M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la question n° 616, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Rémy Pointereau. Ma question s’adresse au ministre de l’intérieur et des outre-mer, M. Gérald Darmanin, et concerne les effectifs de police dans le Cher, principalement dans les villes de Bourges et de Vierzon.

Monsieur le ministre, j’ai récemment rencontré les syndicats de police de mon département, lesquels m’ont dressé un constat assez inquiétant. Aussi, permettez-moi de vous faire une synthèse de l’état des lieux.

Si l’on prend l’exemple de la ville de Vierzon, celle-ci n’est pas dotée d’unité de brigade anticriminalité (BAC) et risque de ne plus avoir de groupe de sécurité de proximité (GSP). De surcroît, cette commune ne dispose plus d’officiers.

À Bourges, on observe trois départs pour une seule arrivée à l’occasion des mouvements dits « profilés ».

Cette situation expose le département à des fermetures d’unités, telles que l’unité canine ou celle de lutte anti-stupéfiants.

Par ailleurs, toujours à Bourges, les services évaluent les besoins à quinze postes. Certes, vos services m’ont récemment adressé, sous votre instruction, une information indiquant l’ouverture de neuf postes à pourvoir répartis de la manière suivante : huit à Bourges et un à Vierzon.

Si je reconnais cette avancée, qui invite à ne pas tirer sur le pianiste, monsieur le ministre, je m’inquiète de l’épuisement de nos effectifs de police dans le Cher, qui malheureusement ne disposent pas des moyens, en l’espèce humains, pour répondre aux attentes des citoyens. Ainsi, entre les mutations et les départs à la retraite, il manque toujours dix-sept policiers.

Aussi, je souhaite connaître vos solutions pour endiguer cette situation, qui offre aux délinquants davantage d’impunité, au détriment des habitants du Cher. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Monsieur le sénateur Rémy Pointereau, vous avez raison, la question des effectifs est centrale.

C’est pourquoi, depuis 2017, un effort exceptionnel a été engagé avec le plan 10 000 jeunes. Ce mouvement s’amplifiera encore, grâce aux moyens accrus et modernisés ouverts par la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, dite Lopmi, de janvier dernier : montée en puissance des réserves opérationnelles de la police et de la gendarmerie, recrutement de plus de 7 000 policiers et gendarmes supplémentaires, création de 200 nouvelles brigades de gendarmerie, etc.

En ce qui concerne le département du Cher, la circonscription de sécurité publique de Bourges dispose aujourd’hui d’un effectif opérationnel de 100 gradés et gardiens de la paix, au lieu de 108 à la fin de 2016 et de 105 à la fin de 2020.

M. Rémy Pointereau. Je parle des policiers et non pas des gendarmes !

M. Olivier Klein, ministre délégué. La circonscription de sécurité publique de Vierzon s’appuie, pour sa part, sur un effectif opérationnel de 50 gradés et gardiens de la paix, soit un chiffre stable par rapport à la fin de 2016, mais en hausse par rapport à la fin de 2020.

Nous allons être très attentifs à la situation de ce département, et je vous confirme que notre objectif est d’affecter douze policiers supplémentaires dans ces deux circonscriptions de sécurité publique.

Par ailleurs, ces deux circonscriptions de sécurité publique disposent de l’appui des unités départementales de la direction départementale de la sécurité publique (DDSP), dont l’effectif opérationnel est passé de 22 à 24 policiers entre la fin de 2016 et aujourd’hui.

Dans le Cher, comme partout en France, notre volonté est claire : déployer davantage de forces de l’ordre sur le terrain pour faire reculer la délinquance et répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens et de leurs représentants.

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour la réplique.

M. Rémy Pointereau. Monsieur le ministre, il est urgent de réformer les procédures de mutation, car une seule vague par an ne saurait suffire.

Le manque d’effectifs a un effet considérable sur le terrain. Aujourd’hui, bien des victimes s’entendent répondre que leur dossier ne pourra être traité faute de personnel : c’est inacceptable. (M. Bernard Fournier approuve.)

nombre de conseillers municipaux

M. le président. La parole est à Mme Annick Jacquemet, auteure de la question n° 661, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Mme Annick Jacquemet. Ma question, à laquelle j’associe mon collègue Jean-François Longeot, porte sur le nombre d’élus composant les conseils municipaux.

