Mme le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Claude Anglars, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Anglars. Je voudrais tout d’abord apporter mon soutien à cette proposition de loi. Tout a été dit par les précédents orateurs sur la dimension dans laquelle il faut se situer.
Ensuite, madame la ministre, par rapport à ce que vous avez indiqué et à votre obstination à vouloir transférer la compétence eau à la communauté de communes, je me souviens d’une discussion que nous avions eue, lors d’un de vos passages en Occitanie : vous me posiez une question sur le vote des territoires ruraux en faveur de certains extrêmes. L’eau, c’est la vie : mes collègues l’ont bien expliqué. Il s’agit donc d’une compétence tout à fait particulière. Vous ne pouvez pas ne pas entendre qu’il faut laisser cette liberté aux communes, en les laissant faire comme elles le souhaitent.
Je voulais simplement vous le dire et apporter tout mon soutien aux auteurs de la proposition de loi, au rapporteur et à tous les intervenants précédents. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Jean-Jacques Panunzi, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Panunzi. Les élus locaux ne veulent pas, à juste titre, que la compétence eau et assainissement soit gérée à l’échelon intercommunal. Les conseils municipaux souhaitent conserver ce levier, qui a aussi une dimension sociale. Le coût varie en fonction du mode de gestion s’il s’agit d’une régie, d’une concession ou bien encore d’une délégation de service public (DSP).
Cela dépend aussi des investissements effectués par les collectivités locales pour la qualité du service apporté à la clientèle, ainsi que des contraintes géographiques. En effet, la qualité et la quantité de ressources disponibles tout comme l’éloignement du lieu de captage, qui génère une certaine longueur de canalisations, et les conséquences liées à la nature des sols sur le vieillissement des canalisations ont un effet sur les coûts de production et d’entretien.
Il faut aussi prendre en compte le fait que, dans les zones rurales, l’habitat dispersé oblige à se doter d’un réseau de distribution de grande longueur. Les coûts d’entretien par habitant des réseaux de distribution et de collecte ne sont pas les mêmes qu’en agglomération. Comment une intercommunalité pourrait-elle gérer de façon efficiente ce type de difficultés ?
Vous comprenez bien que la réponse du Gouvernement, par votre voix, madame la ministre, le 24 janvier dernier, pour défendre le principe du transfert sans l’ombre d’un argument fondé, comme vous venez de le faire, ne me convient pas. Mais je ne pense pas que vous soyez responsable de cette situation. Je crois plutôt que c’est encore une conséquence négative de la fameuse loi NOTRe.
Pour rappel, la vision pragmatique sur ce dossier nous avait conduits, le 23 février 2017, sur l’initiative de Bruno Retailleau, au vote d’un texte d’équilibre qui ne supprime pas le transfert, mais le rend facultatif.
Mme le président. Il faut conclure !
M. Jean-Jacques Panunzi. Je me réjouis que cette proposition de loi soit reprise par notre collègue Jean-Yves Le Roux ; je la voterai des deux mains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Cécile Cukierman applaudit également.)
Mme le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Par cette proposition de loi, nous voulons corriger l’un des irritants les plus récurrents de ces dernières années et qui concerne tous les élus de terrain : celui du transfert forcé de la compétence eau et assainissement aux communautés de communes.
Encore faut-il rappeler la faute originelle qui nous réunit ici, celle qui provient de la funeste loi NOTRe, à propos de laquelle la ministre chargée des collectivités locales de l’époque, Marylise Lebranchu, déclarait, trois ans après avoir tordu le bras du Parlement et de la majorité du Sénat pour la faire adopter : « Sur la loi NOTRe, nous n’avons pas été bons. » Quel aveu d’impuissance et quel aveu tout court !
Ce n’est pourtant pas faute, au Sénat, d’avoir constamment refusé ce transfert forcé en signifiant notre volonté de respecter la liberté communale la plus élémentaire, c’est-à-dire le droit pour les communes d’exercer cette compétence de service public majeure à l’échelon d’administration qui lui semble le plus efficient.
Ce n’est pas faute non plus d’avoir été à l’origine d’autres initiatives législatives visant à corriger cette situation – je pense notamment aux travaux de Mathieu Darnaud et de Françoise Gatel.
