Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne
Article 1er
(Non modifié)
Le IV de l’article 1er de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« On entend par service de réseaux sociaux en ligne toute plateforme permettant aux utilisateurs finaux de se connecter et de communiquer entre eux, de partager des contenus et de découvrir d’autres utilisateurs et d’autres contenus, sur plusieurs appareils, en particulier au moyen de conversations en ligne, de publications, de vidéos et de recommandations. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, sur l’article.
Mme Marie-Pierre Monier. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui nous permet d’affirmer un principe sur lequel nous nous rejoignons toutes et tous : celui de l’accord préalable des parents pour l’inscription sur un réseau social pour les mineurs de 15 ans.
C’est un signal salutaire, à l’heure où 46 % des 6-10 ans disposent de leur propre smartphone et où 28 % des 7-10 ans se rendent régulièrement sur un réseau social.
Il nous apparaît toutefois de façon aussi évidente que ce principe, une fois voté, se heurtera à des difficultés pratiques dans sa mise en œuvre.
Mes collègues de la délégation aux droits des femmes, qui ont travaillé pendant des mois, dans le cadre du rapport Porno : l’enfer du décor, sur la complexité d’interdire, conformément à l’article 227-24 du code pénal – dont la première version remonte à 1994 –, l’accès des mineurs à des contenus pornographiques, pourront témoigner du gouffre existant entre l’intention du législateur et la réalité, sur le terrain, du numérique.
Ainsi, si la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales a rendu l’Arcom compétente pour intervenir auprès des sites qui ne vérifient pas l’âge de leurs utilisateurs, il a fallu attendre plus d’un an pour la publication du décret rendant opérationnelle cette disposition.
Sur le fondement de ce décret, plusieurs sites pornographiques ont été effectivement mis en demeure par l’Arcom. Toutefois, pour cinq d’entre eux, assignés pour être bloqués, nous devons attendre le verdict qui sera rendu par la justice le 7 juillet prochain, à la suite de la saisine du tribunal judiciaire de Paris.
Ce parcours du combattant a poussé le Gouvernement à donner à l’Arcom, dans le cadre du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, la possibilité, sans passer par une décision judiciaire, de se prononcer sur le blocage, le déréférencement et la mise à l’amende des sites ne respectant pas cette obligation.
C’est un pas dans la bonne direction, qui rejoint d’ailleurs les recommandations mises en avant dans le rapport de la délégation.
J’évoque aujourd’hui cet épisode, car il doit nous alerter sur la solidité des garde-fous à mettre en place pour faire passer la protection du bien-être et de la santé de nos enfants avant les intérêts des plateformes privées.
Cela suppose également, au-delà des belles intentions, de doter une structure comme l’Arcom des outils administratifs et des moyens humains nécessaires pour faire vivre ces politiques.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 1er bis
Le troisième alinéa du 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée est ainsi modifié :
1° Après le mot : « humaine, », sont insérés les mots : « à la représentation, à la vie privée et à la sécurité des personnes et à la lutte contre toutes les formes de chantage et de harcèlement » ;
2° Après la première occurrence de la référence : « 24 », la fin est ainsi rédigée : « et aux articles 24 bis et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et aux articles 222-33, 222-33-2-1 à 222-33-2-3, 223-1-1, 225-4-1, 225-4-13, 225-5, 225-6, 226-1, 226-2, 226-2-1, 226-8, 226-21, 226-22, 227-23, 227-24, 312-10 à 312-12 et 421-2-5 du code pénal. » – (Adopté.)
Article 1er ter
(Non modifié)
Après la première phrase du quatrième alinéa du 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elles rendent visibles à leurs utilisateurs des messages de prévention contre le harcèlement défini à l’article 222-33-2-2 du code pénal et indiquent aux personnes auteurs de signalement les structures d’accompagnement face au harcèlement en ligne. » – (Adopté.)
Article 2
I. – Après l’article 6-5 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée, il est inséré un article 6-7 ainsi rédigé :
« Art. 6-7. – I. – Les fournisseurs de services de réseaux sociaux en ligne exerçant leur activité en France refusent l’inscription à leurs services des mineurs de quinze ans, sauf si l’autorisation de cette inscription est donnée par l’un des titulaires de l’autorité parentale sur le mineur. Ils recueillent également, dans les mêmes conditions et dans les meilleurs délais, l’autorisation expresse de l’un des titulaires de l’autorité parentale relative aux comptes déjà créés et détenus par des mineurs de quinze ans.
