Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Michel Canévet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est un texte important que nous examinons aujourd’hui.

Le groupe Union Centriste est particulièrement attaché – comme vous, monsieur le ministre – à la lutte contre l’ensemble des fraudes. En témoignent les nombreux amendements que ses membres, notamment Nathalie Goulet, ont déposés sur ce sujet, en particulier lors de l’examen des projets de loi de finances.

Cette lutte, qui requiert évidemment des moyens adaptés, est extrêmement importante, car la fraude gangrène la société dans laquelle nous vivons. D’une part, elle empêche l’État de disposer d’un certain nombre de moyens au service de l’action publique, ce qui pose un grave préjudice à l’ensemble de nos concitoyens. D’autre part, la fraude est une porte d’entrée à toutes les dérives possibles, par le biais des trafics de tout genre qui sévissent dans le monde entier. Je pense à la drogue, bien entendu, fléau particulièrement dramatique dans de nombreux pays et qui pourrait le devenir en France également, mais aussi au tabac ou à la contrefaçon et à tout ce qui a pour but d’empêcher que s’établissent des relations tout à fait normales entre les uns et les autres.

Il faut donc s’attacher à faire les choses dans le bon ordre. Notre code des douanes n’avait pas été refondu depuis des décennies ; il était donc important de le faire, ne fût-ce que, comme Éric Bocquet vient de le rappeler, pour répondre à l’obligation qui découle de la récente décision du Conseil constitutionnel. Cela nous donne également l’occasion d’adapter notre droit aux moyens technologiques dont on dispose aujourd’hui et dont il est indispensable de doter les services des douanes.

Monsieur le ministre, je veux vous remercier de l’initiative que vous avez prise en invitant les parlementaires volontaires à aller voir, sur le terrain, la manière dont les douanes travaillent. Pour ma part, je me suis rendu auprès des agents de la direction régionale des douanes d’Amiens, pour voir comment ils opéraient sur l’axe Paris-Lille. Je veux saluer le travail qu’ils mènent dans des conditions qui sont loin d’être faciles : l’activité, proportionnelle au flux de véhicules, est extrêmement importante et les moyens dont disposent les agents sont parfois trop réduits pour bien appréhender la réalité de ceux qui veulent détourner la législation de notre pays. Cependant, j’ai trouvé là des agents particulièrement volontaires et mobilisés, des personnes attachées à une bonne réalisation de leur travail.

Cet engagement porte ses fruits : l’an dernier, comme cela a été rappelé, 650 tonnes de cigarettes de contrebande et plus de 100 tonnes de stupéfiants ont été saisies par les douanes. Tout cela est à mettre à l’actif des nombreux agents qui effectuent cette mission sur le territoire national.

Mais pour que cela continue, monsieur le ministre, disons-le très clairement, il faut s’assurer que le périmètre dans lequel les agents des douanes peuvent agir soit le même que celui dans lequel les trafiquants opèrent.

On sait, et l’expérience qu’il m’a été donné de vivre l’a confirmé, que la plupart des marchandises de contrebande arrivent de ports étrangers, notamment de ceux de Rotterdam et Anvers, soit parce que leurs services de douane y sont, peut-être, moins regardants sur ce qui y arrive, soit du fait de l’ampleur des flux de marchandises qui y transitent. Cela nous amène d’ailleurs à nous interroger aussi sur la capacité de nos installations portuaires.

Puisque l’essentiel du commerce international et du transport de marchandises s’effectue par voie maritime, en développant nos ports pour qu’ils puissent réaliser plus d’opérations de transport, nous permettrions à nos services de mieux maîtriser la réalité des trafics qu’ils combattent. Devoir saisir ces marchandises illégales alors qu’elles transitent entre les pays de débarquement et ceux auxquels elles sont destinées, entre le nord et le sud de l’Europe, rend la tâche de nos agents particulièrement compliquée.

Je voudrais aussi appeler votre attention, monsieur le ministre, sur la fraude à la TVA évoquée par le rapporteur Albéric de Montgolfier. Comme il le soulignait, il faudra que le dispositif présent dans ce texte soit complété à l’avenir par d’autres volets si l’on veut lutter efficacement contre les fraudes ; les avancées déjà permises ici devraient néanmoins permettre aux agents d’être plus efficients.