Pour une commune de près de 3 000 habitants, le conseil municipal dénombre vingt-trois membres, soit un élu pour 130 habitants. À titre de comparaison, une ville d’environ 117 000 habitants, comme Besançon, chef-lieu de mon très beau département du Doubs (Sourires.), compte cinquante-cinq conseillers municipaux, soit un élu pour 2 127 habitants.

Il est donc plus aisé de constituer une équipe municipale dans une grande ville que dans une petite commune rurale, d’autant que – c’est un fait regrettable – nos concitoyens sont de moins en moins nombreux à vouloir s’engager pour une durée de six ans au service de leur commune.

Cette situation peut conduire les candidats à recruter des personnes peu motivées. En résultent parfois un absentéisme non négligeable, voire des vagues de démissions quelque temps après l’élection.

Le scrutin de liste, réservé aux communes de plus 1 000 habitants depuis la loi de 2013, complexifie encore davantage le recrutement de candidates et de candidats volontaires.

Au regard de ces éléments, et forts de leur expérience personnelle, plusieurs maires de mon département, dont celle du Russey, souhaitent ouvrir une réflexion sur la possibilité de réduire le nombre de conseillers municipaux dans les plus petites communes. D’après eux, une telle évolution ne dégraderait pas la vie démocratique locale. Elle pourrait même l’améliorer, à condition que l’on renforce la formation des élus ; ces derniers seraient certes moins nombreux, mais mieux armés.

À les entendre, cette mesure ne dégraderait pas non plus la qualité du lien entre les membres du conseil municipal et la population : le numérique constitue aujourd’hui un outil relationnel à même de compenser une légère réduction des équipes.

Monsieur le ministre, une diminution du nombre des conseillers municipaux dans les petites communes est-elle envisageable dans la perspective des élections municipales de 2026 ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Madame la sénatrice Annick Jacquemet, comme vous le soulignez, le nombre de conseillers municipaux est un sujet complexe : nous devons répondre à des enjeux de représentation démocratique et de participation à la vie publique tout en assurant le bon fonctionnement des conseils municipaux.

Le législateur a tenu compte des difficultés que peuvent connaître les communes les moins peuplées pour trouver des candidats aux élections. Ainsi, en 2013, il a abaissé de sept à cinq le nombre de conseillers municipaux pour les communes de moins de 100 habitants.

De plus, en cas d’incomplétude, le conseil municipal est réputé complet si, à l’issue du second tour du renouvellement général ou d’une élection complémentaire, il compte au moins cinq membres dans les communes de moins de 100 habitants et au moins neuf membres dans les communes de 100 à 499 habitants. Ces dispositions figurent dans le code général des collectivités territoriales (CGCT).

De même, lorsqu’il connaît des démissions en cours de mandat, le conseil municipal peut continuer de fonctionner, sans qu’il soit forcément nécessaire de convoquer de nouvelles élections.

Le Gouvernement n’envisage pas de réduire le nombre de conseillers municipaux. Par leur engagement, ces élus sont essentiels pour faire vivre la démocratie locale : nous nous entendrons tous sur ce point.

En matière de formation, le Gouvernement juge lui aussi nécessaire de garantir à tous les élus, en particulier à ceux des plus petites communes, l’accès à une offre de qualité et adaptée à leurs besoins. Les formations proposées aux élus font désormais l’objet d’une régulation renforcée, sur le modèle de la formation professionnelle.

dérives constatées dans certains groupes de gens du voyage

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 680, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Cyril Pellevat. La question porte sur les dérives constatées dans certaines communautés de gens du voyage. En effet, s’il est possible de vivre paisiblement avec la majorité de leurs membres, tel n’est pas le cas pour certains groupes, en particulier dans mon département de Haute-Savoie.

De nombreux élus font état d’incivilités incessantes – malpropreté telle qu’elle menace la salubrité publique, insultes ou encore dégradations commises sur les aires d’accueil et les terrains où ces communautés s’installent illégalement.