« L’un des titulaires de l’autorité parentale peut demander aux fournisseurs de services de réseaux sociaux en ligne la suspension du compte du mineur de quinze ans.
« Les fournisseurs de services de réseaux sociaux, pour vérifier l’âge des utilisateurs finaux et l’autorisation des titulaires de l’autorité parentale, utilisent des solutions techniques conformes à un référentiel élaboré à cette fin par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique après consultation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
« II. – Lorsqu’il constate qu’un fournisseur de services de réseaux sociaux n’a pas mis en œuvre de solution technique certifiée pour vérifier l’âge des utilisateurs finaux et l’autorisation des titulaires de l’autorité parentale de l’inscription des mineurs de quinze ans, le président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique adresse à ce fournisseur, par tout moyen propre à en établir la date de réception, une mise en demeure de prendre toutes les mesures requises pour satisfaire aux obligations prévues au présent article. Le fournisseur dispose d’un délai de quinze jours à compter de la mise en demeure pour présenter ses observations.
« À l’expiration de ce délai, en cas d’inexécution de la mise en demeure, le président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut saisir le président du tribunal judiciaire de Paris aux fins d’ordonner au fournisseur de mettre en œuvre une solution technique conforme.
« Le fait pour un fournisseur de services de réseaux sociaux de ne pas satisfaire aux obligations prévues au I est puni d’une amende ne pouvant excéder 1 % de son chiffre d’affaires mondial pour l’exercice précédent.
« III. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »
II. – (Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° 8, présenté par M. Assouline, Mmes S. Robert et Van Heghe, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lors de l’inscription, ces entreprises délivrent une information à l’utilisateur de moins de quinze ans et au titulaire de l’autorité parentale sur les risques liés aux usages numériques et les moyens de prévention.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Par cet amendement, nous proposons d’inscrire une nouvelle obligation pour les entreprises de services de réseaux sociaux en ligne. Il s’agit de délivrer une information à l’utilisateur sur les risques liés aux usages numériques et les moyens de prévention aux mineurs de 15 ans ainsi qu’à leurs parents.
Selon l’exposé des motifs de la proposition de loi, « les parents ignorent souvent le contenu de la vie numérique de leurs enfants et ne supervisent pas leur activité. Ils sont ainsi à peine plus de 50 % à décider du moment et de la durée de connexion de leurs enfants, et 80 % déclarent ne pas savoir exactement ce que leurs enfants font sur internet ou les réseaux sociaux ».
Ces chiffres témoignent de l’impuissance des parents face à des pratiques que leurs enfants maîtrisent souvent bien mieux qu’eux, sans mesurer les conséquences de leurs actes.
Il est donc proposé d’inclure dans le dispositif de la proposition de loi une mesure destinée à l’information des familles lors de l’inscription, comme des conseils sur les risques liés à l’utilisation d’internet et les moyens de les aborder, le droit à l’oubli, la protection de ses données, la surexposition aux écrans et l’indication du numéro vert d’e-Enfance, le 3018, qui est le numéro court national pour les jeunes victimes de violences numériques et leurs parents.
Le décret d’application prévu à l’article 6 précisera les caractéristiques et modalités de cette information, afin que le même niveau de protection soit offert par tous les réseaux sociaux aux mineurs de 15 ans et à leurs parents.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure. Une telle information est présente sur la plupart des réseaux sociaux. Pour autant, je vous l’accorde, sa visibilité, qui sera précisée dans le cadre du DSA, que nous examinerons prochainement, doit être améliorée.
Selon moi, notre assemblée doit privilégier l’intérêt des mineurs aux simples considérations d’articulation des normes entre elles. Ainsi, vous l’aurez compris, la commission émet un avis favorable sur cet amendement, en espérant que le Gouvernement fera le même choix que nous-mêmes, à savoir celui de la protection des mineurs envers et contre tout.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. L’argumentation de Mme la rapporteure est imparable. Néanmoins, il m’appartient d’être le « défenseur » de la ligne de crête que nous devons suivre, en vue de ne pas trop empiéter sur le DSA. En effet, ce texte est le fruit d’un compromis, notre pays ayant obtenu que celui-ci soit exigeant, bien qu’il n’intègre pas l’intégralité de nos desiderata.
