Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. C’est un autre problème !
M. Rémi Cardon, auteur de la proposition de loi. Il a donc dû contracter un prêt à un taux de 15 %, afin d’avancer le coût des travaux et, surtout, d’être en mesure de continuer à se nourrir.
Je pense également à cette personne qui, après avoir été constamment démarchée par des commerciaux, a fini par accepter que son logement soit rénové, dans l’espoir de voir ses factures baisser. Quel n’a pas été son désarroi lorsqu’elle s’est rendu compte que les travaux avaient été bâclés, que la société qui les avait conduits ne donnait plus de nouvelles et que ses factures n’avaient pas diminué !
J’ai encore une pensée pour tous ceux qui ont renoncé à effectuer des travaux chez eux parce que les démarches étaient trop ardues, ainsi que pour tous ces maires qui n’osent pas rénover les logements communaux en raison de la complexité des dispositifs.
Pour toutes ces personnes, nous entendons, au travers de cette proposition de loi, recentrer l’effort budgétaire du pays sur les passoires thermiques.
Par l’article 1er, nous voulons améliorer le fléchage des aides publiques vers des travaux de rénovation plus performants. Nous souhaitons également mettre en place un mécanisme permettant un reste à charge zéro pour les plus précaires.
Sans ce reste à charge zéro, les objectifs de rénovation seront inégalement mis en œuvre, voire ne seront jamais atteints.
De toute évidence, la mention du reste à charge minimal, obtenue par le Sénat lors de l’examen du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, est aujourd’hui sans conséquence. Pour les plus modestes, le reste à charge atteindrait parfois jusqu’à 40 %.
Au travers de l’article 2, nous souhaitons favoriser le « aller-vers », pour reprendre l’expression consacrée, en direction des personnes en situation de précarité, qui sont partout sur le territoire, pour leur assurer un accompagnement gratuit. Ce dernier doit se traduire par le montage technique et financier du projet et se poursuivre jusqu’à la fin des travaux.
L’article 3 vise à s’adapter aux contraintes des propriétaires occupants, en leur permettant de s’engager dans un parcours de rénovation plus incitatif.
L’article 4, enfin, tend à adapter les normes dans les territoires d’outre-mer, afin de mieux tenir compte de leurs spécificités.
Telles sont les propositions que nous défendons pour résorber la précarité énergétique. Voilà comment nous entendons replacer la question sociale au centre de la transition énergétique, pour en finir avec la logique qui voit le rétropédalage succéder en permanence à des objectifs trop ambitieux.
Mes chers collègues, l’heure n’est plus aux rapports alarmants, aux plans de sobriété cosmétiques et aux boucliers tarifaires ; ils n’apportent que des solutions temporaires. L’heure est de passer des paroles aux actes. Eh oui, pour apaiser, il faut agir ! Ayons donc le courage d’agir, ce soir.
Au travers de cette proposition de loi, notre objectif est d’envoyer des signaux positifs aux citoyens, qui, aujourd’hui, ne perçoivent toujours pas dans leur quotidien les effets concrets de la rénovation énergétique. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la majorité des membres de la commission des affaires économiques vous propose de rejeter ce texte.
J’ai conscience que, sur un tel sujet – la lutte contre la précarité énergétique –, cette position peut surprendre. Je voudrais vous en expliquer les motifs, sachant que nous aurions préféré un renvoi en commission, qui n’a pas été accepté par l’auteur de la proposition de loi ni par son groupe. Nous respectons ce choix. Pour autant, monsieur Cardon, nous n’avons aucunement empêché d’amender le texte ! (M. Rémi Cardon lève les bras au ciel.)
Nous partageons sans hésitation, j’y insiste, les constats et les objectifs de la lutte contre la précarité énergétique. Mais, pour des raisons de temporalité et de fond, nous pensons que les mesures qui sont proposées ici sont, pour certaines, contre-productives, pour d’autres, satisfaites par le droit existant.
Je veux donc tout d’abord insister sur la nécessité d’accélérer la rénovation des logements et des passoires thermiques, pour permettre la sortie de la précarité énergétique.
Le rapport de l’Observatoire national de la précarité énergétique, l’ONPE, qui a été publié le 16 mars dernier, dresse le constant alarmant d’une situation qui s’aggrave.