Les mêmes élus constatent des raccordements sauvages à l’eau ou à l’électricité, entraînant des risques d’inondation ou d’incendie qui se concrétisent d’ailleurs fréquemment. Ils rapportent des scènes invraisemblables : certains groupes s’installent devant des commerces et entravent l’activité économique des communes ; d’autres s’établissent devant des écoles et certains de ses membres poussent l’inconvenance jusqu’à déféquer à l’extérieur, à la vue des enfants… Certains maires en sont venus à fermer leurs écoles ou à reporter des rentrées scolaires.

Ces groupes de gens du voyage ne sont jamais en contact avec le reste de la société. Les enfants n’y sont pas scolarisés et de jeunes filles deviennent mères à l’âge où elles devraient encore fréquenter le collège ou le lycée, contribuant ainsi à l’augmentation exponentielle de cette population.

Au sein de ces communautés, les délits sont monnaie courante. À ceux que je viens de citer s’ajoutent des vols et cambriolages, des détentions illégales d’armes, du travail dissimulé, du braconnage… La liste est sans fin.

Ces groupes agissent en toute impunité : ils deviennent si larges et menaçants qu’il est désormais dangereux pour les maires, la police et même la gendarmerie d’intervenir. L’obligation de respecter en toutes circonstances le sacro-saint schéma départemental d’accueil des gens du voyage (SDAGV) pour les expulser ne fait que renforcer leur sentiment d’être au-dessus des lois.

Monsieur le ministre, estimez-vous que de tels comportements respectent les principes de la République ? Ne peuvent-ils pas s’apparenter à des dérives sectaires ?

La mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a-t-elle déjà été saisie de ces problèmes ? Que comptez-vous faire pour y mettre un terme ? Envisagez-vous, en particulier, des dérogations à l’obligation de respect du schéma pour procéder à des expulsions administratives lorsque l’ordre public est menacé ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Monsieur le sénateur Cyril Pellevat, comme vous le savez, le régime applicable en matière de stationnement des gens du voyage est fixé par la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage. Ce texte permet au maire ou au président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), ainsi qu’au propriétaire et au titulaire d’un droit d’usage sur le terrain, de demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux.

Une telle mise en demeure n’est possible que si la présence constatée viole les dispositions d’un arrêté interdisant le stationnement des résidences mobiles en dehors des aires et terrains dédiés.

Par ailleurs, l’édiction d’un arrêté d’interdiction de stationnement, alors même que la commune ou l’EPCI ne remplit pas les prescriptions du schéma départemental d’accueil des gens du voyage, est autorisée par la loi, notamment lorsque l’EPCI dispose d’un emplacement provisoire agréé par le préfet.

La loi du 7 novembre 2018 relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites a étendu le dispositif de l’amende forfaitaire au délit d’installation illicite et en réunion sur un terrain. Cette procédure a été expérimentée par plusieurs parquets, notamment ceux de Créteil, Foix et Lille, à compter du 19 octobre 2021. L’expérimentation se poursuit et, en lien avec les services du ministre de la justice, nous étudions l’opportunité de sa généralisation.

La commission des délits et incivilités cités par des personnes ayant un mode de vie itinérant ne constitue pas, en soi, une dérive sectaire. En revanche, il appartient aux maires qui constateraient de telles dérives de solliciter la Miviludes, que vous avez citée, pour qu’elle évalue la situation en lien avec le préfet. Si ces dérives sont confirmées, il convient de saisir le procureur de la République.

Pour ce qui concerne les délits dénoncés et les dangers potentiels encourus par les enfants, il revient aux élus de procéder à des signalements au procureur de la République ou aux cellules de recueil des informations préoccupantes, qui relèvent des conseils départementaux.

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour la réplique.

M. Cyril Pellevat. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces informations, même si nous en disposions déjà…

Dans la pratique, les collectivités territoriales ont le plus grand mal à faire respecter la loi : la plupart du temps, le tribunal administratif annule les arrêtés pris.