La loi du 3 août 2018 a permis, malgré l’opposition du Gouvernement, de revenir sur le transfert forcé, mais seul un report au 1er janvier 2026 était prévu. Cinq ans après, sans surprise, nous n’avons que des remontées négatives. Les élus locaux, les maires et les syndicats, tous expriment leurs inquiétudes à l’approche du grand saut.
Si vous vous entêtez à ne pas reconnaître cette liberté communale fondamentale, vous confirmerez et conforterez le sentiment de dépossession des maires au moment même où nous assistons à une vague de démissions d’élus locaux partout sur le territoire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Jean-Yves Roux applaudit également.)
M. Jean-Michel Arnaud. Très bien !
Mme le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour explication de vote.
M. Mathieu Darnaud. Je voudrais simplement ajouter à mon intervention précédente un fait qui vient encore une fois tordre le cou à votre argumentaire, madame la ministre.
Vous venez nous dire que l’intercommunalité, c’est mieux, c’est plus efficace et, pour reprendre l’expression que vous avez assénée à plusieurs reprises, qu’« il faut le faire ensemble ».
Nous avons pu auditionner l’ensemble des présidents et directeurs des agences de l’eau dans le cadre d’une mission d’information sur la gestion durable de l’eau créée par nos collègues socialistes. Nous les avons interrogés sur les Aqua Prêts. Tous nous ont dit que ce dispositif ne fonctionnait pas, y compris dans les intercommunalités qui disposent de la compétence.
Madame la ministre, nous attendons encore que vous répondiez sur le fond à nos arguments. Car vous ne répondez que sur la forme : « il faut aller plus vite », « il faut avancer coûte que coûte », « si vous n’entrez pas par la fenêtre, on vous fera entrer par la cheminée », « tout doit se faire dans le cadre de l’intercommunalité »…
Si vous avez la prétention d’avancer au moins un argument de fond pour nous convaincre, essayez donc ! C’est le moment, madame la ministre : jusqu’à présent, vous n’en avez pas produit un seul qui expliquerait pourquoi et comment nous devrions y aller ensemble, au travers de l’intercommunalité.
Enfin, je serais curieux de vous entendre sur les Aqua Prêts. C’est bien la démonstration la plus absolue que rien ne marche mieux en plaçant la compétence sous le joug et sous le prisme de l’intercommunalité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Je voudrais tout d’abord remercier les auteurs de cette proposition de loi et le groupe RDSE.
Les élus sont des personnes responsables, nous pouvons et nous devons leur faire confiance. Je voudrais souligner une réalité toute simple que mes collègues ont déjà rappelée : le contour des communautés de communes est purement artificiel. Il ne respecte aucune géographie ni aucune réalité, pas même hydrique. Ici, il y a une nappe phréatique ; là-bas, on va puiser dans une rivière. Il n’y a donc aucun sens à rendre cette compétence obligatoire.
De plus, ce transfert nécessitera la création d’un service au sein d’une communauté de communes, ce qui entraînera vraisemblablement une hausse du prix de l’eau, voire un recours à une société privée. Telles sont les questions que je me pose.
Dans ma commune, dont je suis toujours conseillère municipale, nous sommes en régie : nous entretenons nos réseaux et tout se passe bien en qualité et en volume. C’est une petite commune industrielle, dont de nombreux habitants ont des salaires modestes ; nous sommes heureux et fiers d’offrir l’eau à un coût très bas, bien en dessous de la moyenne, autour de 1 euro.
S’il y a des fuites, nous avons un adjoint et un agent qui interviennent immédiatement.
M. Loïc Hervé. C’est la vie réelle !
Mme Angèle Préville. La vie réelle, c’est en effet toute la richesse que nous avons : des élus qui s’investissent, qui sont bien souvent à la retraite et qui peuvent consacrer du temps à la commune et être présents. Or, si l’on transfère la compétence, nous perdrons tout cela. Cette organisation est précieuse : elle nous permet de faire de grosses économies et d’avoir un service immédiat.
Mme le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Angèle Préville. S’il y a une fuite dans la nuit, ils interviennent immédiatement, ce qui n’est pas le cas dans d’autres communes.
Mme le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.
Mme Viviane Artigalas. J’ai aussi le mérite de la cohérence, cher Jean-Pierre Decool : j’ai été présidente de l’association des maires de mon département des Hautes-Pyrénées en 2014 et j’ai toujours milité pour que la compétence eau et assainissement reste optionnelle.