Ma collègue Sylvie Vermeillet, qui suit attentivement ces questions, est particulièrement préoccupée par la lutte contre la contrefaçon et le trafic de tabac, dont l’ampleur est démontrée par les chiffres que j’ai cités. Les services des douanes m’ont affirmé avoir récemment pu démanteler cinq ateliers de fabrication de tabac installés illégalement sur notre territoire. C’est dire que, au vu des perspectives de profit qu’ils offrent, les opérateurs n’hésitent plus à installer des ateliers sur notre territoire.

Il faut donc que nous soyons beaucoup plus vigilants sur ce sujet. Nous devons nous assurer que les moyens donnés à nos agents pour lutter contre ces ateliers soient plus opérants, sans quoi ce type de contrefaçon va encore se développer.

Fort heureusement, le Gouvernement propose que les sanctions soient nettement renforcées, parce qu’il n’y a pas de raison que les sanctions soient particulièrement lourdes pour le trafic de stupéfiants, mais moindres pour le trafic de tabac. Bien sûr, la lutte contre les stupéfiants doit encore être renforcée, mais la lutte contre la fraude au tabac doit l’être aussi. Il faudra sans doute doter nos agents de meilleurs outils pour y parvenir.

J’espère à ce propos, monsieur le ministre, que le Conseil d’État va rejeter le recours en référé déposé contre le décret pris le 19 avril dernier pour permettre l’utilisation de moyens aéroportés de surveillance par les douanes et les forces de l’ordre. Là aussi, clairement, il s’agit de dispositions visant à doter nos services de douanes d’outils modernes, dispositions que certains attaquent au nom de je ne sais quel esprit de liberté, ce qui est particulièrement regrettable. Il faut que nous puissions continuer dans cette voie.

Vous nous demandez également, monsieur le ministre, de vous habiliter à refondre le code des douanes par ordonnance. Le groupe Union Centriste y est, bien entendu, tout à fait favorable. Simplement, nous souhaitons que cette ordonnance fasse ensuite l’objet d’une ratification. Il est important que le Parlement, quand il confie ses responsabilités à l’exécutif, puisse ensuite contrôler ce que celui-ci a réalisé. La question de la ratification des ordonnances se pose de manière générale, comme le recours à cette procédure a augmenté ces dernières années, mais elle se pose ici de manière plus spécifique : il importe particulièrement que nous puissions ratifier cette ordonnance-ci.

Cela étant dit, monsieur le ministre, le groupe Union Centriste votera avec enthousiasme ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin et M. Alain Richard, rapporteur pour avis, applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la criminalité en bande organisée, dont les méthodes assassines, barbares, font grand bruit depuis le début de l’année à Marseille, prend racine dans les trafics transfrontaliers de contrefaçons, d’armes, de tabac et, bien évidemment, de stupéfiants.

On déplore vingt et un morts depuis le début de l’année dans la cité phocéenne. Des quartiers entiers passés sous un autre droit vivent dans la peur des balles perdues et d’éventuelles représailles de la part des narcoterroristes, qui font la loi.

Ce texte, qui vise à sécuriser les capacités de fouille des douaniers, à alourdir les peines réprimant le trafic de tabac et à prendre des dispositions pour lutter contre les go fast, va dans le bon sens. Cependant, il ne change pas la philosophie du problème.

Dans un rapport de 2015, la Cour des comptes pointe très précisément les enjeux : « Il existe une contradiction latente entre la volonté […] d’assurer la plus grande fluidité du marché intérieur […] et la nécessité de garantir le respect des normes et règles dont les douanes veillent à l’application. […] La tendance de la Commission a jusqu’à présent été de favoriser la libre circulation plutôt que le contrôle. » La Commission européenne, encore et toujours ce boulet idéologique qui refuse de prendre en compte la réalité !

En effet, l’absence de frontières nationales a engendré laxisme, désordre et ensauvagement. Les différents élargissements de l’Union n’ont d’ailleurs pas du tout été pris en considération dans l’évolution des moyens attribués aux douanes, bien au contraire.

Les flux de marchandises et de personnes intra- et extra-européens ayant explosé, le besoin en douaniers augmente fortement. Pourtant, depuis vingt ans, la France a perdu 3 000 agents, passant de 20 000 à 17 000 douaniers.