J’insiste sur le cas de ces jeunes filles de 12 ans, 13 ans ou 14 ans. Elles ne sont pas scolarisées et, en matière éducative comme dans bien d’autres domaines, nous sommes face à une véritable bombe à retardement. J’ai eu l’occasion d’en parler au ministre de l’éducation nationale : il est conscient de cette difficulté. Il est désormais urgent que le Gouvernement intervienne.

inquiétudes relatives à la nouvelle convention fiscale entre la france et la belgique

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, auteure de la question n° 699, transmise à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.

Mme Véronique Guillotin. Madame la ministre, 165 000 frontaliers du Grand Est travaillent dans un pays voisin, dont environ 10 000 en Belgique.

Dans le nord de la Meurthe-et-Moselle, mon département, certaines communes sont à la frontière de la Belgique, du Luxembourg, voire de ces deux pays. Les habitants de ce territoire pratiquent le fait frontalier quotidiennement – ces habitudes sont le fruit de l’histoire –, notamment dans leur parcours professionnel. À cet égard, notre pays entretient des relations régulières avec ces États voisins.

Pour se mettre en conformité avec les règles de l’OCDE et, ce faisant, éviter les doubles impositions sur le revenu, la France et la Belgique ont signé une nouvelle convention fiscale le 9 novembre 2021, laquelle n’a pas encore été ratifiée par le Parlement.

Je saisis donc cette occasion pour alerter une nouvelle fois le Gouvernement : certains frontaliers sont inquiets, car leurs impôts pourraient augmenter de manière brutale.

En effet, pour les rémunérations de source publique, la nouvelle convention repose sur le principe de l’imposition par l’État qui verse les revenus. Dès lors, les résidents français travaillant dans le secteur public belge seraient désormais imposés en Belgique, où le taux appliqué est bien plus élevé. Cette réforme entraînerait une perte de revenus de 20 % à 30 % – une telle part est considérable –, qui pourrait remettre en question certains choix de vie.

Aux dernières nouvelles, le gouvernement belge semblerait favorable à un statu quo pour les infirmières jusqu’en 2034. Quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet, qui préoccupe bon nombre de travailleurs frontaliers ?

Par ailleurs, le statut dérogatoire des anciens frontaliers salariés du privé prendra fin dans une dizaine d’années. Ne serait-il pas judicieux de négocier dès maintenant le nouveau statut général des frontaliers ? Et ne pourrait-on pas, au passage, négocier un accord sur le télétravail ? Pour l’heure, contrairement à d’autres cas – je pense notamment à l’accord conclu entre la France et le Luxembourg –, aucune tolérance n’est prévue par la France et la Belgique pour les salariés du privé.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de lartisanat et du tourisme. Madame la sénatrice Guillotin, il s’agit, comme vous l’avez dit, d’un sujet important. Nous avons d’ailleurs déjà eu l’occasion d’en débattre dans cet hémicycle.

Vous l’avez rappelé : en novembre 2021, la France et la Belgique ont signé une nouvelle convention fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune. Elle a vocation à remplacer le texte en vigueur, qui date de 1964.

Cette nouvelle convention contient de nombreuses avancées favorables à notre pays : outre la mise à jour de nombreuses dispositions, la France a obtenu de la Belgique l’insertion de deux clauses anti-abus spécifiques. Non seulement son article relatif aux gains en capital limite les effets de l’exil fiscal des personnes physiques disposant d’un fort patrimoine, mais d’autres dispositions préservent le régime spécifique des frontaliers.

Cette convention sera soumise au Parlement pour ratification, conformément à l’article 53 de notre Constitution. Le projet de loi de ratification sera déposé dans les mois qui viennent, et ses enjeux seront pleinement documentés par l’évaluation préalable, laquelle est en cours d’élaboration.

Comme vous le soulignez, la nouvelle convention clarifiera le traitement fiscal des rémunérations de source publique. Elle repose, sauf exception, sur le principe de l’imposition par l’État qui verse ces revenus. Il s’agit là d’un choix logique, car ces revenus publics sont financés par les ressources publiques.

Sur ce sujet, la rédaction de la convention signée par la France et la Belgique est conforme au modèle de l’OCDE. De telles dispositions se retrouvent couramment dans notre réseau conventionnel, en particulier dans les conventions négociées récemment.