Néanmoins, il a atteint un équilibre permettant à l’Europe d’imposer sur l’ensemble de son territoire un certain nombre de règles. Le Gouvernement se montrera donc toujours très prudent lorsque les amendements déposés viendront empiéter sur le champ définitif du DSA, tel qu’il résulte des discussions.
En l’occurrence, cet amendement, pour lequel le Gouvernement s’en remettra à la sagesse de la Haute Assemblée, paraît satisfait par les articles 14 et 35 du DSA.
S’agissant de l’amendement n° 9, l’avis du Gouvernement sera un peu plus sévère. En effet, si l’amendement n° 8 est adopté, l’amendement n° 9 serait doublement satisfait, par ce dernier et par le DSA. Ce sera donc une demande de retrait.
Mme la présidente. L’amendement n° 9, présenté par M. Assouline, Mmes S. Robert et Van Heghe, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lors de l’inscription, ces entreprises délivrent une information à l’utilisateur de moins de quinze ans claire et adaptée des conditions d’utilisation de ses données et de ses droits informatiques.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Par cet amendement, nous proposons de suivre une recommandation de la Cnil, qui précise que le RGPD, « impose de fournir aux personnes concernées une information sur les conditions d’utilisation de leurs données personnelles et sur leurs droits, qui soit compréhensible, aisément accessible en des termes clairs et simples, en particulier pour toute information destinée spécifiquement à un enfant ».
Pourtant, il suffit de naviguer sur certaines des plateformes massivement utilisées par les mineurs pour se rendre compte qu’une telle information sur les données est loin d’être une pratique généralisée.
La Cnil avait néanmoins indiqué que « cette obligation d’une information adaptée est pourtant la clef de voûte du dispositif de protection des mineurs : elle conditionne la possibilité même d’un consentement éclairé, ainsi que la connaissance des droits dont ils disposent, dont ils ne pourront bien évidemment pas se saisir s’ils les ignorent ou n’en comprennent pas le sens et l’intérêt ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure. Cet amendement suit la même logique que le précédent, à savoir la mise en place d’une meilleure protection des mineurs. Il emporte donc la même appréciation de la part de la commission, qui émet un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Comme je viens de le dire, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, il se verra contraint d’émettre un avis défavorable sur cet amendement, qui lui paraît doublement satisfait par le DSA, qui prévoit explicitement que les conditions générales d’utilisation doivent être facilement compréhensibles par les enfants, mais aussi par l’excellent amendement n° 8, que vous venez d’adopter et qui prévoit une information au moment de l’inscription.
Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. Fialaire, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, M. Gold, Mme Pantel et MM. Requier, Roux et Cabanel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les fournisseurs de services de réseaux sociaux en ligne exerçant leur activité en France empêchent la consultation de contenus inappropriés aux mineurs de quinze ans. Le non-respect de cette obligation est puni d’une amende ne pouvant excéder 1 % de leur chiffre d’affaires mondial pour l’exercice précédent.
La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Cet amendement vise à obliger les fournisseurs de services de réseaux sociaux en ligne à empêcher les mineurs numériques de consulter des contenus inappropriés.
En effet, si certains fournisseurs de services de réseaux sociaux en ligne ont mis en place des outils afin de limiter la consultation des jeunes, notamment grâce au mode restreint, le fait d’instaurer une telle obligation de résultat forcerait les fournisseurs de services à améliorer le fonctionnement de leurs algorithmes, qui tendent à enfermer l’utilisateur dans une niche. On a notamment pu assister à une augmentation des actes d’automutilation chez des adolescents orientés par l’algorithme vers une bulle dépressive.
Je le rappelle également, le DSA n’entrera en vigueur que le 17 février 2024, et le 25 août 2023 pour les très grandes plateformes en ligne. Son article 42 prévoit notamment que les États membres doivent déterminer le régime des sanctions applicables aux violations du règlement par les fournisseurs de services.
Aux termes de cet amendement, la sanction applicable aux fournisseurs de services de réseaux sociaux laissant la libre consultation de contenus inappropriés par des mineurs de 15 ans représenterait une amende ne pouvant excéder 1 % de leur chiffre d’affaires mondial de l’exercice précédent.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure. Cet amendement s’appuie sur une réalité incontestable, d’ailleurs largement décrite dans le rapport. Les jeunes sont en effet confrontés à des contenus douteux sur les réseaux sociaux.