À Marseille, la direction régionale des douanes m’a fait part de ce problème : même si l’on doublait les effectifs sur le port, les douaniers ne seraient toujours pas assez nombreux pour répondre à l’ampleur des trafics.

On entend souvent parler des effectifs de la police nationale, municipale et de la gendarmerie, mais jamais de ceux des douaniers. Pourtant, si nous avions plus de douaniers, nous aurions certainement besoin de moins de forces de l’ordre à l’intérieur du territoire. Plus de saisies en amont, c’est moins de trafics en aval ! Or, sur les 900 emplois promis au moment du Brexit, en 2019, il en manque toujours un tiers, soit 300.

Ce lundi 22 mai, au col de Larche, dans les Alpes-de-Haute-Provence, un passeur a forcé un barrage des douanes avec son véhicule : douze clandestins ont été découverts à l’intérieur. Les douaniers, on le voit, jouent un rôle primordial de sécurité, avec la police aux frontières.

Par ailleurs, le marché de la cocaïne explose dans notre pays. En plus des saisies historiques effectuées en 2022 sur le port du Havre, avec 10 tonnes découvertes, le port de Marseille-Fos a connu lui aussi un record, avec 1,7 tonne de cocaïne saisie par les douanes. Celles-ci sont à l’origine de 70 % des saisies de stupéfiants en France, mais elles sont victimes de la politique du chiffre qui les oblige, faute d’effectifs, à délaisser les stups pour atteindre les autres objectifs imposés par les bureaucrates des ministères.

Monsieur le ministre, plutôt que de communiquer sur des centaines de postes créés à la DGFiP, il serait plus judicieux de rendre à la douane sa compétence d’enquête sur les fraudes à la TVA, qui représentent 25 milliards d’euros, et de lui accorder les effectifs dont elle a besoin pour remplir sereinement et efficacement l’intégralité de ses missions.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Agnès Canayer applaudit également.)

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien qu’en prise directe avec les enjeux les plus contemporains, la douane a déjà une longue histoire derrière elle.

Les échanges de marchandises sont régulés depuis l’Antiquité : pensons au teloneion grec, qui a donné le « tonlieu » du Moyen Âge, à la pratique de l’affermage, qui a de beaucoup précédé l’instauration d’une douane proprement étatique, ou encore aux nombreux octrois, droits de haut-passage, droits de traite, et j’en passe.

Créée en 1791 à la suite du démantèlement de la Ferme générale, ce qui s’est d’abord appelé la Régie nationale des douanes joue, depuis plus de deux siècles, un rôle essentiel dans l’exercice de notre souveraineté économique, au gré des vicissitudes de l’histoire, oscillant entre des périodes protectionnistes et des périodes plus libre-échangistes.

Aujourd’hui, la direction générale des douanes et droits indirects compte un peu plus de 16 000 agents, soit à peu près l’équivalent des effectifs du ministère des affaires étrangères, pour un budget de 1,6 milliard d’euros par an. Toutefois, l’échelle de la politique douanière est désormais européenne, dans le cadre de l’Union douanière qui constitue l’un des piliers de l’UE.

Certains types de fraudes sont répandus au sein de l’Union. Ainsi, en matière fiscale, de la fraude « carrousel » sur la TVA, qui consiste à se faire rembourser dans un pays voisin des montants de TVA qui n’ont en fait jamais été acquittés. La douane française intègre la lutte contre les fraudes intra-européennes dans sa politique de renforcement du contrôle aux frontières intérieures de Schengen.

Les techniques de fraude apparaissent toujours plus sophistiquées et les douanes sont engagées dans une lutte permanente entre le glaive et le bouclier. La situation actuelle se caractérise par une recrudescence des grands trafics illégaux : stupéfiants, tabac et autres produits contrefaits, objets d’art, antiquités ou animaux, mais également, hélas ! trafic d’êtres humains… Ces flux illicites sont d’autant plus difficiles à combattre qu’ils s’insèrent dans la masse du fret légal, ce qui les rend moins aisément détectables. La numérisation de l’économie, en particulier l’usage de cryptoactifs, démultiplie aussi les outils de contournement des contrôles douaniers.

