M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Franck Riester, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, vous évoquez les difficultés rencontrées par les destinataires de nouvelles normes pour leur application, prenant l’exemple des dispositions relatives au ZAN.
Si je partage votre souci de stabilité et de lisibilité du droit, permettez-moi de souligner que, sur ce sujet, la Première ministre a pris des engagements devant le Congrès des maires et que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu, a réagi dès l’été dernier face aux difficultés remontées par les collectivités territoriales en suspendant les textes d’application, afin de revoir le cadre juridique applicable. Ce travail se poursuit, aux niveaux législatif et réglementaire, sur la base de la proposition de loi sénatoriale, qui sera examinée par l’Assemblée nationale le 21 juin prochain.
Vous avez également évoqué le rôle des réseaux d’influence lors de la rédaction des textes d’application. S’il est essentiel de prévenir tout conflit d’intérêts, et a fortiori de sanctionner toute dérive en la matière, les administrations ont des échanges réguliers avec les parties prenantes, qu’elles soient chargées de réglementer, de contrôler et, le cas échéant, de sanctionner. On reprocherait à bon droit aux administrations d’être déconnectées de la réalité quotidienne et du terrain en l’absence de telles relations de travail.
Par ailleurs, préalablement à leur adoption, les mesures réglementaires sont soumises de manière presque systématique à l’avis d’organismes consultatifs.
Quant au recours à l’expérimentation avant une éventuelle généralisation, je souscris à vos propos sur l’intérêt d’une telle démarche, dans laquelle le Gouvernement s’est résolument engagé. Je citerai notamment, à titre d’exemple, le droit de dérogation du préfet expérimenté en 2018 et 2019 sur la base du décret du 29 décembre 2017, puis généralisé en 2020 et qui a fait l’objet d’un bilan positif par l’inspection générale de l’administration en 2022.
On peut également mentionner le dispositif France Expérimentation, piloté par la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), qui permet de lever des blocages juridiques entravant la réalisation de projets innovants, grâce à la mise en place de dérogations, à titre expérimental.
Enfin, j’ajouterai que la Première ministre a insisté, le 17 mai 2023, auprès des cadres dirigeants de l’État, sur la pertinence d’expérimenter, « de prendre son risque » et a invité chacun « à se saisir de toutes ses capacités de dérogation et d’adaptation ».
M. le président. Si je vois bien la passion qui anime ce débat, je demande toutefois que chacun respecte son temps de parole de deux minutes. (Sourires.)
La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Monsieur le ministre, je souhaite intervenir au sujet de la loi du 16 août 2022 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne, dont j’ai été le rapporteur.
Cette loi illustre, selon nous, des dysfonctionnements dont nous souhaiterions qu’ils ne se reproduisent plus à l’avenir.
J’avais critiqué à l’époque la méthode employée : le texte était visiblement une « fausse » proposition de loi, rédigée par les directions centrales des ministères concernés, déposée par les députés du groupe majoritaire, puis discutée au Parlement, sans étude d’impact ni avis du Conseil d’État.
Elle concernait un domaine qui n’était pas sans conséquence pour nos libertés publiques, puisqu’il s’agissait ni plus ni moins que de retirer en une heure des contenus en ligne à caractère terroriste. Des dispositions similaires avaient été censurées dans la loi du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dite loi Avia.
Le Gouvernement souhaitait aller vite dans cette affaire. La proposition de loi visait à adapter la législation française au règlement européen du 29 avril 2021 relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne.
Compte tenu de ces enjeux, le Sénat avait accepté de jouer le jeu en adoptant ce texte en urgence pendant la séance extraordinaire de juillet. Je vous rappelle le calendrier : 6 juillet, examen par la commission ; 12 juillet, examen en séance publique ; 19 juillet, examen par la commission mixte paritaire ; 26 juillet, examen en séance publique pour l’adoption des conclusions de la commission mixte paritaire. La loi avait été promulguée le 16 août, après une décision de conformité du Conseil constitutionnel.
