Mme le président. La parole est à M. Didier Marie, pour la réplique.
M. Didier Marie. Madame la secrétaire d’État, je souhaite simplement que la ville de Petit-Quevilly puisse faire l’objet d’un accompagnement dans le cadre des vingt-cinq quartiers qui restent à déterminer.
diagnostics de performance énergétique
Mme le président. La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 623, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement.
M. Hervé Maurey. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si nous comprenons et partageons l’objectif tendant à mettre fin aux passoires thermiques, de toute évidence, le diagnostic de performance énergétique (DPE), dans sa nouvelle version, pose problème.
Par manque de temps, je n’insisterai pas sur le fait que les résultats des diagnostics peuvent différer d’un professionnel à l’autre, pas plus que je ne mentionnerai le coût des travaux ou les difficultés pour obtenir, dans certains cas, l’accord des copropriétés. Je me contenterai ce matin d’évoquer la question des petites surfaces.
Il n’est pas admissible, madame la secrétaire d’État, qu’à isolation égale, la classification d’un bien diffère sensiblement selon sa taille.
C’est pourtant le cas puisque les petits logements ont des surfaces dites déperditives – essentiellement les murs – importantes par rapport à la surface habitable.
Ainsi, selon l’Observatoire national de la rénovation énergétique, 63 % des petites surfaces seraient classées E, F ou G, contre 39 % pour l’ensemble du parc.
Dans certains cas, les travaux préconisés sont non seulement onéreux, mais aussi et surtout techniquement irréalisables.
Que faire quand la seule proposition d’un diagnostiqueur est la pose d’une pompe à chaleur au troisième étage d’un studio en centre-ville ? C’est tout simplement impossible pour des questions d’urbanisme, d’esthétique et de nuisances notamment sonores…
Ma question est très simple : que comptez-vous faire pour remédier à cette situation qui aggrave une crise du logement déjà problématique ? Ne faudrait-il pas donner suite à la proposition de la fédération des diagnostiqueurs, qui préconise la mise en place de coefficients de pondération ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Monsieur le sénateur Maurey, le DPE est un outil majeur de la politique de rénovation énergétique des bâtiments, et plusieurs mesures importantes lui sont adossées visant, notamment, les passoires énergétiques : gel des loyers, interdiction de mise en location selon un calendrier progressif, obligation d’audit énergétique lors de la vente.
À partir de 2024, certaines aides à la rénovation énergétique seront de manière plus systématique associées à une mesure initiale de la performance du logement par un DPE.
La réforme du DPE de 2021 a permis de le fiabiliser. Désormais, le DPE s’appuie uniquement sur les caractéristiques physiques du logement. Il ne recourt qu’à des données d’entrée disposant de justificatifs. Cette refonte apportant plus de fiabilité méthodologique a été accompagnée dès l’été 2022 par une feuille de route ministérielle visant, notamment, à améliorer la qualité de réalisation des DPE.
Un arrêté sera publié l’été prochain pour renforcer les obligations de formation des diagnostiqueurs à partir de 2024, ainsi que les contrôles qui s’exercent sur eux.
Les recommandations de travaux incluses dans le DPE peuvent être complétées par la réalisation d’un audit énergétique, obligatoire depuis le 1er avril dernier pour la vente de logements classés F ou G en monopropriété, dont les scénarios de travaux sont détaillés et tiennent compte des spécificités du bâti afin d’atteindre la classe B.
S’agissant des logements soumis à des contraintes architecturales et patrimoniales, leur spécificité est reconnue. Bien évidemment, certains travaux ne pourront être réalisés. Leur performance énergétique peut néanmoins, dans la plupart des cas, être fortement améliorée.
Mme le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour la réplique.
M. Hervé Maurey. Madame la secrétaire d’État, je vous demandais s’il était normal que, à isolation égale, les diagnostics soient différents selon la taille du bien. Ma deuxième interrogation, qui découlait de la première, était : que comptez-vous faire pour remédier à cette situation ? La petite fiche que vous nous avez lue ne contenait aucune réponse. J’espère donc une réponse écrite par courrier.
assiette de la taxe gemapi
Mme le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, auteur de la question n° 595, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
M. Laurent Burgoa. Madame la secrétaire d’État, depuis 2018, la disposition législative attribuant la compétence « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations » (Gemapi) aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) est entrée en vigueur.