Face à ces défis, l’administration des douanes doit pouvoir disposer de moyens d’action efficaces et correctement dimensionnés. La recherche des auteurs d’infractions douanières est ainsi un objectif à valeur constitutionnelle qui doit être préservé dans le nouveau cadre légal que nous nous apprêtons à examiner.

L’origine de ce projet de loi, cela a déjà été dit, est la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 22 septembre 2022 invalidant l’article 60 du code des douanes, à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité. On mesure de nouveau la portée majeure de cette procédure, introduite dans notre droit par la révision de 2008, qui permet d’effectuer un contrôle de constitutionnalité a posteriori.

Il est vrai que la rédaction de cet article 60 pouvait apparaître un peu succincte. Alors que les échanges extérieurs se sont considérablement développés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, en même temps que les droits de l’individu et l’intégration européenne, les bases juridiques du contrôle douanier, elles, sont restées en grande partie jurisprudentielles.

Le présent projet de loi procède à une réécriture en profondeur du code des douanes, en particulier à l’article 2, qui remplace la disposition déclarée inconstitutionnelle par une série d’articles nettement plus détaillés – d’aucuns diront peut-être un peu bavards… Cette réécriture sera complétée par une ordonnance prise sur le fondement de l’habilitation qui figure à l’article 15, habilitation dont je propose par ailleurs de réduire le délai à deux ans, conformément à l’avis du Conseil d’État.

Quoi qu’il en soit, ce projet de loi constitue une base indispensable à la pérennité du cadre légal des interventions des agents des douanes, le cadre actuel devenant caduc à compter du 1er septembre prochain.

Plusieurs modifications adoptées en commission tendent à rapprocher le droit des visites douanières de la procédure pénale, en posant des conditions comme l’information du procureur de la République. Ma collègue Nathalie Delattre a, pour sa part, déposé une série d’amendements visant à préserver des moyens légaux suffisants pour la pleine réalisation des missions des agents des douanes. Il s’agit toujours d’assurer un équilibre subtil entre les libertés individuelles et les moyens de la puissance publique.

La création d’une réserve opérationnelle, sur le modèle de celles de l’armée ou de la police, est une proposition intéressante pour une administration dont près de la moitié des agents sont sous uniforme. Ne faudrait-il pas également un renforcement pérenne des moyens matériels et humains de la douane, à l’instar de ce qui se fait chez certains de nos voisins ?

En conclusion, les membres du RDSE reconnaissent la nécessité de légiférer rapidement sur cette question. Ils se montreront attentifs au sort des différents amendements déposés, avec néanmoins un avis a priori favorable sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Alain Richard, rapporteur pour avis, et Marc Laménie applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Agnès Canayer. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’heure où la mondialisation entre dans une nouvelle phase, la frontière représente une limite utile, qui permet de filtrer les allées et venues des personnes et des marchandises.

La frontière est également un signe d’humilité et de modestie : comme le souligne Régis Debray, « non, je ne suis pas partout chez moi ». Depuis les années 1990, 27 000 kilomètres de frontières ont été tracés et un monde virtuel est apparu, ce qui nous oblige à imaginer des répliques adaptées.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui vise à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces. Il tire également les conséquences de la décision par laquelle, le 22 septembre 2022, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de l’article 60 du code des douanes.

Si la lutte contre la fraude peut être assimilée, historiquement, à une course entre le chat et la souris, cela ne signifie pas qu’il faille renoncer : au contraire, il faut innover pour ne pas se laisser distancer.

Grâce à la mise en commun du travail de trois ministères et à l’efficacité de l’Office anti-stupéfiants (Ofast), l’État a pu procéder à des saisies records de stupéfiants en 2022. Au total, ce sont 104 tonnes de drogue, dont 17 tonnes de cocaïne, qui ont été saisies sur le territoire national.

Au Havre, sans doute plus qu’ailleurs, la douane signifie quelque chose. Véritable porte d’entrée et de sortie pour la France, le port du Havre est aussi, malheureusement, une place convoitée par les trafiquants.

Ainsi, plus de 7 tonnes de cocaïne y ont été saisies l’année dernière, dont une saisie record de près de 1 900 kilos, soit « la plus grosse saisie de l’histoire de la douane », selon le ministre Gabriel Attal. De même, les saisies de tabac comme de déchets illégaux ne cessent d’augmenter, comme l’illustre bien la saisie effectuée en avril dernier sur le port du Havre. En 2022, les douaniers ont également intercepté et retiré du marché près de 11 millions d’articles de contrefaçon, véritable gangrène pour l’économie.