Je reste sur cette position parce que tout ce que j’ai vu dans mon territoire me montre bien que c’est la seule solution pour que la compétence eau et assainissement soit gérée au mieux, dans la diversité de nos territoires.
Les communes n’ont pas attendu la loi NOTRe ni d’autres lois pour mutualiser sur des sujets d’intérêt général : elles l’ont fait pour l’eau ou pour les déchets, par exemple. (Marques d’approbation sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Elles n’ont pas attendu : des syndicats existent, qui fonctionnent bien. Pourquoi vouloir tout changer plutôt que de laisser tout simplement les communes faire comme elles l’entendent ? Et cela vaut aussi pour les intercommunalités, dont certaines n’ont aucune envie de prendre cette compétence ; elles le font parfois à contrecœur.
Dans mon département, la communauté d’agglomération regroupe deux grandes villes et une multitude de toutes petites communes. Elle n’avait aucune envie de prendre cette compétence et les petites communes du pays de Lourdes, qui ont dû la lui transférer, ne sont plus compétentes du tout.
Certaines communes ont fait des investissements, même avec de petits moyens ; d’autres ont fait un choix différent : cela relève de leur responsabilité.
Chacun a de bonnes raisons de faire ou de ne pas faire. Certaines communes, même sans obligation, ont fait le choix du transfert. Il faut laisser le choix aux communes, particulièrement en zone de montagne et partout où c’est nécessaire.
Je voterai cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)
M. Jean-Yves Roux. Bravo !
Mme le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Je voudrais remercier le groupe RDSE d’avoir une énième fois déposé une proposition de loi sur ce sujet. Mathieu Darnaud avait également déjà travaillé sur la question et bien d’autres de nos collègues aussi.
Je souscris à ce que tous les orateurs ont dit dans la discussion générale, sauf ceux qui sont contre ce texte : tout le monde n’habite pas Paris ou Orléans…
Je voudrais ajouter un élément qui n’a pas forcément été bien précisé, à savoir que les intercommunalités ne sont pas du tout demandeuses : il va leur falloir créer des services et engager des dépenses pour inventer des choses qui coûtent fort cher !
On a parlé des sécheresses, qui surviennent de plus en plus souvent. Il est donc essentiel de favoriser la création de syndicats, éventuellement départementaux, pour la production d’eau et non pour la distribution.
Enfin, je voudrais souligner que cette intercommunalisation entraînera naturellement une augmentation du prix du mètre cube.
Madame la ministre, les éleveurs sont vent debout contre votre projet. Ils sont nombreux, mais leurs bovins le sont plus encore. Savez-vous combien de litres d’eau boit une vache laitière chaque jour ? Plus de 100 litres, madame la ministre ! Compte tenu de la taille des exploitations, cela fait 10 mètres cubes par jour. Vous imaginez bien, avec l’augmentation du prix de l’eau, ce que cela donnerait pour l’élevage, qui est déjà dans un marasme complet.
Par conséquent, je soutiens cette proposition de loi que je voterai en applaudissant des deux mains. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE et INDEP.)
Mme le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour explication de vote.
M. Stéphane Sautarel. Je souhaite à mon tour apporter mon soutien total à cette proposition de loi. Je remercie ses auteurs et tous ceux qui, depuis de nombreuses années, se battent pour rétablir cette liberté locale.
Il ne s’agit pas seulement de conviction, même s’il en est bien évidemment question, mais aussi de la réalité de nos territoires et de la réalité locale. En effet, le rétablissement de la confiance dans nos territoires passe par le maintien de cette compétence à une échelle maîtrisée, de manière à permettre l’intervention des services mutualisés et des élus locaux dans une petite commune.
C’est aussi, et vous l’avez souligné, madame la ministre, une question grave : raison de plus pour la confier au bon sens des élus locaux et pour la leur laisser ! Ils ont démontré, dans l’exercice de cette liberté locale, leur capacité à agir et à travailler ensemble. À la question posée, on apporte une réponse qui ajoute une confusion entre la compétence et la gestion des ressources.
Bien évidemment, les élus locaux n’ont pas attendu un texte nouveau pour interconnecter des réseaux, pour travailler ensemble, pour partager des ressources et pour communiquer à leur échelle, c’est-à-dire à l’échelle la plus pertinente.
La mutualisation choisie est déjà en place. Quand il y a des besoins d’ingénierie complémentaires, ils sont mutualisés avec les agences techniques des départements, par exemple, de manière à apporter ce complément aux communes lorsque les besoins s’expriment à cette échelle. Il me semble donc que la liberté doit prévaloir.