Accompagnant cette mesure et compte tenu de l’ampleur des investissements que nécessite pour certains territoires une gestion assumée de cette compétence, le législateur, à l’article 1530 bis du code général des impôts, a ouvert aux EPCI la possibilité de disposer d’une ressource financière fléchée, appelée taxe Gemapi ou aquataxe.
La taxe Gemapi fait partie de la liste des taxes spéciales d’équipement (TSE). Ces dernières sont prélevées sur les entreprises et les propriétaires.
Si la collectivité choisit de l’instaurer, la taxe vient ainsi s’ajouter aux taxes locales. Son assiette se répartit alors entre la taxe d’habitation, les taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, mais aussi la cotisation foncière des entreprises. Le taux d’imposition de la taxe Gemapi, appliqué sur chacune de ces taxes, est défini à partir des recettes fiscales de ces dernières en année n–1.
La taxe d’habitation étant totalement supprimée à compter de 2023, le poids de la taxe Gemapi, dont l’EPCI – il convient de le préciser – ne vote que le volume du produit et non les taux, ne reposera à partir de l’année 2024 que sur les seuls propriétaires.
Cette situation est particulièrement inique, puisque l’objet même de cette taxe est de financer les investissements visant à protéger les personnes et leurs biens, c’est-à-dire toutes les personnes, qu’elles soient propriétaires ou locataires, et tous leurs biens, qu’ils soient immobiliers ou mobiliers.
Madame secrétaire d’État, le Gouvernement a-t-il prévu, à l’instar de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (Teom), la possibilité d’une récupération de cette taxe par le propriétaire auprès du locataire ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Monsieur le sénateur Burgoa, comme vous le savez, la taxe Gemapi est une taxe additionnelle aux quatre taxes directes locales, perçue exclusivement au profit des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui exercent la compétence Gemapi.
Le produit de la taxe est réparti entre toutes les personnes physiques ou morales assujetties aux taxes foncières, à la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et à la cotisation foncière des entreprises (CFE), proportionnellement aux recettes que chacune de ces taxes a procurées l’année précédente sur le territoire de l’EPCI.
Ainsi, la taxe n’est pas uniquement supportée par les propriétaires, mais elle est également supportée par les contribuables redevables de la CFE et de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l’habitation principale. Les entreprises contribuent donc au paiement de cet impôt.
Par ailleurs, l’État a déjà compensé les différentes réformes fiscales pour éviter que la répartition issue de ces réformes ne soit supportée par les contribuables.
Enfin, l’article 23 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, qui prévoit la récupération des charges locatives, serait difficilement applicable à la Gemapi.
En effet, cet article permet au bailleur d’exiger le remboursement des dépenses exposées en contrepartie des services rendus liés à l’usage du logement, des dépenses d’entretien courant, des menues réparations et des impositions correspondant à des services dont le locataire profite directement.
La Gemapi ne se rattacherait à aucune de ces catégories de dépenses et une disposition spécifique devrait prévoir sa récupération, ce qui risquerait d’ouvrir le champ à des demandes reconventionnelles.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement n’envisage pas la possibilité d’une récupération, par le propriétaire, de cette taxe auprès du locataire.
Mme le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour la réplique.
M. Laurent Burgoa. Il est bien dommage de ne pas réfléchir à cette possibilité. Dans les départements du Sud, les inondations sont fréquentes. Il est regrettable de faire peser cette taxe uniquement sur les propriétaires, car les locataires sont également concernés. La lutte contre les inondations est une priorité pour tous.
fonds vert et augmentation de l’enveloppe dédiée à la guyane
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth, auteure de la question n° 687, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Le Gouvernement a décidé de mettre en œuvre l’engagement de la Première ministre relatif au fonds vert, dispositif inédit visant à accélérer la transition écologique dans les territoires.
Je ne peux que saluer cet effort qui s’élève à 2 milliards d’euros.