Pourtant, et malgré leur dévouement, nos douaniers sont à la peine. Leur combat quotidien ressemble parfois à celui de David contre Goliath. Ils ressentent plus que quiconque l’effet de ciseau entre hausse du trafic, d’une part, et baisse des effectifs, de l’autre. Ces derniers, ayant fondu d’un quart depuis les années 1990, n’ont pas été compensés par les gains de productivité liés notamment à l’informatique et à la mise en œuvre de l’espace Schengen.

Les moyens restent insuffisants et les méthodes d’action demeurent limitées par une législation aujourd’hui dépassée, tandis que les trafiquants ne manquent, eux, ni d’idées ni de ressources, tant l’économie souterraine rapporte. Dès lors, il est plus que nécessaire de fourbir des armes légales correspondant à la réalité rencontrée au Havre comme partout en France.

La mise en conformité du droit de visite douanière a été l’occasion, pour la commission des lois, de clarifier les dispositifs proposés. Ainsi de la précision apportée à la notion d’« abords » des lieux où les opérations des agents des douanes peuvent être conduites à toute heure : la définition d’un rayon de 10 kilomètres autour des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières apporte une limite spatiale claire. Le renforcement des garanties accordées aux personnes a été un autre cheval de bataille de notre commission, qui a voulu veiller au respect des principes fondamentaux et de la dignité humaine lors des fouilles individuelles.

Le cadre d’exercice des pouvoirs douaniers est également modernisé, qu’il s’agisse des capacités d’enquête au service de la performance dans la lutte contre les réseaux de criminalité organisée ou de la clarification du régime de transfert à l’État de la propriété des objets saisis et non restitués.

L’intégration du numérique dans les missions des douanes est au cœur de cette nouvelle approche. Ainsi, la possibilité de copier des données stockées dans un système informatique non implanté sur les lieux visités par les agents habilités illustre la prise en considération de ces aspects innovants et essentiels. Le numérique doit être traité avec la même rigueur que les aspects physiques de leur travail et être soumis au même examen à l’aune de nos principes et libertés.

Un renforcement de l’échange d’informations entre l’autorité judiciaire et l’administration des douanes a également été apporté par la commission des lois, pour améliorer la coordination et l’efficacité.

L’expérimentation des données des lecteurs automatisés de plaques d’immatriculation (Lapi) devra être évaluée rigoureusement pour envisager sa pérennisation, comme il est d’usage pour toute expérimentation. Conformément aux préconisations de la Cnil, les données ne devront pas systématiquement être conservées pendant la durée maximale de quatre mois.

Puisque le juste équilibre entre l’impératif d’efficacité des enquêtes douanières et la préservation des droits individuels a été trouvé dans ce projet de loi, tel que modifié et enrichi par les travaux des rapporteurs, le groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Alain Richard, rapporteur pour avis, applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « le pays où le commerce est le plus libre sera toujours le plus riche et le plus florissant », écrivait Voltaire. Par le commerce, notamment international, la France bâtit sa prospérité.

La création en Europe de l’Union douanière, qui garantit la liberté de circulation des personnes, des biens et des capitaux au sein des pays membres, a offert un atout majeur à notre économie. En facilitant les échanges, nous avons stimulé la création d’emplois et de richesses.

Cette évolution a profondément modifié le travail de l’administration des douanes et rendu plus nécessaire encore la coopération avec les services étrangers.

Une Europe plus ouverte offre plus d’opportunités, mais elle présente aussi plus de menaces. Il nous faut en effet assurer le contrôle d’un nombre toujours croissant de marchandises et détecter les flux clandestins de marchandises illicites.

La contrebande est une activité par nature difficile à détecter et à endiguer, a fortiori lorsque les trafiquants emploient toutes les technologies disponibles pour échapper aux contrôles.

Nous devons donc veiller à moderniser les outils de l’administration des douanes pour qu’elle puisse continuer à lutter efficacement contre ce fléau.