Que s’est-il passé depuis ? Rien ! Faute de décret d’application, cette loi n’est pas applicable. Dans l’attente de ce décret, aucune injonction de retrait nationale n’a pu être émise par l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC), tandis qu’aucune injonction de retrait transfrontalière venue d’une autorité européenne ne peut être traitée.
Finalement, seule la nomination d’un suppléant de la personnalité qualifiée nommée au sein de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) est intervenue, soit un bilan bien maigre, monsieur le ministre, vous en conviendrez.
Quand ce décret sera-t-il publié ? Pourrions-nous, à l’avenir, éviter de tels dysfonctionnements ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Franck Riester, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, vous évoquez l’application de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, telle que modifiée par la loi du 16 août 2022 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne, à laquelle vous aviez pris une part importante en tant que rapporteur.
L’article 6-1-1 de la loi de 2004 ainsi modifiée prévoit un décret pour préciser les modalités d’échange d’informations dans le cadre des injonctions de retrait de contenus à caractère terroriste entre, d’une part, l’autorité administrative et l’Arcom et, d’autre part, entre ces autorités et les autres autorités compétentes étrangères désignées pour la mise en œuvre du règlement UE 2021/784 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021.
Le projet de décret a été présenté en section de l’intérieur du Conseil d’État le 16 mai 2023. Il est désormais en cours de signature. Sa publication est prévue avant l’échéance du 7 juin 2023, date à laquelle la France devra remettre un rapport de mise en œuvre du règlement européen précité.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons tous ici, une fois la loi votée, le rôle du législateur n’est pas terminé.
Comme chaque année, à cette période, nous examinons le bilan de l’application des lois. Cet exercice traditionnel s’inscrit dans notre mission de contrôle de l’action du Gouvernement. En effet, la bonne exécution des lois requiert une attention constante de notre part.
J’aborderai trois problématiques spécifiques.
La première se rapporte au recours trop fréquent à la procédure accélérée. Si celle-ci est inscrite dans la Constitution, son utilisation répétée, voire excessive, porte atteinte au principe de la double lecture et oblige le Parlement à débattre dans des délais très restreints.
Or la commission des lois a constaté que, parmi les vingt lois promulguées qu’elle avait examinées au fond, dix-sept avaient été adoptées après engagement de la procédure accélérée. Monsieur le ministre, le recours à la procédure accélérée doit demeurer une exception !
La deuxième problématique concerne le respect des délais de publication des rapports au Parlement. Cela a été dit, le taux de publication global n’est que de 36 %. Ce chiffre n’est pas satisfaisant.
Enfin, la troisième problématique porte sur l’inflation législative. Nous déplorons le fait que ce phénomène perdure. Si, pour la commission des lois, le coefficient multiplicateur des dispositions législatives est similaire à celui de l’année dernière, nous constatons en revanche que le nombre d’articles comptabilisés lors du dépôt est en augmentation de 31 %.
Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous de prendre, afin de remédier à ces situations, qui peuvent porter atteinte à la crédibilité de l’action publique ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Franck Riester, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, concernant le recours à la procédure accélérée, comme je l’ai indiqué dans mon propos liminaire, son engagement est essentiellement motivé par la faculté de convoquer une commission mixte paritaire dès la fin de la première lecture. Les conséquences restent modérées sur les délais d’examen fixés par l’article 45 de la Constitution, que le Gouvernement s’est efforcé de maîtriser depuis le début de la XVIe législature, avec un délai de trente-six jours entre le dépôt des projets de loi et leur examen par l’assemblée saisie.
Au cours de la session 2021-2022, 71 % des rapports d’application des lois et 43 % des autres rapports ponctuels ont été remis. Sur l’ensemble de la XVe législature, le taux de remise est de 52 %.