En 2021, près de 11,9 % des Français ont dépensé plus de 8 % de leurs revenus pour payer les factures énergétiques de leur logement ; ils sont donc autant à être considérés comme souffrant de précarité énergétique.
En 2022, quelque 863 000 ménages ont subi une intervention d’un fournisseur d’énergie en raison d’impayés, soit une hausse de 28 % par rapport à 2019.
La France s’était pourtant engagée, au travers de la loi de 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, à rénover 500 000 logements par an – la moitié d’entre eux est occupée par des ménages modestes –, afin de disposer d’un parc respectant les normes bâtiments basse consommation énergétique (BBC) en 2050, et à réduire de 15 % la précarité énergétique à l’horizon de 2020. Cet engagement a d’ailleurs été réitéré à l’occasion de la loi Climat et résilience, mais notre pays risque de ne pas atteindre cet objectif ambitieux.
Selon le rapport de juin 2022 du Haut Conseil pour le climat, les émissions du secteur du bâtiment représentent 18 % des émissions nationales de CO2. Elles n’ont baissé que de 0,2 million de tonnes entre 2019 et 2021. Pourtant, il faudrait qu’elles diminuent de 3 millions à 4 millions de tonnes dans la période 2022-2030, selon les objectifs fixés dans la stratégie nationale bas-carbone (SNBC).
Suivre cette trajectoire devrait se traduire par 370 000 rénovations globales et performantes par an, puis 700 000 à partir de 2030.
Selon le rapport, paru en février 2023, de l’Observatoire de la rénovation énergétique des logements, en 2019, quelque 2,4 millions de logements ont bénéficié d’une aide pour des travaux qui ont permis une économie d’énergie de près de 8,6 térawattheures par an. Mais il s’agit pour l’essentiel de rénovations partielles.
Selon l’Agence nationale de l’habitat, quelque 66 000 rénovations globales ont été réalisées en 2022. C’est un chiffre en progression, certes, mais qui est encore très loin de l’objectif fixé.
Au total, quelque 3,4 milliards d’euros de subventions ont été distribués par l’Anah, mais elles ont essentiellement conduit à changer le mode de chauffage. On peut donc dire que, si la massification des aides et des gestes de rénovation a été réussie, celle des rénovations globales reste à entreprendre.
À cet égard, les mesures les plus contraignantes contre les passoires thermiques inscrites dans la loi Climat et résilience commencent à peine à entrer en vigueur et, ainsi, à produire leurs effets. Les biens les plus énergivores, classés G+, sont interdits à la location depuis le 1er janvier 2023 ; tel sera le cas pour les biens classés G, en 2025, F, en 2028, et E, en 2034.
De même, l’obligation de réaliser un audit énergétique pour les biens classés G et F est seulement entrée en vigueur le 1er avril de cette année. Elle s’appliquera aux biens classés E en 2025, et à ceux qui sont classés D en 2034.
Les conséquences de ce calendrier exigeant, qui avait suscité notre inquiétude dès 2021, sont lourdes et complexes pour les propriétaires bailleurs, pour les vendeurs et pour l’ensemble du secteur immobilier, qui subit une forte tension et qui est en cours de structuration pour faire face à cet enjeu.
Si je partage les constats et la volonté d’aller de l’avant de l’auteur de la proposition de loi, vous l’avez compris, j’estime que ce texte arrive à contretemps et que les solutions proposées sont soit contre-productives, soit satisfaites par le droit existant.
En effet, l’examen de la proposition de loi intervient en avance de phase de deux échéances importantes pour notre assemblée.
Tout d’abord, à la demande du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, le Sénat a lancé en janvier 2023 une commission d’enquête, que je préside, relative à l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique des bâtiments. La question de la précarité énergétique, comme l’ensemble des sujets qui s’y rapportent, fait donc actuellement l’objet d’un examen approfondi. Les conclusions et les propositions de la commission d’enquête devraient être publiées à la fin du mois de juin prochain.