Cette nouvelle règle clarifie en réalité la situation des personnes qui perçoivent des rémunérations de source publique. Sur ce point, la convention n’entraîne des changements que pour une seule catégorie de travailleurs : les résidents français possédant la seule nationalité française, percevant des traitements publics de source belge et exerçant leur activité en Belgique. Ces revenus sont imposables en France, en vertu des règles en vigueur. Ils seront imposables en Belgique par application de la convention de 2021.

Sur cette question, nous continuons d’échanger avec nos homologues du gouvernement belge : il faut s’assurer que lesdites évolutions n’entraînent pas de conséquences imprévues.

Si vous m’y autorisez, madame la sénatrice, je ferai part à mon collègue Gabriel Attal de votre question relative au calendrier, afin que nous soyons en mesure d’éclairer plus précisément la représentation nationale sur ce point.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour la réplique.

Mme Véronique Guillotin. Madame la ministre, la convention franco-luxembourgeoise, qui fait débat depuis maintenant deux ans, est précisément gelée pour les raisons que je viens d’exposer. J’y insiste, il serait bon d’anticiper les difficultés évoquées pour mieux les résoudre.

Je vous remercie donc par avance de saisir M. le ministre chargé des comptes publics de cette question de calendrier.

revalorisation du livret a

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 672, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Mme Catherine Procaccia. Ma question porte sur la rémunération du livret A.

Le 15 juillet prochain, la Banque de France calculera le taux actualisé du livret A. Au regard de la formule réglementaire, une hausse semble probable.

Au total, notre pays dénombre 55 millions de détenteurs d’un livret A : c’est l’outil d’épargne préféré des Français et, dans le contexte actuel, une augmentation de taux serait l’une des rares mesures favorables à leur pouvoir d’achat. Pourtant, de nombreux acteurs se mobilisent pour obtenir un statu quo et éviter cette hausse.

Depuis de nombreuses années déjà, le taux du livret A ne suit plus l’inflation – le taux en vigueur résulte d’une dérogation en défaveur des épargnants. Maintenir le taux actuel reviendrait à leur faire supporter de nouveaux efforts sans prendre en considération ceux qu’ils ont déjà consentis.

M. le ministre de l’économie veillera-t-il, oui ou non, à protéger le pouvoir d’achat des ménages ? Saura-t-il résister aux pressions ? Bercy prendra-t-il ses responsabilités en augmentant, à partir du 1er août prochain, le taux du livret A ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de lartisanat et du tourisme. Madame la sénatrice Procaccia, le taux du livret A a été multiplié par six en un peu plus d’un an, passant de 0,5 % au début de 2022 à 3 % aujourd’hui.

Comme vous le savez, ce taux est très supérieur à celui des produits non réglementés. Par comparaison, en 2022, l’assurance vie en fonds euros a connu un rendement moyen de 2 %. Le taux moyen des livrets ordinaires, fixé librement par les établissements bancaires, s’élevait quant à lui à 0,5 % en mars 2023.

Comparés aux produits d’épargne réglementée des autres pays européens, les produits proposés aux Français présentent des taux particulièrement rémunérateurs, pour des volumes d’épargne inégalés en Europe.

Le livret A présente d’autres caractéristiques très favorables : sa liquidité est totale ; son capital est garanti par l’État, à l’instar de ses intérêts ; ces derniers sont exonérés d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux. De ce fait, vous l’avez rappelé vous-même, ce produit d’épargne est très populaire et très attractif pour les Français.

Pour les livrets A et les livrets de développement durable et solidaire (LDDS), la collecte nette a ainsi dépassé 25 milliards d’euros au premier trimestre de 2023. Pour la même période, en 2021 et 2022, la collecte s’élevait, en comparaison, à 15 milliards d’euros. Or il s’agissait déjà d’années de collecte historiques.