Enfin, je conclurai en revenant sur le sujet des syndicats infracommunautaires. À une question que je vous ai posée, vous avez répondu qu’il n’était plus possible de constituer de syndicats infracommunautaires, ce qui est là aussi une limite à cette liberté locale, alors qu’elle serait la bienvenue, y compris du point de vue des communautés de communes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)
Mme le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. À mon tour, je veux remercier le groupe RDSE pour cette initiative importante.
Eu égard à ce que j’ai entendu précédemment, et je souscris à bon nombre des propos qui ont été tenus, je voudrais rappeler qu’il faut se méfier des lois fourre-tout comme la loi NOTRe de 2015, mais aussi la loi Climat et résilience de 2021, dont nous aurons, ce soir, à corriger les erreurs en ce qui concerne l’objectif du zéro artificialisation nette.
Surtout, madame la ministre, il est extrêmement important de faire confiance aux élus locaux. Il faut, à l’image de ce que le Gouvernement veut promouvoir, notamment la décentralisation et la différenciation, que l’on puisse tenir compte des réalités des territoires : la mutualisation est un processus positif dans certains territoires, mais pas dans d’autres.
Je vais assez régulièrement au Grand-Bornand, à l’invitation de mon collègue Loïc Hervé,…
M. Loïc Hervé. Magnifique ! Le paradis sur terre !
M. Michel Canévet. … où je mesure, en parlant avec les élus locaux, combien il est indispensable que la compétence demeure à l’échelon local. À défaut, c’est toute l’économie générale qui serait remise en cause : l’eau sert pour l’alimentation en eau potable des habitants et des élevages, nombreux dans cette région, ainsi que pour la production de neige. Au regard de ces différents usages, la gestion locale prend ici tout son sens.
Il est important de faire confiance aux élus locaux, de s’appuyer sur leurs choix et de les respecter. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour explication de vote.
Mme Maryse Carrère. Laissez-moi retracer devant vous, de manière anecdotique, mais si peu, le parcours d’un permis de construire avant et après le transfert de la compétence eau et assainissement de la commune à une communauté d’agglomération.
Avant ce transfert, le pétitionnaire déposait en mairie son permis de construire, laquelle envoyait la demande d’avis au syndicat intercommunal d’eau potable, qui renvoyait son avis à la commune une semaine après.
Aujourd’hui, avec le transfert à la communauté d’agglomération, la commune reçoit le permis de construire, l’envoie à la communauté d’agglomération, qui l’envoie au syndicat, puis le syndicat rend son avis à la communauté d’agglomération qui le retransmet à la mairie. Ce parcours prend environ quatre semaines : c’est autant d’agents publics à recruter pour contrôler et pour examiner les dossiers et autant d’augmentation du coût d’instruction des dossiers, sans compter que l’on tombe dans la caricature en termes d’empilement des échelons !
M. François Bonhomme. C’est Kafka !
Mme Maryse Carrère. Au-delà des considérations financières et techniques et des difficultés que peut poser le transfert de cette compétence, on peut faire mieux en matière de simplification. Nos concitoyens risquent de ne plus rien y comprendre. (M. le rapporteur et M. Jean-Yves Roux applaudissent.)
Mme le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Qualité ou défaut, voilà maintenant quelques années que je siège dans cet hémicycle.
Je me souviens de ce qui a été dit au moment de l’examen de la loi NOTRe : à aucun moment la question de la gestion des sécheresses n’a été évoquée pour justifier la remontée de compétence obligatoire aux intercommunalités.
Priorité était alors donnée à la recherche de rentabilité, aux coupes drastiques dans les finances locales et aux économies. À l’époque, on entendait dire qu’il fallait « réduire par plus de dix le nombre de services dans notre pays et réduire l’émiettement » pour satisfaire ainsi l’exigence de la Cour des comptes et du Conseil d’État. À aucun moment les enjeux que nous évoquons aujourd’hui n’ont été mentionnés.
Nous avons de la chance, en quelque sorte, de tenir ce débat en mars 2023, après un été de sécheresse. Car si nous avions eu le même débat voilà un an, quels arguments auraient été avancés après l’été 2021, plutôt pluvieux par rapport à l’été dernier ?