Ensuite, comme l’a récemment confirmé la Première ministre, le Gouvernement doit présenter au Parlement, d’ici à la mi-2023, le nouveau projet de loi de programmation quinquennale sur l’énergie et le climat (LPEC), qui permettra de fixer, au niveau législatif, les objectifs de la politique énergétique, dont ceux qui sont afférents à la précarité énergétique.
S’ensuivra l’actualisation de la stratégie nationale bas-carbone et de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). À cet égard, monsieur le ministre, peut-être pourriez-vous nous donner quelques éléments relatifs à la rénovation énergétique de ce futur projet de loi ?
Sur le fond, après avoir consulté plusieurs acteurs du secteur et à la suite des auditions de la commission d’enquête, je doute de l’efficacité des mesures proposées par l’auteur de ce texte.
Certaines dispositions me semblent contre-productives. J’en donnerai deux exemples.
Tout d’abord, l’auteur de la proposition de loi prévoit dans son article 1er un reste à charge nul pour les plus modestes, alors qu’il est déjà prévu dans la loi, à la demande du Sénat, sur mon initiative, un reste à charge minimal.
Certes, aujourd’hui, le reste à charge est trop élevé, ce qui permet difficilement à certains ménages d’envisager une rénovation globale. Mais, d’une part, ce n’est pas la loi qui tendra à changer cette situation liée au montant et à la structure des aides ; d’autre part, la plupart des acteurs rejettent cette idée pour des raisons de respect et de dignité des personnes concernées. (Marques d’étonnement sur les travées du groupe SER.)
Philosophiquement, je suis convaincue que chacun doit toujours contribuer à la hauteur de ses moyens, même de manière très réduite. Pratiquement, les ménages doivent rester, à mon avis, des acteurs de la rénovation de leur logement, au risque de tomber de nouveau dans les travers des rénovations à 1 euro.
Ensuite, il est prévu à l’article 3 d’accorder jusqu’à six ans pour la réalisation d’une rénovation globale et performante. Or tous les acteurs du secteur estiment que l’idéal est de la réaliser en une seule fois et au maximum en deux ou trois étapes dans un délai court, au risque d’en perdre le bénéfice. D’ailleurs, il est actuellement prévu dans la loi un délai compris entre dix-huit mois et trois ans selon la situation du logement, notamment la taille de la copropriété. Il n’est pas souhaitable d’aller au-delà.
Outre ces deux sujets, nombre de dispositions de cette proposition de loi sont aujourd’hui satisfaites par le droit existant. Je cite l’article 3 de la proposition de loi, qui tend à proposer que l’Observatoire national de la précarité énergétique contribue à identifier localement les ménages en difficulté.
Or il est déjà prévu dans la loi, à la demande du Sénat et sur mon initiative, que les audits et les diagnostics de performance énergétique soient transmis non seulement à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), mais aussi à tous les acteurs de l’aide sociale, y compris les associations de lutte contre la précarité énergétique.
Par ailleurs, l’Observatoire national de la précarité énergétique a déjà mis en place un outil de géolocalisation de la précarité énergétique, appelé « Géodip ». Il a été utilisé par 1 500 communes environ et pourrait être développé plus encore à l’avenir.
Enfin, l’article 4 vise à préciser les missions du Centre scientifique et technique du bâtiment, le CSTB, mais, selon son président, que j’ai interrogé, le Centre dispose d’ores et déjà des compétences évoquées. Pis, la rédaction de la proposition de loi pourrait être un obstacle à leurs bons exercices sur l’ensemble du territoire.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, telles sont les raisons qui ont conduit la commission des affaires économiques à rejeter cette proposition de loi.
Nous en partageons les constats, vous l’avez compris, mais nous pensons que nous devons encore travailler sur les solutions, pour les intégrer très vraisemblablement d’une manière ou d’une autre dans la future loi sur la programmation de l’énergie ou dans de prochaines propositions de loi, qui découleraient des recommandations de la commission d’enquête. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Très bien !
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, l’examen de cette proposition de loi nous permet d’évoquer un phénomène trop souvent méconnu, mais qui touche des millions de Français : une précarité que l’on ne voit pas, qui se cache derrière les portes d’un appartement ou d’une maison. Il est d’autant plus prégnant dans le contexte de l’inflation et de la crise climatique.
Nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins. Nous avons dû affronter une crise énergétique exceptionnelle, qui s’est ajoutée à une urgence climatique que nul n’ose plus aujourd’hui contester.
Cette précarité, cela a été rappelé lors des travaux de la commission, a des conséquences multiples. Tout d’abord, elles sont économiques. Pour ma part, je ne crée pas d’antagonismes entre la fin du mois et la fin du monde. Dans ce contexte de crise, il serait insupportable que certains de nos concitoyens aient à choisir entre manger et se chauffer. Nous n’acceptons pas cela !
Ensuite, ces conséquences sont sanitaires. Comme vous l’évoquez dans l’exposé des motifs de ce texte, monsieur Cardon, dans les logements où l’on respire mal, on développe des pathologiques respiratoires. J’en suis convaincu, rénover c’est améliorer des vies, voire parfois les sauver.
Par ailleurs, elles sont sociales. Nous savons bien que cela représente une atteinte à la vie sociale pour les occupants. Ils ont honte de recevoir des gens dans un appartement rongé par l’humidité et envahi par la moisissure. Ils n’osent pas y élever une famille.
Enfin, ces conséquences sont environnementales. Les plus pauvres sont les plus sobres énergétiquement, mais c’est une sobriété subie, qui se fait au détriment de leur confort et de leur santé, voire de leur dignité.
C’est pour cela que j’ai annoncé, voilà quelques jours, la liste des 25 premiers « quartiers résilients » sélectionnés dans le cadre de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). Ils permettront de développer l’excellence environnementale dans les opérations de renouvellement urbain. En un mot, l’urgence environnementale est une urgence sociale.
Voilà pour les constats, mais, en tant que ministre, je ne puis pas me contenter de dire qu’ils sont inacceptables. Le plus important, c’est d’agir. Et c’est ce que je fais. C’est ce que nous faisons. C’est ce que font les services de l’État, les parlementaires, les collectivités et les associations.
Oui, l’État agit. Avant de parler de la rénovation qui est au cœur de notre réponse de fond, ce gouvernement a agi pour protéger tous les Français dans le contexte actuel des prix de l’énergie très élevés. Tel est l’objectif des boucliers tarifaires sur le gaz et l’électricité, qui continueront de protéger les Français en 2023, en particulier les plus fragiles.
M. Bruno Le Maire a annoncé que le bouclier tarifaire sur l’électricité serait maintenu jusqu’en 2025. Le Gouvernement sera présent aux côtés des ménages, tant que les circonstances le nécessiteront.
Nous avons agi également au cœur de la crise, avec le chèque énergie exceptionnel, venu compléter les boucliers pour les 12 millions de foyers les moins aisés.
Dans ce contexte particulier, et malgré les dispositifs déployés, nous devons continuer de faire preuve d’une vigilance toute particulière sur la question des impayés de loyers et de charges.
Pour agir sur le fond, au bénéfice de nos concitoyens, nous avons massifié la rénovation thermique, avec une aide plus simple et plus puissante : MaPrimeRénov’. (M. Rémi Cardon manifeste son impatience.) Cette aide est bonne pour la planète et bonne pour le pouvoir d’achat. Près de 1,5 million de ménages, majoritairement modestes et très modestes, ont pu en bénéficier.
Oui, monsieur Cardon, plus de 70 000 rénovations performantes ont eu lieu ! Le chiffre de 2 500 que vous avez évoqué représente le nombre de familles qui ont demandé et accepté le bonus.
De plus, la mesure MaPrimeRénov’ Sérénité complète le dispositif pour les ménages très modestes souhaitant engager une rénovation globale de leur logement.
Notre objectif est d’aller vers plus de bouquets de travaux et vers plus de rénovations globales et performantes, en particulier dans l’habitat collectif.
Toutefois, derrière l’objectif, il y a la réalité. Je connais les difficultés et les contraintes que peuvent représenter les rénovations globales.
Ainsi, les rénovations par geste, même si elles ne sont pas idéales, permettent de concrétiser une première étape et d’accompagner des personnes réticentes sur le chemin de la rénovation énergétique. MaPrimeRénov’ n’est pas une aide qui serait simplement distribuée. Au contraire, au cœur de ce dispositif se trouve l’accompagnement !
