M. Éric Bocquet. Nous débattions il y a quelque temps dans cet hémicycle d’un texte tendant, selon ses auteurs, à « renforcer la protection des épargnants ». À présent, cette proposition de loi entend garantir « l’inclusion bancaire », dont nul ne peut nier l’importance. Or ces deux textes ne consacrent pas la moindre disposition aux livrets d’épargne réglementée.

Pourtant, 87 millions de livrets de ce type – livrets A, livrets de développement durable et solidaire (LDDS) ou encore livrets d’épargne populaire (LEP) – sont ouverts, pour un encours total de 486 milliards d’euros.

La Cour des comptes l’affirme : « L’épargne réglementée constitue une particularité française qui a peu d’équivalents en Europe et qui s’explique par l’histoire financière et par l’importance des dispositifs réglementaires visant à encourager et protéger l’épargne des ménages. Elle offre à ces derniers des produits simples […], bénéficiant de la part de l’État d’une garantie sur le capital et d’une rémunération évoluant en fonction de l’inflation ; pour le système financier, elle constitue une ressource stable et contribue à transformer les dépôts des épargnants en emplois d’intérêt général de long terme. »

Afin d’augmenter le nombre de bénéficiaires du LEP, nous proposons de rendre sa présentation obligatoire aux épargnants éligibles.

Ce livret est le produit d’épargne protecteur par excellence : il est rémunérateur, car il est indexé sur l’inflation, et sécurisant, grâce à des dépôts garantis ; il est également liquide et assorti d’une fiscalité avantageuse.

Alors que les clients les plus aisés bénéficient de diverses remises commerciales et de supports défiscalisés, les clients les plus modestes subissent, eux, la double peine : ils doivent acquitter plus de frais et se voient proposer une épargne moins rémunératrice.

Pourtant, il en va du livret d’épargne populaire comme des aides sociales : son non-recours est massif. Dans son rapport annuel de juin 2019, l’Observatoire de l’épargne réglementée (OER) établit que « seuls 21 % des individus éligibles détiennent un LEP, alors que, parmi les personnes éligibles non-détentrices de LEP, la moitié détient un livret A ».

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Cet amendement vise à systématiser la proposition d’ouverture d’un LEP aux clients en difficulté financière satisfaisant aux conditions de revenu fiscal de référence.

Le groupe CRCE a déjà proposé ces dispositions lors de l’examen de la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants, mentionnée par M. Bocquet. La commission s’était alors prononcée pour le retrait de l’amendement présenté. En effet, selon l’article L. 221-15 du code monétaire et financier, l’ouverture d’un LEP est réservée aux épargnants dont le revenu fiscal de référence est inférieur à un certain seuil.

Aujourd’hui, c’est le contribuable qui doit demander l’ouverture de ce livret. Si les dispositions de cet amendement étaient mises en œuvre, l’établissement de crédit devrait avoir accès à son revenu fiscal de référence pour déterminer son éligibilité. Il en résulterait un certain nombre de difficultés – un tel changement pose notamment la question de la confidentialité des informations.

Il nous semble que c’est plutôt à l’administration fiscale d’informer le contribuable de son éligibilité à l’épargne populaire. Chaque année, la direction générale des finances publiques (DGFiP) diffuse une information qui gagnerait probablement, et même sans aucun doute, à être mieux relayée. Elle pourrait par exemple figurer sur l’avis d’imposition. Peut-être M. le ministre pourra-t-il nous éclairer quant à ces évolutions.

En conséquence, nous proposons le retrait de cet amendement. À défaut, nous émettrions un avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Même avis que M. le rapporteur.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 14.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 6  - Amendement n° 14
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer l'accessibilité et l'inclusion bancaires
Article 7

Mme le président. L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. Canévet et Bonneau, Mme Guidez, MM. Longeot, Kern et Le Nay, Mmes Vermeillet et Gacquerre, M. Moga, Mmes Billon et Saint-Pé, M. Delahaye, Mme Perrot, M. Duffourg, Mme Sollogoub, MM. P. Martin et Capo-Canellas, Mme Jacquemet, M. J.M. Arnaud, Mme Doineau, MM. Détraigne et Chauvet, Mme de La Provôté et M. Cigolotti, est ainsi libellé :

Après l’article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes concernées par le compte assorti des services bancaires de base ouvert en application de la procédure mentionnée au III de l’article L. 312-1 se voient appliquer des taux d’intérêt débiteurs ne pouvant dépasser le taux de l’usure, tel que défini par les articles L. 314-6 à L. 314-9 du code de la consommation. »

La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.