Pour autant, je me permets d’émettre des réserves quant aux modalités de répartition de ce fonds. Je rappelle que les clés de répartition retenues sont la démographie et les besoins de chaque territoire. Arrêtons-nous un instant sur ces deux critères.
Envisageons d’abord les besoins. Personne ne peut ignorer les enjeux guyanais en matière de transition écologique. L’urgence est omniprésente. J’en veux pour preuve le nombre important de dossiers déposés auprès de la préfecture. Les demandes ont largement dépassé l’enveloppe de 9 millions d’euros allouée à la Guyane.
Parlons maintenant de l’autre critère : la démographie. Dans son ensemble, la classe politique guyanaise est convaincue que les chiffres du recensement sont insincères. Pourtant, ces mêmes chiffres sont employés pour calculer la dotation globale de fonctionnement pour les collectivités et, dans le cas particulier qui nous concerne aujourd’hui, le fonds vert.
Il y a ce sentiment d’injustice qui perdure. La Guyane, on sait très bien la citer et la situer quand il s’agit d’évoquer la richesse de sa biodiversité. Pourtant, la Guyane figure, une fois de plus, parmi les territoires les moins bien dotés. Bien que ce fonds vert soit globalement fongible avec d’autres aides, mon territoire ne sera jamais suffisamment avantagé pour faire face aux enjeux liés à l’accélération de la transition écologique.
Je peux vous assurer que ma volonté n’est nullement d’exiger que Pierre soit déshabillé au profit de Paul. Mais il serait opportun que d’autres critères, comme l’étendue du territoire, figurent parmi les clés de répartition.
Madame la secrétaire d’État, comment l’État entend-il introduire plus d’équité dans les répartitions du fonds vert à l’avenir ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Madame la sénatrice Phinera-Horth, vous avez interrogé M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Ne pouvant être présent, il m’a chargée de vous répondre.
Le fonds vert, annoncé en août 2022 par la Première ministre, a pour ambition d’accompagner les collectivités dans leurs projets en lien avec la transition écologique des territoires. Il est doté de 2 milliards d’euros et répond à un triple objectif : renforcer la performance environnementale, adapter les territoires au changement climatique, améliorer le cadre de vie.
Le déploiement du fonds vert repose sur une répartition des crédits entre régions afin de répondre aux enjeux spécifiques des territoires. La Guyane a en effet reçu une enveloppe de 9 millions d’euros, qui permettra de mettre en œuvre divers projets au service de la transition écologique.
Comme dans la plupart des autres régions, l’aide demandée au titre du fonds vert excède l’enveloppe déléguée. Ce constat reflète la forte demande des collectivités et leur volonté de participer à l’effort collectif qu’exige la transition écologique.
Si la demande de financement globale à l’échelon national se situe à hauteur de 24 % du montant total des projets, les territoires ultramarins observent les taux de financement les plus élevés. En Guyane, l’aide atteint ainsi 56 % pour les dossiers acceptés.
Sur l’ensemble des 270 dossiers déposés dans les départements et régions français d’outre-mer (Drom) et dans les collectivités d’outre-mer (COM), 40 concernent la Guyane. À ce stade du déploiement, 7 dossiers ont été acceptés en Guyane sur la plateforme « Démarches simplifiées » pour un total de 2 millions d’euros de subventions attribuées. Ces projets concernent la prévention des risques d’inondation, l’adaptation au recul du trait de côte ou le tri et la valorisation des biodéchets.
L’exercice 2023 a constitué la première année du déploiement du fonds vert, et l’intégralité des crédits devrait être engagée d’ici à la fin de l’année pour soutenir un grand nombre de projets, en métropole et dans les territoires ultramarins.
La Première ministre a annoncé que les 2 milliards d’euros consacrés à ce fonds seront reconduits l’année prochaine. Il s’agit d’ores et déjà d’une bonne nouvelle pour les territoires.
demande de suspension de l’arrêté préfectoral visant l’expulsion des travailleuses du sexe dans le viie arrondissement de lyon
Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, auteure de la question n° 720, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, le 3 mai dernier, en vue de la Coupe du monde de rugby, la préfète du Rhône publiait un arrêté visant à expulser les camionnettes dans lesquelles des femmes exercent une activité prostitutionnelle dans le VIIe arrondissement de Lyon.