J’ai évoqué la réticence de certaines personnes réticentes ; eh bien, l’accompagnement doit permettre d’instaurer cette confiance. Elle est indispensable pour expliquer les modalités et pour réaliser les travaux.
Rénover ne doit plus être un parcours du combattant. Telle est la mission du service public France Rénov’, qui, avec ses 550 guichets, maille l’ensemble du territoire national. L’écoute, l’expertise technique et l’attention des conseillers, partout sur le territoire national, sont la force de ce service public.
Les plus de 2 250 conseillers font en sorte que s’engager dans des travaux vertueux ne soit plus jamais une source de déceptions. Ils sont, avec les collectivités territoriales, les acteurs principaux de notre stratégie « d’aller-vers ». D’Amiens à Tarbes, en passant par Nice, ils sont présents pour que nos concitoyens, y compris ceux des territoires ruraux et ceux des quartiers populaires, puissent avoir accès à ce service public de la rénovation.
Je sais que tous les acteurs de France Rénov’, ainsi que les collectivités qui cofinancent le dispositif, attendent une certaine visibilité. Pour y répondre, Christophe Béchu, Agnès Pannier-Runacher et moi-même venons d’annoncer le lancement d’une concertation avec les parties prenantes de France Rénov’ sur l’avenir du réseau et de son financement.
La prolongation du service d’accompagnement pour la rénovation énergétique (Sare) pour une année supplémentaire va permettre de sécuriser la continuité du service public en 2024, ce qui est notre priorité. Elle permettra également de travailler sereinement à un cadre de contractualisation ad hoc, plus simple, plus lisible, et plus efficace.
L’objectif affiché par la Première ministre dans la feuille de route du Gouvernement est d’atteindre, avec les collectivités, un guichet par intercommunalité d’ici à 2025.
Pour massifier l’accompagnement, il faut faire appel à tous, et je pense notamment aux accompagnateurs Rénov’. La plateforme d’agrément de ces acteurs clés pour le parcours de rénovation des ménages a ouvert au début de cette semaine. Elle doit permettre de prendre en compte la situation des acteurs historiques déjà actifs et d’agréer de nouveaux acteurs prêts à s’engager sur ces prestations.
La concertation sur l’avenir de France Rénov’ sera l’occasion de donner de la visibilité à ces nouveaux acteurs sur le modèle économique, qui sera soutenu par la création d’un nouveau programme national de certificats d’économies d’énergie (C2E).
Notre cap est clair : disposer d’ici à la fin de l’année d’un vivier d’accompagnateurs Rénov’, qui permettront de soutenir une montée en charge significative des rénovations globales en 2024, en cohérence avec les travaux de la planification écologique.
J’en viens aux dispositifs de la loi Climat et résilience, qui interdiront progressivement la mise en location des passoires énergétiques.
Monsieur le sénateur, les dispositions de cette loi permettent déjà de répondre largement aux problèmes soulevés dans votre proposition de loi, tant au sujet du service public de la rénovation qu’à propos de l’identification des ménages en situation de précarité énergétique. Ces avancées ont été permises par le Sénat.
En ce qui concerne le calendrier mis en place par la loi, j’entends les doutes et les inquiétudes de certains professionnels du secteur. Mais j’ai aussi entendu, comme vous, madame le rapporteur, d’autres personnes me dire que nous n’allions pas assez vite, et je les comprends aussi.
Tenir le calendrier, c’est tenir la promesse faite aux occupants de ces passoires thermiques, qui va changer concrètement leur vie. C’est aussi maintenir la crédibilité de la parole publique, qu’il ne faut pas entamer sur un sujet aussi grave.
Les mesures les plus contraignantes viennent d’entrer en vigueur récemment, vous le savez : depuis le 1er janvier, les biens étiquetés G+ sont interdits à la location et l’obligation de réaliser un audit énergétique pour la vente de maisons individuelles classées F et G est entrée en vigueur le 1er avril dernier.