Nous avons besoin d’un peu de sincérité. Le vrai débat qui a prévalu en son temps était celui des remontées de compétences pour satisfaire une exigence de rentabilité, y compris au travers de la casse de la gestion publique de l’eau dans nos territoires. Voilà ce qui a prévalu !
Je voudrais dire à ceux de nos collègues qui défendent aujourd’hui encore les positions d’hier – la constance en politique, c’est magnifique ! – que le temps nous apprend que faire la loi, c’est exigeant ; l’évaluer, c’est indispensable ; savoir la réécrire quand elle ne répond pas aux attentes de la population et des territoires, c’est une exigence démocratique ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, RDSE, UC et Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour explication de vote.
M. Jean-Michel Arnaud. Beaucoup a déjà été dit et je voudrais seulement apporter mon témoignage, madame la ministre, sur la situation de la communauté d’agglomération de Gap-Tallard-Durance, qui a basculé, par obligation et contre l’avis unanime des communes membres, vers la compétence intercommunale.
Je serai bref et me contenterai, si vous le permettez, d’inviter vos services, puisque visiblement ils ont beaucoup d’influence sur les choix politiques de votre ministère, à consulter le rapport de la chambre régionale des comptes qui évalue la situation de cette communauté d’agglomération entre 2017 et 2020. Cela permettra d’alimenter la réflexion de votre administration.
Un contentieux est en cours avec la direction générale des finances publiques (DGFiP). Certaines entreprises ne sont pas payées depuis trois ans. Les entreprises, les collectivités locales et les maires sont à feu et à sang, car ils ne comprennent pas ce qui se passe. Les travaux sont bloqués compte tenu de ces difficultés. J’ai cru comprendre que la situation était similaire dans le secteur de Tarbes.
Madame la ministre, je vous invite à organiser une mission flash, puisque vous les affectionnez tant. Je serai votre homme, si vous le souhaitez, pour la mener afin d’analyser au fond la situation.
Enfin, sans être trop long, je voudrais citer quelqu’un d’importance, selon qui, « dans la très grande majorité des cas, les territoires savent mieux ce qui est le plus pertinent pour eux ».
M. François Bonhomme. Du cirage !
M. Jean-Michel Arnaud. Il s’agit d’Emmanuel Macron, lors de la Conférence nationale des territoires, le 18 juillet 2017.
M. Loïc Hervé. Ici même !
M. Jean-Michel Arnaud. À défaut d’écouter le Sénat, même si vous l’avez fait tout à l’heure et durant de longues journées de manière constructive sur la question des retraites, écoutez au moins le Président de la République qui a su dire, lors de cette Conférence, des choses puissantes et utiles.
Mme le président. La parole est à M. Sebastien Pla, pour explication de vote.
M. Sebastien Pla. Permettez-moi d’évoquer l’expérience très douloureuse vécue par le maire d’une petite commune de 150 habitants.
Ce maire a très bien travaillé pendant dix ou quinze ans. Il a refait sa station d’épuration, réhabilité l’intégralité de son réseau, dont il a porté le taux de rendement à 98 %, réalisé les travaux nécessaires non seulement pour protéger la ressource, mais également pour prêter de l’eau à la commune voisine lorsqu’elle n’en avait pas.
Puis, un jour, patatras ! En 2018, l’intercommunalité a annoncé à ce maire qu’elle allait prendre la compétence de l’eau. Il a alors réalisé un audit de l’ensemble des communes de l’intercommunalité et découvert que les niveaux et les coûts de gestion de l’eau n’étaient pas les mêmes partout.
Certaines petites communes ont alors décidé d’appliquer la loi et de réunir une minorité de blocage, soit 25 % des communes membres représentant 20 % de la population, afin de s’opposer au transfert de la compétence. Le département, l’Agence de l’eau, les services de l’État, le préfet ont gentiment commencé à exercer un chantage et à leur dire qu’elles n’obtiendraient pas de subventions si elles ne transféraient pas la compétence eau à l’intercommunalité.
Ces communes ont alors saisi le tribunal administratif pour casser l’arrêté. Après rejet de leur demande en référé, elles ne se sont pas démontées et sont allées jusqu’au Conseil d’État, qui in fine leur a donné raison et a considéré que le transfert de la compétence eau de ces petites communes à l’intercommunalité était abusif.