Initialement circonscrit aux abords du stade lors des pourparlers, le périmètre a été élargi à tout l’arrondissement et concerne désormais des centaines de personnes qui se retrouvent dans une extrême précarité, malgré les tentatives de négociation et les propositions de solutions de remplacement.
Pour la majorité de ces femmes, il s’agit non pas de simples camionnettes, mais de leur logement. Dans la journée, elles y dorment, car elles travaillent de nuit. Une mise en fourrière de ces véhicules, outre son coût important, signifie une mise à la rue sans aucune solution d’hébergement alternative.
Du fait des multiples expulsions, les associations se trouvent entravées dans leur action pour l’accès aux soins de ces personnes et elles comptent déjà de nombreuses sorties de parcours de soins. Ces expulsions éloignent les personnes des associations, accroissent leurs vulnérabilités et leur insécurité, et les exposent à plus de violences et de risques.
La santé des femmes et leur sécurité étant ainsi en jeu, ma question est double. Quelles solutions existe-t-il pour la sécurité de ces personnes si elles se retrouvent soudainement sans camions et donc sans domicile ? Pouvez-vous, monsieur le ministre, suspendre cet arrêté préfectoral afin que de nouvelles négociations avec les parties prenantes s’engagent pour garantir, « en même temps », la tranquillité des riverains et le bon déroulement de la Coupe du monde, tout en protégeant la sécurité et les conditions de vie des personnes concernées, sans rupture du lien avec les associations qui les accompagnent ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la sénatrice, je vous répondrai à la place du ministre de l’intérieur.
Les abords du stade sont touchés, depuis plusieurs mois, par l’augmentation des faits de violences, notamment à l’encontre des personnes se livrant à la prostitution.
Face à ces troubles, un arrêté municipal réglementant le stationnement sur certaines portions et voies du quartier de Gerland a été pris, sans succès.
Dans ce contexte, et en vue du public attendu dans les semaines et mois à venir, l’autorité préfectorale était fondée à prévenir ces troubles graves à l’ordre public dans un périmètre restreint, soit dans une vingtaine de rues seulement autour du stade de Gerland, et non sur l’ensemble de l’arrondissement.
La mise en œuvre de cet arrêté, qui se borne à interdire le stationnement des véhicules dans lesquels s’exerce une activité de prostitution, n’a pas pour vocation d’expulser ces femmes ni de saisir leurs véhicules ; il leur appartient seulement de respecter l’arrêté et de ne pas stationner dans le périmètre interdit.
Le travail de prévention et d’accompagnement social, sanitaire, juridique et d’insertion professionnelle de ces femmes demeure une priorité, et est entrepris au quotidien par l’État, avec l’appui des associations locales.
La commission départementale de lutte contre la prostitution et le proxénétisme, instituée en 2016 et exerçant auprès du préfet de département, met en œuvre la prévention et l’accompagnement de ce public. C’est sa mission prioritaire.
Des résultats ont d’ores et déjà été obtenus dans le département du Rhône : sur un total de 52 dossiers suivis entre décembre 2018 et septembre 2022, avec l’appui de deux associations agréées par l’État – l’Amicale du Nid 69 et le Mouvement du Nid 69 –, 42 personnes ont pu être accompagnées vers un parcours de sortie de la prostitution, ce qui reste notre objectif.
Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour la réplique.
Mme Raymonde Poncet Monge. Nous sommes, paraît-il, dans les cent jours d’apaisement de la société. Notre demande est simple. Il ne s’agit pas de supprimer cet arrêté, mais de le suspendre. Les associations que vous avez citées, mais aussi bien d’autres encore, demandent la reprise des négociations, d’autant qu’un certain nombre de propositions ont déjà été faites.
absence de dialogue avec les maires des alpes-maritimes sur la réquisition d’équipements publics et privés pour les mineurs non accompagnés
Mme le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, auteur de la question n° 730, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Philippe Tabarot. Monsieur le ministre, l’immigration clandestine est incontrôlée. L’État n’arrive pas à juguler cette pression illégale.