J’ai installé, le 13 avril dernier, un comité des partenaires de la rénovation du parc locatif privé. Il s’agit de créer non pas une instance de concertation de plus, mais un espace de discussion et de travail avec les acteurs impliqués, au plus près du terrain, pour informer, faire connaître les bonnes pratiques qui fonctionnent et lever des freins tout à fait opérationnels.
Là aussi, le cap est clair : nous sommes dans le temps de l’action et de la mobilisation pleine et entière de tous les leviers qui existent, pour apporter des réponses concrètes aux Français qui vivent dans les logements les plus énergivores.
Mesdames, messieurs les sénateurs, même si nous partageons les constats que dresse l’auteur de cette proposition de loi, force est de reconnaître que beaucoup a été fait pour lutter contre la précarité énergétique.
Cela ne signifie surtout pas qu’il ne faut pas continuer d’agir. Le Gouvernement et le Parlement sont au travail, avec plusieurs échéances qui rendent moins pertinent l’examen de ce texte. Je pense aux travaux de planification écologique, conduits avec l’appui du secrétariat général à la planification écologique (SGPE), placé sous l’égide de la Première ministre, dont la rénovation des bâtiments est un chantier de premier ordre.
Ces travaux permettront de donner de la visibilité à tous les acteurs et de décliner concrètement de grandes orientations que nous partageons tous : accélérer la rénovation du parc de logement, notamment l’éradication des passoires énergétiques et la sortie des énergies fossiles ; faciliter le parcours de nos concitoyens, en particulier les plus modestes ; former les filières de demain et structurer la filière.
Le 9 mai prochain seront restitués les travaux du Conseil national de la refondation (CNR) logement, qui abordera, bien sûr, le sujet qui nous réunit aujourd’hui.
Je pense enfin aux conclusions, dans les prochains mois, de la commission d’enquête sénatoriale, que vous présidez, madame le rapporteur, relative à l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique des bâtiments. Elles viendront naturellement alimenter notre feuille de route.
Ainsi ces travaux nous permettront d’approfondir les propositions du texte, dont nombre sont en partie déjà satisfaites, comme cela a été souligné par la commission. D’ailleurs, je tiens à saluer la qualité de ses travaux et le temps qu’elle a consacré à l’audition des différents acteurs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous comprenez que, au regard du travail déjà accompli, des chantiers engagés et des échéances à venir, le Gouvernement ne soutiendra pas cette proposition de loi. (Marques d’ironie sur les travées du groupe SER.)
Je veux croire à la mobilisation collective pour réussir au plus vite l’éradication des passoires thermiques de notre parc de logements.
C’est pourquoi nous ferons, avec vous, monter en puissance le service public de la rénovation.
C’est pourquoi nous encouragerons encore davantage les rénovations globales, afin que les ménages, notamment les plus précaires, vivent mieux dans leur logement. Ainsi, nous bâtirons une transition énergétique efficace, concrète et populaire.
Mme le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Viviane Artigalas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces derniers mois notre assemblée a eu à débattre de plusieurs textes relatifs aux politiques du logement. Tout récemment, nous avons examiné la proposition de loi visant à mieux protéger les locataires bénéficiant d’une allocation logement et vivant dans un habitat non décent.
Si ces textes n’apportent pas toujours des solutions adaptées, ils partagent néanmoins un même constat : la France, ayant pris des engagements environnementaux et sociaux visant notamment à réduire les passoires thermiques d’ici à 2028, a déployé des moyens importants et obtenu quelques progrès. Ainsi, en 2022, près de 3,1 milliards d’euros ont été dépensés pour réaliser des travaux dans 670 000 logements.
Cependant, les politiques publiques demeurent inefficaces face à l’ampleur de l’enjeu. Au contraire, la précarité énergétique s’accroît, en partie à cause d’un contexte de hausse des prix de l’énergie qui touche les plus vulnérables : 5,6 millions de ménages sont concernés et ce chiffre ne diminue pas.
Par ailleurs, 37 % des passoires thermiques sont occupées par des ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté et les territoires ruraux sont particulièrement touchés par la vulnérabilité énergétique.
Pour ce public précaire, il est impossible d’engager des travaux de rénovation globale, donc performante, en raison d’un reste à charge important : entre 35 % et 50 % du coût des travaux. Cette dépense est trop importante pour leurs finances ; de ce fait, les passoires thermiques subsistent.