La nature par essence fugace des infractions douanières justifie que la douane soit dotée de pouvoirs de contrôle étendus. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la loi donnait aux agents des douanes le pouvoir général de procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et à la fouille des personnes. Cette prérogative générale, sans limites de temps, de lieu ni de circonstances, a été jugée à bon droit contraire à la Constitution.

Il nous faut donc désormais bâtir un régime d’équilibre permettant aux douanes d’accomplir leurs missions tout en respectant la vie privée et la liberté d’aller et venir.

Tel est l’objet du texte que nous examinons. Laborieusement, mais avec précision, il dessine les contours du nouveau régime, en organisant le pouvoir de visite douanière en fonction des lieux et des circonstances. Certainement plus techniques et plus complexes à mettre en œuvre que les précédentes, ces nouvelles règles répondent cependant aux exigences de notre État de droit.

En outre, le projet de loi modernise les outils de la douane, en tenant compte des pratiques les plus récentes des trafiquants. Les paiements de contrebande sont de plus en plus souvent effectués en cryptoactifs. Il était donc grand temps de les faire entrer dans le champ de la compétence douanière.

Dans les trafics, comme dans la société en général, l’informatique occupe désormais une place prépondérante. Plusieurs dispositions du texte permettent de s’adapter à cette réalité, en autorisant la saisie non seulement des données contenues dans les appareils des personnes contrôlées, mais aussi de celles qui seraient hébergées dans les nuages de l’internet.

Via leurs 16 000 agents, les douanes doivent développer des compétences très fines dans des domaines extrêmement variés. Dans ces conditions, la création d’une réserve opérationnelle nous apparaît particulièrement utile.

Les réservistes seront appelés à prêter main-forte aux agents lors de surcharges d’activité. Il faut, en effet, s’attendre à ce que les grands événements que la France va accueillir soient l’occasion d’une augmentation des fraudes.

Ces réservistes pourront, en outre, apporter à l’administration des compétences rares en tant que spécialistes, notamment en matière numérique.

Pour entrer pleinement dans la modernité, les douanes doivent pouvoir compter sur les technologies les plus récentes. L’expérimentation envisagée par le projet de loi, portant sur les fichiers de lecture de plaques d’immatriculation, nous semble à cet égard particulièrement pertinente. Elle permettra d’identifier les convois et de remonter les filières.

Si le monde change vite, certaines choses ne varient pas : la raison d’être de tous les trafics reste le profit. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires est donc particulièrement favorable à ce que les flux financiers provenant d’infractions soient ciblés. À cet égard, la procédure de retenue temporaire d’argent vient combler une importante lacune. En confisquant les profits, nous pourrons espérer tarir les trafics.

La mission des douanes est essentielle, cela a été dit et répété. Notre pays doit conserver la maîtrise de ses frontières. En offrant aux douanes des prérogatives modernisées et rendues conformes aux exigences de notre droit, ce projet de loi y contribue utilement. Par conséquent, nous le voterons. (M. Alain Richard, rapporteur pour avis, applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Breuiller.

M. Daniel Breuiller. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de loi est le premier texte entièrement consacré à la douane depuis 1965 ; en cela, il est bienvenu. Comme vous, monsieur le ministre, nous sommes fiers de ce service public, dont les moyens doivent être confortés.

La réécriture de l’article 60 du code des douanes, déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel en septembre dernier, est indispensable. Cet article concerne le cœur du métier de douanier : procéder à la visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes en vue de la recherche de fraude.

Par conséquent, nous examinons un texte essentiel. Nous pensons d’ailleurs qu’il serait utile de créer un code des procédures douanières sur le modèle de ceux qui régissent les procédures judiciaires.

Ce projet de loi vise à adapter les pouvoirs douaniers au numérique pour mieux appréhender la cyberdélinquance douanière, notamment par la possibilité de geler les données hébergées sur un serveur distant au cours de visites domiciliaires douanières et de sécuriser la saisie des matériels et des documents numériques.

Il est aussi proposé de créer un pouvoir d’incitation à la vigilance des opérateurs de plateformes de vente en ligne quant aux marchandises disponibles sur leurs sites.

Autant de défis qu’il faut relever !