Mme Sylvie Vermeillet. Cet amendement de Michel Canévet vise à protéger les personnes en situation de fragilité, eu égard notamment au montant de leurs ressources.

En appliquant des taux d’intérêt débiteurs ne pouvant dépasser le taux d’usure, l’on éviterait des procédures coûteuses à un certain nombre de particuliers qui, faisant face aux aléas de la vie, connaissent déjà bien souvent des difficultés financières, compte tenu des contraintes d’encadrement du recours au crédit.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Ma chère collègue, l’article L. 314-6 du code de la consommation définit le taux d’usure comme le taux d’intérêt maximal légal. Par définition, les intérêts débiteurs dus lorsqu’un compte affiche un découvert sont donc obligatoirement inférieurs au taux d’usure.

La commission approuve bien sûr votre objectif, à savoir mieux encadrer les intérêts débiteurs. Vous le savez, le taux d’usure est parfois fixé relativement haut, en particulier pour des prêts d’un faible montant, au point de paraître excessif pour les clients fragiles.

C’est précisément pourquoi, via l’amendement déposé à l’article 6, la commission a prévu de plafonner de nombreux frais bancaires, parmi lesquels figurent les intérêts débiteurs. Il s’agit bel et bien de mieux protéger nos concitoyens les plus fragiles.

Cet amendement étant satisfait, je vous prie de bien vouloir le retirer. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Même avis.

Mme le président. Madame Vermeillet, l’amendement n° 2 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Sylvie Vermeillet. Suivant l’avis de M. le rapporteur, je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme le président. L’amendement n° 2 rectifié bis est retiré.

Chapitre III

De l’effectivité du droit au compte et du recours à l’offre spécifique

Article additionnel après l'article 6 - Amendement n° 2 rectifié bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer l'accessibilité et l'inclusion bancaires
Après l’article 7

Article 7

Le treizième alinéa de l’article L. 612-39 du code monétaire et financier est complété par une phrase ainsi rédigée : « En cas de non-respect des articles L. 312-1 et L. 312-1-1-A, la commission des sanctions est tenue de prononcer cette sanction pécuniaire. »

Mme le président. L’amendement n° 24, présenté par M. Sautarel, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. L’article 7 oblige la commission des sanctions de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) à adopter une sanction pécuniaire à l’encontre des établissements de crédit qui ne respecteraient pas leurs obligations en matière de droit au compte ou n’appliqueraient pas la charte d’inclusion bancaire et de prévention du surendettement.

Cet article est en grande partie satisfait : pour assurer le droit au compte et le respect de ladite charte, la commission des sanctions de l’ACPR dispose déjà d’un pouvoir de sanction, y compris pécuniaire.

Cette instance serait désormais tenue de prononcer une sanction. Or une telle disposition nous semble excessive. Conformément aux principes de proportionnalité et de gradation des sanctions, la commission des sanctions de l’ACPR doit rester souveraine dans le choix de la mesure la plus adaptée.

Au demeurant, la publication des décisions sous forme nominative, que l’ACPR pratique dès à présent, paraît avoir davantage d’impact qu’une sanction pécuniaire sur les établissements de crédit. Au cours des dernières années, elle a été décidée au moins à trois reprises à l’encontre de banques qui n’avaient pas respecté la charte.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission propose de supprimer l’article 7.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Le Gouvernement est lui aussi favorable à la suppression de l’article 7.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 24.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. En conséquence, l’article 7 est supprimé.

Article 7
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer l'accessibilité et l'inclusion bancaires
Article additionnel après l'article 7 - Amendement n° 7 rectifié ter

Après l’article 7

Après l’article 7
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer l'accessibilité et l'inclusion bancaires
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Mme le président. L’amendement n° 7 rectifié ter, présenté par MM. Parigi, Breuiller, Gontard, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Labbé, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le III de l’article L. 312-1 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° À la fin de la deuxième phrase du quatrième alinéa, les mots : « de l’ensemble des pièces qui lui sont nécessaires à cet effet » sont remplacés par les mots : « des pièces requises mentionnées au premier alinéa du présent III » ;