Deux problèmes se posent. Le premier est d’ordre juridique, puisque les termes « contenus inappropriés » ne sont pas définis dans la loi. Comme vous le savez, si la pédopornographie ou le terrorisme ne font pas débat, la frontière est souvent beaucoup plus floue pour d’autres sujets. Il est à noter qu’une procédure de signalement des contenus manifestement illégaux existe d’ores et déjà. Certes, nous ne pouvons pas nous en satisfaire totalement et nous savons que le chemin à parcourir est encore long. Sans doute convient-il de travailler plus en profondeur pour ne pas fragiliser une protection existante.
Le second problème est d’ordre « juridico-pratique ». En effet, dans la mesure où il n’est pas question de contrôler a priori les contenus postés par les internautes sur les réseaux, le classement en « contenus appropriés » ou « contenus inappropriés » est en pratique irréalisable.
Je le répète, le DSA, qui sera examiné prochainement par le Sénat, devrait comporter, du moins je l’espère, une palette de mesures en matière de régulation des contenus.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. L’avis du Gouvernement est identique à celui de la commission.
Le DSA est conçu de manière à satisfaire l’intention qui est la vôtre, à la fois sur la question du retrait des contenus, chaque plateforme devant disposer d’un processus de signalement par les usagers, mais aussi par des tiers de confiance identifiés sous le vocable « signaleurs de confiance », notamment des associations de protection de l’enfance, et également sur la question du régime de sanctions, puisque, en cas de manquement aux obligations, les amendes prononcées pourront s’élever à 6 % du chiffre d’affaires.
M. Bernard Fialaire. Je retire l’amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 10, présenté par Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Van Heghe, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
parentale
insérer les mots :
ou le mineur de quinze ans
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Cet amendement relève de la même logique que l’amendement suivant, qui ne s’en distingue que par une différence de degré. Il vise à permettre aux mineurs de 15 ans de mieux exercer leurs droits numériques.
Il s’inscrit pleinement dans le dispositif visant à octroyer aux mineurs de 15 ans le droit de demander la suspension de leur compte.
Les fondements de cette proposition relèvent de l’ordre non seulement du principe, mais aussi de la pratique. Comme cela a été souligné dans le rapport de la Cnil de 2021 sur les droits numériques des mineurs, le RGPD invite à favoriser cette autonomisation autant que faire se peut, selon l’âge et le degré de maturité des mineurs.
À cet égard, rappelons que l’article 1er du RGPD garantit le droit à l’autodétermination informationnelle, à savoir la capacité, pour toute personne, de maîtriser les données qui le concernent. Sans une telle faculté, point d’apprentissage, point d’autonomisation.
D’un point de vue plus fonctionnel, les parents ne sont pas nécessairement au courant des violences que peuvent subir leurs enfants dans l’espace numérique. Ainsi, en nous assurant que les mineurs de 15 ans peuvent directement solliciter la suspension de leur compte, nous les protégeons plus efficacement.
Loin d’être antinomique avec l’exercice de l’autorité parentale, car telle n’est pas mon intention, ce droit vise à compléter le dispositif prévu en apportant une protection supplémentaire et en reprenant l’une des recommandations de la Cnil.
Vous me répondrez certainement, madame la rapporteure, que l’exercice de cette faculté est aujourd’hui possible. Certes, dans les faits, c’est possible. En droit, il convient de le préciser, car, à l’heure actuelle, un réseau social pourrait empêcher un jeune de suspendre son compte, au prétexte de la validation par l’autorité parentale.
Cet amendement vise donc à protéger encore plus efficacement les mineurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure. La faculté de suspendre son compte existe sur toutes les plateformes ; je l’ai vérifié personnellement sur les réseaux sociaux les plus importants.
Je profite de l’examen de cet amendement pour vous dire que je partage votre préoccupation. Je veillerai à ce que les textes à venir ne puissent pas remettre en cause une telle possibilité.
Sur le fond, l’amendement étant satisfait dans la pratique, la commission y est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Van Heghe, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le mineur de quinze ans peut demander aux fournisseurs de services de réseaux sociaux en ligne la suppression de son compte.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Cet amendement est quelque peu similaire au précédent, mais il va plus loin en termes de gradation.
La protection des mineurs recouvre un triple enjeu : un enjeu de santé publique, bien sûr, un enjeu éducatif, mais aussi un enjeu sécuritaire – il faut établir un ordre public numérique et la protection des mineurs en est une composante essentielle.