Les ministères s’efforcent de répondre au mieux à ces demandes. Je sais que le Sénat, à l’instar du Gouvernement, ne souhaite pas multiplier les rapports, afin de ne pas saturer les services, qui sont aussi chargés de concevoir et d’appliquer les politiques publiques.
Concernant enfin l’inflation législative, je partage votre préoccupation. Le Gouvernement s’est efforcé, depuis le début de la législature, de limiter le nombre d’articles des projets de loi présentés au Parlement, avec pour consigne, lors des travaux interministériels de préparation, de se concentrer sur des articles politiquement significatifs et d’éviter tout empiétement sur le domaine réglementaire.
Si l’on s’en tient au sujet de l’application des lois, je me permets de souligner que, selon une estimation du secrétariat général du Gouvernement, au cours de la XVe législature, le nombre de renvois à des décrets d’application entre le projet de loi déposé et la loi promulguée a plus que doublé.
On peut prendre comme exemple la loi 3DS, dont le texte initial comprenait trente-huit renvois à des décrets d’application, contre quatre-vingt-seize dans la loi promulguée, ce qui a modifié sensiblement l’ampleur du travail réglementaire.
Il s’agit donc d’une responsabilité partagée entre le Gouvernement et le Parlement, qui appelle collectivement à une forme de sobriété normative. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Monsieur le ministre, en cette fin de débat, il est difficile d’être original. Je vous poserai deux questions.
Premièrement, le nombre de passages en procédure accélérée est toujours aussi élevé. Je comprends bien vos raisons, vous en avez expliqué quelques-unes. Il n’en demeure pas moins que la procédure accélérée n’est plus une procédure extraordinaire. Il s’agit même de la procédure ordinaire. A contrario, la procédure normale devient, elle, exceptionnelle.
Force est d’ailleurs de constater que ce ne sont pas les lois votées en procédure accélérée qui sont appliquées le plus rapidement, ce qui ne paraît pas très logique. L’urgence à examiner un texte n’est pas en corrélation avec l’urgence qu’il y aurait à le promulguer. Ainsi, les lois examinées en procédure accélérée sont appliquées en moyenne beaucoup plus tardivement que les lois examinées selon la procédure normale.
Étant donné que pour beaucoup de ces textes le recours à la procédure accélérée ne répond pas à une situation d’urgence, pouvez-vous nous dire pourquoi le Gouvernement l’utilise avec aussi peu de discernement ? S’agit-il de restreindre le temps du débat au Sénat ?
Deuxièmement, vous savez que le Sénat s’autocensure sur les rapports et en demande très peu. Les rapporteurs nous opposent toujours des avis défavorables, en argumentant que la position de la Haute Assemblée sur les demandes de rapport est bien connue de tous. Malgré tout, j’ai pris connaissance de vos chiffres, qui ne corroborent pas ceux du Sénat. Malgré l’augmentation du nombre de rapports rendus par le Gouvernement l’an dernier, seulement 36 % des rapports demandés par le Sénat ont été reçus et rendus publics.
Est-ce parce que vous n’avez pas le temps de les réaliser, que vous n’avez pas assez de personnel, que l’administration ne répond pas à vos demandes, ou est-ce parce que vous ne voulez pas les rendre publics, bien qu’ils aient été rédigés ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Franck Riester, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Benarroche, certaines de vos observations rejoignent celles qui ont été évoquées à l’instant par le sénateur Marc.
Concernant le recours à la procédure accélérée et ses conséquences sur les délais d’examen fixés par l’article 45 de la Constitution, je précise que trente-six jours séparent en moyenne, sur la période 2021-2023, le dépôt d’un projet de loi de son examen par la première assemblée saisie ; cinquante-huit jours séparent ensuite la transmission du texte par la première assemblée et son examen par la seconde assemblée ; et dix-sept jours séparent la fin de la première lecture et la réunion de la commission mixte paritaire.