2° Après la deuxième phrase du même alinéa, sont insérées trois phrases ainsi rédigées : « Le défaut de transmission des pièces complémentaires requises par l’établissement de crédit dans le cadre des obligations mentionnées à la section 3 du chapitre Ier du titre IV du livre V du présent code ne saurait faire obstacle à l’ouverture du compte. Dans ce cas, conformément au II de l’article L. 561-8, l’ouverture de ce compte ne peut être considérée comme constitutive de l’établissement d’une relation d’affaires avant la réalisation de la première opération sur le compte. Les pièces mentionnées sont transmises à l’établissement de crédit au plus tard avant la réalisation de cette première opération. »

La parole est à M. Paul Toussaint Parigi.

M. Paul Toussaint Parigi. Cet amendement tend à apporter quelques modifications au droit au compte, afin de mieux accompagner les clients les plus précaires.

Nous prévoyons ainsi une procédure d’ouverture du compte en deux étapes.

Dans un premier temps, les banques ne pourront exiger que les documents strictement nécessaires, à savoir les informations requises par la Banque de France. Puis, une fois le compte ouvert, il leur sera toujours loisible de demander des informations complémentaires pour respecter leurs obligations.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Nous avons débattu de ce point en commission, et je remercie M. Parigi d’avoir rectifié son amendement dans le sens que nous suggérions.

Il s’agit de trouver un juste équilibre entre les obligations contradictoires pesant sur les établissements de crédit, qu’il s’agisse du droit au compte ou de la connaissance de leur clientèle.

Lorsqu’un établissement de crédit est désigné par la Banque de France pour ouvrir un compte au titre du DAC, il doit bien sûr agir dans les meilleurs délais. Cela étant, pour satisfaire à ses obligations de vigilance face au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme, ledit établissement doit parfois solliciter de nombreuses pièces justificatives, ce qui peut retarder l’ouverture du compte.

La Cour des comptes a relevé une réticence croissante, depuis 2018, des établissements de crédit à mettre en œuvre la procédure du DAC. Ils invoquent précisément, à cet égard, la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Les documents complémentaires demandés par la banque doivent en effet être transmis avant l’ouverture du compte.

Les dispositions proposées permettent de décaler la transmission de ces documents complémentaires après l’ouverture du compte, afin de réduire ses délais de création, mais toujours avant la première opération sur le compte. Elles répondent ainsi à une problématique bien identifiée tout en conservant un garde-fou réel.

Dès lors, la commission est favorable à cet amendement ainsi rectifié.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Pour lutter contre le blanchiment et le financement du terrorisme, la réglementation européenne fixe un ensemble d’obligations aux établissements de crédit lors de l’entrée en relation avec un client.

Ces mesures de vérification peuvent faire l’objet d’un certain nombre de modulations, elles aussi prévues par le droit européen. Elles peuvent notamment conduire au différé de la vérification de l’identité du client. Seul le faible degré de risque de la clientèle saurait les justifier.

Cet amendement vise à aménager la procédure du droit au compte, afin de l’inscrire dans la catégorie de faible risque au titre de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Cet aménagement n’est absolument pas conforme au droit européen. Il ne respecte pas davantage, dans leur esprit, les recommandations du groupe d’action financière (Gafi).

Par ailleurs, en vertu de la loi n° 2021-1774 du 24 décembre 2021 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle, dite loi Rixain, toute personne est désormais en mesure d’activer la procédure dont il s’agit, même si elle dispose déjà d’un compte joint.

Cette évolution bénéficie, en particulier, à toute personne victime de violences conjugales et potentiellement cotitulaire d’un compte avec son conjoint maltraitant : elle lui permet de saisir directement la Banque de France pour activer le droit au compte dans une perspective d’émancipation.

En conséquence, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Monsieur le ministre, les victimes de violences conjugales n’entrent plus dans le champ de cet amendement. Comme vous venez de le rappeler, les dispositions qui les concernaient étaient satisfaites. C’est précisément pourquoi elles ont été retirées.

Nous en sommes tout à fait conscients : même rectifiée, la rédaction retenue ne donne peut-être pas pleinement satisfaction d’un point de vue technique. Mais, à nos yeux, cette mesure va dans le bon sens, ne serait-ce que parce qu’elle a le mérite d’engager la discussion. Je pense notamment au public fragile, qu’elle est de nature à rassurer.

