bascule la compétence à l’intercommunalité, comment fera-t-on pour celles qui ne comptent que 5 000 habitants, comme chez moi, avec des secteurs où l’on ne trouve pas plus de cinq habitants au kilomètre carré ? Je précise que, dans le Sahel, on est à onze habitants au kilomètre carré !
Cela signifie, madame la ministre, que la problématique de la sécheresse et des retenues d’eau ne pourra être résolue à l’échelle intercommunale, mais seulement à celle, a minima, des départements.
En outre, puisque nous faisons face à des problèmes liés au manque de pluie, j’allais vous suggérer, si vous ne souhaitez pas faire évoluer votre position sur cette compétence, que vous y glissiez l’obligation pour nos intercommunalités d’apprendre la danse de la pluie. Au moins, nous y gagnerons un peu d’humour.
L’idée de basculer la compétence à l’intercommunalité me semble pour le moins relever de l’obstination.
M. Alain Marc, rapporteur. Les études montrent toutes que cela relève parfois même – j’ose le dire – de la bêtise ! (M. Jean-Michel Arnaud applaudit.) On peut s’interroger : l’une de nos collègues, qui avait voté pleinement avec nous le refus de ce transfert, a changé de cap une fois devenue ministre !
Y aurait-il, dans les hautes sphères de l’exécutif, une collusion avec certains grands groupes ? Je n’ose le penser et j’espère que tel n’est pas le cas.
Je souhaite que nous soutenions collectivement, les uns et les autres, cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et RDSE. – Mme Cécile Cukierman applaudit également.)
Mme le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à permettre une gestion différenciée des compétences « eau » et « assainissement »
Article unique
I. – L’article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Les 6° et 7° sont abrogés ;
b) Les treizième à dix-septième alinéas sont supprimés ;
2° Le II est ainsi modifié :
a) Les 6° et 7° sont ainsi rétablis :
« 6° Assainissement des eaux usées, dans les conditions prévues à l’article L. 2224-8 du présent code ;
« 7° Eau. » ;
b) (nouveau) Avant le 8°, sont insérés dix alinéas ainsi rédigés :
« La communauté de communes peut, avec l’accord du conseil municipal des communes concernées, déléguer, par convention, tout ou partie des compétences mentionnées aux 6° et 7° du présent II ainsi que la compétence relative à la gestion des eaux pluviales urbaines définie à l’article L. 2226-1 à l’une de ses communes membres. Lorsqu’une commune demande à bénéficier d’une délégation, l’organe délibérant de la communauté de communes statue sur cette demande dans un délai de deux mois.
« La délégation prévue au douzième alinéa du présent II peut également être faite au profit d’un syndicat mentionné à l’article L. 5212-1 et inclus en totalité dans le périmètre de la communauté de communes.
« Les compétences déléguées en application des 6° et 7° du présent II sont exercées au nom et pour le compte de la communauté de communes délégante.
« La convention, conclue entre les parties et approuvée par leurs assemblées délibérantes, précise la durée de la délégation et ses modalités d’exécution. Elle précise notamment les conditions tarifaires des services d’eau et d’assainissement des eaux usées sur le territoire de la communauté de communes. Les autres modalités de cette convention sont définies par un décret en Conseil d’État.
« Les compétences mentionnées aux 6° et 7° du même II exercées par une communauté de communes peuvent, à tout moment et en tout ou partie, être restituées à chacune de ses communes membres après accord de la moitié au moins des conseils municipaux des communes membres, ou à une ou plusieurs de ses communes membres après délibérations concordantes de l’organe délibérant de la communauté de communes et des conseils municipaux des communes membres concernées. Sont applicables à ces restitutions de compétences les articles L. 1321-1 à L. 1321-6 du présent code.
« Les délibérations mentionnées au seizième alinéa du présent II définissent le coût des dépenses liées aux compétences restituées ainsi que les taux représentatifs de ce coût pour l’établissement public de coopération intercommunale et chacune de ses communes membres ou à une ou plusieurs communes membres dans les conditions prévues au 4 du 3° du B du III de l’article 85 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.
« La restitution de compétences est prononcée par arrêté du ou des représentants de l’État dans le ou les départements intéressés.
« Une ou plusieurs communes membres d’une communauté de communes peuvent transférer à cette dernière, en tout ou partie, les compétences mentionnées aux 6° et 7° du présent II ainsi que les biens, équipements ou services publics nécessaires à leur exercice. Le transfert intervient après délibérations concordantes de l’organe délibérant de la communauté de communes et des conseils municipaux des communes membres concernées. Sont applicables à ces transferts de compétences les articles L. 1321-1 à L. 1321-6 du présent code.
« Les conventions de délégation conclues en application des treizième à dix-septième alinéas du I du présent article, dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° … du … visant à permettre une gestion différenciée des compétences “eau” et “assainissement”, ou du IV de l’article 14 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique demeurent valables en l’absence de modification du titulaire de l’exercice des compétences eau et assainissement des eaux usées postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° … du … précitée.
« Lorsque les compétences eau et assainissement des eaux usées sont restituées, en tout ou partie, aux communes, les conventions de délégation, conclues en application des treizième à dix-septième alinéas du I du présent article, dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° … du … visant à permettre une gestion différenciée des compétences “eau” et “assainissement”, ou du IV de l’article 14 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, sont maintenues pendant une durée d’un an à compter de la délibération des conseils municipaux se prononçant sur la restitution des compétences précitées. La communauté de communes et les communes concernées délibèrent, au cours de cette année, sur le principe d’une délégation de tout ou partie des compétences eau et assainissement des eaux usées ou de l’une d’entre elles, aux communes ou aux syndicats délégataires à la date de la restitution de compétences. »
II (nouveau). – L’article 1er de la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes est abrogé.
III (nouveau). – L’article 14 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique est ainsi modifié :
1° Le II est abrogé ;
2° Le IV est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « au deuxième alinéa du I de l’article L. 5214-21 et » et les mots : « d’une communauté de communes exerçant à titre obligatoire ou facultatif ces compétences ou l’une d’entre elles, ou dans celui » sont supprimés ;
b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au deuxième alinéa du I de l’article L. 5214-21 du code général des collectivités territoriales, les syndicats compétents en matière d’eau, d’assainissement, de gestion des eaux pluviales urbaines ou dans l’une de ces matières inclus en totalité dans le périmètre d’une communauté de communes exerçant à titre facultatif ces compétences ou l’une d’entre elles sont maintenus jusqu’à neuf mois suivant la prise de compétence. Le syndicat exerce, sur son périmètre, ses attributions pour le compte de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et lui rend compte de son activité. » ;
c) Le dernier alinéa est supprimé.
IV (nouveau). – Les III et IV de l’article 30 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale sont abrogés.
Vote sur l’ensemble