Je précise encore que ces données sont tirées à la baisse par la quinzaine de projets de loi liés à l’épidémie de covid-19, dont le Parlement s’était saisi avec une très grande diligence.
Comme je l’ai souligné à l’instant, le recours à la procédure accélérée permet de convoquer une CMP après la première lecture, ce qui est fort utile.
Concernant la remise des rapports, outre les éléments déjà apportés, permettez-moi de souligner que l’absence de transmission pour les vingt et une demandes de rapports formulées par le Sénat est regrettable, mais tout à fait fortuite. Je me rapprocherai bien évidemment des ministres concernés pour que les rapports demandés puissent rapidement être rendus.
Le Gouvernement n’a nullement la volonté de dissimuler les rapports ; nous sommes simplement parfois confrontés à des délais de concertation, de relecture et de validation.
Quoi qu’il en soit, la non-publication de vingt et un rapports est problématique. Je ne manquerai pas de le faire savoir dès demain à mes collègues du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Monsieur le ministre, dans une circulaire datée du 27 décembre 2022, la Première ministre, Élisabeth Borne, a réaffirmé la dimension capitale que représente l’application des lois dans notre pays, ainsi que les grands principes émanant de cet impératif démocratique.
C’est la première fois depuis 2008 qu’une telle impulsion est donnée par le Gouvernement, afin d’assurer que les textes votés par le Parlement aient des effets concrets pour nos concitoyens dans les meilleurs délais, et ce de manière conforme à l’intention du législateur.
À cette occasion, la Première ministre a notamment demandé à renforcer le réseau des correspondants ministériels pour l’application des lois.
Ce réseau, qui gagnerait à être davantage connu, est un maillon bienvenu afin de faire en sorte que la période qui sépare la publication d’une loi de l’intervention des mesures réglementaires d’application soit la plus brève possible.
Cette exigence de célérité et d’efficacité répond à une triple exigence de démocratie, de sécurité juridique et de responsabilité politique.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser comment fonctionne ce réseau et quels sont les résultats attendus de cette initiative ? (M. François Patriat applaudit.)
M. François Patriat. Excellent, très bonne question !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Franck Riester, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Buis, comme je l’ai en effet indiqué dans mon intervention liminaire, la Première ministre a souhaité donner une nouvelle impulsion au processus d’application des lois, en rappelant ses grands principes ainsi que ses modalités de mise en œuvre, en lien notamment avec les assemblées parlementaires.
À cette occasion, la Première ministre a souhaité réaffirmer la position centrale des correspondants ministériels de l’application des lois, créés en 2011. Vous avez eu raison de le rappeler, monsieur le sénateur.
Ce rôle essentiel a été mis en exergue à plusieurs reprises depuis l’année dernière. Les correspondants ont ainsi été étroitement associés au groupe de travail sur l’application des lois, conduit par le secrétariat général du Gouvernement, qui a abouti à une refonte des méthodes de travail, des guides de procédures afférents et des outils de suivi en septembre 2022 dans un premier temps, ainsi qu’à l’élaboration de la circulaire de décembre 2022 dans un second temps.
Les correspondants se sont vus confortés comme les interlocuteurs uniques du secrétariat général du Gouvernement en matière d’application des lois, de suivi des ordonnances et des rapports.
Enfin, dans l’optique de fluidifier les échanges, la plateforme Osmose, développée par la direction interministérielle du numérique (Dinum), a été déployée en février 2023 au sein du réseau. Ainsi, le secrétariat général du Gouvernement met à disposition de ses correspondants davantage d’outils : données détaillées ; annuaire des correspondants ; éléments de calendrier afin d’anticiper au mieux les différents exercices ; plateforme de discussion.
Ces différentes actions visent à conforter le rôle des correspondants ministériels comme « tour de contrôle » de l’application des lois dans chaque ministère, afin d’assurer un suivi centralisé de l’ensemble des textes pris et de pouvoir en répondre, avec le souci d’un processus d’application toujours plus rapide et cohérent, conformément aux demandes réitérées depuis de nombreuses années par François Patriat.