Ce maire, élu pendant vingt ans à Duilhac-sous-Peyrepertuse, qui s’est battu pour conserver la compétence eau, c’est moi ! J’ai estimé qu’il n’était pas nécessaire de transférer cette compétence et que les services de l’État, en particulier les préfets de deux départements, l’Aude et les Pyrénées orientales, avaient fait un peu d’excès de zèle et abusé de leurs compétences.
Je voterai avec grand plaisir la proposition de loi qui nous est aujourd’hui soumise. Laissons un minimum de liberté à nos communes, sinon il va falloir que l’on ferme la porte et que l’on rende les clefs aux préfets. Est-ce ce que vous voulez ? Ce n’est pas la culture de la France, de la ruralité. Laissez les maires tranquilles et laissez-les gérer leurs compétences en proximité. (Applaudissements sur des travées des groupes SER et CRCE, ainsi que sur les travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans ce temple du girondisme qu’est le Sénat, là où on a la subsidiarité chevillée au corps, il est important de vous rappeler, madame la ministre, que si un certain nombre de communes n’ont pas encore transféré la compétence eau et/ou assainissement, c’est peut-être pour de bonnes raisons, des raisons objectives.
Il fut un temps où l’on pouvait être à la fois sénateur et président d’une intercommunalité. Cela a été mon cas pendant trois ans. Si les montagnards ont été nombreux à s’exprimer cet après-midi, c’est qu’ils ont des raisons hydrauliques, géographiques de s’opposer au transfert. Ce n’est pas vrai qu’en montagne, mais c’est particulièrement vrai dans ces régions.
Mme Cécile Cukierman. C’est vrai !
M. Loïc Hervé. La gestion syndicale ou communale de l’eau, parfois de l’assainissement, laquelle relève certaines fois de l’intercommunalité, y est le fruit de la volonté des conseils communautaires, dans le cadre d’un accord général.
Je vous le dis très sincèrement, madame la ministre, dans ce pays, comme on l’a encore vu hier lors de l’examen de la proposition de loi visant à adapter la défense extérieure contre l’incendie à la réalité des territoires ruraux, l’hypercentralisation et le pouvoir des technocrates se heurtent à la réalité d’élus locaux honnêtes, compétents, qui savent rendre un service public à des coûts raisonnables. Le refus de transférer la compétence eau n’est pas de l’égoïsme de leur part. Dans un certain nombre de territoires, ce transfert à l’intercommunalité va faire flamber les coûts !
Mme Cécile Cukierman. Bien sûr ! C’est ce qui s’est passé dans les agglomérations.
M. Loïc Hervé. C’est une perspective que nous devons combattre ! Ce n’est pas de la solidarité, madame la ministre. Il faudra l’assumer dans les territoires où ce n’est pas le cas…
Dans le territoire que je représente, la Haute-Savoie, il faut laisser cette compétence à l’échelon où les élus veulent la conserver.
Mme le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.
M. Cédric Vial. Je ne suis pas opposé au transfert de la compétence eau à l’intercommunalité ; je suis farouchement opposé au transfert obligatoire de la compétence eau à l’intercommunalité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe SER.) Farouchement opposé !
J’y suis opposé pour deux raisons, madame la ministre. Je ne reviendrai pas sur les arguments qui ont déjà été avancés, mais la compétence eau et, dans une moindre mesure, la compétence assainissement forment l’ADN de nos territoires, de nos communes. La compétence eau est exercée par l’ensemble des communes de France. C’est le point commun entre elles. C’est même souvent sur cette base que certaines d’entre elles ont été créées ou assemblées voilà quelques années.
Je ne connais pas un élu, madame la ministre, pas un maire qui se désintéresse de la gestion de l’eau dans sa commune. Pas un ! C’est probablement la compétence la plus importante exercée par nos élus locaux. Ils ont développé une connaissance de ces réseaux à nulle autre pareille, ainsi que des compétences techniques et d’adaptabilité en matière de gestion de ces réseaux avec lesquelles aucune société privée, aucun service technique mis en place dans les intercommunalités ne sauraient rivaliser.
Nous sommes ici en train de modifier la nature de l’intercommunalité. D’un point de vue sémantique, le mot « intercommunalité » veut dire « entre les communes ». Cela signifie que les communes décident entre elles des compétences qu’elles doivent transférer. Quand le Gouvernement décide du transfert obligatoire de la commune à l’intercommunalité, il modifie la nature même de l’intercommunalité. Il crée un échelon de collectivité territoriale qui n’est pas celui que l’on souhaite. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)