Mon département des Alpes-Maritimes, que représente aussi la sénatrice Patricia Demas, en est tout un symbole : 40 000 migrants clandestins ont été interpellés sur toute l’année 2022 à la frontière italienne, selon le préfet.
Cette défaillance ne se limite pas seulement à une absence de contrôle, elle porte également sur l’explosion du nombre de jeunes clandestins, dits mineurs non accompagnés (MNA).
Le président du département, les parlementaires, les maires ne cessent de lancer un cri d’alarme face à cette accélération inquiétante.
Plus de 5 000 de ces mineurs sont entrés dans notre pays, dont 2 000 dans les seules Alpes-Maritimes. Les structures sont débordées par cette saturation qui dépasse largement la mission de protection de l’enfance, malgré des efforts importants du département de l’ordre de 20 millions d’euros. Je peux en témoigner, puisque j’ai été président du foyer de l’enfance.
Symbole supplémentaire de cette embolie, le préfet des Alpes-Maritimes ne cesse de prendre des arrêtés de réquisition à répétition d’équipements tantôt privés, comme un hôtel à Antibes, à Châteauneuf-de-Grasse ou encore à Biot, tantôt publics, comme un gymnase à Menton.
Ces réquisitions sont réalisées à marche forcée, sans aucune concertation ni aucun échange avec les maires, qui sont clairement mis devant le fait accompli.
L’État ne peut multiplier ces réquisitions et faire peser sur les maires le poids de ses propres carences sur les territoires.
Au-delà du fait qu’il devrait revenir à l’État d’assumer pleinement cet accueil, comme nous le suggérons au Sénat, quand allez-vous cesser ces réquisitions ? Les maires, spectateurs malgré eux, sont clairement débordés par ces décisions qu’on leur impose !
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur Tabarot, la pression migratoire à la frontière franco-italienne des Alpes-Maritimes est très forte depuis plusieurs mois. Elle a été multipliée par quatre depuis le 1er janvier 2023 par rapport à la même période de 2022. Or il se trouve que Nice est à la frontière italienne.
Le dispositif de mise à l’abri géré par le conseil départemental est soumis à de très fortes tensions.
Des capacités nouvelles ont été mobilisées par le conseil départemental – plus de 700 mineurs non accompagnés sont pris en charge actuellement – grâce à des conventions passées avec les gestionnaires de structures d’accueil : hôtels, centres de vacances notamment. Je remercie le conseil départemental des Alpes-Maritimes de l’effort indéniable qu’ils consentent.
Le parquet de Nice a également mobilisé des ressources nouvelles afin d’accélérer la prise des ordonnances de placement de façon à réorienter des mineurs vers d’autres départements. En dépit de cela, le dispositif d’accueil peut être occasionnellement saturé, comme c’est aujourd’hui le cas.
C’est dans ce cadre, mais à deux reprises seulement depuis le début de l’année 2023, que le préfet des Alpes-Maritimes, à la demande du président du conseil départemental, a réquisitionné deux structures afin de permettre la prise en charge des mineurs.
Une résidence hôtelière d’Antibes a ainsi été mise à disposition pendant un mois en mars et un gymnase a été mobilisé à Menton pendant huit jours en avril.
Dans les deux cas, les maires des communes concernées ont été préalablement informés par le préfet des raisons pour lesquelles ces réquisitions avaient dû être prises, à la demande du conseil départemental. La coopération entre le conseil départemental, le préfet et les maires me semble de bon aloi. Elle fonctionne correctement.
Nous recherchons activement aujourd’hui toutes les solutions utiles à l’exercice par la collectivité départementale de la mission d’aide sociale à l’enfance que lui confère la loi, dans l’esprit d’échange et de dialogue qui prévaut déjà dans les Alpes-Maritimes.
Mme le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour la réplique.
M. Philippe Tabarot. Monsieur le ministre, la situation est bien plus préoccupante que vous ne l’admettez. Les maires sont beaucoup plus sollicités que vous ne voulez bien le reconnaître. Vous devez cesser cette politique migratoire, faite surtout par procuration sur le dos des maires.
situation problématique de la maison d’arrêt de saint-brieuc
Mme le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, auteure de la question n° 604, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Annie Le Houerou. Monsieur le ministre, par courriers du 27 juillet 2021 et du 5 août 2022, restés sans réponse, j’ai alerté le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation préoccupante de la maison d’arrêt de Saint-Brieuc.