M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi.
M. Hussein Bourgi. Monsieur le ministre, le débat annuel sur l’application des lois me donne l’occasion de formuler trois observations.
La première concerne le recours trop fréquent à la procédure accélérée. Cela a déjà été rappelé, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour quarante-cinq textes sur soixante-quatre. La procédure accélérée suppose un caractère d’urgence. Or vingt et une de ces lois attendent toujours leurs décrets d’application. Elles sont donc en souffrance : où est passée l’urgence qui motivait le recours à une telle procédure ?
Deuxième observation, monsieur le ministre, depuis mon arrivée au Sénat, on m’a inculqué la règle suivante : la Haute Assemblée est particulièrement parcimonieuse, pour ne pas dire chiche, en matière de demandes de rapport. Or nous attendons désespérément deux tiers des rapports commandés pour éclairer nos travaux et mieux légiférer dans les prochains mois. Comment comptez-vous remédier à cette difficulté ?
Ma troisième observation concerne la loi 3DS. Vous le savez, une cinquantaine de décrets et d’arrêtés ne sont à ce jour toujours pas publiés. Ils concernent pourtant des sujets loin d’être mineurs.
Je pense, par exemple, au décret qui concerne le classement en calamité naturelle exceptionnelle dans les territoires ultramarins. Avec les changements climatiques, il est malheureusement à craindre que ce genre de phénomène ne se produise fréquemment.
Le deuxième décret toujours en attente de promulgation est celui relatif à la dénomination des voies et des lieux-dits par les conseils municipaux. C’est tout sauf anecdotique : lorsqu’une voie ou un lieu-dit ne sont pas clairement dénommés, le courrier ne peut être réceptionné dans des délais normaux.
Le troisième exemple concerne le décret d’application sur le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et les centres de gestion. Je prends ici ma casquette de délégué du Centre national de la fonction publique territoriale d’Occitanie : nous attendons toujours ces décrets pour pouvoir accompagner le mieux possible les collectivités, les municipalités, les départements et les régions.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Franck Riester, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, vous évoquez un certain nombre de sujets qui ont déjà été abordés.
Le recours à la procédure accélérée, devenu ordinaire depuis un certain nombre d’années, présente une utilité en termes de volume de textes examinés par le Parlement dans son ensemble. Il a également un intérêt en termes de normes en ce qu’il permet d’aller plus vite sur certains textes et donc de répondre plus rapidement aux besoins des administrés. Enfin, le recours à cette procédure permet de convoquer une CMP à l’issue de la première lecture.
Je me suis déjà exprimé sur la question des rapports.
Par ailleurs, en ce qui concerne la loi 3DS, je rappelle que nous avions un taux d’application de 61 % au 31 mars et de 71 % au 31 mai. Certes, il nous reste du travail. Je vous répondrai très précisément par écrit, car je ne dispose pas pour l’heure de tous les éléments sur les décrets d’application que vous avez évoqués.
En ce qui concerne plus largement la problématique de ralentissement de la sortie des décrets d’application de la loi 3DS, de nombreuses concertations sont conduites, notamment entre les collectivités territoriales et la direction générale des collectivités locales (DGCL), très occupée à ces publications. Plusieurs consultations obligatoires sur les mesures réglementaires à prendre sont également prévues. Par ailleurs, comme je l’ai souligné voilà quelques instants, nous sommes également confrontés à une forte inflation des mesures d’application entre le texte originel du Gouvernement et le texte final. Pour mémoire, il y en avait trente-huit initialement contre quatre-vingt-seize au moment de la promulgation du texte.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le ministre, quatorze des vingt-neuf mesures de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, dite loi Sécurité globale, ont été rendues applicables. Cela signifie que moins de la moitié des dispositions ont cours, les autres demeurant lettre morte, simples palabres.