L’édifice juridique est en cours de construction, comme le démontre l’actuel foisonnement des textes législatifs. On a cité le DMA, le DSA et les règlements européens, qui seront prochainement discutés en séance publique.
La proposition de loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux et la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants viennent d’être votées. Nous débattrons également prochainement d’autres textes.
Je regrette l’éclatement de ces différentes initiatives, qui rend difficilement lisible et saisissable l’ensemble du corpus juridique élaboré. Il n’en demeure pas moins qu’elles permettent d’adapter notre droit aux nouveaux usages numériques. Tout cela appelle, bien sûr, de notre part vigilance et anticipation.
Cet amendement tend donc à répondre à ce triple enjeu. En l’état, la proposition de loi ne vise qu’à prévoir la possibilité de suspendre le compte, sur demande de l’autorité parentale, ce qui paraît insuffisant.
Afin de conférer au droit à l’oubli une pleine portée, conformément à l’article 51 de la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dite loi Informatique et libertés, le mineur de 15 ans doit pouvoir supprimer librement son compte, ainsi que toutes les informations y afférentes. Ce droit numérique lui appartient. Telle est la philosophie défendue au travers de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure. Comme pour la suspension de compte évoquée à l’amendement précédent, il est déjà possible de supprimer un compte sur toutes les plateformes, et c’est heureux !
Cet amendement étant déjà satisfait par la pratique, j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par M. Assouline, Mmes S. Robert et Van Heghe, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les entreprises mentionnées au premier alinéa proposent d’activer un dispositif permettant de contrôler le temps d’utilisation de leur service lors de l’inscription d’un mineur.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Par cet amendement, nous demandons que les entreprises de services de réseaux sociaux en ligne soient légalement tenues de proposer un dispositif permettant de contrôler le temps d’utilisation de leurs services lors de l’inscription d’un mineur.
La surexposition aux écrans entraîne, selon l’association e-Enfance, des problèmes de concentration et de mémorisation, avec une baisse des résultats scolaires et, parfois, un repli sur soi. Elle a également des conséquences sur le sommeil, car la lumière bleue des écrans bloque la libération de la mélatonine, l’hormone du sommeil. L’horloge interne et les cycles de sommeil s’en trouvent donc parfois perturbés.
L’association relève également des troubles du comportement et des conséquences psychologiques, voire parfois physiques.
Enfin, la surexposition aux écrans peut entraîner l’addiction aux jeux vidéo ou aux jeux de hasard en ligne, ainsi qu’un risque accru d’exposition aux contenus choquants, inadaptés, ou encore favoriser les mauvaises rencontres en ligne.
Cet amendement tend donc à ce que chaque entreprise de services de réseau social propose un décompte du temps d’utilisation quotidien pour les utilisateurs mineurs, qui leur serait envoyé. Prendre conscience du temps passé sur un réseau social est un premier pas pour lutter contre l’addiction à ces plateformes.
Je suis heureuse que notre rapporteure ait rendu plus contraignant cet amendement par le dépôt d’un sous-amendement. Les mineurs doivent en effet prendre conscience du temps passé sur les réseaux. Une information régulière, obligatoire et automatique en constitue la meilleure garantie.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 15, présenté par Mme Borchio Fontimp, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 4, alinéa 3
1° Remplacer les mots :
proposent d’activer
par les mots :
activent
2° Compléter cet alinéa par les mots :
et informent régulièrement de cette durée l’usager par le biais de notifications
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure. L’amendement n° 4 de M. Assouline vise à prévoir un dispositif optionnel de contrôle du temps passé par les mineurs sur les réseaux sociaux, comme vient de l’expliquer notre collègue Sylvie Robert. En effet, cet ajout pourrait constituer une fonctionnalité utile. Je pense cependant qu’il serait pertinent d’aller plus loin. Aussi, je vous propose de rendre cette information non pas optionnelle et passive, avec un utilisateur qui devrait aller chercher dans ses paramètres pour connaître le temps qu’il passé sur les réseaux, ce qu’in fine personne ne fait, mais plus active, l’utilisateur recevant directement l’information sous forme de notifications régulières.
Un tel dispositif me semble plus pédagogique. On oublie trop souvent le temps passé sur les réseaux sociaux. Il serait utile que les mineurs surtout puissent en prendre conscience.