Les agents des douanes jouent un rôle important dans notre société. Ils sont au centre de la lutte contre les trafics de toute nature et protègent l’État, les acteurs économiques, les citoyens et l’environnement. Toutefois, concernant cette réforme de la procédure et des actes d’enquêtes réalisés par les agents des douanes habilités, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires veillera, comme chacun, à l’existence d’une articulation équilibrée entre les objectifs de lutte contre la fraude douanière et le nécessaire respect des droits, des libertés individuelles et de la vie privée.

Vous procédez aussi, monsieur le ministre, à la création d’une réserve opérationnelle de l’administration des douanes. Notre groupe exprimera ses réserves à l’encontre de cette disposition au travers d’un amendement de suppression de l’article, à l’instar des autres groupes des travées de gauche de cet hémicycle.

Si le recrutement d’une réserve peut utilement renforcer les forces disponibles pendant les périodes estivales ou de surcroît de travail, même si ces dernières sont permanentes au regard des échanges commerciaux, les services douaniers connaissent surtout une situation de sous-effectif, encore aggravée par la suppression de 680 postes dans la dernière loi de finances. C’est à cela, monsieur le ministre, qu’il faut apporter une réponse, en recrutant et en formant de nouveaux agents titulaires.

Si la France emploie près de 18 000 douaniers, l’Allemagne en compte 48 000. À due proportion de la population, la France devrait ainsi disposer de 39 000 douaniers, d’autant que le territoire à réguler est bien plus vaste. D’autres critères peuvent également être pris en compte.

Toutefois, nous considérons que la création d’une réserve opérationnelle de l’administration des douanes n’est pas une réponse à la hauteur des défis que vous avez vous-même soulignés. L’annonce du recrutement de 300 nouveaux douaniers pour lutter contre le trafic de cigarettes n’est, à l’évidence, pas suffisante.

Sans jouer les oiseaux de mauvais augure, je ne voudrais pas, monsieur le ministre, que cette disposition se révèle être un cheval de Troie financier ou budgétaire destiné à créer des réserves dans tous les services publics pour faire face aux baisses de postes de titulaires – professeurs, infirmiers, médecins… – que vous souhaitez imposer en cette période de sévères cadrages budgétaires.

Monsieur le ministre, il est enfin important d’accorder à l’administration douanière des moyens à la hauteur de l’hommage que vous lui rendez. Le manque de ressources a de fortes répercussions non seulement sur la répression des fraudes, mais également sur l’environnement – je pense notamment au contrôle des importations et au commerce d’espèces protégées, faune ou flore sauvages, aux conséquences désastreuses et dont pâtissent les écosystèmes mondiaux.

D’après les Études de l’environnement douanier de l’Organisation mondiale des douanes (OMD), le volume de déchets ayant fait l’objet d’un commerce est passé de 45,6 millions de tonnes à plus de 220 millions de tonnes, entre 1992 et 2012. Cette augmentation de 400 % en deux décennies seulement a des conséquences redoutables pour l’environnement et pour les personnes, notamment en Afrique et en Asie-Pacifique.

En 2019, ma collègue Laurence Cohen avait interpellé le Gouvernement sur le risque de contamination aux pesticides des produits importés depuis le Brésil – oranges, café, soja… Pour le soja, massivement importé à destination de l’élevage industriel, les normes brésiliennes autorisent la présence de 200 fois plus de résidus de glyphosate que les normes européennes ! Or les douaniers ne peuvent rien faire quand la loi est ainsi faite qu’elle permet d’importer en toute légalité des substances interdites.

La loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Égalim, prévoit l’interdiction d’exporter des produits phytosanitaires contenant des substances bannies de l’Union européenne, mais ne proscrit pas l’exportation des substances actives.

Ainsi, entre janvier et septembre 2022, les autorités françaises ont approuvé 150 demandes d’exportation de pesticides interdits sur notre territoire, soit 7 475 tonnes de produits fongicides, herbicides ou insecticides.

Il faut protéger les consommateurs, mais aussi nos agriculteurs et nos industriels, contre les importations de produits aux normes environnementales, sanitaires ou sociales incompatibles avec les exigences d’un pays comme le nôtre ou d’un continent européen qui a choisi d’affronter les crises climatiques et sociales.

Il n’est pas temps de faire une « pause » sur les normes environnementales ; les douaniers doivent nous aider à l’éviter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)