Je fais confiance à la délibération parlementaire. La navette entre le Sénat et l’Assemblée nationale permettra d’améliorer encore ces dispositions pour les rendre tout à fait opérantes.

C’est pourquoi je confirme l’avis favorable de la commission sur cet amendement.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 7.

Vote sur l’ensemble

Article additionnel après l'article 7 - Amendement n° 7 rectifié ter
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer l'accessibilité et l'inclusion bancaires
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.

M. Rémi Féraud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous regrettons évidemment que les articles 1er et 2, portant sur l’accessibilité bancaire territoriale, aient été purement et simplement supprimés. Du moins aurons-nous lancé le débat : je suis sûr qu’il se poursuivra, ici même, prochainement. Un certain nombre d’interventions le prouvent, il est nécessaire d’approfondir notre réflexion sur le sujet.

Cette remarque étant formulée, nous voterons le texte issu de nos discussions : en matière d’inclusion bancaire, en effet, les dispositions qui subsistent ne sont pas négligeables.

Je remercie M. le rapporteur de son travail. Cette proposition de loi, qui, je l’espère, va poursuivre son chemin parlementaire, montre que, face à l’ensemble des frais bancaires qui leur sont imposés, les Français en situation de fragilité ont besoin d’être mieux protégés.

Certes, la réglementation existe ; certes, les pratiques se sont améliorées, mais bien trop peu. Les progrès sont beaucoup trop lents, et les frais bancaires restent largement illisibles. L’opacité tend d’ailleurs à s’accroître.

Dans notre pays, les frais bancaires atteignent désormais 25 milliards d’euros par an, et il n’est pas acceptable que nos concitoyens les plus modestes y participent tant.

M. Jean-François Husson. C’était déjà le cas sous Hollande…

M. Rémi Féraud. Nous sommes face à une redistribution à l’envers, qui aggrave encore la situation des personnes en difficulté. J’espère que le présent texte permettra de faire avancer la législation en la matière.

Mme le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.

M. Jean-François Husson. À mon tour, je salue le travail collectif accompli en commission, puis en séance, en remerciant tout particulièrement notre rapporteur, Stéphane Sautarel. Il a dû procéder dans des délais très courts, mais chacun, j’en suis sûr, a apprécié son sens de l’écoute et du dialogue : il s’est ainsi employé à rechercher les points de convergence.

Avec cette proposition de loi, nous avons traité d’un sujet éminemment important, plus encore – je l’ai déjà rappelé lors des questions d’actualité au Gouvernement – en ces temps de tensions sociales.

Mes chers collègues, pour ce qui concerne l’accessibilité, j’ai demandé à la Banque de France une cartographie nationale, détaillant, à l’échelle des départements, les différents points d’accès bancaires, notamment les distributeurs. A priori, nous obtiendrons ces informations rapidement. À ce titre, nous souhaitons garantir le maillage que suppose notre stratégie « zéro zone blanche » pour l’accès aux espèces.

Pour ce qui concerne l’inclusion bancaire, le travail que nous venons de mener nous permet d’avancer : à mon sens, il a toute son importance.

Monsieur le ministre, je suis sûr que vous approuvez nos orientations, malgré les avis défavorables que vous avez pu rendre et que je déplore. Désormais, il appartient au Gouvernement de s’emparer de ce texte : ce serait une reconnaissance supplémentaire de l’utilité des travaux menés par nos deux assemblées dans le cadre des semaines d’initiative. Le Parlement en a bien besoin !

La balle est dans votre camp. J’y insiste, je compte sur le Gouvernement pour faire prospérer ce texte.

Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Mes chers collègues, nous étions très favorables à la proposition de loi initiale. Cela ne nous a pas dissuadés de déposer divers amendements, dont certains, comme pour autres sénateurs, d’ailleurs – le constat a été rappelé –, ont été déclarés irrecevables.

Le fonds de garantie nous aurait aidés à obtenir la vraie cartographie de l’accessibilité bancaire, que vient d’évoquer M. Husson ; il est urgent de mieux prendre en compte la réalité que vivent les Français.

On le sait, après un certain nombre de retraits aux distributeurs automatiques de billets d’autres banques que la vôtre, vous devez acquitter des frais. En la matière, rien n’est gratuit !