J’ai rédigé ces courriers à la suite de visites de l’établissement. Sa capacité d’accueil est de 85 places alors qu’il compte aujourd’hui 147 détenus, parfois plus, soit un taux d’occupation de plus de 170 % !
Dans un rapport de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, rendu public le 18 juillet 2022, le constat est clair : la maison d’arrêt de Saint-Brieuc est l’une des plus surpeuplées de France.
Ce même rapport fait état également de l’« indignité » des conditions de détention : infiltrations d’eau, moisissures, trous dans les murs, mobilier détérioré ou manquant, absence d’intimité dans les WC ouverts sur les cellules à trois lits superposés, état d’hygiène déplorable des sols et des lits, manque d’espace pour les gestes du quotidien. En d’autres termes, la maison d’arrêt de Saint-Brieuc est vétuste.
J’ai pu de nouveau le constater en visitant l’établissement le 19 avril dernier. La maison d’arrêt nécessite des travaux de rénovation importants. Ils ont été rendus encore plus urgents à la suite de l’incendie survenu dans la nuit du 24 au 25 mai dernier.
Il est impératif de garantir une hygiène correcte et de bonnes conditions de restauration pour les détenus, mais aussi pour le personnel.
Une rénovation d’ampleur paraît nécessaire, voire une reconstruction sur un autre site, comme l’a souligné le maire de Saint-Brieuc, Hervé Guihard : « Le territoire briochin est disposé à faire émerger un lieu qui puisse accueillir un nouvel équipement pénitentiaire. »
Dans l’attente, une régulation des entrées en lien avec l’autorité judiciaire serait nécessaire pour éviter une surpopulation : quatre détenus dans onze mètres carrés, cela relève de l’indignité !
Les conditions de travail sont donc particulièrement difficiles pour le personnel de surveillance.
Monsieur le ministre, quel est votre projet pour la maison d’arrêt de Saint-Brieuc en termes immobilier et, dans l’attente, pour réguler les entrées et assurer un accueil digne ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la sénatrice Le Houerou, cette question permet de réaffirmer le projet que porte mon collègue garde des sceaux pour une meilleure efficacité de la réponse pénale, de meilleures conditions de travail pour les agents pénitentiaires et des conditions de détention plus dignes.
C’est l’objectif premier du plan immobilier pénitentiaire de construction de 15 000 places de prison, annoncé dès 2018 par le Président de la République. Le programme se développe, comme j’ai pu moi-même le constater la semaine dernière en Nouvelle-Calédonie.
La construction d’un centre pénitentiaire à Vannes dans le cadre de ce programme permettra une meilleure prise en charge de la population pénale au sein de ces territoires.
En outre, les services de l’administration pénitentiaire ont bien conscience des conditions de détention à la maison d’arrêt de Saint-Brieuc.
La direction interrégionale des services pénitentiaires de Rennes met tout en œuvre, croyez-le, pour désencombrer l’établissement, notamment en orientant les personnes détenues vers d’autres établissements pénitentiaires moins surpeuplés.
Par ailleurs, les services de l’administration pénitentiaire travaillent étroitement avec le parquet près le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc afin de remédier à la situation de cette structure. Les chiffres sont un peu plus impressionnants que ceux que vous citez, puisque, au 1er juin 2023, le taux d’occupation de la structure était de 193 %, soit 164 personnes détenues pour 85 places.
De plus, la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a créé la libération sous contrainte. Il s’agit d’une des voies de solution à court terme.
Cette modalité d’exécution des peines, qui permet aux personnes détenues en toute fin de peine de bénéficier d’un contrôle accru ainsi que d’une prise en charge par le service pénitentiaire d’insertion et de probation en milieu ouvert, est pleinement mise en œuvre par l’autorité judiciaire dans cet établissement afin de réduire le risque de récidive et de réguler les effectifs de la structure.
Telles sont les dispositions mises en œuvre dans l’attente de la construction d’une nouvelle prison.