Les difficultés rencontrées s’expliquent en partie par une complexité administrative et des dysfonctionnements techniques persistants, notamment au niveau de la plateforme MaPrimeRénov’. De plus, l’importance de la fracture numérique constitue un frein pour les publics concernés par les aides de l’État, qui n’y accèdent pas faute d’un accompagnement adapté et en raison d’un manque de coordination entre les différents corps de métiers de la filière de l’artisanat. Même lorsqu’ils y accèdent, les subventions mettent trop de temps à arriver.
Les objectifs et les constats sont partagés, les moyens sont là ; pourtant, rien n’avance, alors qu’il est urgent de tenir les engagements annoncés. La France risque de passer encore une fois à côté d’un enjeu majeur pour la lutte contre le réchauffement climatique.
En effet, sans un diagnostic de performance énergétique (DPE) conforme, les logements les plus énergivores risquent de sortir du marché de la location faute de rénovation. Ainsi, 90 000 logements du parc privé sont potentiellement concernés depuis le 1er janvier 2023 et ce chiffre passerait à 160 000 au 1er janvier 2025.
La révision de la stratégie française sur l’énergie et le climat sera discutée dans les prochains mois. Ce débat doit être l’occasion de définir de nouvelles priorités d’actions. Résorber la précarité énergétique est une nécessité à la fois sociale et environnementale, qui requiert une stratégie de rénovation des logements plus performante et plus inclusive.
Avec ce texte, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain se veut force de proposition sur cet objectif dans la perspective de la loi de programmation dont nous débattrons cette année.
Ses quatre articles structurent une stratégie cohérente pour atteindre les objectifs de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, et rétablir le principe d’égalité et de justice sociale dans la mise en œuvre de notre transition écologique, que nous avions déjà défendu lors de l’examen de ladite loi.
Nous souhaitons ainsi prioritairement recentrer l’effort budgétaire de la France sur l’éradication des passoires thermiques, en mettant en place un reste à charge zéro pour les personnes les plus précaires et en favorisant le « aller vers » de manière à toucher tous les foyers éligibles aux aides à la rénovation énergétique.
Pour ce faire, nous entendons poser le principe de l’égalité d’accès aux guichets France Rénov’ et aux accompagnateurs Rénov’ sur l’ensemble du territoire, y compris dans les zones à faible densité de population.
Dans un souci de prise en compte des réalités quotidiennes, nous souhaitons également permettre aux propriétaires occupants sans possibilité de relogement de réaliser leurs travaux de rénovation globale en plusieurs tranches, dans le cadre d’un parcours financé, accompagné et planifié.
Enfin, nous proposons d’encourager l’innovation dans les techniques et les matériaux de rénovation afin d’améliorer la prise en compte des spécificités locales, ce qui est particulièrement pertinent pour les territoires d’outre-mer.
Bien que nos constats sur la nécessité d’accélérer la rénovation énergétique des bâtiments et la lutte contre les passoires thermiques aient été unanimement partagés lors de l’examen en commission, celle-ci a rejeté notre texte. Nous tenons néanmoins à rappeler qu’il est urgent de trouver des réponses efficaces et concrètes.
Nos propositions sont adaptées à la réalité quotidienne de nombreux citoyens, elles se fondent sur des situations réelles vues et entendues dans nos circonscriptions, ainsi que dans de nombreux reportages.
En 2021, environ 11,9 % des Français ont dépensé plus de 8 % de leur revenu pour régler les factures énergétiques de leur logement et sont donc considérés comme souffrant de précarité énergétique. En 2022, le nombre de ménages ayant subi l’intervention d’un fournisseur d’énergie en raison d’impayés avait augmenté de 28 % en trois ans.
Notre texte se veut une alerte : les efforts de rénovation connaissent de fortes inégalités territoriales, ce n’est pas normal ; nos concitoyens subissent une importante inégalité d’accès aux dispositifs nationaux encourageant les rénovations, ce n’est pas normal.
La transition énergétique, comme bien d’autres domaines, fait des privilégiés et des laissés pour compte, nous ne pouvons pas l’accepter. C’est pourquoi je vous invite à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)