Je le répète, cette initiative parlementaire était très intéressante. Le débat a eu lieu. Il a lui aussi prouvé son intérêt, même si nous aurions souhaité que le Gouvernement y contribue davantage, en proposant d’enrichir le présent texte. Telle était, selon nous, la logique.

M. Bilhac a insisté avec raison sur les salariés pauvres. C’est bien pourquoi il aurait fallu, comme nous le proposions, étendre l’accès à l’épargne populaire.

De même, chers collègues socialistes, vous le savez, nous souhaitions éviter que les collectivités territoriales ne soient une nouvelle fois mises à contribution.

Je vous le dis sans esprit polémique, car il y a déjà assez de désordre aujourd’hui dans notre société : les banques engrangent 6,5 milliards d’euros de frais d’incidents chaque année ! À l’évidence, elles peuvent prendre part à l’effort en faveur de l’accessibilité et de l’inclusion bancaires.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous nous abstiendrons sur ce texte.

M. Éric Bocquet. Très bien !

Mme le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à renforcer l’accessibilité et l’inclusion bancaires.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)

Mme le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer l'accessibilité et l'inclusion bancaires
 

5

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à résorber la précarité énergétique
Discussion générale (suite)

Précarité énergétique

Rejet d’une proposition de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à résorber la précarité énergétique
Article 1er

Mme le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de la proposition de loi visant à résorber la précarité énergétique, présentée par M. Rémi Cardon, Mmes Viviane Artigalas, Catherine Conconne, Annie Le Houerou et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 170 rectifié, résultat de travaux n° 523, rapport n° 522).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Rémi Cardon, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

M. Rémi Cardon, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Antoine de Saint-Exupéry écrivait : « Nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants. »

Dans quel état allons-nous rendre la Terre à nos enfants ? La science est unanime : les effets du changement climatique se font de plus en plus pressants et de plus en plus dramatiques, et ils deviennent irréversibles.

Nous sommes conscients des dangers. Nous savons qu’il reste peu de temps pour inverser la tendance et endiguer les conséquences désastreuses d’un réchauffement global.

Mes chers collègues, il est plus que temps d’agir. Cette proposition de loi vient du vécu des habitants de mon département et des vôtres. Elle s’inspire des retours d’expérience d’associations qui sont fortement mobilisées. Elle se veut une première réponse aux dysfonctionnements et aux freins constatés sur le terrain.

Évidemment, elle n’a pas la prétention de résoudre tous les problèmes de la politique de rénovation énergétique. Mais elle permet de traduire un corpus de mesures applicables immédiatement afin d’avancer concrètement.

Au nom du groupe auquel j’appartiens, j’exprime le regret que la commission ait rejeté ce texte sans avoir même tenté ni proposer de l’amender. (Exclamations au banc des commissions.) Nous le savons dès à présent : aujourd’hui, le Sénat n’enverra aucun signal positif aux milliers de Français qui souffrent de la précarité, été comme hiver.

Oui, les travaux de la commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation thermique sont nécessaires – je salue d’ailleurs mes collègues du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires de leur initiative et des propositions qu’ils ne manqueront pas de formuler dans les prochains mois –, mais l’un n’empêche pas l’autre.

Face à l’urgence, l’immobilisme n’est plus de mise. On ne peut pas se contenter de fixer des objectifs toujours plus ambitieux sans se donner les moyens de les atteindre.

À cet égard, l’exemple du Grenelle de l’environnement est particulièrement parlant : si les objectifs de rénovation énergétique fixés en 2008 avaient été tenus, la France économiserait déjà l’équivalent de ses importations de gaz russe, et des millions de personnes seraient sorties de la précarité énergétique.

Le logement est, après les transports, le secteur le plus énergivore. Il représenterait 18 % des émissions de gaz à effet de serre en France. C’est d’ailleurs le premier poste de dépenses des ménages. Pourtant, les efforts pour adapter nos logements aux nouveaux défis du siècle restent insuffisants.

L’été, les épisodes caniculaires s’enchaînent à un rythme de plus en plus soutenu. Pour les foyers les plus chanceux, disposant d’une climatisation, il en résulte une consommation d’énergie accrue pour refroidir les logements. Pour les autres, les températures grimpent très vite dans les habitations, faute d’une isolation efficiente.