Nous avons eu l’occasion de le rappeler depuis, comment ne pas se réjouir que l’ex-article 24, devenu article 52, contesté dans une tribune publiée dans Le Monde par trois prix Nobel de la paix, ainsi que par un nombre extrêmement large de manifestants, de parlementaires et de militants politiques et associatifs, soit censuré avec quatre autres mesures par le Conseil constitutionnel, marquant un camouflet pour ces dispositions que nous considérons comme contraires à la liberté d’informer et floues dans leur application ?
Nous sommes donc face à l’exemple typique d’un projet de loi qui clive la société dans toutes ses composantes. Pourtant, ce texte ne produira que peu d’effets en droit, d’une part, pour des raisons inhérentes à son inconstitutionnalité et, d’autre part, en raison de la volonté du Gouvernement de ne pas l’appliquer. Se pose alors une question simple : pourquoi agir contre les intérêts du plus grand nombre et négliger les principes constitutionnels ?
Outre le fait qu’une seule habilitation à légiférer par ordonnance sur quatre ait été utilisée par le Gouvernement, le texte continue de produire des effets plus de deux années après sa promulgation. Un arrêté du 8 janvier 2023, pris à bas bruit, introduit la connaissance des « principes de la République » aux socles de la formation obligatoire pour exercer dans la sécurité privée. Prévues à l’article 23, ces dispositions auront pour conséquence de substituer trois heures de formation initiale au nom de l’apprentissage des valeurs de la République, au détriment d’enseignements fondamentaux sur les libertés publiques ou les remontées d’informations.
Face à la gravité de telles dispositions, je crains que le Gouvernement n’ait volontairement temporisé et joué la montre pour éviter de prendre ces mesures réglementaires en pleine ébullition en réaction à ce projet de loi contesté. Je vous le disais, il est des cas où nous préférerions que le droit que vous produisez ne soit pas appliqué !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Franck Riester, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame Assassi, j’évoquerai quelques points concernant l’application de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés du 25 mai 2021 et de la loi confortant le respect des principes de la République du 24 août 2021.
Ces deux lois atteignent un taux d’application respectivement de 94 % et de 100 %. Les deux mesures restant à prendre pour la loi Sécurité globale concernent, d’une part, les conditions dans lesquelles le port d’armes hors service par un fonctionnaire de la police nationale ou un militaire de la gendarmerie nationale ne peut lui être opposé lors de l’accès à un établissement recevant du public, le texte étant en cours d’échanges interservices, et, d’autre part, les missions et la composition des groupes locaux de traitement de la délinquance qu’un procureur de la République ou son représentant peut créer et présider lors d’un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, le décret étant en cours de finalisation.
Par ailleurs, deux ordonnances importantes ont été prises en application de la loi du 25 mai 2021.
La première ordonnance du 30 mars 2022 est relative aux modalités d’organisation, de fonctionnement et d’exercice des missions du Conseil national des activités privées de sécurité, créé en 2011. Dans le contexte de préparation de la Coupe du monde de rugby et des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, cette ordonnance permet au Gouvernement de disposer d’un organe de régulation réactif et en ordre de marche, afin de contribuer à la sécurité de ces rencontres sportives dans le cadre du continuum de sécurité.
La seconde ordonnance du 16 mai 2023 est relative à la formation aux activités privées de sécurité. Son objectif est de poursuivre la moralisation du secteur de la formation aux activités privées de sécurité et d’en améliorer la qualité. L’ordonnance a été élaborée sur la base de larges concertations menées en 2022. Ses principales mesures sont la création d’un agrément de dirigeant d’organisme de formation et d’une carte professionnelle de formateur, ainsi que l’encadrement des conditions de sous-traitance et l’encadrement des conditions d’organisation des examens pour en garantir la fiabilité.
Deux ordonnances importantes ont en outre été prises en application de la loi de 2021, mais je les ai déjà évoquées.