Notons aussi que la variation du taux du livret A a un impact sur d’autres acteurs que les épargnants, en particulier les bailleurs sociaux et les collectivités territoriales. Leur dette contractée auprès de la Caisse des dépôts et consignations est bien souvent indexée sur le taux du livret A. Augmenter ce taux revient donc à renchérir le coût de la dette de ces acteurs, qui font pourtant face à de très grands besoins d’investissement, notamment par le temps qui courent.

Il s’agit de déterminer une juste rémunération pour les épargnants tout en assurant aux acteurs de bonnes conditions de financement. Il conviendra d’apprécier la situation l’été prochain, pour fixer le taux du livret A à compter du 1er août 2023.

Enfin, je signale que les ménages aux revenus les plus modestes peuvent également recourir à un produit qui protège intégralement de l’inflation : le livret d’épargne populaire (LEP). Près de la moitié des Français sont éligibles à ce livret, dont le taux s’établit aujourd’hui à 6,1 %.

Le Gouvernement a mené plusieurs actions de simplification et de promotion pour que davantage de Français bénéficient de cette protection, et ses efforts portent leurs fruits : le nombre de LEP ouverts a atteint 9,6 millions en mars 2023, contre 6,9 millions à la fin de l’année 2021, et l’encours total a augmenté de 44 %.

Madame la sénatrice, j’espère que ces quelques éléments de réponse seront de nature à vous rassurer et je vous certifie que Bercy prendra ses responsabilités lors des choix de l’été prochain, à l’aune des éclairages que je vous ai apportés.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour la réplique.

Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, Bercy prendra ses responsabilités : dont acte !

En effet, le taux de rémunération du LEP correspond à peu près à celui de l’inflation ; mais ce n’est pas le cas du livret A, tant s’en faut. Or je me souviens d’un temps où le taux du livret A représentait bien plus que la moitié du taux de l’inflation.

Le livret A résulte d’un pacte entre différents acteurs, dont ceux du logement social, que vous évoquez. Ce secteur bénéficie certes de conditions privilégiées. Mais, quand on voit les taux d’emprunt proposés aujourd’hui aux ménages, le taux du livret A, même à 3 %, semble gravement insuffisant.

Si les Français ont recours à l’épargne de précaution, c’est parce qu’ils sont très inquiets de l’avenir. (Mme la ministre déléguée manifeste sa circonspection.)

financement de l’accélération du nucléaire par le livret a

M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, auteur de la question n° 470, transmise à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Daniel Breuiller. Madame la ministre, j’attire votre attention sur le financement de l’accélération du nucléaire par le livret A.

En vertu de l’article L. 518-2 du code monétaire et financier, « la Caisse des dépôts et consignations et ses filiales constituent un groupe public au service de l’intérêt général et du développement économique du pays ». À ce titre, la Caisse des dépôts « est chargée de la protection de l’épargne populaire, du financement du logement social et de la gestion d’organismes de retraite ». Placée « sous la surveillance et la garantie de l’autorité législative », « elle est organisée par décret en Conseil d’État, pris sur la proposition de la commission de surveillance ».

Le 9 février dernier, le journal Les Échos annonçait en exclusivité que le livret A était en lice pour financer les nouveaux réacteurs nucléaires en France. En novembre 2022, lors des débats consacrés dans cet hémicycle à l’accélération du nucléaire, cette hypothèse n’a pourtant jamais été évoquée…

Après les fusions des bailleurs sociaux à marche forcée, et compte tenu de la fragilité avérée des capacités d’investissements des offices d’HLM due à la hausse du taux du livret A, une telle décision serait un coup supplémentaire porté au logement social.

À la fin de l’année 2021, la Caisse des dépôts a affecté quelque 170 milliards d’euros au financement du logement social et de la politique de la ville. Ces crédits ont permis de construire et de réhabiliter plus de 160 000 logements sociaux.

« Le logement social, c’est la chance de notre pays » : ces propos sont d’Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement, et j’y souscris pleinement. Je sais aussi que de nombreuses familles sont encore et toujours à la recherche d’un logement décent. C’est la raison pour laquelle il me semble inconcevable d’amputer le financement du logement social pour payer plus de 52 milliards d’euros d’EPR.

Madame la ministre, votre gouvernement va-t-il financer l’accélération du nucléaire par le livret A ?