L’hiver, les six millions de passoires thermiques que compte notre pays ne permettent pas à leurs occupants de vivre dignement, qui plus est dans un contexte d’envolée des prix de l’énergie. Les foyers les plus fragiles sont confrontés à un choix cornélien : se priver ou s’endetter pour se chauffer. Et que dire des maladies induites, comme la bronchite chronique ou l’asthme ?

Nous sommes donc confrontés à plusieurs enjeux essentiels : tout d’abord, un enjeu social, car il convient de réduire les dépenses énergétiques des ménages et d’accroître leur confort ; ensuite, un enjeu de santé publique ; enfin, un enjeu environnemental, car la France doit respecter les engagements climatiques pris lors de la conclusion des accords de Paris.

Un certain nombre d’avancées ont certes été obtenues au cours des dernières années, mais les résultats ne sont pas à la hauteur et beaucoup reste à faire.

D’ailleurs, selon la Cour des comptes, pour 700 000 subventions débloquées en 2021 au titre de MaPrimeRénov’, le nombre de logements sortis de la catégorie des passoires thermiques, qui avait été initialement annoncé à 80 000 par le Gouvernement, a été ramené à 2 500. À ce rythme-là, il faudra plus de 2 000 ans pour rénover les six millions de passoires thermiques de France…

Vous le savez : à l’urgence climatique s’est ajoutée, avec une inflation délirante, l’urgence économique. Pas plus tard qu’hier, lors d’une table ronde, les représentants de la fondation Abbé Pierre nous rappelaient que tous les indicateurs de rénovation globale étaient en baisse en 2022.

Mes chers collègues, nous dressons tous un certain nombre de constats, issus des remontées de terrain comme des auditions que nous avons menées conjointement ici même, au Sénat, mais trop peu de personnes s’engagent dans un parcours de rénovation globale et performante.

Les raisons de la non-massification des rénovations globales et performantes sont multiples. Des moyens ont été engagés : l’Agence nationale de l’habitat (Anah) a distribué plus de 3,4 milliards d’euros en 2022. Pourtant, les freins sont encore trop nombreux ! Les voici : c’est le reste à charge, qui s’élève à environ 35 000 euros pour les rénovations de pavillon ; c’est aussi le fait que près de la moitié des ménages résidant dans une passoire thermique ont des revenus compris entre 988 euros et 1 267 euros par personne !

Mes chers collègues, combien de rapports alarmants faudra-t-il publier avant que l’on ne s’attaque à la précarité énergétique et au mal-logement des plus modestes ?

Notre proposition vise non pas à créer de nouveaux dispositifs ou de nouvelles normes, mais à réaffecter au bon endroit les moyens dont nous disposons et à cibler prioritairement les personnes qui ne vivent pas actuellement dans la dignité, comme le montrent nombre de rapports. Ainsi, nous pourrions éradiquer les passoires en 2030, plutôt qu’en 4020 !

Mes chers collègues, il y a urgence à changer de cap et à revoir le pilotage de la politique de rénovation énergétique, dans un contexte où les tarifs de l’énergie sont toujours plus élevés. Il y a urgence, car les logements les plus énergivores vont disparaître du marché de la location, faute de rénovation.

La crise du logement ne frappera pas que les grandes villes. Les ménages qui s’imposent les plus grandes restrictions habitent dans les communes rurales et les bourgs de moins de 20 000 habitants.

En cumulant l’interdiction progressive des passoires thermiques et les effets de l’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN), nos communes rurales risquent de voir se multiplier des éléphants blancs d’un nouveau type et de devenir ainsi des musées à ciel ouvert de l’habitat d’antan.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, il est urgent d’agir, et cela sans forcément attendre la nouvelle feuille de route du Gouvernement !

Bien sûr, la révision de la stratégie française sur l’énergie et le climat doit être l’occasion de clarifier, dans les mois prochains, les priorités de notre pays, d’établir une stratégie de rénovation des logements et de lutte contre la précarité énergétique plus performante et plus ambitieuse. Mais cela ne nous donne pas le luxe de perdre encore plus de temps, car, sur le terrain, cela ne fonctionne pas bien, les remontées en attestent.

Je pense à ce couple de retraités de mon département, la Somme, qui a engagé des travaux de rénovation globale de leur logement. À l’heure où je m’adresse à vous, les travaux sont terminés depuis plusieurs mois. Malheureusement ce couple n’a toujours pas reçu la subvention MaPrimeRénov’.